👁🗨 La séquestration d'enfants palestiniens, une pratique israélienne de longue date
La privation de liberté d'humanité, de dignité à des fins de contrôle est un concept ancien de l’histoire de l'apartheid colonialiste. Israël, avec les enfants palestiniens ne déroge pas à la règle.
👁🗨 La séquestration d'enfants palestiniens, une pratique israélienne de longue date
Par Yumna Patel, le 30 novembre 2023
Israël a une longue tradition de séquestration d'enfants palestiniens, les maltraitant et les traumatisant au long du processus. Cette incarcération massive d'enfants vivant sous l'occupation se résume à une chose : le contrôle, et la privation de liberté.
Ces derniers jours, des dizaines de femmes et d'enfants palestiniens ont été libérés des prisons israéliennes dans le cadre de l'accord d'échange d'otages conclu entre Israël et le Hamas.
Depuis jeudi, 180 femmes et enfants palestiniens ont été libérés des prisons israéliennes en échange de 99 otages femmes et enfants israéliens, ainsi que de ressortissants étrangers, pour la plupart des travailleurs thaïlandais, libérés de leur captivité à Gaza.
Au fur et à mesure que les images d'enfants palestiniens, pour la plupart de jeunes adolescents, pleurant et serrant leur mère dans leurs bras après leur libération des prisons israéliennes se multiplient, de plus en plus de gens se demandent pourquoi, en premier lieu, Israël a détenu autant d'enfants.
Aujourd’hui, certains groupes de défense des droits estiment que quelque 8 000 Palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes. Mais ce chiffre augmente chaque jour, car Israël continue de mener des campagnes d'arrestations massives en Cisjordanie et à Jérusalem. Au moment même où Israël libérait des prisonniers palestiniens, les groupes de défense des droits des Palestiniens estiment que les forces israéliennes ont arrêté et emprisonné près de 300 Palestiniens, soit près du double du nombre de prisonniers libérés dans le cadre de l'échange.
Parmi les milliers détenus dans les prisons et les centres de détention israéliens, on estime qu'avant l'échange d'otages, il y avait environ 80 femmes et au moins 250 enfants dans les prisons israéliennes.
Les groupes de défense des droits ont déclaré à Mondoweiss que les nombreux chiffres rapportés au cours des dernières semaines ne sont des estimations, le nombre croissant et massif de détentions et d'arrestations n’étant pas tous documentés.
Après l'échange d'otages et la libération de dizaines d'enfants palestiniens, on ne sait pas exactement combien d'enfants restent en captivité en Israël.
Alors, pourquoi Israël emprisonne-t-il des centaines d'enfants palestiniens ?
Arrestation et interrogatoire : abus, coercition et torture généralisés
Chaque année, des centaines d'enfants palestiniens sont arrêtés par les forces israéliennes. Selon Defense for Children International - Palestine [DCIP], on estime que 500 à 700 enfants palestiniens sont arrêtés chaque année par l'armée israélienne.
Bien que ces détentions soient communément appelées “arrestations”, ce qui implique une autorité légale ou une suspicion d'activité criminelle, il faut avant tout savoir que les enfants sont arrêtés, inculpés et poursuivis dans le cadre d'un système militaire - une occupation militaire condamnée internationalement en tant qu’occupant illégal.
En vertu du cadre juridique militaire israélien, tout soldat ou officier de police peut procéder à une arrestation sans mandat, même d'un enfant. En fait, selon la DCIP, la plupart des enfants palestiniens sont arrêtés sur la base de simples soupçons, sans mandat d'arrêt.
La plupart des enfants, environ 55% de tous les enfants détenus, sont enlevés à leur domicile en pleine nuit par des soldats israéliens masqués et armés et par des agents de la police des frontières. Ces enfants sont arrachés à leur famille, les yeux bandés, ligotés, battus et emmenés dans des centres d'interrogatoire israéliens.
Selon la DCIP, lorsque les enfants palestiniens arrivent dans les centres d'interrogatoire, 80 % d'entre eux sont déshabillés et fouillés par un soldat israélien adulte. Ils sont ensuite soumis à des interrogatoires qui peuvent durer des jours et qui, dans la plupart des cas, sont menés sans la présence d'un parent ou d'un avocat.
