đâđš Le 7 octobre & la rĂ©volution palestinienne
Il faut rĂ©cuser le âdĂ©ni normalisĂ©â du droit de rĂ©sistance Ă©levant l'IsraĂ«l gĂ©nocidaire au rang de âdĂ©mocratieâ. Ne laissons pas ses sponsors enterrer les acquis post-coloniaux du droit international.

đâđš Le 7 octobre & la rĂ©volution palestinienne
Par Tim Anderson, le 2 octobre 2024
Le mythe sur la Palestine n'est pas seulement le résultat d'une intense propagande : il s'appuie également sur l'échec des Anglo-Américains à reconnaßtre le droit international en matiÚre de décolonisation et le droit des peuples colonisés à résister. Mais cet échec se cache derriÚre le double langage.
Ă la fin de l'annĂ©e derniĂšre, un gĂ©nĂ©ral syrien de premier plan m'a dit qu'avant le 7 octobre 2023, le rĂ©gime israĂ©lien reposait sur deux piliers : son armĂ©e et ses sponsors internationaux. AprĂšs le 7 octobre, son armĂ©e a Ă©tĂ© Ă©crasĂ©e et il s'est retrouvĂ© sur le seul appui de ses bailleurs de fonds internationaux. Bien entendu, dans les mĂ©dias occidentaux, ce remarquable exploit militaire a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© comme un scĂ©nario catastrophe - une âattaque barbare impliquant meurtres et viols indiscriminĂ©sâ. Ces deux versions ne peuvent toutes deux ĂȘtre vraies, et la question mĂ©rite donc d'ĂȘtre examinĂ©e de plus prĂšs. Pour les IsraĂ©liens et leurs parrains occidentaux, le 7 octobre a Ă©tĂ© un choc, mais il a surtout permis d'affirmer que la RĂ©sistance palestinienne Ă©tait du terrorisme inhumain. Pour la RĂ©sistance, en revanche, la percĂ©e a commencĂ© avec des objectifs limitĂ©s, mais est devenue l'Ă©tape finale de la rĂ©volution palestinienne, une lutte dĂ©colonisatrice qui mettra fin au rĂ©gime gĂ©nocidaire et d'apartheid.
Le mythe sur la Palestine n'est pas seulement le rĂ©sultat d'une intense propagande : il s'appuie Ă©galement sur l'Ă©chec des Anglo-AmĂ©ricains Ă reconnaĂźtre le droit international en matiĂšre de dĂ©colonisation et le droit des peuples colonisĂ©s Ă rĂ©sister. Mais cet Ă©chec est occultĂ© par un double langage. Washington s'est empressĂ© de fournir un soutien militaire aux ârĂ©volutionsâ entiĂšrement truquĂ©es en Libye et en Syrie, tout se disant horrifiĂ© par les rĂ©volutions rĂ©elles et en cours au YĂ©men et en Palestine, faisant tout ce qui Ă©tait en son pouvoir pour les rĂ©primer.
Ătant donnĂ© que l'insurrection du 7 octobre Ă Gaza reprĂ©sente le dĂ©but d'un processus beaucoup plus Ă©tendu, elle devrait ĂȘtre commĂ©morĂ©e comme une Ă©tape majeure de la libĂ©ration palestinienne. Ă l'instar du soulĂšvement de PĂąques 1916 en Irlande, les attaques du 7 octobre ont Ă©tĂ© inattendues mais rapidement rĂ©primĂ©es, au prix de grands sacrifices cĂŽtĂ© RĂ©sistance, et suivies d'abominables reprĂ©sailles sur les civils. Cependant, comme le soulĂšvement irlandais, ces attaques ont Ă©veillĂ© les consciences et dĂ©clenchĂ© une guerre de libĂ©ration Ă plus grande Ă©chelle. Pour ces raisons, l'ensemble du monde anticolonial devrait considĂ©rer cette journĂ©e comme celle de la RĂ©sistance, et non comme une dĂ©formation abĂątardie, conçue pour servir le mythe du colonisateur. Nous devrions nommer et nous souvenir de ceux qui ont donnĂ© leur vie pour cet Ă©vĂ©nement, qui a brisĂ© une longue lĂ©thargie anesthĂ©siĂ©e par les accords d'Oslo. Les diffĂ©rences avec l'histoire du soulĂšvement irlandais prouvent simplement qu'il est nĂ©cessaire de raconter plus fidĂšlement l'histoire de cette insurrection remarquable. Cet essai est une premiĂšre tentative, de la part d'un Ă©tranger.
