👁🗨 L'assaut du Hamas sur Israël du 7 octobre
Les Palestiniens ont souffert d'indicibles privations avant de voir se réaliser le rêve d'une patrie palestinienne & savent que l’unique voie passe par une victoire politique, et fatalement militaire.
👁🗨 L'assaut du Hamas sur Israël du 7 octobre
Le raid militaire le plus réussi du siècle
Par Scott Ritter, le 13 novembre 2023
Les Palestiniens ont souffert d'indicibles privations en attendant de voir se réaliser le rêve d'une patrie palestinienne & savent que l’unique voie passe par une victoire politique, et nécessairement militaire.
Je cite souvent un truisme lorsque je discute des différentes approches analytiques pour évaluer le large éventail de problèmes géopolitiques auxquels le monde est confronté aujourd'hui - on ne peut résoudre un problème sans le définir correctement au préalable. L'essentiel de l'argument est assez simple : toute solution qui n'a rien à voir avec le problème en question n'est, littéralement, pas une solution.
Israël a qualifié l'attaque menée par le Hamas contre les différentes bases militaires israéliennes et les colonies militarisées, ou Kibboutz, qui, dans leur ensemble, constituaient une partie importante du système de barrière de Gaza, d'acte terroriste massif, le comparant aux attaques du 11 septembre 2001 contre les États-Unis. Israël soutient cette affirmation en citant le nombre de personnes tuées (environ 1 200, chiffre revu à la baisse par Israël après avoir réalisé que 200 des morts étaient des combattants palestiniens), et en détaillant un large éventail d'atrocités perpétrées, selon lui, par le Hamas, notamment des viols collectifs, la décapitation d'enfants et l'assassinat de civils israéliens non armés.
Le problème des affirmations israéliennes est qu'elles sont manifestement fausses ou trompeuses. Près d'un tiers des victimes israéliennes étaient des militaires, des agents de sécurité et des policiers. De plus, il s'avère que le premier tueur d'Israéliens le 7 octobre n'était pas le Hamas ou d'autres factions palestiniennes, mais l'armée israélienne elle-même. Une vidéo récemment diffusée montre des hélicoptères Apache israéliens tirant sans discrimination sur des civils israéliens qui tentaient de fuir le rassemblement Supernova Sukkot organisé en plein désert près du kibboutz Re'im, les pilotes étant incapables de faire la distinction entre les civils et les combattants du Hamas. De nombreux véhicules que le gouvernement israélien a montrés comme exemple des perfidies du Hamas ont été détruits par les hélicoptères Apache israéliens.
De même, le gouvernement israélien a largement diffusé ce qu'il appelle le “massacre de Re'im”, citant un bilan de quelque 112 civils qui, selon lui, ont été assassinés par le Hamas. Cependant, les témoignages de civils israéliens survivants et de militaires impliqués dans les combats montrent que la grande majorité des personnes tuées a été victime des tirs de soldats et de chars israéliens dirigés contre des bâtiments où les civils se cachaient ou étaient retenus en otage par des combattants du Hamas. Il a fallu deux jours à l'armée israélienne pour reprendre Re'im. Elle ne l'a fait qu'après que des chars aient tiré sur les maisons des civils, les faisant s'effondrer sur leurs occupants et les incendiant, les corps de ceux qui se trouvaient à l'intérieur étant détruits par le feu. Le gouvernement israélien a rendu public le recours aux services d'archéologues légistes pour identifier les restes humains dans le kibboutz, laissant entendre que le Hamas avait brûlé la maison des occupants. En réalité, ce sont les chars israéliens qui ont détruit et tué.
Ce scénario s'est répété dans d'autres kibboutz le long de la barrière de Gaza.
Le gouvernement israélien considère les kibboutz comme des entités purement civiles et a pourtant fait savoir que les équipes de sécurité armées de plusieurs kibboutz - composées de résidents dits “civils” - ont pu se mobiliser à temps pour repousser avec succès les assaillants du Hamas. En réalité, chaque kibboutz a dû être traité par le Hamas comme un campement armé et, à ce titre, attaqué comme s'il s'agissait d'un objectif militaire, pour la simple raison que c'était le cas de tous les kibboutz.
