👁🗨 Le 7 octobre & la révolution palestinienne
Il faut récuser le “déni normalisé” du droit de résistance élevant l'Israël génocidaire au rang de “démocratie”. Ne laissons pas ses sponsors enterrer les acquis post-coloniaux du droit international.
👁🗨 Le 7 octobre & la révolution palestinienne
Par Tim Anderson, le 2 octobre 2024
Le mythe sur la Palestine n'est pas seulement le résultat d'une intense propagande : il s'appuie également sur l'échec des Anglo-Américains à reconnaître le droit international en matière de décolonisation et le droit des peuples colonisés à résister. Mais cet échec se cache derrière le double langage.
À la fin de l'année dernière, un général syrien de premier plan m'a dit qu'avant le 7 octobre 2023, le régime israélien reposait sur deux piliers : son armée et ses sponsors internationaux. Après le 7 octobre, son armée a été écrasée et il s'est retrouvé sur le seul appui de ses bailleurs de fonds internationaux. Bien entendu, dans les médias occidentaux, ce remarquable exploit militaire a été présenté comme un scénario catastrophe - une “attaque barbare impliquant meurtres et viols indiscriminés”. Ces deux versions ne peuvent toutes deux être vraies, et la question mérite donc d'être examinée de plus près. Pour les Israéliens et leurs parrains occidentaux, le 7 octobre a été un choc, mais il a surtout permis d'affirmer que la Résistance palestinienne était du terrorisme inhumain. Pour la Résistance, en revanche, la percée a commencé avec des objectifs limités, mais est devenue l'étape finale de la révolution palestinienne, une lutte décolonisatrice qui mettra fin au régime génocidaire et d'apartheid.
Le mythe sur la Palestine n'est pas seulement le résultat d'une intense propagande : il s'appuie également sur l'échec des Anglo-Américains à reconnaître le droit international en matière de décolonisation et le droit des peuples colonisés à résister. Mais cet échec est occulté par un double langage. Washington s'est empressé de fournir un soutien militaire aux “révolutions” entièrement truquées en Libye et en Syrie, tout se disant horrifié par les révolutions réelles et en cours au Yémen et en Palestine, faisant tout ce qui était en son pouvoir pour les réprimer.
Étant donné que l'insurrection du 7 octobre à Gaza représente le début d'un processus beaucoup plus étendu, elle devrait être commémorée comme une étape majeure de la libération palestinienne. À l'instar du soulèvement de Pâques 1916 en Irlande, les attaques du 7 octobre ont été inattendues mais rapidement réprimées, au prix de grands sacrifices côté Résistance, et suivies d'abominables représailles sur les civils. Cependant, comme le soulèvement irlandais, ces attaques ont éveillé les consciences et déclenché une guerre de libération à plus grande échelle. Pour ces raisons, l'ensemble du monde anticolonial devrait considérer cette journée comme celle de la Résistance, et non comme une déformation abâtardie, conçue pour servir le mythe du colonisateur. Nous devrions nommer et nous souvenir de ceux qui ont donné leur vie pour cet événement, qui a brisé une longue léthargie anesthésiée par les accords d'Oslo. Les différences avec l'histoire du soulèvement irlandais prouvent simplement qu'il est nécessaire de raconter plus fidèlement l'histoire de cette insurrection remarquable. Cet essai est une première tentative, de la part d'un étranger.
L'un des avantages de ce type d'histoire aujourd'hui réside dans le corpus de normes postcoloniales convenues, inexistant en 1916. En étudiant ces normes, en particulier le développement du droit de résister, nous trouverons de nombreuses raisons de nous opposer à la normalisation avec la négation anglo-américaine de ce droit, et la nécessité de rejeter les étiquettes partisanes et illégitimes telles que le “terrorisme”, qui ne servent qu'à couvrir les crimes monstrueux des colonisateurs et de ceux qui les ont soutenus.
