👁🗨 L'affaire Assange n'a rien à voir avec le piratage, le viol ou les e-mails d'Hillary Clinton.
La vraie question est de savoir si nous devons permettre aux autorités de transgresser les lois, et, surtout, ne pas abuser du pouvoir que nous, c'est-à-dire le peuple, leur avons confié.
👁🗨 L'affaire Assange n'a rien à voir avec le piratage, le viol ou les e-mails d'Hillary Clinton.
Si Julian Assange est extradé, les conséquences seraient extrêmement lourdes tant pour les médias que pour les journalistes norvégiens.
📰 Par Eva Stenbro, le 1er décembre 2022
La vraie question est de savoir si nous devons permettre aux autorités de transgresser les lois, et, surtout, ne pas abuser du pouvoir que nous, c'est-à-dire le peuple, leur avons confié.
QUESTION CLÉ : - La question clé dans cette affaire n'est pas Assange lui-même. Deux questions se posent plutôt, écrit Eva Stenbro.
J'avais cru, comme d'autres, abandonner l'idée de défendre Assange.
Le hacker, le violeur présumé, et l'homme qui était sensé avoir frayé avec la Russie elle-même pendant la campagne électorale américaine, avait lui-même contribué à la détention en Angleterre.
Voilà ce que je croyais.
J'avais donc mis toute l'affaire sur le dos de Julian Assange, avec son comportement limite, trop vaniteux, et son complexe du Messie.
La seule chose qui m'a fait tiquer, c'est que quelqu'un en qui j'ai une grande confiance a pris le parti d'Assange. Avait-elle compris quelque chose que je n'avais pas vu, ou faisait-elle partie du chœur des crédules ?
Comme je suis partie en vacances à cette époque, j'ai décidé une fois pour toutes d'aller au fond des choses. Au cours des semaines suivantes, j'ai lu tout ce que j'ai pu trouver sur l'affaire Assange et, à la fin des vacances, je suis restée là, choquée et ébranlée.
Comment avais-je pu me tromper à ce point ?
Explications.
▪️ L'affaire Assange
Assange le pirate n'a rien piraté du tout. Chelsea Manning, qui a obtenu des documents, s'est tournée vers Assange pour qu’il l'aide à couvrir ses traces électroniques. Lorsque Assange et Wikileaks ont découvert quel type de documents Manning avait obtenus, Wikileaks a contacté les grands médias du monde entier. Et le reste appartient à l'histoire.
Le présumé violeur Assange a été inculpé en 2010 - quelques semaines à peine après la publication par Wikileaks de centaines de milliers de documents contenant des informations sur les violations des droits de l'homme et les crimes de guerre en Irak - pour un prétendu cas d'agression sexuelle sur deux femmes suédoises à Stockholm. La police a immédiatement ouvert une enquête, mais l'affaire a traîné en longueur.
Après cinq ans d'enquête, l'affaire d'agression sexuelle a été abandonnée en 2015. Deux ans plus tard, après sept ans d'enquête, l'affaire de viol a été abandonnée par la police. Selon les autorités suédoises, l'affaire a été abandonnée parce qu'Assange se trouvait à l'ambassade d'Équateur, compliquant l’enquête.
Ce dont les autorités suédoises n'ont rien dit, c'est qu'elles pouvaient à tout moment prendre un avion pour Londres et interroger Assange à l'ambassade de Londres.
Mais ce n’était pas tout.
L'année suivante, en 2018, il est apparu que les autorités suédoises voulaient déjà clore l'enquête en 2013, mais qu'elles avaient été persuadées par les autorités britanniques de poursuivre. On aurait pu penser que l'un des viols les plus étudiés de Scandinavie a pris fin, mais non.
En mai 2019, les autorités suédoises ont repris l'enquête, après qu'Assange ait été arraché à l'ambassade d'Équateur par les autorités britanniques. Mais après avoir interrogé plusieurs témoins, l'affaire a finalement été abandonnée en novembre de la même année. Après neuf ans d'enquête, les charges retenues contre Assange ont été abandonnées, la police n'ayant pu prouver que le viol avait eu lieu.