L'un des avantages de ce type d'histoire aujourd'hui rĂ©side dans le corpus de normes postcoloniales convenues, inexistant en 1916. En Ă©tudiant ces normes, en particulier le dĂ©veloppement du droit de rĂ©sister, nous trouverons de nombreuses raisons de nous opposer Ă la normalisation avec la nĂ©gation anglo-amĂ©ricaine de ce droit, et la nĂ©cessitĂ© de rejeter les Ă©tiquettes partisanes et illĂ©gitimes telles que le âterrorismeâ, qui ne servent qu'Ă couvrir les crimes monstrueux des colonisateurs et de ceux qui les ont soutenus.
1. Le soulĂšvement
L'opĂ©ration de Gaza a Ă©tĂ© baptisĂ©e Al Aqsa Flood (AAF) - allusion aux incursions israĂ©liennes successives sur l'esplanade de la mosquĂ©e Al Aqsa Ă JĂ©rusalem - et visait Ă âlibĂ©rer notre terre, nos lieux saints, notre mosquĂ©e Al Aqsa [et] nos prisonniersâ. L'opĂ©ration a Ă©tĂ© conçue plusieurs mois avant l'attaque du 7 octobre, mais c'est cette attaque qui l'a caractĂ©risĂ©e. Plus prĂ©cisĂ©ment, AAF visait Ă dĂ©truire la garnison de Gaza et Ă faire des prisonniers israĂ©liens, qui seraient destinĂ©s Ă un Ă©change de prisonniers. DirigĂ©e par l'aile militaire du Hamas, al-Qassam, cette opĂ©ration Ă©tait composĂ©e d'une coalition de plusieurs groupes de la RĂ©sistance palestinienne (notamment les Brigades al-Quds du PIJ et les Brigades des martyrs d'al-Aqsa du Fatah), dont la plupart sont restĂ©s actifs dans les attaques armĂ©es contre les forces israĂ©liennes tout au long de lâannĂ©e 2024.
Aux premiĂšres heures du 7 octobre 2023, la coalition dirigĂ©e par le Hamas a lancĂ© des milliers de roquettes sur le sud de la Palestine occupĂ©e, pour couvrir une opĂ©ration terrestre impliquant des centaines de combattants qui ont franchi les barriĂšres Ă l'aide de bulldozers, de bateaux Ă moteur, de motos et mĂȘme d'un deltaplane motorisĂ©. Les combattants palestiniens ont pĂ©nĂ©trĂ© dans au moins trois bases militaires, Ă la frontiĂšre de Beit Hanoon, Ă la base de Zikim et au quartier gĂ©nĂ©ral de la division de Gaza Ă Reim. Ils ont attaquĂ© les militaires avec des armes lĂ©gĂšres, et ont fait des prisonniers parmi les militaires et les civils israĂ©liens.
Vers 10 heures, les IsraĂ©liens ont commencĂ© Ă bombarder les zones frontaliĂšres, y compris ce qui s'est avĂ©rĂ© plus tard ĂȘtre un bombardement aveugle, pour mettre fin Ă l'incursion et Ă la prise d'otages. Cette rĂ©action a Ă©tĂ© immĂ©diatement suivie d'un pilonnage Ă grande Ă©chelle de la bande de Gaza, prĂ©tendument pour rĂ©primer les groupes armĂ©s, mais dans le but ouvertement dĂ©clarĂ© de punir l'ensemble de la population de Gaza. Cet assaut a trĂšs vite Ă©tĂ© qualifiĂ© de gĂ©nocidaire, mĂȘme dans certains mĂ©dias occidentaux.
Qu'en est-il des victimes du 7 octobre ? Il semble qu'il n'y ait pas de donnĂ©es publiques disponibles sur les victimes palestiniennes ce jour-lĂ et, du cĂŽtĂ© israĂ©lien, nous devons nous fier aux sources israĂ©liennes. C'est un problĂšme, car le rĂ©gime israĂ©lien est connu pour son manque dâhonnĂȘtetĂ© et sa censure. Il diffuse des informations erronĂ©es Ă des fins intĂ©ressĂ©es, en particulier dans le cadre de ses opĂ©rations de âsĂ©curitĂ©â. D'autre part, lorsque des sources israĂ©liennes contredisent l'histoire officielle, elles peuvent ĂȘtre crĂ©dibles en tant qu'â aveux contre les intĂ©rĂȘtsâ. Mais il convient Ă©galement de noter une chose Ă propos de ceux que l'on appelle âcivilsâ dans le contexte israĂ©lien : pratiquement tous les IsraĂ©liens adultes sont des rĂ©servistes militaires et de nombreux colons sont lourdement armĂ©s. Certains de ces colons-soldats font mĂȘme l'objet de sanctions personnelles de la part du principal sponsor d'IsraĂ«l, les Ătats-Unis, en raison de leur extrĂȘme violence.
