đâđš Le Cachemire & lâIndus
Les conflits actuels rĂ©sultent trĂšs souvent des agissements de l'Empire britannique, dont les rĂ©percussions se font encore sentir aujourdâhui & continuent de semer la discorde depuis des gĂ©nĂ©rations.

đâđš Le Cachemire & lâIndus
Par Craig Murray, le 28 avril 2025
Les causes de l'intensification des tensions ethniques, politiques et religieuses au Cachemire.
Le prĂ©sident hindouiste indien Narendra Modi a exploitĂ© l'incident terroriste au Cachemire pour abroger le traitĂ© sur les eaux de l'Indus de 1960, un objectif de longue date de Modi. La version indienne de âl'attaque terroristeâ, dont la plupart des victimes Ă©taient musulmanes, a Ă©tĂ© largement acceptĂ©e par les gouvernements occidentaux sans la moindre preuve.
Les opĂ©ration sous faux drapeau abondent de nos jours. Vous vous souvenez peut-ĂȘtre qu'on nous a racontĂ© que la roquette la plus meurtriĂšre jamais tirĂ©e par le Hamas n'avait tuĂ© que des Palestiniens dans un complexe hospitalier, tandis que la roquette la plus meurtriĂšre jamais tirĂ©e par le Hezbollah n'avait tuĂ© que des enfants druzes. Pour l'instant, je reste prudent sur ce qui s'est passĂ© au Cachemire.
Il est toutefois clair que dénoncer le traité sur les eaux de l'Indus est un objectif à long terme de Modi. L'Indus fournit 80 % de l'eau agricole du Pakistan, et l'approvisionnement est déjà insuffisant, avec une salinisation désastreuse du cours inférieur du fleuve, la mer envahissant les zones autrefois occupées par le puissant cours d'eau. J'ai visité la région du bas Sind il y a cinq ans et j'ai vu les champs recouverts de sel.
L'Inde contrÎle environ 70 % du débit total de l'Indus vers le Pakistan, soit environ 55 % de l'eau agricole du Pakistan.
En septembre 2016, en rĂ©ponse aux violences qui avaient Ă©clatĂ© auparavant au Cachemire, Modi a lancĂ© son slogan âLe sang et l'eau ne peuvent couler ensembleâ et a menacĂ© de couper l'approvisionnement en eau de l'Indus. Il a augmentĂ© le prĂ©lĂšvement de l'Inde dans les affluents Ravi, Beas et Sutlej et a relancĂ© le projet du canal Tulbul. En 2019 et 2022, lors de sa campagne Ă©lectorale dans l'Haryana, Modi a prononcĂ© des discours musclĂ©s menaçant de couper l'eau âgaspillĂ©e au Pakistanâ.
En 2023, Modi a officiellement notifiĂ© au Pakistan la volontĂ© de l'Inde de renĂ©gocier le traitĂ© sur les eaux de l'Indus et a rĂ©itĂ©rĂ© cette demande en 2024, faute de rĂ©ponse du Pakistan. Ă ces deux occasions, l'Inde a invoquĂ© la âlutte contre le terrorismeâ comme l'une des trois raisons justifiant la rĂ©vision du traitĂ© (les deux autres Ă©tant la protection de l'environnement et la production hydroĂ©lectrique). La lutte contre le terrorisme pouvant difficilement ĂȘtre liĂ©e Ă la rĂ©partition de l'eau Ă des fins agricoles, cet argument illustre bien l'approche dĂ©magogique de Modi.
Modi n'a pas la capacité physique de barrer la route à l'Indus, mais il peut, à court terme, détourner une plus grande partie du fleuve pour l'irrigation et le stockage en Inde, ce qui suffirait à provoquer de graves difficultés immédiates au Pakistan. Les médias indiens sont déjà trÚs enthousiastes à cette idée. Mais à long terme, un rééquilibrage majeur de la répartition des eaux du fleuve nécessiterait de nouvelles infrastructures importantes en Inde. De tels projets seraient toutefois économiquement viables et probablement trÚs populaires auprÚs de la base hindouiste de Modi, tant pour promouvoir le développement de l'Inde que pour nuire au Pakistan.