En outre, jusqu'à ce qu'Israël transfère plusieurs bataillons de FDI en Cisjordanie, chaque kibboutz était protégé par une brigade d'environ 20 soldats des FDI qui logeaient dans le kibboutz. Étant donné que le Hamas avait planifié cette attaque depuis plus d'un an, il devait supposer que ces 20 soldats des FDI se trouvaient toujours dans chaque kibboutz et agir en conséquence.
Scott Ritter discutera de cet article dans l'épisode 114 de l'émission Ask the Inspector.
Le gouvernement israélien a dû revenir sur ses affirmations selon lesquelles le Hamas aurait décapité 40 enfants et n'a fourni aucune preuve crédible de l'implication du Hamas dans le viol ou l'agression sexuelle d'une seule femme israélienne. Les témoins oculaires décrivent les combattants du Hamas comme étant disciplinés, déterminés et meurtriers dans l'attaque, tout en étant polis et bienveillants envers les captifs civils.
On peut donc se demander pourquoi le gouvernement israélien s'évertue à fabriquer un récit destiné à étayer une description fausse et trompeuse de l'attaque menée le 7 octobre par le Hamas contre la barrière de Gaza, la qualifiant d'acte terroriste.
La réponse est aussi troublante que claire : ce qui s'est passé le 7 octobre n'était pas une attaque terroriste, mais un raid militaire. En qualifiant les événements du 7 octobre d'actes terroristes, Israël rejette la responsabilité des pertes énormes sur ses services militaires, de sécurité et de renseignement et sur le Hamas. Si Israël devait cependant reconnaître que ce que le Hamas a fait était en fait un raid - une opération militaire - la compétence de l'armée, de la sécurité et des services de renseignement israéliens serait remise en question, tout comme le leadership politique responsable de la supervision et de la direction de leurs opérations.
Et si vous êtes le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, c'est bien la dernière chose dont vous ayez besoin.
Benjamin Netanyahou se bat pour sa survie politique. Il était déjà confronté à une crise qu'il avait lui-même provoquée, après avoir fait adopter une loi qui réécrivait la loi fondamentale israélienne de manière à placer le système judiciaire israélien sous le contrôle de la Knesset, mettant ainsi fin à son statut de juridiction distincte mais égale à celui du gouvernement (tant pis pour Israël en tant que “plus grande démocratie du Moyen-Orient”). Cet acte a conduit Israël au bord de la guerre civile, des centaines de milliers de manifestants étant descendus dans la rue pour critiquer M. Netanyahou. Ce qui rend les actions de M. Netanyahou encore plus méprisables, c'est qu'elles ne représentaient rien de plus qu'une manœuvre politique visant à empêcher le système judiciaire israélien de le juger sur la base de plusieurs allégations crédibles de corruption qui, si M. Netanyahou avait été reconnu coupable (ce qui est très probable), l'auraient envoyé en prison pour de nombreuses années.
M. Netanyahou s'est présenté comme le principal défenseur d'Israël, un spécialiste des menaces auxquelles Israël est confronté à l'étranger et de la meilleure façon d'y répondre. Il a ouvertement plaidé en faveur d'une confrontation militaire avec l'Iran au sujet de son programme nucléaire. M. Netanyahou est également un partisan du sionisme politique dans son application la plus extrême et a encouragé l'expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie, qui ont recours à des méthodes autorisant à déplacer de force les Palestiniens de leurs maisons et de leurs villages, dans le cadre d'un plan global visant à la création d’un “grand Israël” à l'image de celui des temps bibliques.
