đâđš Lââaggravation pour terrorismeâ appliquĂ©e Ă lâex-programmeur de la CIA pour divulguation dâinformations : une Ă©volution radicale
Dans le cas d'Assange, le ministÚre de la Justice est explicite. WikiLeaks est présentée comme une organisation à laquelle on fournirait des informations si on voulait se venger du gouvernement US.
đâđš Lââaggravation pour terrorismeâ appliquĂ©e Ă lâex-programmeur de la CIA pour divulguation dâinformations : une Ă©volution radicale
Par Kevin Gosztola, le 6 février 2024
Un juge amĂ©ricain a appliquĂ© une âaggravation pour terrorismeâ lors de la condamnation de l'ancien programmeur de la CIA Joshua Schulte, reconnu coupable d'avoir divulguĂ© des documents âVault 7â Ă WikiLeaks.
Le 1er fĂ©vrier, un juge amĂ©ricain a pris la dĂ©cision exceptionnelle d'appliquer une âaggravation pour terrorismeâ lors de la condamnation de l'ancien programmeur de la CIA Joshua Schulte Ă 40 ans de prison.
Le recours à cette mesure représente une évolution radicale dans les poursuites pour divulgation d'informations, avec de profondes implications pour la divulgation d'informations et la liberté de la presse.
Joshua Schulte Ă©tait accusĂ© d'avoir divulguĂ© Ă WikiLeaks des documents de piratage informatique de la CIA (âVault 7â). En juillet 2022, un jury l'a reconnu coupable de plusieurs infractions liĂ©es Ă l'Espionage Act.
La peine prononcĂ©e est de 33 ans et 4 mois pour les infractions liĂ©es Ă la loi sur l'espionnage (Espionage Act). (Le reste rĂ©sulte de la dĂ©tection de âcontenus pĂ©dopornographiquesâ en possession de Schulte, une affaire grave qui a fait l'objet d'un autre procĂšs en 2023).
Selon la défense de M. Schulte, la majoration a ajouté entre 10 et 12 ans à sa peine d'emprisonnement.
Cette majoration adoptée par le juge Jesse Furman a été appliquée à l'un des délits informatiques dont Schulte a été reconnu coupable en vertu de la loi sur la fraude et les abus informatiques [Computer Fraud and Abuse Act, CFAA], à savoir l'accÚs non autorisé à un ordinateur dans le but d'obtenir des informations relatives à la Sécurité nationale.
Avec l'adoption du USA Patriot Act de 2001, suite aux attaques du 11 septembre, ce crime spĂ©cifique a Ă©tĂ© ajoutĂ© Ă une liste d'infractions dĂ©signĂ©es comme âcrimes fĂ©dĂ©raux de terrorismeâ.
La loi sur l'espionnage n'a pas Ă©tĂ© incluse et ne fait pas partie de la liste des crimes amĂ©ricains pour lesquels des aggravations liĂ©es au terrorisme peuvent ĂȘtre appliquĂ©es. Toutefois, l'article de la Loi fĂ©dĂ©rale sur la fraude et les abus informatiques (CFAA) concernant les âinformations relatives Ă la SĂ©curitĂ© nationaleâ contient des termes qui figurent Ă©galement dans une disposition de l'Espionage Act.
Les procureurs ont fait valoir que Schulte avait été condamné pour un délit
âvisant Ă influencer ou Ă affecter la conduite d'un gouvernement par intimidation ou coercition, ou Ă exercer des reprĂ©sailles contre une action gouvernementaleâ.
Par conséquent, il était nécessaire d'ajouter un élément de terrorisme à sa peine d'emprisonnement.
La défense de Schulte a objecté que la loi sur l'antiterrorisme et la peine de mort effective (AEDPA), qui a élargi les peines pour les infractions liées au terrorisme, était une réponse à l'attentat à la bombe d'Oklahoma City perpétré par Timothy McVeigh. Il estimait que
âle gouvernement s'en prenait aux droits et aux libertĂ©s individuelles des AmĂ©ricainsâ.
