đâđš Lâassassinat dâIsmail Haniyeh
Si vous pensez quâIsraĂ«l est incapable de tuer des civils non juifs pour la cause sioniste, c'est que vous n'avez pas suivi l'actualitĂ© des neuf derniers mois - ni des 76 derniĂšres annĂ©es, d'ailleurs.
đâđš Lâassassinat dâIsmail Haniyeh
Par Patrick Lawrence* pour Scheerpost, le 31 juillet 2024
Quelques réflexions, écrites dans l'urgence pour répondre à l'urgence du moment, sur l'assassinat, tÎt mardi, d'Ismail Haniyeh. Le président du Politburo du Hamas, ùgé de 62 ans, assassiné lors d'une visite officielle en Iran, était le principal négociateur de l'organisation dans les pourparlers visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza et la libération des otages israéliens détenus par le Hamas et des prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.
Il se pourrait que ces pourparlers soient dĂ©sormais dĂ©finitivement enterrĂ©s. C'est une nouvelle, mais pas un scoop : il est Ă©vident, depuis un certain temps, que le rĂ©gime de Netanyahu - et les Ătats-Unis, par extension Ă©vidente - n'a jamais Ă©tĂ© sĂ©rieux au sujet d'un accord visant Ă mettre fin au gĂ©nocide perpĂ©trĂ© par les forces d'occupation israĂ©liennes dans la bande de Gaza.
Il n'y a plus aucun doute à ce sujet, malgré les bobards du régime Biden qui prétend le contraire.
Aussi significative que soit cette conclusion, il convient de replacer le meurtre de Haniyeh dans un contexte plus large.
Quiconque pense que les Israéliens ne sont pas allés jusqu'à tuer Haniyeh à un moment d'une importance politique et diplomatique capitale est soit compulsivement naïf, soit compulsivement aveugle au caractÚre fonciÚrement pernicieux du régime sioniste.
Haniyeh s'Ă©tait rendu Ă TĂ©hĂ©ran pour assister Ă l'investiture de Masoud Pezeshkian, un rĂ©formateur rĂ©cemment Ă©lu prĂ©sident de l'Iran, et il sâĂ©tait installĂ© dans une rĂ©sidence pour vĂ©tĂ©rans de l'armĂ©e dans le nord de TĂ©hĂ©ran, le quartier Ă la mode de la capitale. L'IRNA, l'agence de presse officielle de la RĂ©publique islamique, a rapportĂ© qu'un missile guidĂ© de prĂ©cision avait tuĂ© Haniyeh et son garde du corps dans la rĂ©sidence Ă 2 heures du matin mardi. Dans un article publiĂ© plus tard dans la journĂ©e, Military Watch, le magazine en ligne indĂ©pendant, a dĂ©clarĂ© que si l'attaque Ă©tait confirmĂ©e comme Ă©tant une frappe aĂ©rienne, il s'agissait probablement d'un avion de chasse F-35, un appareil capable d'Ă©chapper aux systĂšmes de dĂ©fense aĂ©rienne de l'Iran, qui l'avait menĂ©e. Le F-35 est un chasseur furtif que les Ătats-Unis ont vendu jusqu'Ă prĂ©sent Ă 16 pays, dont IsraĂ«l qui, en 2018, est devenu le premier pays Ă dĂ©ployer l'avion au combat.
Il est possible que les IsraĂ©liens se soient appuyĂ©s sur l'aide amĂ©ricaine en matiĂšre de renseignement et de ciblage pour exĂ©cuter une opĂ©ration d'une exactitude aussi extraordinaire, mĂȘme si cela n'est pas confirmĂ© pour l'instant. Il faut nĂ©anmoins faire preuve d'une grande naĂŻvetĂ© pour supposer que le rĂ©gime Biden, de la Maison Blanche aux agences de renseignement et au Pentagone, n'avait pas connaissance du projet d'assassinat des IsraĂ©liens.