Compte tenu de ces rĂ©serves, des sources israĂ©liennes ont dĂ©clarĂ© qu'entre 360 et 441 membres des forces de sĂ©curitĂ© (soldats et policiers) ont Ă©tĂ© tuĂ©s le 7 octobre, et qu'au moins 346 autres l'ont Ă©tĂ© au cours de la campagne israĂ©lienne qui a suivi dans la bande de Gaza. Selon ces mĂȘmes sources, entre 700 et 800 civils ont Ă©tĂ© tuĂ©s, et 251 autres âcivils et soldatsâ ont Ă©tĂ© faits prisonniers. La RĂ©sistance voulait Ă©changer ces prisonniers de guerre (âotagesâ) contre les milliers de Palestiniens dĂ©tenus dans les prisons israĂ©liennes. Au total, 1 139 IsraĂ©liens auraient Ă©tĂ© tuĂ©s.
ComparĂ©e Ă l'assaut israĂ©lien sur Gaza, l'opĂ©ration semble extraordinairement bien ciblĂ©e et les pertes âcivilesâ particuliĂšrement rĂ©duites. Un tel coup portĂ© Ă l'armĂ©e israĂ©lienne est inĂ©dit depuis la guerre de 1973. Avant 2023, le bilan de ce que l'on appelle le âconflit israĂ©lo-gazaouiâ s'Ă©levait Ă plusieurs milliers de Palestiniens, pour la plupart des civils, et Ă quelques dizaines d'IsraĂ©liens, pour la plupart des militaires.
Cependant, les Ă©vĂšnements du 7 octobre ont Ă©tĂ© montĂ©es en Ă©pingle par le rĂ©gime israĂ©lien, l'armĂ©e et les premiers intervenants, qui ont affirmĂ© avoir vu â40 bĂ©bĂ©s dĂ©capitĂ©sâ, des viols en masse et le massacre alĂ©atoire de jeunes gens lors d'un festival de musique.
Ces trois mythes inventés ont été démentis par des preuves indépendantes, y compris les aveux israéliens.
BĂ©bĂ©s dĂ©capitĂ©s - de nombreux mĂ©dias ont dĂ©menti les affirmations selon lesquelles le Hamas aurait dĂ©capitĂ© des bĂ©bĂ©s israĂ©liens, mais le prĂ©sident Joe Biden n'a cessĂ© de rĂ©pĂ©ter le mensonge selon lequel il avait vu des photos de ces bĂ©bĂ©s, tandis que le Times a titrĂ© âIsraĂ«l publie des photos de bĂ©bĂ©s mutilĂ©sâ, avec (initialement) des photos de bĂ©bĂ©s palestiniens comme âpreuveâ des âatrocitĂ©sâ palestiniennes. Dans le mĂȘme temps, des cas documentĂ©s de soldats israĂ©liens tirant dĂ©libĂ©rĂ©ment sur des enfants ont Ă©tĂ© recensĂ©s jusqu'en 2024. La Maison Blanche a Ă©tĂ© contrainte de ârevenirâ sur l'affirmation malhonnĂȘte ou dĂ©lirante de Joe Biden selon laquelle il aurait vu des photos d'enfants dĂ©capitĂ©s.
Viols massifs - malgrĂ© ces affirmations, reprises par la BBC et The Guardian, le rĂ©gime israĂ©lien n'a pas prĂ©tendu avoir identifiĂ© de victimes de viols spĂ©cifiques, ni produit de vidĂ©os ou de preuves mĂ©dico-lĂ©gales corroborant ces affirmations - il s'est plutĂŽt appuyĂ© sur des affirmations de militaires et de secouristes. Le Times of Israel s'est dit contrariĂ© par le fait que les ârĂ©cits dĂ©mentisâ des secouristes de Zaka aient âalimentĂ© le scepticismeâ Ă l'Ă©gard de l'histoire gĂ©nĂ©rale des prĂ©tendus âviols massifsâ du Hamas.
Pourtant, le viol et le meurtre de femmes palestiniennes par des soldats israéliens à Gaza, ainsi que le viol par des Israéliens de prisonniers palestiniens de sexe masculin (qui a donné lieu à des inculpations) ont été révélés, mais ces viols ont ensuite été justifiés dans certains médias israéliens.
