👁🗨 La stupéfiante audace de l'attaque de drone du Yémen sur Tel-Aviv
La frappe du Yémen au coeur économique d'Israël a mis à mal la prétendue invulnérabilité de l'occupant. En outre, elle amorce la cinquième phase de la guerre d'Ansarallah : “Cibler Tel-Aviv”.
👁🗨 La stupéfiante audace de l'attaque de drone du Yémen sur Tel-Aviv
Par le correspondant militaire de The Cradle, le 24 juillet 2024
Le 19 juillet, un drone a pénétré à basse altitude l'espace aérien de Tel-Aviv depuis la mer et a explosé, faisant un mort et dix blessés.
L'incident a provoqué une onde de choc dans l'État d'occupation, avec une population paniquée et des décideurs politiques déconcertés par le “méga-échec” de l'armée israélienne, qui n'a pas réussi à intercepter un seul drone, alors que l'agression contre Gaza se prolonge et que les tensions avec le Hezbollah au Liban ne cessent de s'intensifier.
L'impact de l'attaque a été décuplé par la localisation de la cible, Tel-Aviv, au cœur du pouvoir gouvernemental et économique d'Israël, qui a mis en lumière les insuffisances de ses stratégies de défense, et alarmé une population qui, depuis des mois, s'interroge sur l'efficacité de son état de préparation militaire.
Les autorités yéménites de facto de Sanaa n'ont pas tardé à revendiquer l'attaque, la qualifiant de représailles aux massacres israéliens et menaçant d'en commettre d'autres.
Mais comment un drone yéménite a-t-il pu atteindre le cœur de la région la plus fortifiée d'Israël et porter ainsi un coup à la fierté militaire israélienne ?
Évolution tactique des drones suicides
Les drones suicides, comme on les appelle, sont des armes relativement modernes, qui constituent un défi de taille même pour des États technologiquement avancés comme les États-Unis et Israël. Ces drones varient en termes de portée, de taille de l'ogive, de vitesse et de méthodes de guidage.
L'analyse de l'épave a révélé que le drone “Yaffa”, une version améliorée des drones Sammad du Yémen, a été utilisé dans l'opération. Le nom est profondément symbolique puisqu'il fait référence à l'ancienne ville portuaire de Jaffa, également connue sous le nom de Yaffa en arabe, qui fait aujourd'hui partie de la ville moderne de Tel Aviv.
Il se distingue par la forme rectangulaire de ses ailes et sa queue en V, mais c'est surtout son moteur plus puissant de 275 cm3 (16 kW) qui le caractérise. Ce moteur permet au drone de parcourir des distances supérieures à 2000 kilomètres, à même d’atteindre Tel Aviv depuis le Yémen.
Contrairement aux missiles balistiques, la difficulté de repérer les drones réside dans leur capacité à emprunter des chemins non conventionnels, à manœuvrer le long de trajectoires sinueuses et à se cacher derrière des éléments du relief, les rendant ainsi difficilement détectables par les systèmes radars.
Ce problème de détection se pose quotidiennement dans le nord de la Palestine occupée, où les drones utilisés par les groupes de résistance libanais passent souvent inaperçus aux yeux de l'armée d'occupation, dont la visibilité est de plus en plus réduite.
En outre, les drones sont généralement conçus avec des matériaux légers tels que la fibre de verre, la fibre de carbone ou divers plastiques renforcés qui ne réfléchissent pas efficacement les ondes radar, élément crucial pour la détection et le suivi.
Leur faible vitesse réduit le besoin de composites métalliques nécessaires à la construction de matériel militaire conventionnel comme les missiles et les avions de chasse. Par conséquent, les drones peuvent être confondus avec des oiseaux par les systèmes radar. Cette confusion s'est régulièrement produite dans le nord de la Palestine occupée depuis le début de la guerre, le système de défense israélien du “Dôme de fer” ayant dépensé de manière ponctuelle sa réserve limitée de projectiles de 50 000 dollars en tirant sur des oiseaux au cours de ce conflit.
L'itinéraire de Yaffa vers Tel Aviv
Le drone suicide a probablement emprunté un chemin peu conventionnel pour échapper à la détection. Les précédentes tentatives yéménites ont été interceptées dans l'espace aérien du Sinaï égyptien, les États arabes alliés d'Israël tels que l'Arabie saoudite, la Jordanie et l'Égypte contribuant à ces efforts de détection et d'interception.
La nuit de l'attaque, cependant, aucun groupe de porte-avions américains ne se trouvait en mer Rouge, et le porte-avions le plus proche, l'USS Theodore Roosevelt, était positionné dans l'océan Indien. L'armée de l'air israélienne a suggéré que le drone pourrait avoir emprunté un itinéraire non traditionnel via l'Érythrée, le Soudan et l'Égypte, passant près du canal de Suez avant d'entrer dans la Méditerranée et de tourner à l'est en direction de Tel-Aviv.
Certains aspects de cet itinéraire semblent peu probables : la zone du canal de Suez est intensivement patrouillée par la défense aérienne égyptienne, qui y stationne sa 8e brigade, de sorte que l'annonce israélienne pourrait avoir été une tentative de pression sur l'Égypte.
Israël réplique en bombardant Hodeidah
Le 20 juillet, des avions israéliens ont lancé des frappes aériennes punitives sur le port yéménite assiégé de Hodeidah, ciblant spécifiquement les zones désignées pour le stockage du carburant et du pétrole, et détruisant les grues portuaires utilisées pour le chargement et le déchargement des cargaisons, ainsi qu'une centrale électrique.