Le soi-disant contact russe d’Assange a été, l'année même où les autorités suédoises ont abandonné pour la première fois l'affaire de viol contre lui, accusé par Hillary Clinton et les démocrates d'avoir collaboré pour influencer l'élection aux États-Unis en 2016.
L'affaire en cause: Wikileaks avait publié environ 2 000 courriels du bureau de campagne de Clinton et de son directeur de campagne John Podesta, quelques semaines seulement avant l'élection présidentielle de 2016.
Clinton a affirmé que Wikileaks avait délibérément publié les e-mails pour la salir, mais les tribunaux américains n'ont trouvé aucune preuve que Wikileaks savait qui leur avait donné accès aux e-mails.
Les démocrates ont subi une défaite écrasante devant le tribunal où le juge a non seulement rejeté les accusations de Clinton, mais a également ajouté que la publication des e-mails étaient dans l'intérêt public, et que c’est le devoir des journalistes de publier leur contenu. Le jugement dans cette affaire était également définitif et sans appel.
En fait, les e-mails ne contenaient que peu de nouvelles informations sur Clinton et son travail, mais plutôt des affirmations et des informations confirmées précédemment. Pendant toute l'affaire, Assange lui-même était réfugié à l'ambassade d'Équateur à Londres.
Pour quelles raisons les autorités américaines souhaitent-elles l'extradition d'Assange ? Parce que, avec l’aide de Chelsea Manning, il a contribué à divulguer des documents classifiés des autorités américaines, et pour l’inculper d'espionnage. Plus tard, les autorités américaines l'ont également accusé d'avoir recruté des hackers.
Assange et son équipe juridique rejettent par ailleurs toutes ces accusations.
▪️ Deux questions se posent
Le point central dans cette affaire n'est pas Assange lui-même, et deux autres questions se posent:
En tant que citoyens, avons-nous le droit de savoir comment nos alliés les plus proches mènent des actions auxquelles nous participons également en tant que nation ?
Est-il juste que nos valeurs communes et fondamentales soient foulées aux pieds lorsque les autorités participent à des conflits internationaux ?
Les révélations de Wikileaks ont montré à maintes reprises que les autorités américaines ont tenu des propos mensongers, qu'elles ont couvert et dissimulé le meurtre de civils, des informations importantes, et qu’elles ont fait fi des principes des droits de l'homme dans nombre d’opérations internationales. Est-il normal qu'un pays avec lequel nous avons des liens étroits, tant sur le plan économique que militaire, nous trompe de la sorte ?
Et devons-nous permettre à ceux qui dénoncent ces injustices de risquer la prison à vie ?
▪️ Les conséquences pourraient être extrêmement graves.
Aujourd'hui, les grands médias qui ont publié le contenu des documents collectés par Assange et Wikileaks sont libres, car les autorités américaines ne cherchent pas à s'attaquer aux éditeurs les plus influents du monde.
Toutefois, si les autorités américaines en décident ainsi pour l’instant, la situation peut changer. À l'heure où la confiance en les médias contrôlés par les rédacteurs en chef est mise à mal, rien ne peut être considéré comme acquis.
Il nous faut prendre soin des institutions essentielles, et là est le cœur du problème. Car l'affaire Assange ne concerne ni le piratage, ni le viol, ni les e-mails d'Hillary Clinton.
La vraie question est de savoir si nous devons permettre aux autorités de transgresser les engagements qui les lient à nous, à savoir la transparence, préserver les valeurs essentielles et, enfin et surtout, ne pas abuser du pouvoir que nous, c'est-à-dire le peuple, leur avons confié.
C'est de cela qu'il s'agit.
C'est précisément pourquoi il est primordial d'empêcher l'extradition d'Assange vers les États-Unis. Si tel devait être le cas, nous perdrions notre droit d'exiger des autorités qu'elles nous disent la vérité, et agissent respectueusement en notre nom.
Et ceci entraînerait des conséquences désastreuses quant à la fiabilité de la presse, et des institutions.