1. Le soulèvement
L'opération de Gaza a été baptisée Al Aqsa Flood (AAF) - allusion aux incursions israéliennes successives sur l'esplanade de la mosquée Al Aqsa à Jérusalem - et visait à “libérer notre terre, nos lieux saints, notre mosquée Al Aqsa [et] nos prisonniers”. L'opération a été conçue plusieurs mois avant l'attaque du 7 octobre, mais c'est cette attaque qui l'a caractérisée. Plus précisément, AAF visait à détruire la garnison de Gaza et à faire des prisonniers israéliens, qui seraient destinés à un échange de prisonniers. Dirigée par l'aile militaire du Hamas, al-Qassam, cette opération était composée d'une coalition de plusieurs groupes de la Résistance palestinienne (notamment les Brigades al-Quds du PIJ et les Brigades des martyrs d'al-Aqsa du Fatah), dont la plupart sont restés actifs dans les attaques armées contre les forces israéliennes tout au long de l’année 2024.
Aux premières heures du 7 octobre 2023, la coalition dirigée par le Hamas a lancé des milliers de roquettes sur le sud de la Palestine occupée, pour couvrir une opération terrestre impliquant des centaines de combattants qui ont franchi les barrières à l'aide de bulldozers, de bateaux à moteur, de motos et même d'un deltaplane motorisé. Les combattants palestiniens ont pénétré dans au moins trois bases militaires, à la frontière de Beit Hanoon, à la base de Zikim et au quartier général de la division de Gaza à Reim. Ils ont attaqué les militaires avec des armes légères, et ont fait des prisonniers parmi les militaires et les civils israéliens.
Vers 10 heures, les Israéliens ont commencé à bombarder les zones frontalières, y compris ce qui s'est avéré plus tard être un bombardement aveugle, pour mettre fin à l'incursion et à la prise d'otages. Cette réaction a été immédiatement suivie d'un pilonnage à grande échelle de la bande de Gaza, prétendument pour réprimer les groupes armés, mais dans le but ouvertement déclaré de punir l'ensemble de la population de Gaza. Cet assaut a très vite été qualifié de génocidaire, même dans certains médias occidentaux.
Qu'en est-il des victimes du 7 octobre ? Il semble qu'il n'y ait pas de données publiques disponibles sur les victimes palestiniennes ce jour-là et, du côté israélien, nous devons nous fier aux sources israéliennes. C'est un problème, car le régime israélien est connu pour son manque d’honnêteté et sa censure. Il diffuse des informations erronées à des fins intéressées, en particulier dans le cadre de ses opérations de “sécurité”. D'autre part, lorsque des sources israéliennes contredisent l'histoire officielle, elles peuvent être crédibles en tant qu'“ aveux contre les intérêts”. Mais il convient également de noter une chose à propos de ceux que l'on appelle “civils” dans le contexte israélien : pratiquement tous les Israéliens adultes sont des réservistes militaires et de nombreux colons sont lourdement armés. Certains de ces colons-soldats font même l'objet de sanctions personnelles de la part du principal sponsor d'Israël, les États-Unis, en raison de leur extrême violence.
Compte tenu de ces réserves, des sources israéliennes ont déclaré qu'entre 360 et 441 membres des forces de sécurité (soldats et policiers) ont été tués le 7 octobre, et qu'au moins 346 autres l'ont été au cours de la campagne israélienne qui a suivi dans la bande de Gaza. Selon ces mêmes sources, entre 700 et 800 civils ont été tués, et 251 autres “civils et soldats” ont été faits prisonniers. La Résistance voulait échanger ces prisonniers de guerre (“otages”) contre les milliers de Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Au total, 1 139 Israéliens auraient été tués.
Comparée à l'assaut israélien sur Gaza, l'opération semble extraordinairement bien ciblée et les pertes “civiles” particulièrement réduites. Un tel coup porté à l'armée israélienne est inédit depuis la guerre de 1973. Avant 2023, le bilan de ce que l'on appelle le “conflit israélo-gazaoui” s'élevait à plusieurs milliers de Palestiniens, pour la plupart des civils, et à quelques dizaines d'Israéliens, pour la plupart des militaires.
Cependant, les évènements du 7 octobre ont été montées en épingle par le régime israélien, l'armée et les premiers intervenants, qui ont affirmé avoir vu “40 bébés décapités”, des viols en masse et le massacre aléatoire de jeunes gens lors d'un festival de musique.
