👁🗨 L’affaire Epstein
Alexander Acosta, ex procureur, lorsqu’il a été nommé au poste de secrétaire au Travail de Trump, a déclaré : “On m'a dit qu'Epstein ‘était du renseignement’, et qu'il fallait laisser tomber”.
👁🗨 L’affaire Epstein
Par Patrick Lawrence* pour Consortium News, le 9 mars 2025
Il y a onze jours, la procureure générale des États-Unis, Pam Bondi, a annoncé la publication imminente par son bureau de dossiers liés à l'empire du vice apparemment tentaculaire que Jeffrey Epstein a dirigé pendant de nombreuses années - un esclandre masqué à la conscience publique depuis plus de dix ans.
Après le roulement de tambour retentissant de Mme Bondi, 200 pages de rien de nouveau ont suivi. De plus en plus embarrassée par l'échec de la publication de son document, Mme Bondi a cité un lanceur d'alerte du FBI pour affirmer qu'elle avait été induite en erreur par le bureau local de l'agence à New York.
Le lanceur d'alerte a affirmé que le bureau de New York lui avait caché des milliers d'autres documents liés à Epstein. Mme Bondi s'est alors juré de récupérer les documents dissimulés et de licencier ceux qui les avaient retenus au mépris de sa décision.
Maintenant, on peut en savoir plus. Lundi, Mme Bondi a annoncé triomphalement sur Fox News que des milliers de documents inédits et d'autres preuves relatives à l'affaire Epstein ont enfin été remis aux services du ministère de la Justice.
Dans le même temps, elle a admis que ces nouveaux dossiers seraient expurgés avant d'être rendus publics, pour des raisons de “sécurité nationale”, a-t-elle déclaré de manière quelque peu inquiétante.
Mais que s'est-il donc passé ?
Cet étrange rebondissement ne doit pas être réduit à une guerre bureaucratique fratricide. Il pourrait s'agir d'une tentative honnête de l'administration Trump de faire la lumière sur l'affaire Epstein dans le cadre de son plan de nettoyage du FBI, profondément corrompu.
Ou plutôt une limite à l'engagement du régime Trump en faveur de la divulgation et de la transparence.
Mme Bondi s'est-elle précipitée tête baissée sur l'État profond, toujours aussi réticent et déterminé à faire obstruction à Trump et à son entourage, comme il l'a fait lors de son premier mandat ? Le président Trump sait-il maintenant, comme nous tous, que ces mêmes organes du pouvoir occulte qui ont déclenché le Russiagate contre Trump y a de cela tant d'années vont maintenant continuer à résister, en s'opposant à tous les ordres donnés par Trump ou ses hauts fonctionnaires ?
Il semblerait que oui. Mais ce qui ressort de ces récents événements reste flou. Il semble probable que Trump et ses collaborateurs aient conclu que la frontière entre attaquer l'État profond et le suivre soit plus subtile que prévu.
Tout cela n'était-il qu'un coup de pub qui a mal tourné en raison de l'incompétence des hauts responsables du ministère de la Justice, et sauvé in extremis par un lanceur d'alerte ? Si Mme Bondi savait que la première série de documents était un fourre-tout de 200 pages, pourquoi en a-t-elle fait la promotion lors d'un spot télévisé national la veille de leur publication ?
Pourquoi ne s'est-elle pas plainte de n'avoir reçu que des miettes, préparant ainsi le public à ce qui allait suivre ? Ignorait-elle encore trop de choses sur l'affaire Epstein ? Ou a-t-elle intentionnellement menti à d'autres fins ?
Une simple lutte de pouvoir ?
Il est possible que Trump et son entourage utilisent l'affaire Epstein pour reprendre le contrôle des institutions qui s'opposaient à lui autrefois, non pas pour des raisons de justice ou de transparence, mais simplement pour exercer une autorité administrative et bureaucratique.
En concédant à Sean Hannity, de Fox News, que tout document lié à Epstein jugé compromettant pour la “sécurité nationale” sera expurgé, Mme Bondi a déclenché un signal d'alarme qui devrait nous alerter chaque fois qu'on invoque la “sécurité nationale”.
