đâđš Le cessez-le-feu va rĂ©vĂ©ler le vĂ©ritable bilan humain du massacre de Gaza
âOn sâattend au contrecoup du cessez-le-feu, quand les gens vont rĂ©aliser l'ampleur des pertes, et ce sera au moins aussi douloureux que les 15 mois Ă©coulĂ©sâ.
đâđš Le cessez-le-feu va rĂ©vĂ©ler le vĂ©ritable bilan humain du massacre de Gaza
Par Alessandra Bajec, le 22 janvier 2025
Le cessez-le-feu à Gaza va révéler l'horrible coût humain de la guerre menée par Israël, à mesure que des corps seront retrouvés sous les décombres et que les disparus seront recensés.
AprÚs des mois de négociations infructueuses pour mettre fin à la guerre la plus meurtriÚre de l'histoire de la bande de Gaza, le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, entré en vigueur dimanche, apporte son lot de soulagement et de souffrance.
Avec l'entrĂ©e en vigueur de l'accord en trois phases, les Palestiniens de Gaza sont dĂ©sormais confrontĂ©s Ă la douloureuse rĂ©alitĂ© du deuil des dizaines de milliers d'ĂȘtres chers perdus au cours de la guerre de 15 mois menĂ©e par IsraĂ«l, tout en devant faire face Ă la destruction gĂ©nĂ©ralisĂ©e omniprĂ©sente.
Toute cessation permanente des hostilités offrira aussi l'opportunité de découvrir enfin le véritable bilan de vies perdues à Gaza, à mesure que des corps seront retrouvés sous les décombres, et que les personnes disparues seront recensées.
D'autres estimations, cependant, font état de chiffres considérablement plus élevés. Par exemple, une étude publiée au début du mois par la revue médicale The Lancet a révélé que 64 260 personnes étaient mortes de lésions traumatiques au cours des neuf premiers mois de la guerre.
Ces rĂ©sultats suggĂšrent que les dĂ©cĂšs dus aux traumatismes sont environ 41 % plus Ă©levĂ©s que les chiffres officiels rapportĂ©s par les autoritĂ©s sanitaires palestiniennes, qui les avaient fixĂ©s Ă 37 877 Ă l'Ă©poque. L'analyse prĂ©voyait qu'en octobre 2024, plus de 70 000 habitants de Gaza allaient ĂȘtre tuĂ©s par les forces israĂ©liennes, en tenant compte du taux de disparus.
Selon les estimations, environ 3 % de la population de Gaza a disparu suite aux violences israéliennes, et 59 % des 28 257 décÚs pour lesquels des données sur le sexe et l'ùge étaient disponibles concernaient des femmes, des enfants de moins de 18 ans et des adultes ùgés de 65 ans et plus.
Les chercheurs de la London School of Hygiene & Tropical Medicine (LSHTM), qui ont menĂ© la derniĂšre Ă©tude, ont employĂ© une mĂ©thode statistique de âcapture-recaptureâ, en utilisant les donnĂ©es du ministĂšre de la SantĂ©, une enquĂȘte en ligne auprĂšs des proches signalant les dĂ©cĂšs, et les notices nĂ©crologiques sur les rĂ©seaux sociaux.
Le rapport indique que le nombre total de décÚs dus aux opérations militaires d'Israël est probablement bien plus élevé encore, car son analyse n'inclut pas les décÚs non liés au traumatisme causés par le dysfonctionnement des soins de santé, le manque de nourriture, d'eau potable et d'assainissement, ainsi que les épidémies.
Le calcul prĂ©cis de la mortalitĂ© indirecte pendant une guerre en cours s'accompagne de nombreux dĂ©fis et contraintes, compte tenu des conditions d'insĂ©curitĂ© extrĂȘme auxquelles sont soumis les travailleurs humanitaires et sanitaires Ă Gaza, ainsi que des restrictions d'accĂšs.
âEn cas de cessez-le-feu durable, le personnel sur le terrain sera enfin en mesure de procĂ©der Ă une estimation correcte et plus prĂ©cise des chiffres rĂ©elsâ,
a déclaré au New Arab Francesco Checchi, professeur d'épidémiologie et de santé internationale à la LSHTM, et coauteur du rapport publié dans The Lancet.