Ces trois mythes inventés ont été démentis par des preuves indépendantes, y compris les aveux israéliens.
Bébés décapités - de nombreux médias ont démenti les affirmations selon lesquelles le Hamas aurait décapité des bébés israéliens, mais le président Joe Biden n'a cessé de répéter le mensonge selon lequel il avait vu des photos de ces bébés, tandis que le Times a titré “Israël publie des photos de bébés mutilés”, avec (initialement) des photos de bébés palestiniens comme “preuve” des “atrocités” palestiniennes. Dans le même temps, des cas documentés de soldats israéliens tirant délibérément sur des enfants ont été recensés jusqu'en 2024. La Maison Blanche a été contrainte de “revenir” sur l'affirmation malhonnête ou délirante de Joe Biden selon laquelle il aurait vu des photos d'enfants décapités.
Viols massifs - malgré ces affirmations, reprises par la BBC et The Guardian, le régime israélien n'a pas prétendu avoir identifié de victimes de viols spécifiques, ni produit de vidéos ou de preuves médico-légales corroborant ces affirmations - il s'est plutôt appuyé sur des affirmations de militaires et de secouristes. Le Times of Israel s'est dit contrarié par le fait que les “récits démentis” des secouristes de Zaka aient “alimenté le scepticisme” à l'égard de l'histoire générale des prétendus “viols massifs” du Hamas.
Pourtant, le viol et le meurtre de femmes palestiniennes par des soldats israéliens à Gaza, ainsi que le viol par des Israéliens de prisonniers palestiniens de sexe masculin (qui a donné lieu à des inculpations) ont été révélés, mais ces viols ont ensuite été justifiés dans certains médias israéliens.
Le massacre de civils lors du festival de musique a été revendiqué par les combattants du Hamas, qui ont effectivement tué et capturé quelques “civils” adultes. Pourtant, l'armée israélienne, en vertu de la directive Hannibal (qui ordonne le recours sans discrimination aux armes pour empêcher la capture de soldats) a attaqué les trois infrastructures de l'armée infiltrées par la Résistance palestinienne, tandis que l 'aviation israélienne détruisait 70 véhicules en fuite et que les chars israéliens tiraient sur le kibboutz Be'eri. Un commandant de char israélien a admis avoir tiré sur le kibboutz pendant la “prise d'otages”. De nombreux médias ont conclu que l'armée israélienne est bien responsable d'une grande partie des meurtres de citoyens israéliens (et de certains soldats israéliens) survenus le 7 octobre. Ces décès seraient dus à des “tirs amis” en vertu de la “directive Hannibal”.
En résumé, les allégations de meurtres d'enfants, de viols et de massacres de civils ont été rapidement établies comme étant des crimes commis par les forces israéliennes, mais ont été en grande partie démenties comme étant des allégations contre la Résistance palestinienne. L'insurrection menée par le Hamas a eu pour effet final la destruction d'une grande partie de la garnison de Gaza, la démoralisation de l'ensemble du dispositif militaire et des services de renseignement et la capture de plus de 200 prisonniers.
Toutefois, malgré un premier échange de femmes et d'enfants à la fin de l'année 2023, les perspectives d'échange de prisonniers à plus grande échelle ont été compromises par le refus d'Israël de stopper son offensive dans la bande de Gaza. Or, cette offensive a été marquée par des massacres massifs de civils et par l'incapacité à contenir les attaques de la Résistance. Un large consensus s'est dégagé , même parmi les militaires israéliens et les sources pro-Israël, sur le fait que le Hamas (et ses alliés) ne pouvait pas être vaincu.
