👁🗨 Le Dr Abu Safiya symbolisait l'humanité à Gaza. Israël & l'Occident sont en train de l'anéantir
Il faut rendre tout cela banal & routinier. La mission de nos élites : miner la compassion, la résilience & nous endormir. Prouvons-leur qu'ils ont tort - pour le salut du Dr Abu Safiya, et le nôtre.
👁🗨 Le Dr Abu Safiya symbolisait l'humanité à Gaza. Israël & l'Occident sont en train de l'anéantir
Par Jonathan Cook, le 8 janvier 2025
Israël n'éradique pas “les terroristes”. Il transforme Gaza en terrain vague, en paysage maudit, où les médecins disparaissent, où les équipes humanitaires ne sont plus qu'un souvenir, et la compassion, un handicap.
S'il y a bien une image de 2024 qui a capté l'actualité de l'année, c'est celle-ci : le Dr Hussam Abu Safiya, en blouse blanche, se frayant un chemin à travers les décombres de l'hôpital Kamal Adwan qu'il dirigeait - le dernier grand établissement médical en sursis dans le nord de Gaza - en direction de deux chars israéliens dont les canons étaient braqués sur lui.
L'année écoulée a été dominée par la mort et la destruction qu'Israël a infligées à la minuscule enclave.
Elle a été marquée par le massacre de dizaines de milliers de Palestiniens - les morts dont nous avons connaissance - et la mutilation d'au moins 100 000 autres. La privation de nourriture de toute la population, le paysage urbain et agricole rasé, et la destruction systématique des hôpitaux et du secteur de la santé de Gaza, incluant assassinats, arrestations massives et torture du personnel médical palestinien.
L'année 2024 a également été dominée par le consensus croissant des autorités juridiques internationales et des autorités de défense des droits de l'homme, qui considèrent que tous ces actes constituent un génocide.
La photo du médecin, datant des tout derniers jours de l'année, en dit long. Elle montre un homme solitaire - qui a risqué sa vie pour maintenir son hôpital opérationnel alors qu'il était assiégé par les forces israéliennes, bombardé par des obus et des drones israéliens, et que son personnel était abattu par des snipers israéliens - se dirigeant courageusement vers ses exterminateurs et ceux de son peuple.
Il a payé le prix fort, tout comme ses patients et son personnel. En octobre, son fils de 15 ans, Ibrahim, a été exécuté lors d'un raid israélien sur l'hôpital. Un mois plus tard, il a lui-même été blessé par des éclats d'obus provenant d'une frappe israélienne sur le bâtiment.
Le 27 décembre, l'hôpital a cessé de résister aux assauts barbares d'Israël. Lorsqu'un haut-parleur a demandé au Dr Abu Safiya de s'approcher des chars, il s'est mis en route, épuisé, à travers les décombres.
C'est là que la lutte de l'hôpital Kamal Adwan pour préserver la vie a brutalement pris fin, lorsque la machine de guerre génocidaire israélienne a remporté une victoire inévitable contre le dernier avant-poste humaniste dans le nord de Gaza.
Détenu dans un camp de torture
Cette photo est également la dernière connue du Dr Abu Safiya, prise quelques minutes avant sa soi-disant “arrestation” - plutôt son kidnapping - par des soldats israéliens, et sa disparition dans le système des camps de torture d'Israël.
Après avoir affirmé pendant des jours qu'elle ne savait pas où se trouvait le médecin, l'armée israélienne a finalement confirmé le détenir au secret. Il semble que cette confirmation ne soit intervenue qu'à la suite d'une requête adressée aux tribunaux israéliens par un groupe local de défense du droit sanitaire.
Selon un nombre croissant de rapports, M. Abu Safiya se trouve actuellement dans le plus célèbre des centres de torture d'Israël, Sde Teiman, où des soldats ont été filmés l'année dernière en train de violer un détenu palestinien à l'aide d'une matraque jusqu'à rupture de ses entrailles.