Il se pourrait que Trump et son cabinet soient en fin de compte déterminés à protéger – ironie du sort – la réputation de l'appareil du renseignement, ainsi qu'un large éventail de ploutocrates, et le plus grand allié de l'Amérique, selon Trump, Bondi et le reste du cabinet : j'ai nommé Israël.
Réfléchissons : quels problèmes de “sécurité nationale” nécessiteraient une expurgation au sujet d'un trafiquant de sexe défunt ou de ses victimes mineures, à moins que notre gouvernement ou nos proches alliés n'aient été impliqués dans ledit réseau de trafic sexuel ?
L'entretien de Sean Hannity avec Mme Bondi sur Fox News semblait destiné à préparer le public à de lourdes expurgations, car il revenait sans cesse sur ce point. En effet, il est allé jusqu'à évoquer la possibilité d'expurgations pour des raisons de sécurité nationale, une idée que Mme Bondi a immédiatement fait sienne. Des répétitions en coulisses, qui veut ?
Je n'aime pas du tout la tournure que prennent les événements, c'est le moins qu'on puisse dire.
L'annonce faite lundi soir par Mme Bondi selon laquelle elle aurait obtenu de nouvelles preuves a coïncidé avec la démission de James Dennehy, chef de l'antenne du FBI à New York. Dans sa lettre de démission, M. Dennehy a indiqué qu'il y a été contraint, mais il n'a bien sûr pas laissé entendre pour autant que c’était lié à une dissimulation de dossiers pertinents concernant M. Epstein. Il est néanmoins difficile de ne pas percevoir les implications évidentes quant au moment choisi par M. Dennehy.
Epstein est mort en détention au Metropolitan Correctional Center de New York en août 2019, un mois après avoir été arrêté pour trafic sexuel de mineurs. Sa compagne et proxénète, Ghislaine Maxwell, a ensuite été reconnue coupable de trafic sexuel de mineurs et a finalement été condamnée à vingt ans de prison. Avant son arrestation, Epstein a bénéficié en 2008 d'un accord de plaidoyer très indulgent et très contestable pour des accusations antérieures de proxénétisme d'enfants.
L'accord de 2008 était si étonnamment clément qu'Alexander Acosta, l'ancien procureur américain de Miami à l'origine de cette offre à Epstein, a dû par la suite se défendre quand il a été confirmé au poste de secrétaire au Travail de Trump. Acosta a déclaré à propos de l'affaire :
“On m'a dit qu'Epstein ‘était du renseignement’, et qu'il fallait laisser tomber”.
Rappelons également que ni Mme Bondi, ni M. Hannity, ni aucun membre de l'administration Trump n'ont évoqué l'éventualité de poursuites contre les clients ou associés d'Epstein, à l'exception de Mme Maxwell, déjà condamnée.
Fait intéressant, Pam Bondi a affirmé lors de l'interview de M. Hannity que le ministère de la Justice remplirait son devoir de transparence avec la publication des dossiers sur les assassinats de John F. Kennedy et de Martin Luther King, Jr. Les Américains “ont le droit de savoir”, a-t-elle insisté (sans grande originalité).
Dans le contexte actuel, on est en droit de se demander ce que cela présage. Et dans le même ordre d'idées, Mme Bondi n'a strictement rien dit des dossiers du FBI sur le meurtre de Seth Rich, le technicien informatique du Parti démocrate assassiné peu après le vol des courriels du parti démocrate en 2016. L'agence refuse toujours de divulguer ces dossiers, alors qu'une ordonnance du tribunal impose leur publication d'ici lundi.
Mme Bondi, Kash Patel et l'administration Trump prétendent faire tout leur possible pour faire le ménage au ministère de la Justice et au FBI. Ces développements dans l'affaire Epstein suggèrent - sans plus à ce stade - un autre scénario.
Autrement dit, il semble peu probable que les milieux intéressés à garder l'affaire Epstein bien enfouie se contenteront de se taire.
Que protégeons-nous, et qui ?
Si une quantité massive de preuves et de documents sur Epstein était publiée, qu'y trouverions-nous ?
