👁🗨 L'Afrique du Sud, membre des BRICS, poursuit le sionisme en justice
Ce procès est le premier cas d'une longue série qui cherchera à mettre fin à l'impunité occidentale et à restaurer le droit international tel qu'envisagé dans la Charte des Nations unies.
👁🗨 L'Afrique du Sud, membre des BRICS, poursuit le sionisme en justice
Par Pepe Escobar, le 10 janvier 2024
C'est tout le concept du droit international qui va être jugé cette semaine à La Haye. Le monde entier va y être attentif.
Il a fallu qu'une nation africaine, pas une nation arabe ou musulmane, mais surtout un membre des BRICS, tente de briser les chaînes infernales déployées par le sionisme au moyen de la peur, de la puissance financière et de menaces incessantes, réduisant en esclavage non seulement la Palestine, mais aussi des pans entiers de la planète.
Par le biais d'une justice symbolique historique, l'Afrique du Sud, une nation qui sait deux ou trois petites choses sur l'apartheid, a dû prendre les devants et être la première à déposer une plainte contre l'apartheid israélien devant la Cour internationale de justice (CIJ).
L'action en justice de 84 pages, exhaustivement argumentée, entièrement documentée et déposée le 29 décembre 2023, détaille toutes les horreurs perpétrées dans la bande de Gaza occupée que suit toute personne munie d'un smartphone sur la planète.
L'Afrique du Sud demande à la CIJ - un organe de l'ONU - quelque chose de très simple : de déclarer que l'État d'Israël a manqué à toutes ses responsabilités en vertu du droit international depuis le 7 octobre.
Il s'agit notamment d'une violation de la Convention sur le génocide de 1948, selon laquelle le génocide consiste en
“des actes commis dans l'intention de détruire, tout ou partie, d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux”.
L'Afrique du Sud est soutenue par la Jordanie, la Bolivie, la Turquie, la Malaisie et, de manière significative, par l'Organisation de la coopération islamique (OCI), qui regroupe les terres d'islam et compte 57 États membres, dont 48 à majorité musulmane. Ces nations représentent en quelque sorte l'écrasante majorité des pays du Sud.
Ce qui se passera à La Haye pourrait aller bien au-delà d'une éventuelle condamnation d'Israël pour génocide. Pretoria et Tel-Aviv sont tous deux membres de la CIJ, dont les décisions sont donc contraignantes. En théorie, la CIJ a plus de poids que le Conseil de sécurité des Nations unies, où les États-Unis opposent leur veto à tout fait concret susceptible de ternir l'image qu'Israël s'est soigneusement forgée.
Le seul problème est que la CIJ n'a pas de pouvoir exécutoire.
Concrètement, l'Afrique du Sud souhaite que la CIJ impose à Israël l'ordre de mettre fin à l'invasion - et au génocide - sur-le-champ. Cela devrait être la première priorité.
L’intention délibérée de détruire
La lecture de l'intégralité de la requête sud-africaine est un travail effrayant. Il s'agit littéralement de l'histoire en train de se faire, sous nos yeux de jeunes gens accros à la technologie du XXIe siècle, et non d'un récit de science-fiction sur un génocide se déroulant dans un univers lointain.
La demande de Pretoria a le mérite de brosser un tableau d'ensemble,
“dans le contexte plus étendu des agissements d'Israël à l'égard des Palestiniens au cours des 75 années d'apartheid, des 56 années d'occupation belligérante du territoire palestinien et des 16 années de blocus de la bande de Gaza”.
La cause, l'effet et l'intention sont clairement établis, transcendant les horreurs perpétrées depuis l'opération “Al-Aqsa Flood” de la résistance palestinienne, le 7 octobre 2023.
Il y a ensuite les “actes et omissions d'Israël qui peuvent être assimilés à d'autres violations du droit international”. L'Afrique du Sud les qualifie de
“génocidaires, car ils sont commis avec l'intention spécifique requise (dolus specialis) de détruire les Palestiniens de Gaza en tant que composante du groupe national, racial et ethnique palestinien au sens large”.
Les faits, présentés à la page 9 de la demande, sont brutaux, allant du massacre aveugle de civils à l'expulsion massive :
“On estime que plus de 1,9 million de Palestiniens sur les 2,3 millions d'habitants de Gaza - soit environ 85 % de la population - ont été contraints de quitter leur foyer. Ceux qui ne peuvent pas partir ou refusent d'être déplacés ont été tués ou risquent fort d'être tués chez eux.”