66 % des enfants ne sont pas informés de leurs droits lors des arrestations et interrogatoires, tandis qu'environ 25 % des enfants sont mis sous pression pour obtenir des aveux.
Environ un enfant palestinien détenu sur quatre est également placé à l'isolement à titre coercitif. D'autres sont battus, privés de sommeil et soumis à d'autres formes de torture physique et psychologique.
En ce qui concerne la politique d'isolement cellulaire, la DCIP a déclaré que les forces israéliennes y ont recours avec des enfants, principalement en détention provisoire, dans le but de leur extorquer des aveux.
“Les preuves et les documents recueillis par le DCIP indiquent de manière indubitable que l'isolement des enfants palestiniens dans le système de détention militaire israélien est pratiqué dans le seul but d'obtenir des aveux pour un délit spécifique ou de recueillir des renseignements lors de l'interrogatoire”, a déclaré le DCIP dans un rapport.
Le groupe a ajouté qu'il n'avait trouvé
“aucune preuve démontrant une utilisation légalement justifiable de l'isolement des enfants palestiniens détenus, des raisons disciplinaires, de protection ou médicales. L'isolement a été pratiqué, presque exclusivement, au cours de la détention avant inculpation et de la détention provisoire”.
Après avoir été torturés et interrogés, la majorité des enfants palestiniens détenus se voient montrer ou forcer à signer des documents en hébreu, une langue que la plupart des enfants palestiniens ne comprennent pas. Dans de nombreux cas, après avoir subi des violences physiques et psychologiques, les enfants sont contraints aux faux aveux.
Alors que les pratiques énumérées ci-dessus sont documentées depuis longtemps par les groupes de défense des droits, Addameer affirme que depuis le 7 octobre, ces pratiques se sont accélérées et l'on estime à 200 le nombre d'enfants arrêtés depuis cette date.
“On interdit aux enfants toute visite et communication avec le monde extérieur. En outre, ils sont privés de la possibilité de préparer leur propre nourriture et ne reçoivent qu’insuffisament à mangerdans le cadre d'une politique délibérée de privation de nourriture... Les enfants sont également soumis à des agressions physiques et à des coups dans les prisons” a déclaré Addameer dans un rapport sur les conditions de détention des enfants depuis le 7 octobre.
Une autre politique a vu le jour depuis le 7 octobre ? Les forces israéliennes prennent en otage des enfants palestiniens “pour faire pression sur leurs parents afin qu'ils se rendent aux forces d'occupation dans le cadre des campagnes d'arrestation en cours”.
Inculpés et jugés par des “tribunaux fantoches”
Après leur arrestation et leur détention, des enfants palestiniens âgés d'à peine 12 ans sont généralement maintenus en détention préventive sur de longues périodes dans l'attente de leur procès et de leur condamnation.
Les enfants palestiniens sont poursuivis, jugés et condamnés par des tribunaux militaires israéliens, par des procureurs et des juges militaires - ces mêmes militaires qui occupent illégalement le territoire palestinien. À titre de référence, les colons israéliens vivant illégalement en Cisjordanie sont régis par le droit civil et pénal israélien et sont jugés par des tribunaux civils israéliens.
Dans le traitement réservé aux enfants palestiniens, Israël est unique : c'est le seul pays au monde qui poursuit des mineurs devant des tribunaux militaires. Les tribunaux militaires israéliens ont un taux de condamnation de plus de 99 % et ont été considérés par les groupes de défense des droits comme des “tribunaux fantoches”.
Dans le système judiciaire militaire israélien, l'un des chefs d'accusation les plus courants contre les enfants palestiniens est le jet de pierres. Les enfants palestiniens qui lancent des pierres sur les forces militaires israéliennes ou les colons peuvent être emprisonnés pour une durée allant de quelques mois à 20 ans.
Tous les enfants palestiniens emmenés en captivité par Israël ne sont pas jugés, ni même accusés d'un crime.
Dans le cadre de sa politique de détention administrative, largement pratiquée, Israël emprisonne des milliers de Palestiniens, y compris des enfants, pour une durée indéterminée, sans jamais les accuser d'un crime ou les faire passer en jugement.