Le massacre de civils lors du festival de musique a Ă©tĂ© revendiquĂ© par les combattants du Hamas, qui ont effectivement tuĂ© et capturĂ© quelques âcivilsâ adultes. Pourtant, l'armĂ©e israĂ©lienne, en vertu de la directive Hannibal (qui ordonne le recours sans discrimination aux armes pour empĂȘcher la capture de soldats) a attaquĂ© les trois infrastructures de l'armĂ©e infiltrĂ©es par la RĂ©sistance palestinienne, tandis que l 'aviation israĂ©lienne dĂ©truisait 70 vĂ©hicules en fuite et que les chars israĂ©liens tiraient sur le kibboutz Be'eri. Un commandant de char israĂ©lien a admis avoir tirĂ© sur le kibboutz pendant la âprise d'otagesâ. De nombreux mĂ©dias ont conclu que l'armĂ©e israĂ©lienne est bien responsable d'une grande partie des meurtres de citoyens israĂ©liens (et de certains soldats israĂ©liens) survenus le 7 octobre. Ces dĂ©cĂšs seraient dus Ă des âtirs amisâ en vertu de la âdirective Hannibalâ.
En résumé, les allégations de meurtres d'enfants, de viols et de massacres de civils ont été rapidement établies comme étant des crimes commis par les forces israéliennes, mais ont été en grande partie démenties comme étant des allégations contre la Résistance palestinienne. L'insurrection menée par le Hamas a eu pour effet final la destruction d'une grande partie de la garnison de Gaza, la démoralisation de l'ensemble du dispositif militaire et des services de renseignement et la capture de plus de 200 prisonniers.
Toutefois, malgrĂ© un premier Ă©change de femmes et d'enfants Ă la fin de l'annĂ©e 2023, les perspectives d'Ă©change de prisonniers Ă plus grande Ă©chelle ont Ă©tĂ© compromises par le refus d'IsraĂ«l de stopper son offensive dans la bande de Gaza. Or, cette offensive a Ă©tĂ© marquĂ©e par des massacres massifs de civils et par l'incapacitĂ© Ă contenir les attaques de la RĂ©sistance. Un large consensus s'est dĂ©gagĂ© , mĂȘme parmi les militaires israĂ©liens et les sources pro-IsraĂ«l, sur le fait que le Hamas (et ses alliĂ©s) ne pouvait pas ĂȘtre vaincu.
Ătant donnĂ© l'extraordinaire effet de surprise des Ă©vĂ©nements du 7 octobre, qui ont si audacieusement dĂ©jouĂ© les fameux services de renseignement israĂ©liens, une thĂ©orie a Ă©mergĂ© parmi les sceptiques selon laquelle le rĂ©gime (et Netanyahu en particulier) ayant fait preuve d'un certain favoritisme Ă l'Ă©gard du Hamas dans le passĂ© (pour susciter des divisions entre les islamistes et les Palestiniens laĂŻques) aurait pu ĂȘtre Ă l'origine de toute cette affaire. En d'autres termes, les attentats du 7 octobre faisaient partie d'une opĂ©ration sous faux drapeau. Maintenant, s'il est vrai que les groupes liĂ©s aux FrĂšres musulmans (notamment ceux parrainĂ©s par le Qatar, qui accueille une Ă©norme base aĂ©rienne amĂ©ricaine) prĂ©sentent un passif de collaboration, le Hamas a depuis longtemps renouĂ© avec les autres groupes de la RĂ©sistance et tous les Ătats de l'Axe de la rĂ©sistance de la rĂ©gion. La charte rĂ©visĂ©e du groupe en 2017 est rigoureusement non sectaire. Dans ces conditions, et compte tenu des extraordinaires prĂ©judices subis par l'armĂ©e israĂ©lienne, le poids des preuves dĂ©montre que le 7 octobre a Ă©tĂ© une brillante opĂ©ration militaire, et non une opĂ©ration sous faux drapeau.
DerriÚre les représailles civiles israéliennes à Gaza - une tactique fasciste classique, visant à punir les civils pour les attaques de la Résistance - se profile une profonde contradiction entre le droit international sur le droit à la résistance et les vues coloniales et exceptionnalistes des sponsors du régime israélien.
2. Le droit à la résistance
La reconnaissance du droit d'un peuple (et pas seulement d'un Ătat) Ă l'autodĂ©termination dans les annĂ©es 1960 a immĂ©diatement donnĂ© lieu Ă une reconnaissance implicite du droit de rĂ©sister au dĂ©ni de cette autodĂ©termination. Depuis lors, le droit international a rendu ce droit de plus en plus explicite. Pourtant, les systĂšmes juridiques nationaux restent divisĂ©s, le droit de rĂ©sister Ă©tant gĂ©nĂ©ralement bien reconnu par les Ătats post-coloniaux et post-fascistes, mais rejetĂ© par les Ătats absolutistes (comme la Grande-Bretagne) et la puissance hĂ©gĂ©monique centrale (les Ătats-Unis) et nombre de ses satellites, qui appliquent ce droit de maniĂšre trĂšs sĂ©lective. Cette reconnaissance nationale inĂ©gale du droit international relatif au droit de rĂ©sistance constitue un dilemme central pour les luttes d'autodĂ©termination dans le monde post-colonial.
