👁🗨 L'armement irresponsable de Taïwan par les États-Unis
L'incident du golfe du Tonkin a conduit de facto à la guerre du Viêt Nam. Mais cette guerre aura l'air d'une querelle de cour d'école comparée à une guerre entre les États-Unis et la Chine.
👁🗨 L'armement irresponsable de Taïwan par les États-Unis
Par John V. Walsh pour Antiwar.com, le 19 juillet 2023
Alors que Washington poursuit la doctrine néoconservatrice Wolfowitz en Asie de l'Est, John V. Walsh affirme que les provocations américaines doivent cesser. Biden devrait plutôt accepter l'offre de coexistence pacifique de la Chine.
L'île de Taïwan a été transformée en "baril de poudre" par la perfusion d'armes américaines, poussant le peuple taïwanais vers "un abîme de désastre".
C'est ce qu'a déclaré le ministère chinois de la défense en réaction à la récente vente d'armes américaines à l'île pour un montant de 440 millions de dollars. Aujourd'hui, les États-Unis donnent également des armes à Taïwan, et non les vendent, avec l'aimable autorisation du contribuable américain
Taïwan fait partie d'une série d'îles situées le long de la côte chinoise, souvent appelée la "Première Chaîne d'îles", aujourd'hui hérissée d'armes américaines de pointe. Ces armes sont accompagnées de dizaines de milliers de militaires américains et de troupes de combat.
La première chaîne d'îles s'étend du Japon au nord vers le sud, en passant par les îles Ryukyu du Japon, dont Okinawa, jusqu'à Taïwan et au nord des Philippines.
La Corée du Sud, alliée des États-Unis, avec ses 500 000 militaires en service actif et ses 3 millions de réservistes, est un puissant complément à cette chaîne. Dans la doctrine militaire américaine, la première chaîne d'îles est une base permettant de "projeter la puissance", et de restreindre l'accès à la mer de la Chine.
Taïwan est au centre de ce chapelet d'îles. Elle est considérée comme le point névralgique de la stratégie de la première chaîne d'îles. Lorsque le secrétaire d'État John Foster Dulles, fervent partisan de la guerre froide, a conçu cette stratégie en 1951, il a surnommé Taïwan le "porte-avions insubmersible" de l'Amérique.
Taïwan est aujourd'hui l'une des sources de discorde entre les États-Unis et la Chine. Comme on le dit souvent, mais comme on le fait rarement, la recherche de la paix exige de comprendre le point de vue de ceux qui sont considérés comme des adversaires. Or, aux yeux de la Chine, Taïwan et le reste de ces îles armées ressemblent à la fois à une chaîne et à un nœud coulant.
Comment les États-Unis réagiraient-ils dans une situation similaire ? Cuba se trouve à peu près à la même distance des États-Unis que la largeur du détroit de Taïwan, qui sépare Taïwan du continent. Prenons l'exemple de la récente réaction des États-Unis aux rumeurs selon lesquelles la Chine mettrait en place un poste d'écoute à Cuba. Le Congrès a réagi de manière bipartite en s'alarmant et en déclarant qu'une telle installation était "inacceptable".
Quelle serait la réaction si la Chine armait Cuba jusqu'aux dents, ou y envoyait des centaines de soldats comme les États-Unis l'ont fait pour Taïwan ? Ce n'est pas difficile à imaginer. On pense immédiatement à l'invasion de Cuba parrainée par les États-Unis lors de la Baie des Cochons et, plus tard, à la crise des missiles de Cuba.
Il est clair que l'armement de Taïwan est un acte de provocation qui rapproche les États-Unis d'une guerre avec la Chine, une puissance nucléaire.
Le mouvement sécessionniste à Taïwan
Selon le principe d'une seule Chine, qui est au cœur de la politique officielle des États-Unis, Taïwan fait partie de la Chine. Les Nations unies ont adopté la même position en 1971 avec l'adoption de la résolution 2758 (également connue sous le nom de résolution sur l'admission de Pékin), qui reconnaissait la République populaire de Chine comme le gouvernement légitime de toute la Chine et son unique représentant aux Nations unies.
Au cours des dernières décennies, un mouvement sécessionniste s'est développé sur l'île de Taïwan, un sentiment représenté par le DPP (Parti démocrate progressiste). Tsai Ing-wen, du DPP, est actuellement présidente. Mais lors des élections locales de 2022, le DPP a essuyé une lourde défaite face au KMT (Kuomintang), qui est favorable à la Chine continentale et souhaite préserver le statu quo ou "l'ambiguïté stratégique", comme on l'appelle.
Tsai a construit la campagne 2022 du DPP sur l'hostilité à Pékin, et non sur des questions locales. Dans le même temps, son gouvernement a adopté une loi visant à faire passer de six mois à un an la durée du service obligatoire pour les jeunes hommes taïwanais. Inutile de dire que cette mesure autoritaire n'a pas été populaire chez les moins de 30 ans.
Un sondage réalisé en 2022 a montré qu'une écrasante majorité de Taïwanais souhaite désormais préserver le statu quo. Seuls 1,3 % d'entre eux souhaitent une unification immédiate, et 5,3 % une indépendance immédiate.