Étant donné l'extraordinaire effet de surprise des événements du 7 octobre, qui ont si audacieusement déjoué les fameux services de renseignement israéliens, une théorie a émergé parmi les sceptiques selon laquelle le régime (et Netanyahu en particulier) ayant fait preuve d'un certain favoritisme à l'égard du Hamas dans le passé (pour susciter des divisions entre les islamistes et les Palestiniens laïques) aurait pu être à l'origine de toute cette affaire. En d'autres termes, les attentats du 7 octobre faisaient partie d'une opération sous faux drapeau. Maintenant, s'il est vrai que les groupes liés aux Frères musulmans (notamment ceux parrainés par le Qatar, qui accueille une énorme base aérienne américaine) présentent un passif de collaboration, le Hamas a depuis longtemps renoué avec les autres groupes de la Résistance et tous les États de l'Axe de la résistance de la région. La charte révisée du groupe en 2017 est rigoureusement non sectaire. Dans ces conditions, et compte tenu des extraordinaires préjudices subis par l'armée israélienne, le poids des preuves démontre que le 7 octobre a été une brillante opération militaire, et non une opération sous faux drapeau.
Derrière les représailles civiles israéliennes à Gaza - une tactique fasciste classique, visant à punir les civils pour les attaques de la Résistance - se profile une profonde contradiction entre le droit international sur le droit à la résistance et les vues coloniales et exceptionnalistes des sponsors du régime israélien.
2. Le droit à la résistance
La reconnaissance du droit d'un peuple (et pas seulement d'un État) à l'autodétermination dans les années 1960 a immédiatement donné lieu à une reconnaissance implicite du droit de résister au déni de cette autodétermination. Depuis lors, le droit international a rendu ce droit de plus en plus explicite. Pourtant, les systèmes juridiques nationaux restent divisés, le droit de résister étant généralement bien reconnu par les États post-coloniaux et post-fascistes, mais rejeté par les États absolutistes (comme la Grande-Bretagne) et la puissance hégémonique centrale (les États-Unis) et nombre de ses satellites, qui appliquent ce droit de manière très sélective. Cette reconnaissance nationale inégale du droit international relatif au droit de résistance constitue un dilemme central pour les luttes d'autodétermination dans le monde post-colonial.
Dans son essai de 1965 intitulé “Le colonialisme sioniste en Palestine”, l'universitaire et diplomate syro-américain Fayez Sayegh a défendu les droits nationalistes arabes et le droit implicite à la résistance dans la Charte des Nations unies, qualifiant la période “de 1917 à 1948 de période de résistance arabe par excellence”, ajoutant que le peuple palestinien a pris l'initiative en 1964, en formant l'OLP, et observant que “les droits non défendus sont des droits cédés”. L'incorporation des dispositions relatives à l'autodétermination de la Déclaration sur la décolonisation dans les deux pactes sur les droits de l'homme (le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966) a certainement renforcé cette reconnaissance implicite.
En 1966, l'AGNU [Assemblée générale des Nations unies] a qualifié l'apartheid de “crime contre l'humanité” (Res 2202 A (XXI), 16 décembre 1966). En 1982, l'AGNU a également affirmé (Res 37/43) “le droit à l'autodétermination et à l'indépendance des peuples sous domination coloniale et étrangère” - en particulier ceux d'Afrique du Sud, de Namibie et de Palestine occupée - pour qu'ils soient en mesure d' exercer leur droit à l'autodétermination et à l'indépendance, Namibie et Palestine occupée - à l'autodétermination, et
“réaffirmé la légitimité de la lutte des peuples pour l'indépendance, l'intégrité territoriale, l'unité nationale et la libération de la domination coloniale et étrangère et de l'occupation étrangère par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée.”
Cette résolution de 1982 considérait également que
“le déni des droits inaliénables du peuple palestinien à l'autodétermination, à la souveraineté, à l'indépendance et au retour en Palestine et les actes d'agression répétés d'Israël contre les peuples de la région [constituaient] une grave menace pour la paix et la sécurité internationales”.
En 1984 , le Conseil de sécurité a largement approuvé ces décisions de l'Assemblée générale des Nations unies, “saluant la résistance massive et unie du peuple opprimé d'Afrique du Sud”.