Dans son essai de 1965 intitulĂ© âLe colonialisme sioniste en Palestineâ, l'universitaire et diplomate syro-amĂ©ricain Fayez Sayegh a dĂ©fendu les droits nationalistes arabes et le droit implicite Ă la rĂ©sistance dans la Charte des Nations unies, qualifiant la pĂ©riode âde 1917 Ă 1948 de pĂ©riode de rĂ©sistance arabe par excellenceâ, ajoutant que le peuple palestinien a pris l'initiative en 1964, en formant l'OLP, et observant que âles droits non dĂ©fendus sont des droits cĂ©dĂ©sâ. L'incorporation des dispositions relatives Ă l'autodĂ©termination de la DĂ©claration sur la dĂ©colonisation dans les deux pactes sur les droits de l'homme (le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits Ă©conomiques, sociaux et culturels de 1966) a certainement renforcĂ© cette reconnaissance implicite.
En 1966, l'AGNU [AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies] a qualifiĂ© l'apartheid de âcrime contre l'humanitĂ©â (Res 2202 A (XXI), 16 dĂ©cembre 1966). En 1982, l'AGNU a Ă©galement affirmĂ© (Res 37/43) âle droit Ă l'autodĂ©termination et Ă l'indĂ©pendance des peuples sous domination coloniale et Ă©trangĂšreâ - en particulier ceux d'Afrique du Sud, de Namibie et de Palestine occupĂ©e - pour qu'ils soient en mesure d' exercer leur droit Ă l'autodĂ©termination et Ă l'indĂ©pendance, Namibie et Palestine occupĂ©e - Ă l'autodĂ©termination, et
ârĂ©affirmĂ© la lĂ©gitimitĂ© de la lutte des peuples pour l'indĂ©pendance, l'intĂ©gritĂ© territoriale, l'unitĂ© nationale et la libĂ©ration de la domination coloniale et Ă©trangĂšre et de l'occupation Ă©trangĂšre par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armĂ©e.â
Cette résolution de 1982 considérait également que
âle dĂ©ni des droits inaliĂ©nables du peuple palestinien Ă l'autodĂ©termination, Ă la souverainetĂ©, Ă l'indĂ©pendance et au retour en Palestine et les actes d'agression rĂ©pĂ©tĂ©s d'IsraĂ«l contre les peuples de la rĂ©gion [constituaient] une grave menace pour la paix et la sĂ©curitĂ© internationalesâ.
En 1984 , le Conseil de sĂ©curitĂ© a largement approuvĂ© ces dĂ©cisions de l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies, âsaluant la rĂ©sistance massive et unie du peuple opprimĂ© d'Afrique du Sudâ.
NĂ©anmoins, Nelson Mandela et le CongrĂšs national africain (ANC) - principaux acteurs de la lutte armĂ©e sud-africaine contre l'apartheid depuis le dĂ©but des annĂ©es 1960 - sont restĂ©s inscrits sur les listes amĂ©ricaines des âterroristesâ jusqu'en 2008, soit 14 ans aprĂšs l'Ă©lection de Mandela Ă la prĂ©sidence de l'Afrique du Sud post-apartheid et neuf ans aprĂšs son retrait de la vie politique. Le gouvernement amĂ©ricain a collaborĂ© et investi dans le rĂ©gime d'apartheid tout au long de la guerre froide, le considĂ©rant comme un rempart contre le communisme, jusqu'Ă ce que la pression populaire l'amĂšne Ă adopter une loi anti-apartheid en 1986,
âqui imposait des sanctions Ă©conomiques contre l'Afrique du Sud jusqu'Ă ce que le gouvernement accepte de libĂ©rer Mandela et tous les prisonniers politiques et d'entamer des ânĂ©gociations de bonne foiâ avec la majoritĂ© noireâ.
Washington est arrivé que trÚs tardivement dans la lutte contre l'apartheid.
De mĂȘme, le gouvernement du Royaume-Uni, qui a collaborĂ© avec le rĂ©gime d'apartheid sud-africain jusqu'Ă la fin, a dĂ©clarĂ© que Mandela et l'ANC Ă©taient des âterroristesâ en 1987, l'annĂ©e prĂ©cĂ©dant la libĂ©ration de Mandela. La Grande-Bretagne et les Ătats-Unis ont opposĂ© leur veto Ă une proposition de sanctions contre le rĂ©gime d'apartheid en 1986. En d'autres termes, la Grande-Bretagne et les Ătats-Unis n'Ă©taient pas du tout en phase avec la communautĂ© internationale sur la question de l'apartheid en Afrique du Sud et de ceux qui s'y opposaient de l'intĂ©rieur. ConformĂ©ment Ă leur abstention sur la dĂ©claration de 1960 sur la dĂ©colonisation - et son principe fondamental d'autodĂ©termination - la Grande-Bretagne et les Ătats-Unis ont rarement fait preuve de respect pour le droit de rĂ©sister Ă la colonisation, Ă l'occupation et Ă l'apartheid.