On estime qu'avant l'échange d'otages qui a commencé le week-end dernier, plus de deux douzaines d'enfants palestiniens détenus dans les prisons israéliennes étaient en détention administrative.
La majorité des prisonniers libérés n'a pas été inculpée
Alors que des dizaines d'enfants ont été libérés des geôles israéliennes au cours de la semaine de trêve, de nouvelles informations ont été recueillies sur les enfants prisonniers récemment relâchés.
Outre les nombreux témoignages de détenus palestiniens libérés faisant état de tortures, d'abus physiques et psychologiques, et de privations de sommeil et de nourriture dans les prisons israéliennes, il a été rapporté qu'une majorité des prisonniers libérés n'est inculpée d’aucun crime.
Selon un article de The Intercept, l'analyse des données fournies par l'administration pénitentiaire israélienne (IPS) montre que parmi les prisonniers palestiniens qu'Israël a proposé de libérer dans le cadre de l'accord d'échange, 233 sur 300 n'ont pas été reconnus coupables d'un quelconque crime et ont simplement été classés dans la catégorie “en état d'arrestation”.
Selon Al Jazeera, le plus jeune détenu administratif figurant sur la liste de libération d'Israël était un enfant de 14 ans.
Les groupes de défense des droits estiment qu'à la fin du mois de novembre, il y avait environ 2 300 détenus administratifs dans les prisons israéliennes, la majorité d'entre eux ayant été arrêtés après le 7 octobre.
Alors, pourquoi cibler les enfants ?
Même avec la documentation accablante des abus et violations des droits perpétrés par Israël à l'encontre des enfants et sachant qu’ils sont soumis à un système militaire éprouvant sans jamais être accusés d'un crime, pour beaucoup, la question principale demeure : pourquoi ?
Bien qu'il emprisonne des dizaines et des dizaines d'enfants sans inculpation, Israël maintient qu'il emprisonne des “terroristes” et des “criminels”. En réalité, l'incarcération et la détention massives d'enfants s'expliquent par une seule chose : le contrôle. Pour reprendre les termes de la DCIP, il s'agit d'une “privation arbitraire de liberté”.
L'une des meilleures tactiques de l'occupation israélienne pour soumettre les Palestiniens est la privation de leurs droits et libertés fondamentaux - ici par des arrestations et des incarcérations massives.
Sous l'occupation, chaque aspect de la vie des Palestiniens est contrôlé par Israël. Qu'il s'agisse de l'endroit où l'on vit ou des libertés civiles fondamentales. Les enfants palestiniens grandissent dans un système où ils sont quotidiennement témoins d'arrestations, de meurtres et de punitions collectives ciblant leur famille, leurs amis et leur communauté.
Lorsqu'un enfant grandit en sachant que jeter une pierre, aller à une manifestation, devenir politiquement actif ou même hisser un drapeau palestinien peut le mener en prison ou, pire, le faire tuer, il va y réfléchir à deux fois avant d'oser s'opposer à la brutalité de l'occupation et au régime d'apartheid qui le contrôle.
Si la menace effective d'une arrestation n'atteint pas son objectif de soumission et de contrôle, alors peut-être que la déshumanisation accrue de l'emprisonnement y parviendra.
Lorsqu'ils quittent les prisons israéliennes, beaucoup d’enfants palestiniens abandonnent l'école et nombre d'entre eux retombent dans le schéma tragique de réincarcération alors que leur famille et leurs amis s'efforcent de rétablir les relations affectées pendant l'isolement de l'enfant. Ceux qui s'en sortent vivants sont confrontés à de nouveaux défis, notamment à une “pléthore de symptômes psychologiques tels que la dépression, l'anxiété, la difficulté à se concentrer, l'introversion ou un comportement agressif”.
La privation de liberté, d'humanité, de dignité et de droits civiques de la population comme méthode de contrôle n'est pas une nouveauté. Elle remonte à loin dans le contexte historique de l'apartheid et du colonialisme. Israël, avec les enfants palestiniens, ne déroge pas à la règle.
https://mondoweiss.net/2023/11/israel-has-a-long-history-of-taking-palestinian-children-captive/