Analysons le timing de l'assassinat de Haniyeh sous cet angle. Ce meurtre intervient six jours aprĂšs le discours agressif et belliqueux de Benjamin Netanyahu devant une session plĂ©niĂšre du CongrĂšs. Il est intervenu quelques heures aprĂšs que des avions israĂ©liens, selon les propres dires du rĂ©gime sioniste, aient assassinĂ© Fouad Choukr, le principal commandant militaire du Hezbollah, dans la banlieue de Beyrouth. Cette opĂ©ration a Ă©tĂ© menĂ©e en rĂ©ponse Ă une attaque au missile, samedi dernier, sur un terrain de football dans les hauteurs du Golan, qui a tuĂ© 12 personnes. IsraĂ«l a immĂ©diatement accusĂ© le Hezbollah d'ĂȘtre Ă l'origine des morts sur le plateau du Golan, mais il n'a prĂ©sentĂ© aucune preuve Ă l'appui, tandis que le Hezbollah a niĂ© toute responsabilitĂ©, que le groupe libanais ne souhaite pas provoquer une guerre avec IsraĂ«l et qu'il ne tirerait aucun avantage notable en s'attaquant Ă un terrain de sport.
Ma lecture de l'incident du Golan est Ă prendre ou Ă laisser : bien qu'il n'y ait pas lieu de tirer des conclusions en l'absence de preuves, il est tout Ă fait plausible qu'il s'agisse d'une provocation sous faux drapeau de la part des IsraĂ©liens pour faire avancer un peu plus la guerre avec le Liban. Ne feignez pas la surprise : les victimes du Golan Ă©taient des Druzes syriens, pas des Juifs israĂ©liens, et si vous pensez que le rĂ©gime israĂ©lien est incapable de tuer des civils non juifs pour la cause sioniste, c'est que vous n'avez pas suivi l'actualitĂ© de ces neuf derniers mois - ni mĂȘme de ces 76 derniĂšres annĂ©es, d'ailleurs.
Toujours Ă propos de timing, Haniyeh est rentrĂ© peu de temps auparavant d'une confĂ©rence multipartite Ă PĂ©kin, oĂč 14 factions palestiniennes, dont le Hamas et le Fatah, ont acceptĂ© de s'engager dans la formation d'un gouvernement unifiĂ© aprĂšs prĂšs de deux dĂ©cennies de rivalitĂ©s et de conflits internes. Cela peut ou non porter ses fruits, comme l'ont soulignĂ© de nombreux analystes. Mais nous pouvons mesurer l'importance de ces trois jours de pourparlers en notant que Haniyeh a pris un avion pour y assister et que Wang Yi, le ministre des Affaires Ă©trangĂšres chinois tout en affaires, a apposĂ© son nom sur les documents de travail. Je doute que les IsraĂ©liens aillent jusqu'Ă envisager de telles choses, mais en tuant Haniyeh, ils ont crachĂ© au visage d'un homme d'Ătat trĂšs influent reprĂ©sentant une nation trĂšs puissante.
Au printemps dernier, les Israéliens ont assassiné trois des fils de Haniyeh et plusieurs de leurs enfants, alors que le pÚre et grand-pÚre, qui résidait au Qatar pour pouvoir voyager hors de Gaza au nom des diverses initiatives diplomatiques du Hamas, était bien engagé dans les négociations du Caire en vue d'un cessez-le-feu. Haniyeh, dont j'imagine le chagrin, a continué. Il convient de replacer cette affaire dans un contexte historique.
Mercredi, Mehdi Hasan, journaliste et cofondateur de la sociĂ©tĂ© de mĂ©dias Zeteo, a publiĂ© un excellent historique de la pratique israĂ©lienne consistant Ă assassiner les principaux nĂ©gociateurs du Hamas au moment mĂȘme oĂč ils progressaient vers tel ou tel accord de paix dans telle ou telle circonstance. L'article « Israel Has a History of Killing Hamas Leaders Who Are Trying to Secure Ceasefires » [IsraĂ«l a pour habitude de tuer les dirigeants du Hamas qui tentent d'obtenir un cessez-le-feu] est une lecture qui donne Ă rĂ©flĂ©chir. La seule conclusion possible est que les IsraĂ©liens n'ont jamais pris autre chose au sĂ©rieux que l'extermination du peuple avec lequel ils prĂ©tendent nĂ©gocier.