Pourtant, en vertu du droit international, le droit de résister a été affirmé à maintes reprises, notamment par la résolution 3314 de 1974 de l'Assemblée générale des Nations unies ( sur la définition de l'agression), qui affirme
âle droit de ces peuples [privĂ©s du droit Ă l'autodĂ©termination, Ă la libertĂ© et Ă l'indĂ©pendance et soumis Ă l'occupation Ă©trangĂšre] de lutter Ă cette fin et de rechercher et de recevoir un soutien, conformĂ©ment aux principes de la Charteâ,
et par le protocole additionnel de 1977 aux conventions de GenĂšve de 1949, qui affirme les droits explicites de rĂ©sistance des peuples occupĂ©s. D'autres sources de droit pertinentes sont la rĂ©solution 2105 de 1965 de l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies (sur les luttes anticoloniales africaines), la rĂ©solution 2625 de 1970 (reflĂ©tant le droit coutumier sur le droit de rĂ©sister au dĂ©ni d'autodĂ©termination) et l 'arrĂȘt de la CIJ de 2004 (sur le mur israĂ©lien, oĂč la CIJ a rejetĂ© les revendications de âlĂ©gitime dĂ©fenseâ d'une entitĂ© d'occupation illĂ©gale). En outre, depuis 1988, lorsque la Palestine s'est autoproclamĂ©e et a Ă©tĂ© reconnue en tant que nation par les Nations unies, le droit Ă l'autodĂ©fense nationale contre une agression Ă©trangĂšre (c'est-Ă -dire de la part des IsraĂ©liens) a Ă©tĂ© accordĂ© par l'article 51 de la Charte des Nations unies.
NĂ©anmoins, la plupart des anciens rĂ©gimes coloniaux ne reconnaissent pas le droit des âacteurs non Ă©tatiquesâ Ă rĂ©sister Ă l'agression Ă©trangĂšre, Ă l'occupation et Ă l'apartheid, bien que ce droit soit bien ancrĂ© dans le droit international et mĂȘme mentionnĂ© dans environ 20 % des constitutions mondiales. Cette situation a Ă©tĂ© expliquĂ©e par la tendance Ă l'absolutisme des Ătats, comme dans le cas de la Grande-Bretagne, un point de vue reflĂ©tĂ© par des thĂ©oriciens britanniques tels que Hobbes. Toutefois, la Grande-Bretagne a longtemps eu intĂ©rĂȘt Ă dĂ©lĂ©gitimer la rĂ©bellion dans ses nombreuses colonies, en particulier en Irlande. Les Ătats-Unis, quant Ă eux, ont construit leur rĂ©publique sur une rĂ©volution anticoloniale, mais n'ont jamais appliquĂ© de maniĂšre cohĂ©rente leurs thĂšmes de libertĂ© en raison de leur histoire marquĂ©e par l'esclavage, la colonisation interne et l'acquisition constante de territoires Ă©trangers. Washington s'est donc distinguĂ© des puissances impĂ©riales europĂ©ennes en construisant son monde hĂ©gĂ©monique sur un double standard Ă©vident. Comme l'a dit le libĂ©rateur anticolonial sud-amĂ©ricain Simon Bolivar il y a deux siĂšcles (en 1829),
âles Ătats-Unis semblent vouĂ©s par la providence Ă rĂ©pandre les flĂ©aux sur les AmĂ©riques au nom de la libertĂ©â.
D'autre part, de nombreux pays ayant une histoire post-coloniale et post-fasciste, et mĂȘme la majoritĂ© des membres des Nations unies dans les annĂ©es 1960, ont reconnu que la rĂ©sistance au refus de l'autodĂ©termination est fondamentale. Ce qui explique en partie la clartĂ© du droit international en la matiĂšre. Le droit de rĂ©sister en vertu du droit international est soumis aux rĂšgles gĂ©nĂ©rales du droit humanitaire, telles que les principes de distinction entre combattants et civils, de proportionnalitĂ© et d'autres questions. Cependant, il n'y a pas d'Ă©quivalence morale entre la violence du colonisĂ© et celle du colonisateur. Le caractĂšre et l'ampleur diffĂšrent pour des raisons historiques importantes. NĂ©anmoins, les commentateurs occidentaux, accablĂ©s par les traditions de leur propre Ătat mais confrontĂ©s aux faits concrets de la criminalitĂ© coloniale, se rĂ©fugient souvent lĂąchement dans des affirmations d'âĂ©quivalence moraleâ, soutenant par exemple que la RĂ©sistance palestinienne est aussi mauvaise que l'armĂ©e israĂ©lienne brutale : le fameux scĂ©nario des âdeux cĂŽtĂ©sâ.