Une partie de la stratégie de Netanyahou pour réaliser ce rêve d'un “grand Israël” consiste à affaiblir le peuple palestinien et son gouvernement au point de les rendre insignifiants, les empêchant ainsi de réaliser leur rêve d'obtenir un État palestinien indépendant. Pour faciliter cette stratégie, Netanyahou a, au cours des deux dernières décennies, favorisé le développement du Hamas en tant qu'organisation politique. L'objectif de ce soutien était simple : en soutenant le Hamas, Netanyahou a affaibli l'Autorité palestinienne, l'organe de gouvernance du peuple palestinien, dirigé par son président, Mahmoud Abbas.
Le plan de Netanyahou a fonctionné : en septembre 2020, Netanyahou a signé les accords d'Abaraham, une série d'accords bilatéraux négociés par l'administration du président Donald Trump, destinés à normaliser les relations entre Israël et plusieurs États arabes du Golfe au détriment d'une nation palestinienne indépendante. Avant l'attaque du Hamas du 7 octobre, Israël était sur le point de normaliser ses relations avec l'Arabie saoudite, coup de grâce porté à la création d'un État palestinien.
Si Israël a progressé dans cette voie, c'est notamment en créant un clivage politique entre le Hamas et l'Autorité palestinienne.
Le 7 octobre, cependant, ce succès a été balayé par la victoire du Hamas sur les forces de défense israéliennes. Les modalités précises de cette victoire feront l'objet d'un autre dossier. Mais les éléments de base de cette victoire sont bien établis.
Le Hamas a effectivement neutralisé les services de renseignement israéliens, dont la réputation n'est plus à faire, en les empêchant de prévoir une attaque d'une telle ampleur.
Lorsque l'attaque a eu lieu, le Hamas a pu frapper avec précision les points de surveillance et de communication sur lesquels les forces de défense israéliennes comptaient pour déclencher une riposte en cas d'attaque.
Le Hamas a vaincu les soldats israéliens stationnés le long du mur de séparation dans des combats rapprochés. Deux bataillons de la brigade Golani ont été mis en déroute, de même que des éléments d'autres unités réputées des FDI.
Le Hamas a frappé avec une précision implacable le quartier général de la division de Gaza, le centre de renseignement local et d'autres structures de commandement et de contrôle importantes, transformant ce qui aurait dû être un temps de réponse de cinq minutes en plusieurs heures, soit plus de temps qu'il n'en faut au Hamas pour réaliser l'un de ses principaux objectifs, à savoir la prise d'otages. C'est ce qu'ils ont fait avec une efficacité extrême, regagnant la bande de Gaza avec plus de 230 soldats et civils israéliens.
Le corps des Marines définit les raids comme “des opérations, généralement de petite envergure, impliquant une percée rapide en territoire ennemi afin d'obtenir des informations, de confondre l'ennemi ou de détruire ses installations. Elle s’achève par un retrait planifié après l'accomplissement de la mission assignée”.
C'est précisément ce que le Hamas a fait le 7 octobre.
Quels étaient les objectifs de ce raid ? Selon le Hamas, l'objectif du raid du 7 octobre était triple.
Premièrement, réaffirmer le droit du peuple palestinien à une patrie non définie par les accords d'Abaraham.
Deuxièmement, libérer les plus de 10 000 Palestiniens détenus par Israël, dont la plupart ne sont accusés d'aucun crime et ne bénéficient d'aucune procédure régulière.
Troisièmement, rétablir le caractère sacré de la mosquée Al Aqsa à Jérusalem, troisième lieu saint de l'islam, profanée à maintes reprises par les forces de sécurité israéliennes au cours des dernières années.
Pour atteindre ces objectifs, le raid du 7 octobre devait créer les prémisses d'une victoire. Pour ce faire, Israël a été suffisamment humilié pour entraîner une riposte prévisible : la mise en œuvre de la doctrine Dahiya de châtiment collectif à l'encontre de la population civile de Gaza, combinée à une attaque terrestre sur Gaza qui allait attirer les Forces de Défense Israéliennes dans ce qui était en réalité une embuscade tendue par le Hamas.
La prise d'otages devait permettre au Hamas de négocier la libération des 10 000 prisonniers détenus par Israël.