En 2019, Modi a abrogĂ© l'article 270 de la Constitution indienne qui accordait un statut d'autonomie spĂ©ciale au Jammu-et-Cachemire, les intĂ©grant ainsi Ă l'Inde proprement dite. Il l'a fait au mĂ©pris de la Constitution, qui stipule qu'une telle mesure ne peut ĂȘtre prise qu'avec l'accord de l'âAssemblĂ©e constituante de l'Ătatâ. Cette assemblĂ©e n'existe plus, ayant Ă©tĂ© remplacĂ©e par une âAssemblĂ©e lĂ©gislativeâ. Modi a utilisĂ© une autre disposition constitutionnelle pour remplacer âAssemblĂ©e constituanteâ par âAssemblĂ©e lĂ©gislativeâ, ce qui semble tout Ă fait lĂ©gitime. Mais aprĂšs avoir suspendu l'AssemblĂ©e lĂ©gislative, il a ensuite affirmĂ© que ses pouvoirs Ă©taient dĂ©sormais dĂ©volus au gouverneur, un de ses proches collaborateurs.
Modi a ensuite dĂ©cidĂ© de priver le Cachemire indien de son autonomie, une mesure qui n'a reçu aucun soutien significatif parmi ses habitants, musulmans Ă 97 %, et qui s'est accompagnĂ©e d'une rĂ©pression fĂ©roce, voire d'un confinement, et de la destruction de son industrie touristique autrefois florissante. Il a simultanĂ©ment abrogĂ© une autre disposition empĂȘchant les non-Cachemiris d'acheter des biens immobiliers dans la rĂ©gion. Modi est donc lui-mĂȘme en grande partie responsable de l'intensification des tensions ethniques, politiques et religieuses au Cachemire.
Il est communément admis que la situation du Cachemire, situé en partie en Inde, en partie au Pakistan et pour une petite partie en Chine - la partie indienne étant occupée par des musulmans profondément mécontents - est le résultat de la partition désastreuse de l'Inde par les Britanniques en 1947. Mais en réalité, la responsabilité britannique dans le désastre du Cachemire moderne remonte plus de cent ans en arriÚre, à 1846.

Le Cachemire a fait partie de l'Empire afghan des Durrani de 1758 Ă 1819, date Ă laquelle il a Ă©tĂ© conquis par l'Empire sikh du maharajah Ranjit Singh. Singh a toujours pris soin de nommer des gouverneurs musulmans sur les terres musulmanes, parfois issus de la famille Durrani elle-mĂȘme. Il s'est alliĂ© aux Britanniques durant la premiĂšre guerre afghane et a envoyĂ© des troupes, dont des recrues cachemiris, pour soutenir l'invasion britannique en 1839. Cependant, aprĂšs la mort de Ranjit Singh et la guerre civile dĂ©clenchĂ©e pour sa succession, les Britanniques ont attaquĂ© l'Empire sikh afin de ârĂ©tablir la stabilitĂ©â. AprĂšs la bataille de Sobraon, les Britanniques ont annexĂ© les terres situĂ©es entre les fleuves Beas et Ravi, tandis que le traitĂ© d'Amritsar de 1846 leur a permis de vendre le Jammu-et-Cachemire Ă l'ancien vizir sikh, Gulab Singh, pour 50 lakhs de roupies [soit un peu plus de 50 000⏠aujourdâhui].
Gulab Singh Ă©tait un personnage particuliĂšrement sanguinaire qui a jouĂ© un rĂŽle extraordinairement machiavĂ©lique Ă la cour sikhe de Ranjit Singh et de ses successeurs immĂ©diats, et qui a bien sĂ»r pillĂ© le trĂ©sor sikh pour payer les Britanniques. Il a ainsi payĂ© aux Britanniques avec de l'argent volĂ© les terres que les Britanniques venaient eux-mĂȘmes de voler.
C'est ainsi qu'est née la situation extraordinaire qui a vu les territoires musulmans du Cachemire et du Jammu passer sous la domination d'un souverain hindou (Gulab Singh était un Dogra hindou). Cette anomalie a eu pour conséquence directe la division désastreuse du territoire par les Britanniques lors de la partition, 100 ans plus tard.
Les conflits actuels rĂ©sultent trĂšs souvent des agissements de l'Empire britannique, dont les rĂ©percussions se font encore sentir aujourdâhui et continuent de semer la discorde depuis des gĂ©nĂ©rations. De mĂȘme, il est trĂšs souvent difficile de trouver des analyses permettant d'expliquer les vĂ©ritables causes de ces conflits.
Traduit par Spirit of Free Speech