Le droit des Palestiniens Ă rĂ©sister est peut-ĂȘtre l'exemple le plus frappant du dilemme des droits sociaux dans l'Ăšre post-coloniale. De nombreux documents ont dĂ©fini les principes de la rĂ©sistance Ă l'occupation des territoires illĂ©galement annexĂ©s par les IsraĂ©liens en 1967 (principalement la bande de Gaza et la Cisjordanie, mais aussi certaines parties du Liban et du Golan syrien), au systĂšme d'apartheid appliquĂ© par IsraĂ«l et, plus gĂ©nĂ©ralement, Ă l'agression israĂ©lienne contre la nation palestinienne. L'un des documents indique ce qui suit :
âTant que l'occupation illĂ©gale persiste, elle constitue, selon les rĂšgles de la responsabilitĂ© internationale, un acte rĂ©prĂ©hensible permanent, bĂąillonnant ainsi le droit Ă l'autodĂ©fense continu pour l'Ătat/le peuple occupĂ©(e)â.
La condition ajoutée est que
âla lĂ©gitime dĂ©fense des Palestiniens ne peut ĂȘtre exercĂ©e qu'aprĂšs avoir Ă©valuĂ© les principes de nĂ©cessitĂ©, de proportionnalitĂ© et d'immanenceâ.
De mĂȘme, l'avocat amĂ©ricain Stanley Cohen a Ă©crit que
âl'expression âlutte armĂ©eâ dans le droit de rĂ©sister est sous-entendue sans dĂ©finition prĂ©cise dans cette rĂ©solution, ainsi que dans de nombreuses autres rĂ©solutions antĂ©rieures qui dĂ©fendent le droit des populations autochtones Ă expulser un occupantâ.
Il minimise l'importance de la lutte pour les droits en citant Frederick Douglass, ancien esclave et militant de l'émancipation en Amérique du Nord :
âS'il n'y a pas lutte, il n'y a pas de progrĂšs. Ceux qui professent ĂȘtre en faveur de la libertĂ© tout en dĂ©prĂ©ciant l'agitation sont des hommes qui veulent les rĂ©coltes sans labourer le sol... Cette lutte peut ĂȘtre morale, physique ou Ă la fois morale et physique, mais la lutte est nĂ©cessaire. Le pouvoir ne concĂšde rien sans exigence. Il ne l'a jamais fait et ne le fera jamaisâ.
Le groupe canadien CJPME documente la reconnaissance par l'ONU du droit de rĂ©sister, dans des limites rĂ©glementĂ©es, tout en notant que l'Ătat canadien (comme le reste du monde anglo-amĂ©ricain) ne reconnaĂźt pas ce droit. Le Canada, qui soutient le rĂ©gime israĂ©lien, s'oppose mĂȘme aux groupes palestiniens non violents, tels que le mouvement Boycott, DĂ©sinvestissement et Sanction, âet a constamment bloquĂ© toute mesure sĂ©rieuse visant Ă tenir IsraĂ«l pour responsable des violations du droit internationalâ, y compris les efforts des ONG visant Ă obtenir rĂ©paration auprĂšs de la Cour pĂ©nale internationale.
L'ensemble du bloc anglo-amĂ©ricain et certains autres sponsors du rĂ©gime israĂ©lien, comme l'Allemagne et la France, ont interdit tous les groupes de rĂ©sistance palestiniens, ce qui est tout Ă fait contraire au droit international et au systĂšme des Nations unies. Pourtant, aucun des groupes considĂ©rĂ©s comme âterroristesâ par IsraĂ«l et ses sponsors (Hamas, Jihad islamique palestinien, FPLP, etc.) n'est interdit par le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies. En revanche, la Liste rĂ©capitulative du Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies comprend les groupes terroristes pseudo-islamiques Ătat islamique et Jabhat al Nusra et leurs ramifications, qui ont travaillĂ© principalement en soutien aux rĂ©centes guerres par procuration des Ătats-Unis Ă travers la Libye, l'Irak, la Syrie, le Liban et le YĂ©men. Aucun des groupes de rĂ©sistance palestiniens ou rĂ©gionaux, comme le Hezbollah, ne figure sur la liste du CSNU. La seule exception Ă cette rĂšgle est Ansarallah au YĂ©men, sanctionnĂ© (sous de faux prĂ©textes) par le CSNU [Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies] depuis 2015.
