👁🗨 La situation dans le nord de Gaza en quatre questions
Nous avons été effarés à Gaza par le degré de destruction, mais à Jabalia, nous ne pouvions plus parler. Il n'y a que des ruines & l’odeur de mort, car des corps sont encore piégés sous les décombres.

👁🗨 La situation dans le nord de Gaza en quatre questions
Par MSF, interview du 12 février 2025
Alors qu'un cessez-le-feu a été mis en œuvre le 19 janvier à Gaza, en Palestine, après 15 mois de guerre totale contre la population prise au piège, tous les composants de la société ont été détruits, rendant l’enclave quasiment inhabitable. Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) peuvent désormais se rendre dans le nord de la bande de Gaza, auparavant assiégé par les forces israéliennes, pour évaluer les besoins médicaux et humanitaires. La situation est épouvantable : il ne reste plus rien.
Nos collègues ne reconnaissent plus leur propre quartier, les hôpitaux ont été rasés et les gens s'installent dans les décombres de leur maison sans autre refuge pour affronter les conditions hivernales. Caroline Seguin, coordinatrice d'urgence de MSF, partage ses observations et des photos prises sur le terrain.

1. Quelle est la situation dans le nord de Gaza ?
Dans le gouvernorat du Nord, le niveau de destruction est total, c'est un paysage lunaire. Je n'ai jamais rien vu de tel de ma vie. Nos collègues palestiniens ne sont plus en mesure de reconnaître leurs propres quartiers, certains étaient en état de choc, d'autres se sont littéralement effondrés.
À Gaza, nous avons déjà été effarés par le niveau de destruction, mais lorsque nous sommes arrivés à Jabalia, au nord, nous ne pouvions plus dire un mot. Il ne reste plus rien. Rien que des ruines et une terrible odeur de mort, car des cadavres sont encore piégés sous les décombres.
2. Quel est l'état du système de santé ?
Il n'y a plus de système de santé dans la partie nord de la bande de Gaza. L'hôpital Kamal Adwan a été détruit et incendié, tandis que les hôpitaux Al Shifa, Al Awda et l'hôpital indonésien sont gravement endommagés et ne fonctionnent que partiellement. Nous avons été profondément choqués de constater que dans l'hôpital Indonésien, chaque appareil médical semble avoir été délibérément détruit : les appareils ont été brisés un par un pour s'assurer qu'aucun soin médical ne puisse plus être prodigué. Il faut s'interroger sur la motivation de tels actes. Ces machines sont conçues pour sauver des vies, celles de mères, de pères, d'enfants. Il est dévastateur de constater l'état de ces hôpitaux.
HÔPITAUX DÉTRUITS ET ENDOMMAGÉS DANS LE NORD DE GAZA






L'offre de soins médicaux est largement insuffisante par rapport aux besoins des centaines de milliers de personnes vivant dans la région. Ainsi, entre le gouvernorat du Nord et la ville de Gaza, on ne compte que six lits de soins intensifs pédiatriques, contre 150 avant la guerre, et le nombre de lits d'hôpitaux est passé de 2 000 à 350.
3. Les approvisionnements parviennent-ils au nord de Gaza ?
Le flux de matériel vital s'est amélioré depuis le cessez-le-feu, mais les besoins sont si grands que les gens manquent encore de produits de première nécessité. Dans cette zone, la pénurie de nourriture, d'eau, de tentes et de matériaux de construction reste critique. Les pénuries d'eau sont un véritable défi en raison des dégâts importants infligés aux infrastructures d'approvisionnement en eau et de leur inaccessibilité dans les zones tampons.
Nos équipes ont commencé à acheminer de l'eau par camion à Jabalia et Beit Hanoun et à réparer les puits endommagés, mais cette solution n'est que temporaire et ne suffit pas à répondre aux besoins massifs. À cause de la guerre, nous avons concentré nos activités dans le sud et il nous faut maintenant du temps pour redéployer nos équipes dans le nord.

Quatre semaines après la mise en œuvre du cessez-le-feu, nous ne constatons toujours pas d'augmentation massive du volume d'aide humanitaire nécessaire dans le nord de Gaza. La communauté humanitaire ne parvient pas à fournir des services vitaux à une population qui a désespérément besoin d'un soutien humanitaire et médical. Israël et les acteurs internationaux doivent de toute urgence assurer l'acheminement de ressources vitales telles que des abris et de quoi manger, et renforcer les réseaux de distribution.
4. Quelle est la réalité des habitants du nord de Gaza aujourd'hui ?
Les gens vivent dans des conditions épouvantables. Ils tentent de s'installer du mieux qu'ils peuvent dans les ruines de leurs maisons, mais c'est extrêmement dangereux. Avec l'hiver, ils doivent affronter des températures très basses, des pluies diluviennes et des vents violents, sans même un toit pour les abriter. Ils n'ont pas accès aux soins de santé, à un logement décent ou à l'eau.
Cependant, les conditions auxquelles ils ont dû faire face pendant les 15 mois de guerre, en étant déplacés et en vivant dans des tentes, étaient bien pires. Après ces épreuves, les gens ont besoin de retrouver leurs proches, et veulent rester, se reconstruire une vie. Beaucoup d'entre eux n'ont pas la moindre intention de partir. Il est indispensable d'assurer un acheminement cohérent et sécurisé de l'aide humanitaire pour ceux qui ont subi des traumatismes inimaginables.