Mais il s'agissait de cibles civiles dans un pays qui souffre déjà des effets du blocus de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, qui a provoqué de graves pénuries de carburant et de ressources essentielles pour la production d'électricité et les transports.
La frappe sur ces cibles spécifiques, qui a tué au moins six personnes et en a blessé des dizaines d'autres, semble servir principalement à créer des explosions importantes et des incendies colossaux, pour assurer le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de marquer des points à l'intérieur du pays.
Mais la riposte israélienne contre des cibles civiles révèle également que Tel-Aviv souffre d'un manque de renseignements sur les cibles militaires potentielles du Yémen. Il est également évident que les cibles sélectionnées sont celles que l'Arabie saoudite et les États-Unis se sont abstenus de frapper par crainte de représailles yéménites, qui pourraient s’en prendre aux ports commerciaux saoudiens ou aux exportations de pétrole dans l'un des passages énergétiques les plus vitaux du monde.
En effet, Riyad s'est empressé de nier toute implication dans l'assaut, craignant des représailles de la part de Sanaa, bien que des rapports indiquent que des avions israéliens ont bien pénétré l'espace aérien saoudien pour cette attaque.
Des images vidéo montrent qu'Israël a utilisé des chasseurs F-35 et F-15, ainsi que des avions-citernes Boeing 707, en raison de la distance à parcourir - plus de 4 000 kilomètres aller-retour. Les images diffusées par Israël suggèrent que les frappes ont été effectuées à l'aide de missiles guidés Spice, lancés depuis l'extérieur de la portée de la défense aérienne yéménite.
Certains de ces missiles sont équipés de boosters qui étendent leur portée jusqu'à 150 kilomètres, ce qui ne fait que mettre en évidence les limites opérationnelles israéliennes contre le Yémen dans un conflit plus large, dans lequel les défenses aériennes de Sanaa seront certainement activées contre les avions, les drones et les projectiles ennemis.
Les représailles du Yémen
Les responsables yéménites, dirigés par le chef d'Ansarallah Abdul Malik al-Houthi et le porte-parole des forces armées yéménites, le général de brigade Yahya Saree, ont rapidement annoncé leur décision de lancer des frappes de représailles contre Israël, dans lesquelles ils ont déclaré que Tel Aviv est désormais considérée comme une “zone à risque”, et ont averti que le Yémen était prêt à mener une “longue guerre” contre l'État d'occupation.
Étant donné que les infrastructures civiles vitales sont visées, plusieurs cibles israéliennes figurent sur la liste des cibles potentielles des Yéménites. Il s'agit notamment de réservoirs de carburant à Haïfa, clairement montrés sur des images vidéo prises par un drone du Hezbollah il y a plusieurs semaines, ainsi que de réservoirs de carburant à Ashkelon, et les centrales électriques adjacentes à ces réservoirs.
Ce qui préoccupe le plus les Israéliens, cependant, c'est que le Yémen pourrait viser des plates-formes gazières vitales en Méditerranée, des cibles fixes susceptibles de s'enflammer et d'exploser. Bien qu'il n'y ait actuellement que trois champs gaziers israéliens en activité - Karish, Tamar et Leviathan - ces champs sont devenus cruciaux pour l'indépendance énergétique d'Israël.
Sous-estimer la détermination de Sanaa
La terrible frappe israélienne sur le port de Hodeidah repose sur l'hypothèse avancée par Tel-Aviv qu'elle permettrait de dissuader les Yéménites de contre-attaquer. Mais le mouvement Ansarallah du Yémen, qui subit depuis des années les attaques militaires punitives de l'Arabie saoudite, des Émirats - et maintenant des États-Unis et du Royaume-Uni -, n'a montré aucun signe de vouloir mettre fin à ses opérations de soutien à Gaza.
Si les Israéliens ont sans doute jugé utile de procéder rapidement à une riposte militaire en frappant Hodeidah - le port a d'ailleurs déjà rouvert ses portes -, ils l'ont fait au détriment d'une évaluation logique des pertes et des gains. Déjà confronté à une défaite stratégique à Gaza et incapable de mettre à exécution ses menaces contre le Liban, Tel-Aviv a ouvert un nouveau front avec le Yémen, la composante la plus redoutable de l'Axe de résistance de l'Asie occidentale.
Les Israéliens sont entre le marteau et l'enclume, tentant désespérément de se raccrocher à de vieux scénarios de supériorité militaire régionale pour préserver la foi nationale dans le projet sioniste, tout en se montrant incapables de remporter des victoires où que ce soit.
Compte tenu de la détermination maintes fois affichée par le Yémen de ne reculer devant aucune escalade, on peut s'attendre à ce que l'attaque d'Hodeidah débouche sur une opération de représailles contre l'État d'occupation. Israël ne dispose d'ailleurs que d'une marge de manœuvre opérationnelle limitée en raison de problèmes liés à la distance géographique - tels que l'espace aérien et un accès permanent au ravitaillement en carburant -, rendant impossible une guerre contre le Yémen.
Des frappes plus sévères sur certains sites israéliens critiques risquent de pousser Israël à commettre davantage d'erreurs stratégiques, surtout à un moment où la surenchère et la perte de force de dissuasion vont à l'encontre de ses intérêts.
En ciblant directement les Yéménites, Israël a sous-estimé la détermination et les capacités d'un adversaire redoutable, choisissant potentiellement les pires adversaires possibles dans ce cycle de conflit.
https://thecradle.co/articles/the-stunning-audacity-of-yemens-drone-strike-on-tel-aviv