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M. Checchi a soulignĂ© la âdissimulation des preuvesâ due Ă l'insĂ©curitĂ© qui a rĂ©gnĂ© tout au long de la guerre, les gens n'Ă©tant pas en mesure de recueillir la moindre information et les journalistes locaux faisant l'objet de menaces et d'attaques.
Au début du conflit actuel, le ministÚre palestinien de la santé recensait de maniÚre fiable les décÚs dus aux lésions traumatiques en comptant les corps admis dans les hÎpitaux et en enregistrant dans une base de données électronique le nom, l'ùge, le sexe et le numéro d'identification des personnes décédées.
Pourtant, depuis octobre 2023, la fiabilité des données de mortalité du ministÚre de la Santé s'est détériorée. Les interventions militaires israéliennes et les frappes sur les établissements de santé ont perturbé les registres électroniques des décÚs, obligeant le ministÚre de la Santé à utiliser des méthodes moins abouties. Au fur et à mesure que les combats se poursuivaient, le nombre d'hÎpitaux et de morgues opérationnels a chuté, et ceux qui fonctionnaient étaient tellement saturés par l'afflux de victimes qu'ils n'ont pas été en mesure de tenir des registres précis.
Le bureau des droits de l'homme des Nations unies a également déclaré que les chiffres des autorités palestiniennes étaient probablement inférieurs à la réalité.
âLa disponibilitĂ© et la fiabilitĂ© des donnĂ©es ont diminuĂ© avec le temps car le ministĂšre de la SantĂ© n'est plus en mesure de confirmer les taux de mortalitĂ© comme auparavantâ,
a déclaré à la TNA Sarah Aly, chercheuse en médecine d'urgence mondiale à l'université de Yale, qui a également contribué à l'étude de The Lancet.
L'universitaire, qui s'intĂ©resse Ă la mĂ©decine d'urgence dans la rĂ©gion MENA, a observĂ© comment les hĂŽpitaux de Gaza ont eu du mal Ă communiquer des comptes rendus fiables sur les dĂ©cĂšs, ou mĂȘme centraliser en raison des coupures de communication gĂ©nĂ©ralisĂ©es et de la destruction dĂ©libĂ©rĂ©e des infrastructures de santĂ©, ainsi que de l'assassinat et de la dĂ©tention de personnel mĂ©dical clĂ©.
âCe que le ministĂšre de la SantĂ© palestinien a rĂ©ussi Ă faire est tout de mĂȘme assez impressionnant, compte tenu de l'insuffisance des informations et des contraintes auxquelles il a dĂ» faire faceâ, a dĂ©clarĂ© Mme Aly.
Lundi, les services d'urgence et les familles ont commencĂ© Ă rechercher les disparus et ont rĂ©cupĂ©rĂ© des dizaines de dĂ©pouilles dans le nord et le sud de la bande de Gaza assiĂ©gĂ©e. Le service de la protection civile a dĂ©clarĂ© qu'au moins 10 000 corps sont toujours enfouis dans les ruines. Les employĂ©s de la protection civile auraient rĂ©cupĂ©rĂ© 120 corps en dĂ©composition dans les dĂ©combres au tout dĂ©but de la trĂȘve.
âOn sâattend au contrecoup du cessez-le-feu, quand les gens vont rĂ©aliser l'ampleur des pertes, et ce sera au moins aussi douloureux que les 15 mois Ă©coulĂ©sâ,
a dĂ©clarĂ© Jehad Abusalim, directeur exĂ©cutif de l'Institut d'Ă©tudes palestiniennes (IPS), basĂ© Ă Washington, Ă The New Arab, Ă©voquant ce qu'il a qualifiĂ© de gigantesque âtraumatisme collectifâ.
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Le directeur de l'IPS-USA a évoqué plusieurs défis liés au repérage des corps des disparus, et à l'identification des morts au lendemain de la guerre la plus dévastatrice d'Israël sur le territoire palestinien.
Israël ayant largement détruit les infrastructures, les ressources et les services publics, Gaza ne dispose actuellement d'aucun équipement ni du savoir-faire technique requis pour procéder à des tests ADN et à des analyses de concordance, a déclaré M. Abusalim.