Néanmoins, Nelson Mandela et le Congrès national africain (ANC) - principaux acteurs de la lutte armée sud-africaine contre l'apartheid depuis le début des années 1960 - sont restés inscrits sur les listes américaines des “terroristes” jusqu'en 2008, soit 14 ans après l'élection de Mandela à la présidence de l'Afrique du Sud post-apartheid et neuf ans après son retrait de la vie politique. Le gouvernement américain a collaboré et investi dans le régime d'apartheid tout au long de la guerre froide, le considérant comme un rempart contre le communisme, jusqu'à ce que la pression populaire l'amène à adopter une loi anti-apartheid en 1986,
“qui imposait des sanctions économiques contre l'Afrique du Sud jusqu'à ce que le gouvernement accepte de libérer Mandela et tous les prisonniers politiques et d'entamer des ‘négociations de bonne foi’ avec la majorité noire”.
Washington est arrivé que très tardivement dans la lutte contre l'apartheid.
De même, le gouvernement du Royaume-Uni, qui a collaboré avec le régime d'apartheid sud-africain jusqu'à la fin, a déclaré que Mandela et l'ANC étaient des “terroristes” en 1987, l'année précédant la libération de Mandela. La Grande-Bretagne et les États-Unis ont opposé leur veto à une proposition de sanctions contre le régime d'apartheid en 1986. En d'autres termes, la Grande-Bretagne et les États-Unis n'étaient pas du tout en phase avec la communauté internationale sur la question de l'apartheid en Afrique du Sud et de ceux qui s'y opposaient de l'intérieur. Conformément à leur abstention sur la déclaration de 1960 sur la décolonisation - et son principe fondamental d'autodétermination - la Grande-Bretagne et les États-Unis ont rarement fait preuve de respect pour le droit de résister à la colonisation, à l'occupation et à l'apartheid.
Pourtant, en vertu du droit international, le droit de résister a été affirmé à maintes reprises, notamment par la résolution 3314 de 1974 de l'Assemblée générale des Nations unies ( sur la définition de l'agression), qui affirme
“le droit de ces peuples [privés du droit à l'autodétermination, à la liberté et à l'indépendance et soumis à l'occupation étrangère] de lutter à cette fin et de rechercher et de recevoir un soutien, conformément aux principes de la Charte”,
et par le protocole additionnel de 1977 aux conventions de Genève de 1949, qui affirme les droits explicites de résistance des peuples occupés. D'autres sources de droit pertinentes sont la résolution 2105 de 1965 de l'Assemblée générale des Nations unies (sur les luttes anticoloniales africaines), la résolution 2625 de 1970 (reflétant le droit coutumier sur le droit de résister au déni d'autodétermination) et l 'arrêt de la CIJ de 2004 (sur le mur israélien, où la CIJ a rejeté les revendications de “légitime défense” d'une entité d'occupation illégale). En outre, depuis 1988, lorsque la Palestine s'est autoproclamée et a été reconnue en tant que nation par les Nations unies, le droit à l'autodéfense nationale contre une agression étrangère (c'est-à-dire de la part des Israéliens) a été accordé par l'article 51 de la Charte des Nations unies.
Néanmoins, la plupart des anciens régimes coloniaux ne reconnaissent pas le droit des “acteurs non étatiques” à résister à l'agression étrangère, à l'occupation et à l'apartheid, bien que ce droit soit bien ancré dans le droit international et même mentionné dans environ 20 % des constitutions mondiales. Cette situation a été expliquée par la tendance à l'absolutisme des États, comme dans le cas de la Grande-Bretagne, un point de vue reflété par des théoriciens britanniques tels que Hobbes. Toutefois, la Grande-Bretagne a longtemps eu intérêt à délégitimer la rébellion dans ses nombreuses colonies, en particulier en Irlande. Les États-Unis, quant à eux, ont construit leur république sur une révolution anticoloniale, mais n'ont jamais appliqué de manière cohérente leurs thèmes de liberté en raison de leur histoire marquée par l'esclavage, la colonisation interne et l'acquisition constante de territoires étrangers. Washington s'est donc distingué des puissances impériales européennes en construisant son monde hégémonique sur un double standard évident. Comme l'a dit le libérateur anticolonial sud-américain Simon Bolivar il y a deux siècles (en 1829),
“les États-Unis semblent voués par la providence à répandre les fléaux sur les Amériques au nom de la liberté”.