Dans l'hypothèse où une grande partie de ces documents aurait été préservée, sans avoir été détruite ou soustraite à la consultation, et qu'ils n'auraient pas été falsifiés avant d'être rendus publics, on peut supposer qu'un large éventail d'individus, d'organisations et d'agences gouvernementales dans de nombreux pays pourraient être impliqués dans le trafic sexuel d'enfants, et ce à des fins de chantage.
On peut également s'attendre à des révélations concernant les transactions financières douteuses d'Epstein.
Nous connaissons déjà les noms de nombreux coupables présumés des abus d'Epstein, grâce à la publication par Nick Bryant du “petit livre noir” d'Epstein et des nombreux registres de vol de l'avion d'Epstein (le fameux “Lolita Express”) — ainsi que de nombreux documents judiciaires concernant Epstein et ses victimes présumées. M. Bryant a déclaré :
“Dans un procès en diffamation contre Ghislaine Maxwell, Virginia Giuffre a accusé les hommes suivants de faire partie des agresseurs : Alan Dershowitz, le prince Andrew, l'ancien gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson, le milliardaire Glenn Dubin, l'ancien sénateur américain George Mitchell, le scientifique Marvin Minsky, l'agent de mannequinat Jean Luc Brunel, Les Wexner, ainsi que l'ancien Premier ministre israélien Ehud Barak”.
En d'autres termes, une publication intégrale et authentique des preuves pourrait réécrire l'histoire du renseignement américain et israélien, ainsi que de certaines de nos institutions les plus prestigieuses.
Bien que le président Trump s'oppose à l'État profond, en particulier aux agences responsables de la subversion de sa première administration par le biais du canular du Russiagate, lui et son entourage sont depuis longtemps de fervents partisans d'Israël, comme en témoignent leurs déclarations et leurs agissements, et Israël est lié à toutes les ramifications du scandale Epstein.
Comme Elizabeth Vos l'a souligné dans un article publié samedi sur Consortium News, Trump a également soutenu les services de la Sécurité nationale à plusieurs reprises, notamment lors des poursuites contre le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange.
N'oublions pas que la CIA a envisagé, pendant le premier mandat de Trump, des opérations visant à kidnapper ou à assassiner Assange. En d'autres termes, il semble que Trump utilise l'État profond quand il le juge opportun, et s'y oppose quand il le gêne.
Selon les registres de vol publics existants, il est établi que Trump lui-même a pris l'avion d'Epstein au moins sept fois. Même les dossiers publiés par le procureur général de New York, Pam Bondi, mentionnent le nom de Trump dans les registres de vol. Cependant, à ce jour, il n'a été accusé d'aucune activité illégale en lien avec le réseau de trafic sexuel d'Epstein. L'ancien président Bill Clinton a également pris l'avion dit “Lolita Express” au moins 26 fois, et ses gardes du corps des services secrets étaient absents sur au moins cinq de ces vols.
Compte tenu de l'ardent soutien à Israël et à la cause sioniste que Trump et l'ensemble de son cabinet affichent sans cesse, on ne peut pas s'attendre à ce que Trump ou les membres de son administration révèlent intégralement la relation entre Israël et les renseignements américains dans une opération hautement classifiée de trafic sexuel d'enfants et de chantage.
Par conséquent, il est également peu probable que des agents spéciaux corrompus du FBI expliquent le fiasco de la publication des documents, et pourquoi il ne faut pas s'attendre à une véritable transparence ou à ce que justice soit rendue aux victimes d'Epstein dans un avenir proche.
Lorsque les milliers de nouveaux documents de Mme Bondi seront finalement publiés, ils auront très probablement été expurgés de tout ce qui pourrait impliquer le gouvernement américain ou celui de notre “plus grand allié”.
La première grande initiative de Mme Bondi en tant que procureur général de Trump témoigne de l'ampleur des efforts déployés par l'État profond et de ses stratégies pour se protéger. Pour l'instant, on ne peut pas en dire plus.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est critique des médias, essayiste, auteur et conférencier. Son nouveau livre, ‘Journalists and Their Shadows’, est maintenant disponible chez Clarity Press. Son site web est Patrick Lawrence.
https://consortiumnews.com/2025/03/09/patrick-lawrence-the-epstein-follies/