Oussama ben Laden, comme l'a relatĂ© CBS News, Ă©tait opposĂ© aux bases militaires amĂ©ricaines au Moyen-Orient et au soutien des Ătats-Unis Ă l'occupation israĂ©lienne des Territoires palestiniens. Les attentats du 11 septembre ont donc Ă©tĂ© perpĂ©trĂ©s par des pirates de l'air en reprĂ©sailles aux agissements du gouvernement amĂ©ricain.
En revanche, le gouvernement n'a jamais affirmĂ© que M. Schulte ait eu une motivation idĂ©ologique pour tĂ©lĂ©charger des fichiers de la CIA et les transfĂ©rer Ă WikiLeaks. M. Schulte Ă©tait âen colĂšreâ Ă cause de âproblĂšmes administratifsâ qui ont conduit Ă sa rĂ©affectation de la Direction du soutien aux opĂ©rations (OSB) de la CIA, oĂč des âoutils cybernĂ©tiquesâ Ă©taient mis au point pour les âopĂ©rations antiterroristesâ.
Le gouvernement a répondu :
âLe fait que Schulte ait commis ses crimes avec un clavier et une souris plutĂŽt qu'avec des explosifs ou des armes Ă feu ne change rien aux consĂ©quences catastrophiques pour la SĂ©curitĂ© nationale.
âSelon le gouvernement, ces crimes dĂ©montrent Ă quel point la dissuasion et la rĂ©insertion sont difficiles, ce qui est prĂ©cisĂ©ment le type de prĂ©occupation qui motive l'inclusion de lâaggravation en premier lieuâ.
Cependant, la défense de Schulte n'a jamais soutenu que le gouvernement ne peut appliquer de majoration pour terrorisme à quelqu'un qui se livre à des cyberactivités criminelles. Elle a simplement affirmé que l'intention ou les motivations de Schulte étaient pertinentes.
La chronologie du gouvernement amĂ©ricain montre que Schulte ne s'est engagĂ© Ă poursuivre une âguerre de l'informationâ contre le gouvernement qu'en dĂ©cembre 2017, aprĂšs que sa libertĂ© sous caution a Ă©tĂ© rĂ©voquĂ©e et qu'il a Ă©tĂ© incarcĂ©rĂ© au Metropolitan Correctional Center (MCC) de New York. Le procureur gĂ©nĂ©ral Bill Barr a ensuite imposĂ© des mesures administratives spĂ©ciales, ou SAMs, qui ont donnĂ© lieu Ă un traitement qu'une plainte de sa dĂ©fense a dĂ©crit comme âvraiment abominable, dĂ©raisonnable, cruel et une punition peu ordinaire.â
Comme le rapporte lâavocat Matthew Russell Lee, le juge Furman a estimĂ© qu'il importait peu que Schulte soit âdiffĂ©rentâ de McVeigh ou de Ben Laden. Le juge a estimĂ© que le comportement de M. Schulte visait Ă exercer des reprĂ©sailles contre le gouvernement amĂ©ricain.
Selon le juge, la plus grande fuite d'informations sensibles de la CIA dans l'histoire de l'agence n'Ă©tait pas simplement le produit d'un conflit sur le lieu de travail.
Lâaccusation de Chelsea Manning dââaide Ă l'ennemiâ
Peu d'inculpations d'employĂ©s ou de sous-traitants du gouvernement en vertu de lâEspionage Act ont Ă©galement inclus le chef d'accusation de crime informatique, qui peut ĂȘtre assorti d'une aggravation pour terrorisme.
Sous la prĂ©sidence de Donald Trump, la lanceuse d'alerte de la NSA, Reality Winner, le lanceur d'alerte du FBI, Terry Albury, et le lanceur d'alerte des drones, Daniel Hale, auraient pu ĂȘtre accusĂ©s d'avoir outrepassĂ© l'accĂšs autorisĂ© pour obtenir des âinformations relatives Ă la SĂ©curitĂ© nationaleâ. Pourtant, le ministĂšre de la justice ne les a pas inculpĂ©s de cette infraction.