Par rapport aux années précédentes, un nombre record de 28,6 % des personnes interrogées ont déclaré préférer "maintenir indéfiniment le statu quo", tandis que 28,3 % ont choisi le statu quo pour "prendre une décision à une date ultérieure", et 25,2 % ont opté pour le statu quo en vue de "progresser vers l'indépendance".
Au total, 82,1 % des personnes interrogées sont donc favorables au statu quo.
Il n'est pas surprenant que les principaux candidats à l'élection présidentielle se déclarent en faveur du statu quo. Cependant, les candidats du DPP soutiennent également qu'il n'est pas nécessaire de déclarer l'indépendance puisque, à leurs yeux, Taïwan l’est déjà.
La politique déclarée de la République populaire de Chine (RPC) est de rechercher une réunification pacifique avec Taïwan. Ce n'est que si le mouvement sécessionniste déclare officiellement l'indépendance que Pékin menace de recourir à la force. Il est clair que les Taïwanais ne souhaitent pas se retrouver dans la position des Ukrainiens, chair à canon dans une guerre par procuration menée par les États-Unis.
Les États-Unis pourraient une fois de plus se demander comment leur ennemi présumé, la Chine, voit les choses, et pourrait réagir à un acte formel de sécession et à une déclaration d'indépendance de la part de Taïwan.
Les États-Unis pourraient s'inspirer de leur propre histoire. Lorsque les États confédérés ont fait sécession de l'Union, les États-Unis sont entrés dans la guerre la plus sanglante de leur histoire, avec 620 000 soldats tués. En outre, un Taïwan sécessionniste, en tant qu'allié armé des États-Unis, représente pour la Chine un retour au "siècle d'humiliation" aux mains de l'Occident colonial.
Dans ces conditions, l'armement de Taïwan met potentiellement le “feu aux poudres”. Une simple étincelle pourrait la mettre à feu et à sang.
Il est difficile d'éviter de conclure que les États-Unis tentent de provoquer une guerre par procuration qui engloutirait l'Asie de l'Est, causant des dommages non seulement à la Chine, mais aussi à d'autres concurrents économiques des États-Unis, tels que le Japon et la Corée du Sud. Les États-Unis en sortiraient vainqueurs. C'est la doctrine néoconservatrice Wolfowitz mise en œuvre. Mais à l'ère nucléaire, de tels stratagèmes relèvent de la folie pure.
Si certains Taïwanais espèrent que les États-Unis leur viendront en aide, ils devraient reconsidérer attentivement à la tragédie de l'Ukraine. Entre 150 000 et 200 000 soldats ukrainiens ont perdu la vie à ce jour, et des millions sont aujourd’hui réfugiés.
Une telle guerre par procuration américaine à Taïwan pourrait facilement se métamorphoser en conflit à grande échelle entre les deux plus grandes économies du monde, déclenchant certainement une dépression mondiale, voire un échange nucléaire.
De plus, le président américain Biden s'est engagé à envoyer des troupes pour combattre l'Armée populaire de libération si des hostilités devaient éclater. La situation est donc encore plus périlleuse qu'en Ukraine.
Ce n'est pas l'affaire de Washington
Compte tenu de tous ces éléments, armer Taïwan, c'est s'exposer à des problèmes à l'échelle mondiale. Taïwan et Pékin peuvent régler leurs différends eux-mêmes. Pour parler franchement, les désaccords entre les deux ne concernent pas l'Amérique.
Les Américains doivent donc empêcher le gouvernement d'armer Taïwan. L'armée américaine doit quitter l'Asie de l'Est. Les navires de guerre chinois ne se trouvent pas au large des côtes américaines du Pacifique, pas plus que des troupes ou des bases militaires chinoises dans l'ensemble de l'hémisphère.
La Chine appelle à une coexistence pacifique, et à des relations gagnant-gagnant avec Washington. Les États-Unis devraient les écouter.
Toutes ces troupes, sous-marins, bombardiers, fusées et navires de guerre devraient quitter l'Asie de l'Est avant de déclencher un conflit, ou devenir l'instrument d'une opération sous fausse bannière.
L'incident du golfe du Tonkin, un faux rapport faisant état d'une attaque vietnamienne contre un navire américain, a conduit à la Résolution du golfe du Tonkin, une déclaration de guerre de facto contre le Viêt Nam. Au final, des millions de personnes ont perdu la vie en Asie du Sud-Est au cours de cette horrible guerre. Mais cette guerre ressemblera à une querelle de cour d'école comparée à une guerre entre les États-Unis et la Chine.
* John V. Walsh, jusqu'à récemment professeur de physiologie et de neurosciences à l'école de médecine Chan de l'université du Massachusetts, a écrit sur les questions de paix et de soins de santé pour le San Francisco Chronicle, l'EastBayTimes/San Jose Mercury News, l'Asia Times, LA Progressive, Antiwar.com, CounterPunch et d'autres.
Cet article provient d'Antiwar.com et est reproduit avec l'autorisation de l'auteur.
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https://consortiumnews.com/2023/07/19/the-uss-reckless-arming-of-taiwan/