Mars 2004 : le Cheikh Ahmed Yassine, Ă©minente figure spirituelle et cofondateur du Hamas, est assassinĂ© Ă la sortie d'une mosquĂ©e, dans son fauteuil roulant, car il Ă©tait tĂ©traplĂ©gique. Yassin avait proposĂ©, quelques mois plus tĂŽt, un accord de paix Ă long terme avec IsraĂ«l si - ce qui n'est pas une mince affaire - âun Ătat palestinien est crĂ©Ă© en Cisjordanie et dans la bande de Gazaâ.
Avril 2004 : Abdel Aziz al-Rantisi, le successeur de Yassine, est tué par une attaque de missile alors qu'il tentait de maintenir en vie l'initiative de paix de Yassine.
Novembre 2012 : Ahmed Jabari, un haut commandant militaire du Hamas, est assassinĂ©, dĂ©clenchant la guerre brĂšve mais meurtriĂšre que les forces d'occupation israĂ©liennes, les FIO, ont appelĂ©e - au cas oĂč vous ne le sauriez pas - Operation Pillar of DĂ©fense. Jabari Ă©tait en pourparlers secrets avec Gershon Baskin, un Ă©minent militant pacifiste israĂ©lien, dans le but de rĂ©diger un accord dont sortirait âune trĂȘve Ă long termeâ, ce que Jabari considĂ©rait comme Ă©tant dans le meilleur intĂ©rĂȘt des Palestiniens.
Aujourd'hui, Ismail Haniyeh rejoint ceux qui sont tombés au champ d'honneur, chacun d'entre eux cherchant un accord pragmatique avec le régime sioniste, et précisément parce qu'ils étaient tous engagés dans cette voie.
Il est temps de le rappeler une fois de plus : le Hamas et ses dirigeants ont un long passĂ© de quĂȘte d'accords raisonnables, comme l'ont reconnu au fil des ans plusieurs diplomates et responsables des services de renseignement occidentaux. Le fait de qualifier le groupe d'âorganisation terroristeâ et de ne plus rien y comprendre est donc un non-sens cyniquement destructeur depuis que le Hamas a pris le contrĂŽle de la bande de Gaza en 2006. N'oublions jamais que ce rejet grossiĂšrement erronĂ© est le fait du rĂ©gime terroriste de loin le plus dangereux du Moyen-Orient et qu'il est soutenu sans relĂąche par les Ătats-Unis, qui, on peut bien en convenir, ont leur propre longue histoire en matiĂšre d'activitĂ©s terroristes dans la rĂ©gion et au-delĂ .
Quelques conclusions, alors que les Palestiniens se préparent à enterrer Ismail Haniyeh :
L'Ătat terroriste d'IsraĂ«l n'est absolument pas disposĂ© Ă faire la paix ou Ă nĂ©gocier un quelconque rĂšglement avec le peuple palestinien, quelle que soit la personne que les Palestiniens choisissent pour les reprĂ©senter. Il est temps que la communautĂ© internationale cesse de prĂ©tendre le contraire - en particulier, mais pas seulement, en insistant sur le fait qu'une solution Ă deux Ătats reste une perspective rĂ©elle.
Il s'ensuit que le régime sioniste est en fait, et jusqu'à preuve du contraire, déterminé à exterminer ou à expulser la population palestinienne, tant à Gaza qu'en Cisjordanie. Sur ce point, le doute n'est plus permis, si tant est qu'il l'ait jamais été.
Israël poursuit sans relùche une guerre plus étendue dans la région, centrée sur la destruction de la République islamique. Il n'a aucune intention de tempérer cette obsession. L'assassinat de Haniyeh, ainsi que l'intensification des provocations contre l'Iran, le long de la frontiÚre israélienne avec le Liban et en Cisjordanie, indiquent qu'Israël considÚre le moment présent comme l'occasion de faire de cette guerre une réalité.