Le refus occidental de respecter le droit de rĂ©sistance a de graves consĂ©quences sur le dĂ©bat public. Le New York Times (NYT), par exemple, dont la voix est amplifiĂ©e par sa rĂ©putation dans le principal moteur de recherche en ligne Google et l'encyclopĂ©die en ligne omniprĂ©sente WikipĂ©dia, est notoirement et profondĂ©ment partial Ă l'Ă©gard des Palestiniens. Le NYT qualifie rĂ©guliĂšrement IsraĂ«l de âdĂ©mocratieâ (mĂȘme âen dangerâ) et les groupes de la RĂ©sistance palestinienne de âterroristesâ. C'est toujours le cas, mĂȘme lorsque les groupes de rĂ©sistance s'en prennent Ă l'armĂ©e israĂ©lienne et que celle-ci s'en prend aux civils palestiniens. La logique de WikipĂ©dia est que les lecteurs doivent faire confiance aux sources secondaires ârĂ©putĂ©esâ comme le NYT et ne pas tenir compte des sources primaires (c'est-Ă -dire de toute recherche indĂ©pendante). Avec cette logique, le monde est maintenu dans l'ignorance et les droits garantis par le droit international sont trahis.
3. Conclusion
Dans son acception la plus large, le 7 octobre a été une initiative insurrectionnelle audacieuse des factions de la Résistance palestinienne, menées par le Hamas, qui a eu plus de succÚs que prévu, car elle a brisé le moral des Israéliens et suscité un soutien substantiel de la Résistance régionale en provenance du Liban, de l'Iran, du Yémen et de l'Irak. Elle a ainsi dépassé l'objectif initial de destruction de la garnison de Gaza.
L'objectif de l'échange de prisonniers a été en grande partie un échec, car l'impact militaire a rendu le régime israélien peu enclin à négocier un cessez-le-feu. Ce qui a commencé comme un coup porté à l'ennemi occupant est devenu le début de la derniÚre étape de la révolution palestinienne : une opération de décolonisation qui ne peut retomber dans le statu quo de l'occupation.
La communauté internationale respectueuse des normes de décolonisation et postcoloniales devrait contribuer à la commémoration de cette étape remarquable de la libération palestinienne, qui marque trÚs probablement le début de la phase finale d'une révolution décolonisatrice. Les voix palestiniennes et sympathisantes doivent réécrire l'histoire du 7 octobre, en confisquant son image aux mains des colons.
L'opĂ©ration a Ă©tĂ© vilipendĂ©e par les rĂ©gimes occidentaux et leurs mĂ©dias avec de fausses allĂ©gations de terrorisme visant des civils. Il s'agissait d'un Ă©cran de fumĂ©e visant Ă dissimuler les crimes israĂ©liens contre la population civile de Gaza, notamment les meurtres d'enfants Ă grande Ă©chelle. En insistant suffisamment sur les atrocitĂ©s commises par le Hamas, on a pensĂ© que cela pourrait mĂȘme justifier les reprĂ©sailles civiles qui ont eu lieu par la suite Ă Gaza. Ce point de vue est certainement trĂšs rĂ©pandu parmi les rĂ©dacteurs en chef des mĂ©dias occidentaux. En fait, de nombreux indices montrent que les allĂ©gations de terrorisme inhumain concernaient de maniĂšre bien plus convaincante les opĂ©rations de l'invasion israĂ©lienne ultĂ©rieure de la bande de Gaza, dĂ©sormais qualifiĂ©es par la CIJ d'actes âplausiblesâ de gĂ©nocide. MĂȘme le pape François a dĂ©noncĂ© le âterrorismeâ israĂ©lien Ă Gaza.
Il est impĂ©ratif de s'opposer au âdĂ©ni normalisĂ©â du droit de rĂ©sistance, qui contribue Ă Ă©lever le statut du rĂ©gime israĂ©lien gĂ©nocidaire au rang de âdĂ©mocratieâ, tandis que l'ensemble des groupes de rĂ©sistance sont qualifiĂ©s de âterroristesâ. Les sponsors du rĂ©gime sioniste ne sauraient ĂȘtre autorisĂ©s Ă enterrer les acquis post-coloniaux du droit international.
En outre, les opĂ©rations persistantes de Washington et de ses collaborateurs visant Ă âdiviser pour rĂ©gnerâ doivent ĂȘtre combattues par une coordination et une intĂ©gration accrues des groupes et des Ătats de la rĂ©sistance. Comme je l'ai affirmĂ© en Iran il y a quelques annĂ©es, outre les avantages en termes de sĂ©curitĂ©, les avantages stratĂ©giques et Ă©conomiques profiteront Ă tous les membres d'une alliance ouest-asiatique, dont le rĂŽle consistera non seulement Ă protĂ©ger la rĂ©gion, mais aussi Ă renforcer son potentiel d'influence.
https://english.almayadeen.net/articles/opinion/october-7-and-the-palestinian-revolution