Le lanceur d'alerte de la NSA Edward Snowden n'a pas non plus été accusé d'avoir violé cette partie de la CFAA lorsqu'il a été inculpé en 2013.
En revanche, la lanceuse d'alerte de l'armée américaine Chelsea Manning, qui a fourni plus de 700 000 documents à WikiLeaks, et le fondateur de WikiLeaks Julian Assange, qui a publié ces documents, ont tous deux été accusés d'avoir enfreint cette disposition.
Mme Manning a Ă©tĂ© poursuivie par l'armĂ©e amĂ©ricaine dans le cadre d'un systĂšme juridique distinct, et les procureurs militaires n'ont pas tentĂ© d'appliquer de majoration pour terrorisme lors de la condamnation aprĂšs qu'elle a Ă©tĂ© reconnue coupable d'avoir enfreint la CFAA. NĂ©anmoins, les procureurs ont accusĂ© Mme Manning d'avoir âaidĂ© l'ennemiâ.
Les procureurs militaires ont affirmĂ© que Manning avait sciemment fourni des ârenseignementsâ Ă âl'ennemi, par des moyens indirectsâ. Lors d'une audience en 2011, une vidĂ©o de propagande d'Al-QaĂŻda a Ă©tĂ© diffusĂ©e, dans laquelle figurait Adam Gadahn, porte-parole du groupe terroriste. Il a mentionnĂ© les cĂąbles du dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain divulguĂ©s par M. Manning et a exhortĂ© les djihadistes Ă tirer parti d'un âlarge Ă©ventail de ressources sur internetâ.
Plus tard, l'armĂ©e amĂ©ricaine a affirmĂ© que des âsupports numĂ©riquesâ avaient Ă©tĂ© dĂ©couverts lors de la descente de la SEAL Team 6 dans le complexe de Ben Laden Ă Abottabad, au Pakistan, en mai 2011. Les documents auraient contenu une lettre de Ben Laden Ă Al-QaĂŻda demandant Ă un membre de rassembler des informations du ministĂšre de la DĂ©fense. Une rĂ©ponse a Ă©tĂ© donnĂ©e, contenant des rapports d'incidents militaires en Irak et en Afghanistan ainsi que des cĂąbles diplomatiques.
Le juge, le colonel Denise Lind, a demandĂ© aux procureurs si Mme Manning aurait Ă©tĂ© accusĂ©e d'avoir âaidĂ© l'ennemiâ si elle avait transmis les documents au New York Times. Les procureurs ont indiquĂ© que cela n'aurait fait aucune diffĂ©rence.
AprĂšs que Lind a acquittĂ© Manning de ce dĂ©lit, les dĂ©fenseurs de la libertĂ© de la presse et du Premier Amendement ont Ă©tĂ© quelque peu soulagĂ©s. Par exemple, Floyd Abrams, qui a reprĂ©sentĂ© le Times dans l'affaire des Pentagon Papers, a Ă©crit : âCette vision Ă©tonnamment large de ce qu'il faut faire pour aider l'ennemi aurait mis en pĂ©ril une bonne partie d'un journalisme inestimableâ.
Ce que la condamnation de Schulte signifie pour Assange
Malheureusement, cette âvision Ă©largie Ă couper le souffleâ a refait surface dans l'affaire contre Schulte. La premiĂšre partie de la sentence du gouvernement accuse WikiLeaks d'avoir ârendu publicsâ les âcyber-outils de collecte de renseignementsâ pour les âadversaires de l'AmĂ©riqueâ, et reprend plus loin l'affirmation de la CIA selon laquelle la publication Ă©quivaut Ă un âPearl Harbor numĂ©riqueâ.
Lors du procĂšs de Schulte en 2022, Paul Rosenzweig, ancien chercheur invitĂ© de la Heritage Foundation et fervent opposant Ă Assange et WikiLeaks, a tĂ©moignĂ© en tant quââexpert WikiLeaksâ du gouvernement. Le gouvernement a demandĂ© Ă M. Rosenzweig si WikiLeaks s'Ă©tait concentrĂ© sur âune cible spĂ©cifiqueâ.