IsraĂ«l sait trĂšs bien qu'il ne peut pas gagner la guerre qu'il convoite. C'est prĂ©cisĂ©ment parce qu'il recherche assidĂ»ment cette guerre qu'il veut y entraĂźner les Ătats-Unis. C'est ce qui rend si dangereux l'accueil follement excessif que Netanyahu a reçu au CongrĂšs le 24 juillet.
Enfin, et de maniÚre plus générale, il est temps de reconnaßtre qu'Israël est incapable de mener une politique digne de ce nom parce qu'il ne s'y intéresse pas et qu'il ne jouit, par conséquent, d'aucune relation diplomatique saine et équilibrée avec les autres membres de la communauté des nations. Si cette réalité ne paraßt pas évidente à ce stade, elle s'avérera irréfutable au fil du temps.
En revanche, dans sa rĂ©gion, IsraĂ«l s'en remet Ă la brutalitĂ© ou recourt Ă la menace, au nom d'une vengeance prĂ©tendument hĂ©ritĂ©e de l'Ancien Testament. Et la tutelle amĂ©ricaine est la clĂ© de l'approche de l'Ătat d'apartheid dans l'immĂ©diat. MĂȘme si, par exemple, un accord se dessine entre Riyad et Tel-Aviv - inutile de retenir notre souffle -, IsraĂ«l n'obtiendra pas gain de cause, il ne le peut tout simplement pas. Les Ătats-Unis imposeront leur volontĂ© ou soudoieront - ou les deux - deux Ătats-clients.
Dans le reste du monde, Israël dépend principalement des élans de sympathie, de l'éternelle victimisation et de la manipulation des consciences coupables des Européens. Les Américains y ajouteront les pots-de-vin permanents et les intimidations à peine dissimulées du lobby israélien, appliqués à une classe politique décadente, tour à tour avide et tétanisée.
Depuis des décennies, je considÚre la Palestine comme la plaie sanglante dans la chair de l'humanité. La cause et le remÚde sont désormais plus qu'évidents.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est critique des médias, essayiste, auteur et conférencier. Son nouveau livre, Journalists and Their Shadows, vient de paraßtre chez Clarity Press. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon.
https://scheerpost.com/2024/07/31/patrick-lawrence-the-murder-of-ismail-haniyeh/
En dehors de l approche tout Ă fait pertinente et lucide que fait l'auteur, je constate qu'il est tombĂ© dans le piĂšge du sempiternel espoir ridicule de 'solution Ă 2 Ă©tats '. Ăternelle marotte des intellectuels occidentaux qui pensent que c'est LA solution ! MĂȘme les nĂ©gociateurs palestiniens y ont crĂ» pendant longtemps (avant d'ĂȘtre assassinĂ©s les uns aprĂšs les autres). Un peu moins dĂ©sormais...
Quand est-ce que les gens vont enfin ouvrir les yeux? DÚs, le meurtre de Folke Bernadotte, Israël avait clairement enterré cette idée. Pourquoi cette sotte lubie refait surface ? Pour éviter de penser qu'il n'y a pas d'alternative ? Que seul le retour à la Palestine d'avant 1947 et comme état souverain est la seule ? Ce qui inclut l'expulsion (ou le nettoyage) des colonisateurs ? Tout le monde se voile la face et ne parle que de cessez-le-feu....Aurions-nous supporté, nous français, de vivre encore actuellement sous le joug nazi depuis 1940 dans les conditions que connaissent les Palestiniens ? Imaginez les ricains soutenant l'Allemagne à l'ONU dans sa guerre d'extermination du dernier gaulois et menacant de mettre l'Europe à feu et à sang pour assoir son hégémonie aryenne ? Une solution à 2 états avec un résidu de 'france' dans les Cévennes détruites à 80% et un petit bout dans les Landes brûlé à 100 % ?
Les nazis aussi traitaient les résistants de 'terroristes'.
Il n'y a pas de solutions , il n'y a que la destruction du mal par la force. On ne négocie pas avec un chien qui a la rage, on l'abat. L'histoire est une leçon, mais certain l'oublient...