Les bombardements et l'invasion de Gaza par Israël ont suscité un rejet international à l'encontre d'Israël, le monde entier réagissant à la catastrophe humanitaire qui se déroule sous ses yeux. Les rues des grandes villes du monde entier ont été envahies par des manifestants en colère qui protestent au nom du peuple palestinien et de la création d'un État palestinien. Les États-Unis déclarent aujourd'hui qu'une solution à deux États - ce que l'accord d'Abraham avait pour but d'empêcher - est désormais la seule voie possible pour la paix au Moyen-Orient.
Les États-Unis n'auraient jamais fait une telle déclaration le 6 octobre.
Si les États-Unis ont adopté cette posture, ce n'est qu'en réaction au raid du Hamas du 7 octobre.
Israël est en train de négocier avec les États-Unis et d'autres pays un éventuel échange de prisonniers entre des otages du Hamas et certaines catégories de prisonniers politiques - femmes et enfants - détenus par Israël (oui, vous avez bien lu, des enfants...). Vous comprenez mieux maintenant pourquoi le Hamas a décidé de prendre des enfants israéliens en otage).
Sans le raid du Hamas du 7 octobre, cette option n'aurait jamais vu le jour.
En Arabie saoudite, le plus grand rassemblement de nations islamiques de l'histoire moderne s'est réuni pour discuter de la crise de Gaza. L'un des principaux points à l'ordre du jour est la question de la mosquée Al Aqsa et la fin de la profanation par Israël.
Cette discussion n'aurait jamais eu lieu sans le raid du Hamas du 7 octobre.
Il va sans dire que le raid du Hamas du 7 octobre a déclenché une vague de représailles brutales sous forme de bombes, d'obus et de balles sur la population civile de Gaza. Il s'agit de civils qui, pendant près de huit décennies, ont été privées de leur propre patrie par les Israéliens, et ont été brutalement expulsé de la terre actuellement appelée Israël lors de l'un des plus grands actes de nettoyage ethnique de l'histoire moderne, la Nakba, ou catastrophe, de 1948.
Les Palestiniens ont souffert d'indicibles privations de la part de l'occupant israélien en attendant de voir leur rêve d'une patrie palestinienne se réaliser. Ils savent qu'une patrie palestinienne ne peut être concrétisée tant qu'Israël est gouverné par ceux qui adhèrent à la notion d'un Grand Israël (Eretz), et que la seule manière de les chasser est de les vaincre politiquement, et le seul moyen de déclencher leur défaite politique est de les vaincre militairement.
C'est ce que le Hamas est en train d'accomplir.
Mais le prix à payer est lourd. Les Français ont perdu 20 000 civils pour libérer la Normandie à l'été 1944. Jusqu'à présent, les civils palestiniens de Gaza comptent 12 000 morts suite aux opérations menées par le Hamas pour vaincre militairement l'occupant israélien.
Ce prix sera encore plus élevé dans les jours et les semaines à venir.
C'est toutefois le tribut qui devra être payé pour qu'une patrie palestinienne ait une chance de voir le jour.
Le sacrifice du peuple palestinien a interpellé un monde arabe et islamique qui, à quelques exceptions près, est resté muet devant les dépravations commises par Israël à l'encontre du peuple palestinien. Qui n'a rien fait lorsque la cause de la création d'un État palestinien a été évoquée dans les accords d'Abraham.
Ce n'est qu'en raison des souffrances du peuple palestinien que l'on s'intéresse aujourd'hui à la cause de l'État palestinien.
Ou au bien-être des prisonniers palestiniens détenus par Israël.
Ou au caractère sacré de la mosquée Al Aqsa.
Tels étaient les objectifs déclarés du Hamas lorsqu'il a lancé son attaque du 7 octobre.
Et tous ces objectifs sont en train d'être atteints à l'heure où nous parlons.
Et ce, uniquement en raison des actions du Hamas et des sacrifices du peuple palestinien.
Ce qui fait de l'attaque du 7 octobre contre Israël par le Hamas le raid militaire le plus efficace de ce siècle.