Et il n'y aura pas de retour en arrière :
“Comme l'a noté le rapporteur spécial sur les droits de l'homme des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, les logements et les infrastructures civiles de Gaza ont été rasés, ce qui empêche toute perspective réaliste de retour chez eux pour les habitants de Gaza déplacés, répétant ainsi une longue histoire de déplacements forcés massifs de Palestiniens par Israël.”
L'hégémon complice
Le point 142 de la demande peut résumer l'ensemble du drame :
“L'ensemble de la population est confrontée à la famine : 93 % de la population de Gaza est confrontée à des niveaux de faim critiques, et plus d'une personne sur quatre est confrontée à une situation catastrophique” - la mort est imminente.
Dans ce contexte, le 25 décembre, jour de Noël, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a doublé sa rhétorique génocidaire en promettant :
“Nous ne nous arrêtons pas, nous continuons à en découdre et nous approfondirons les combats dans les jours à venir, ce sera une longue bataille et elle n'est pas près de s'achever”.
C'est pourquoi, “de toute urgence” et “en attendant que la Cour se prononce sur le fond de l'affaire”, l'Afrique du Sud demande des mesures conservatoires, la première étant que
“l'État d'Israël suspende immédiatement ses opérations militaires à l'intérieur de Gaza et contre Gaza”.
Cela équivaut à un cessez-le-feu permanent. Chaque grain de sable, du Néguev à l'Arabie, sait que les psychopathes néoconservateurs en charge de la politique étrangère américaine, y compris leur chouchou, l'occupant sénile téléguidé de la Maison Blanche, sont non seulement complices du génocide israélien, mais s'opposent à toute éventualité de cessez-le-feu.
Cette complicité est d'ailleurs punie par la loi, conformément à la Convention sur le génocide.
Il est donc évident que Washington et Tel-Aviv ne reculeront devant rien pour faire obstacle à un procès équitable devant la CIJ, en recourant à tous les moyens de pression et de menace à leur disposition. Cela va de pair avec le pouvoir extrêmement limité exercé par toute cour internationale pour imposer la règle du droit international au combo exceptionnaliste Washington-Tel Aviv.
Alors qu'un Sud mondial alarmé se mobilise contre l'assaut militaire sans précédent d'Israël sur Gaza, où plus de 1 % de la population a été assassinée en moins de trois mois, le ministère israélien des affaires étrangères a enrégimenté ses ambassades afin de tordre le bras aux diplomates et aux politiciens des pays hôtes pour qu'ils publient rapidement une
“déclaration immédiate et sans équivoque selon les termes suivants : déclarer publiquement et officiellement que votre pays rejette les allégations scandaleuses, absurdes et sans fondement faites à l'encontre d'Israël”.
Il sera très instructif de voir quelles nations se conformeront à cet ordre.
Que les efforts actuels de Pretoria aboutissent ou non, cette affaire ne sera probablement que la première du genre déposée devant les tribunaux du monde entier dans les mois, voire les années à venir. Les BRICS - dont l'Afrique du Sud est un État membre clé - font partie de la nouvelle vague d'organisations internationales remettant en question l'hégémonie occidentale et son “ordre fondé sur des règles”. Ces règles ne signifient rien : personne n'en a jamais vu la couleur.
Le multipolarisme est apparu en partie pour compenser le fait que, depuis des décennies, on se détourne de la Charte des Nations unies et que l'on se précipite vers l'anarchie incarnée par ces “règles” illusoires. Le système des États-nations qui sous-tend l'ordre mondial ne peut fonctionner sans le droit international qui le garantit. Sans le droit, nous sommes confrontés à la guerre, à la guerre et encore à la guerre, et l'univers idéal de l'hégémon est en fait celui des guerres sans fin.
Le procès pour génocide intenté par l'Afrique du Sud contre Israël est manifestement indispensable pour mettre fin à ces violations flagrantes du système international, et il sera très certainement le premier d'une longue série de procès de ce type intentés contre Israël et ses alliés pour ramener le monde à la stabilité, à la sécurité et au bon sens.
https://new.thecradle.co/articles/brics-member-south-africa-takes-zionism-to-court