Les dĂ©combres, oĂč au moins 10 000 personnes seraient enterrĂ©es, recĂšlent des munitions non explosĂ©es et des substances toxiques. L'UNRWA a dĂ©jĂ dĂ©clarĂ© qu'il faudrait jusqu'Ă 15 ans pour dĂ©blayer les dĂ©combres Ă Gaza.
On peut également citer de nombreux témoignages de victimes dont les corps ont tout simplement disparu sans laisser de traces aprÚs le bombardement israélien d'immeubles résidentiels, suscitant des interrogations sur le type de bombes utilisées lors des attaques.
D'autres corps auraient été emmenés par l'armée israélienne, puis ramenés décomposés sans identification.
Dans de nombreux cas, a poursuivi M. Abusalim, les sites funĂ©raires improvisĂ©s oĂč les habitants de Gaza ont temporairement enterrĂ© les membres de leur famille n'existent plus aprĂšs que les troupes israĂ©liennes ont effectuĂ© des raids, les ont bombardĂ©s ou rasĂ©s, bouleversant ainsi le paysage.
âLes Palestiniens vont ĂȘtre confrontĂ©s Ă des milliers de dĂ©pouilles, sans savoir oĂč sont enterrĂ©s leurs prochesâ,
a déclaré M. Abusalim, faisant allusion à la découverte probable de nouveaux charniers dans la bande de Gaza.
Il a dĂ©clarĂ© qu'au cas oĂč un cessez-le-feu durable sâinstalle, il sera possible d'Ă©tablir un bilan prĂ©cis des victimes, qui inclurait Ă©galement les dĂ©cĂšs non traumatiques rĂ©sultant des effets indirects du conflit.
âLe nombre de victimes de la guerre peut ĂȘtre Ă©tabli de maniĂšre relativement fiable par le biais d'enquĂȘtes auprĂšs des mĂ©nages utilisant des mĂ©thodes dĂ©mographiques standardâ,
a noté l'épidémiologiste. Il a souligné que les habitants de Gaza vont jouer un rÎle crucial dans la collecte des données, l'analyse médico-légale et la documentation concernant les victimes de la guerre, avec le soutien de groupes d'aide internationale si nécessaire.
Pour l'universitaire, si la rĂ©cupĂ©ration des corps des disparus aggrave la dĂ©tresse psychologique que vivent les civils de Gaza depuis plus d'un an d'assauts militaires incessants, profiter du cessez-le-feu pour assurer un suivi exhaustif du nombre de victimes peut aussi permettre de âfaire le deuilâ.
M. Abusalim a rĂ©pĂ©tĂ© que la communautĂ© internationale doit consentir un âsĂ©rieuxâ effort de mise Ă disposition des ressources nĂ©cessaires Ă l'identification des disparus, pour offrant au moins offrir humanitĂ© et dignitĂ© aux morts.
âLa communautĂ© internationale n'a pas rĂ©ussi Ă stopper ces atrocitĂ©s. Maintenant, elle doit soutenir les initiatives permettant au moins aux morts d'ĂȘtre enterrĂ©s avec dĂ©cenceâ, a-t-il dĂ©clarĂ©.
* Alessandra Bajec est une journaliste indépendante actuellement basée à Tunis. Vous pouvez la suivre sur Twitter (X) : @AlessandraBajec
https://www.newarab.com/analysis/how-ceasefire-will-reveal-true-scale-gazas-death-toll
CroĂźt-on vraiment que les pays occidentaux vont assister les Palestiniens dans leurs efforts pour Ă©tablir un dĂ©compte prĂ©cis des pertes humaines occasionnĂ©es par un gĂ©nocide dont ils sont, indiscutablement les complices actifs? Les ONG? Peut-ĂȘtreâŠIl ne faut rien attendre de ces ordures! Tout au plus, condescendront-ils Ă verser quelque obole ou aumĂŽne quâils auront tĂŽt fait de rĂ©cupĂ©rer par les moyens dĂ©tournĂ©s dont ils ont le secretâŠ..NI OUBLI NI PARDON!âŠ.