D'autre part, de nombreux pays ayant une histoire post-coloniale et post-fasciste, et même la majorité des membres des Nations unies dans les années 1960, ont reconnu que la résistance au refus de l'autodétermination est fondamentale. Ce qui explique en partie la clarté du droit international en la matière. Le droit de résister en vertu du droit international est soumis aux règles générales du droit humanitaire, telles que les principes de distinction entre combattants et civils, de proportionnalité et d'autres questions. Cependant, il n'y a pas d'équivalence morale entre la violence du colonisé et celle du colonisateur. Le caractère et l'ampleur diffèrent pour des raisons historiques importantes. Néanmoins, les commentateurs occidentaux, accablés par les traditions de leur propre État mais confrontés aux faits concrets de la criminalité coloniale, se réfugient souvent lâchement dans des affirmations d'“équivalence morale”, soutenant par exemple que la Résistance palestinienne est aussi mauvaise que l'armée israélienne brutale : le fameux scénario des “deux côtés”.
Le droit des Palestiniens à résister est peut-être l'exemple le plus frappant du dilemme des droits sociaux dans l'ère post-coloniale. De nombreux documents ont défini les principes de la résistance à l'occupation des territoires illégalement annexés par les Israéliens en 1967 (principalement la bande de Gaza et la Cisjordanie, mais aussi certaines parties du Liban et du Golan syrien), au système d'apartheid appliqué par Israël et, plus généralement, à l'agression israélienne contre la nation palestinienne. L'un des documents indique ce qui suit :
“Tant que l'occupation illégale persiste, elle constitue, selon les règles de la responsabilité internationale, un acte répréhensible permanent, bâillonnant ainsi le droit à l'autodéfense continu pour l'État/le peuple occupé(e)”.
La condition ajoutée est que
“la légitime défense des Palestiniens ne peut être exercée qu'après avoir évalué les principes de nécessité, de proportionnalité et d'immanence”.
De même, l'avocat américain Stanley Cohen a écrit que
“l'expression ‘lutte armée’ dans le droit de résister est sous-entendue sans définition précise dans cette résolution, ainsi que dans de nombreuses autres résolutions antérieures qui défendent le droit des populations autochtones à expulser un occupant”.
Il minimise l'importance de la lutte pour les droits en citant Frederick Douglass, ancien esclave et militant de l'émancipation en Amérique du Nord :
“S'il n'y a pas lutte, il n'y a pas de progrès. Ceux qui professent être en faveur de la liberté tout en dépréciant l'agitation sont des hommes qui veulent les récoltes sans labourer le sol... Cette lutte peut être morale, physique ou à la fois morale et physique, mais la lutte est nécessaire. Le pouvoir ne concède rien sans exigence. Il ne l'a jamais fait et ne le fera jamais”.
Le groupe canadien CJPME documente la reconnaissance par l'ONU du droit de résister, dans des limites réglementées, tout en notant que l'État canadien (comme le reste du monde anglo-américain) ne reconnaît pas ce droit. Le Canada, qui soutient le régime israélien, s'oppose même aux groupes palestiniens non violents, tels que le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanction, “et a constamment bloqué toute mesure sérieuse visant à tenir Israël pour responsable des violations du droit international”, y compris les efforts des ONG visant à obtenir réparation auprès de la Cour pénale internationale.
L'ensemble du bloc anglo-américain et certains autres sponsors du régime israélien, comme l'Allemagne et la France, ont interdit tous les groupes de résistance palestiniens, ce qui est tout à fait contraire au droit international et au système des Nations unies. Pourtant, aucun des groupes considérés comme “terroristes” par Israël et ses sponsors (Hamas, Jihad islamique palestinien, FPLP, etc.) n'est interdit par le Conseil de sécurité des Nations unies. En revanche, la Liste récapitulative du Conseil de sécurité des Nations unies comprend les groupes terroristes pseudo-islamiques État islamique et Jabhat al Nusra et leurs ramifications, qui ont travaillé principalement en soutien aux récentes guerres par procuration des États-Unis à travers la Libye, l'Irak, la Syrie, le Liban et le Yémen. Aucun des groupes de résistance palestiniens ou régionaux, comme le Hezbollah, ne figure sur la liste du CSNU. La seule exception à cette règle est Ansarallah au Yémen, sanctionné (sous de faux prétextes) par le CSNU [Conseil de sécurité des Nations unies] depuis 2015.
