đâđš La vie au Palais des RĂȘves
Tous Ă Gaza ont dĂ» quitter leur foyer. Le choix est simple : mourir chez soi ou partir et n'ĂȘtre que l'ombre de soi-mĂȘme. La mort se rapproche, car IsraĂ«l nous attaque plus brutalement que jamais.
đâđš La vie au Palais des RĂȘves
Par Sahar Qeshta pour The Electronic Intifada, le 6 juin 2024
AprÚs six mois consacrés à écrire l'histoire du déracinement et des horreurs vécues par d'autres, voici à présent mon histoire.
La guerre a commencé pour moi le 11 mai, et je vis maintenant ce que tous à Gaza ont vécu au cours des huit derniers mois : une fuite perpétuelle pour survivre aux bombardements israéliens incessants.
Lorsque les forces d'occupation israéliennes ont envahi Rafah au début du mois de mai, ma famille et moi avons été forcés de nous déplacer vers Khan Younis.
Nous nous sommes d'abord réfugiés dans la maison d'un parent, jusqu'à ce que des tracts israéliens soient largués sur notre quartier, nous ordonnant de partir. Le quadcopter a tiré au hasard sur de nombreuses maisons pour nous faire peur.
Mon mari a appelĂ© un ami Ă l'aide pour nous trouver un abri dans la âzone de sĂ©curitĂ©â prĂ©conisĂ©e. Son ami possĂšde plusieurs immeubles Ă Khan Younis, mais IsraĂ«l les a tous dĂ©truits, Ă l'exception d'un jardin d'enfants, oĂč il vit actuellement avec sa famille, et d'une salle de mariage, appelĂ©e le Palais des rĂȘves.
Quelle ironie cruelle de s'abriter dans un lieu nommĂ© le Palais des RĂȘves, alors que tous nos rĂȘves sont dĂ©sormais derriĂšre nous. Le Palais des rĂȘves est lui-mĂȘme en ruines, Ă moitiĂ© dĂ©truit par les obus israĂ©liens.
Nous avons emmĂ©nagĂ© dans deux chambres : l'une pour les hommes et l'autre pour les femmes. Je partage une chambre avec sept autres femmes et quatre enfants. Mon mari dort avec huit hommes dans l'autre piĂšce, et nous partageons tous la mĂȘme salle de bain.
Sur les plus de 20 personnes hébergées dans ces piÚces exiguës, sept sont ùgées et souffrent de maladies chroniques. Deux d'entre elles utilisent des déambulateurs et des fauteuils roulants.
Mon oncle Suleiman est diabĂ©tique. Sa jambe gauche est enflĂ©e et doit ĂȘtre nettoyĂ©e en permanence. Mon oncle Ibrahim est Ă©galement diabĂ©tique et ses injections d'insuline doivent ĂȘtre conservĂ©es au frais. Par cette chaleur, c'est presque impossible, et nous ne pouvons compter que sur ceux qui disposent d'un systĂšme de rĂ©frigĂ©ration.
Nos conditions de vie sont désastreuses. L'eau insalubre m'a valu beaucoup de malaises, de nausées et de diarrhées. Ma fille a été piquée par un insecte, et a souffert de fiÚvres pendant deux semaines.
Le soir, nous prenons des antalgiques pour dormir. Nous parcourons de longs trajets Ă pied pour nous connecter Ă internet, et au monde extĂ©rieur. Nous lavons nos vĂȘtements et faisons notre pain Ă la main. La douche est glacĂ©e.
Il m'a fallu un mois pour Ă©crire cet article.
Ătre contraint de quitter son foyer pour survivre est un sort peut-ĂȘtre pire que la mort. Je suis maintenant une âpersonne dĂ©placĂ©eâ, plus une citoyenne.
Tous Ă Gaza ont dĂ» quitter leur foyer. Le choix est simple : mourir chez soi, ou partir et nâĂȘtre que l'ombre de soi-mĂȘme.
MĂȘme si, pour les dĂ©placĂ©s, la mort se rapproche, car IsraĂ«l nous attaque chaque jour avec plus de fĂ©rocitĂ©.
L'occupation israĂ©lienne dĂ©truit des quartiers entiers de Rafah et en chasse des milliers de gens, tuant des centaines dâautres dans la ville.
J'espĂšre que ces mots se glisseront jusque dans vos cĆurs, et j'implore le monde de sauver ce qui reste de Gaza.
* Sahar Qeshta est Ă©crivain Ă Gaza.
https://electronicintifada.net/content/life-dream-palace/46846