âIl est statistiquement vrai que l'Ă©crasante majoritĂ© des informations qu'ils ont publiĂ©es concernent les Ătats-Unis. D'autres pays ont fait l'objet d'un certain nombre de divulgations, mais l'Ă©crasante majoritĂ© est amĂ©ricaineâ, a rĂ©pondu M. Rosenzweig.
Bien que l'argument en faveur de lâaggravation pour terrorisme n'ait pas explicitement accusĂ© Schulte d'aider indirectement des groupes terroristes, WikiLeaks a clairement Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© Ă la cour comme une organisation Ă laquelle quelqu'un fournirait des informations s'il voulait se venger du gouvernement amĂ©ricain.
Prouver que Schulte était déterminé à exercer des représailles était essentiel pour que les procureurs obtiennent une majoration pour terrorisme. En outre, il est raisonnable de penser que les procureurs estimaient que les actions de Schulte aidaient les terroristes parce qu'il savait que WikiLeaks publierait des informations sur les cyber-outils.
Dans le cas d'Assange, le ministĂšre de la Justice est encore plus explicite. Les procureurs ont rĂ©utilisĂ© des preuves supposĂ©es qui n'ont pas rĂ©ussi Ă convaincre un juge militaire que Manning avait âaidĂ© l'ennemiâ.
Comme l'a Ă©crit l'agent spĂ©cial du FBI Megan Brown dans une dĂ©claration sous serment Ă l'appui de l'inculpation d'Assange, l'Ă©quipe SEAL 6 a recueilli âun certain nombre de supports numĂ©riquesâ lors de son raid contre le complexe de Ben Laden. L'Ă©quipe a dĂ©couvert
âune lettre de Ben Laden Ă un autre membre de l'organisation terroriste Al-QaĂŻda dans laquelle Ben Laden demandait Ă ce membre de rassembler les documents du ministĂšre de la dĂ©fense publiĂ©s par WikiLeaks, et
une lettre de ce membre d'Al-QaĂŻda Ă Ben Laden contenant des informations tirĂ©es des rapports sur la guerre d'Afghanistan publiĂ©s par WikiLeaksâ.
Les procureurs du gouvernement pourraient se servir de lâexistence de mĂ©dias numĂ©riques dans le cadre d'une argumentation visant Ă obtenir un renforcement de l'accusation de terrorisme si M. Assange est reconnu coupable d'avoir commis un dĂ©lit informatique. Une telle aggravation permettrait au Bureau des prisons de soumettre M. Assange Ă des conditions d'emprisonnement extrĂȘmement sĂ©vĂšres.
Plus grave encore, rien, aprĂšs la condamnation de Schulte, n'empĂȘche le gouvernement amĂ©ricain de poursuivre systĂ©matiquement les divulgations en accusant la personne accusĂ©e de divulgation non autorisĂ©e d'avoir enfreint l'Espionage Act et la CFAA (la loi sur la fraude et les abus informatiques). De cette maniĂšre, un renforcement de la lutte contre le terrorisme serait envisageable au moment de la condamnation.
Ce qui permettrait au gouvernement de rĂ©primer encore plus durement ceux qui divulguent des informations Ă la presse, y compris les mĂ©dias indĂ©pendants qui, comme WikiLeaks, ont ouvertement critiquĂ© les opĂ©rations militaires ou de SĂ©curitĂ© nationale des Ătats-Unis.
Ou, comme l'a résumé la Freedom of the Press Foundation,
âlorsque les reprĂ©sentants du gouvernement ont jugĂ© un accusĂ© aussi antipathique que l'ex-employĂ© de la CIA Joshua Schulte, ils ont saisi l'occasion d'intensifier leur guerre contre les divulgateurs par des moyens qu'ils pourraient utiliser plus tard pour punir les vrais lanceurs d'alerteâ.
https://thedissenter.org/terrorism-enhancement-against-schulte-stark-development/