Le refus occidental de respecter le droit de résistance a de graves conséquences sur le débat public. Le New York Times (NYT), par exemple, dont la voix est amplifiée par sa réputation dans le principal moteur de recherche en ligne Google et l'encyclopédie en ligne omniprésente Wikipédia, est notoirement et profondément partial à l'égard des Palestiniens. Le NYT qualifie régulièrement Israël de “démocratie” (même “en danger”) et les groupes de la Résistance palestinienne de “terroristes”. C'est toujours le cas, même lorsque les groupes de résistance s'en prennent à l'armée israélienne et que celle-ci s'en prend aux civils palestiniens. La logique de Wikipédia est que les lecteurs doivent faire confiance aux sources secondaires “réputées” comme le NYT et ne pas tenir compte des sources primaires (c'est-à-dire de toute recherche indépendante). Avec cette logique, le monde est maintenu dans l'ignorance et les droits garantis par le droit international sont trahis.
3. Conclusion
Dans son acception la plus large, le 7 octobre a été une initiative insurrectionnelle audacieuse des factions de la Résistance palestinienne, menées par le Hamas, qui a eu plus de succès que prévu, car elle a brisé le moral des Israéliens et suscité un soutien substantiel de la Résistance régionale en provenance du Liban, de l'Iran, du Yémen et de l'Irak. Elle a ainsi dépassé l'objectif initial de destruction de la garnison de Gaza.
L'objectif de l'échange de prisonniers a été en grande partie un échec, car l'impact militaire a rendu le régime israélien peu enclin à négocier un cessez-le-feu. Ce qui a commencé comme un coup porté à l'ennemi occupant est devenu le début de la dernière étape de la révolution palestinienne : une opération de décolonisation qui ne peut retomber dans le statu quo de l'occupation.
La communauté internationale respectueuse des normes de décolonisation et postcoloniales devrait contribuer à la commémoration de cette étape remarquable de la libération palestinienne, qui marque très probablement le début de la phase finale d'une révolution décolonisatrice. Les voix palestiniennes et sympathisantes doivent réécrire l'histoire du 7 octobre, en confisquant son image aux mains des colons.
L'opération a été vilipendée par les régimes occidentaux et leurs médias avec de fausses allégations de terrorisme visant des civils. Il s'agissait d'un écran de fumée visant à dissimuler les crimes israéliens contre la population civile de Gaza, notamment les meurtres d'enfants à grande échelle. En insistant suffisamment sur les atrocités commises par le Hamas, on a pensé que cela pourrait même justifier les représailles civiles qui ont eu lieu par la suite à Gaza. Ce point de vue est certainement très répandu parmi les rédacteurs en chef des médias occidentaux. En fait, de nombreux indices montrent que les allégations de terrorisme inhumain concernaient de manière bien plus convaincante les opérations de l'invasion israélienne ultérieure de la bande de Gaza, désormais qualifiées par la CIJ d'actes “plausibles” de génocide. Même le pape François a dénoncé le “terrorisme” israélien à Gaza.
Il est impératif de s'opposer au “déni normalisé” du droit de résistance, qui contribue à élever le statut du régime israélien génocidaire au rang de “démocratie”, tandis que l'ensemble des groupes de résistance sont qualifiés de “terroristes”. Les sponsors du régime sioniste ne sauraient être autorisés à enterrer les acquis post-coloniaux du droit international.
En outre, les opérations persistantes de Washington et de ses collaborateurs visant à “diviser pour régner” doivent être combattues par une coordination et une intégration accrues des groupes et des États de la résistance. Comme je l'ai affirmé en Iran il y a quelques années, outre les avantages en termes de sécurité, les avantages stratégiques et économiques profiteront à tous les membres d'une alliance ouest-asiatique, dont le rôle consistera non seulement à protéger la région, mais aussi à renforcer son potentiel d'influence.
https://english.almayadeen.net/articles/opinion/october-7-and-the-palestinian-revolution