On espère que M. Abu Safiya ne subira pas le même sort que son collègue, le Dr Adnan al-Bursh, ancien chef du service d'orthopédie de l'hôpital al-Shifa de Gaza. Après quatre mois de mauvais traitements à la prison d'Ofer, le Dr Bursh a été abandonné par les gardiens en pleine cour, nu jusqu'à la taille, en sang et incapable de se tenir debout. Il est mort peu après.
Les rapports des agences de défense des droits de l'homme et des Nations unies, ainsi que les témoignages de gardiens de camp qui se sont mis à dénoncer les abus, font état du passage à tabac, de la privation de nourriture, d'abus sexuels et de viols systématiques dont sont victimes les prisonniers palestiniens.
Israël a accusé le Dr Abu Safiya, le pédiatre le plus connu de Gaza, d'être un “terroriste” du Hamas. L'État hébreu a enlevé 240 autres personnes de l'hôpital Kamal Adwan qu'il prétend “suspecter de terrorisme” - parmi lesquels se trouvent sans doute principalement des patients et du personnel médical - et elles sont détenues dans des conditions tout aussi horribles.
Une logique psychotique
Selon la logique psychotique d'Israël, toute personne travaillant pour le gouvernement du Hamas à Gaza - c'est-à-dire toute personne comme M. Abu Safiya, travaillant dans l'une des principales institutions de l'enclave, telle qu'un hôpital - est considérée comme un terroriste.
Par extension, tout hôpital - parce qu'il relève de l'autorité du gouvernement du Hamas - peut être considéré comme un “bastion terroriste du Hamas”, comme Israël a qualifié l'hôpital Kamal Adwan. Par conséquent, toutes les installations médicales doivent être détruites, tous les médecins “arrêtés” et torturés, et tous les patients “évacués” de force.
Dans le cas de l'hôpital Kamal Adwan, les blessés, les malades gravement atteints et les femmes sur le point d'accoucher ont eu 15 minutes pour décrocher leur perfusion, sortir de leur lit et se rendre dans la cour de l'hôpital dévasté. L'armée israélienne a ensuite mis le feu à l'hôpital.
Une telle “évacuation” ne signifie qu'une chose : les patients sont laissés à l'abandon, succombant à leurs blessures, leurs pathologies ou de malnutrition, et de plus en plus souvent du froid.
Un nombre croissant de bébés meurt d'hypothermie alors que leurs familles se blottissent les nuits d'hiver sous des bâches, sans couvertures ni vêtements appropriés, dans les campements où vivent la plupart des habitants de Gaza.
La photographie de la reddition du Dr Abu Safiya montre clairement qui est David et qui est Goliath, qui fait œuvre d'humanité, et qui est le terroriste.
Elle a surtout montré comment les classes politiques et médiatiques occidentales ont passé les 15 derniers mois à promouvoir un énorme mensonge à propos de Gaza. Ils n'ont pas cherché à mettre fin à l'effusion de sang, mais à la dissimuler, et à la justifier.
Voilà peut-être pourquoi l'image la plus emblématique de 2024 est à peine visible dans les médias de l'establishment, et encore moins en première page, alors que le Dr Abu Safiya a été enlevé par Israël et que son hôpital a été détruit.
La plupart des rédacteurs en chef et éditeurs de photos étrangers - qui dépendent des salaires versés par leurs propriétaires milliardaires - ont semblé préférer passer sous silence la photo de l'année. Les réseaux sociaux, en revanche, ne l'ont pas fait. Les simples usagers l'ont diffusée à grande échelle. Ils ont compris ce qu'elle montre, et ce qu'elle signifie.
La guerre des consciences
À la fin du mois dernier, Israël a annoncé qu'il consacrera cette année 150 millions de dollars supplémentaires à ce qu'il a appelé la “guerre des consciences”.
En d'autres termes, Israël va multiplier son budget par 20 pour améliorer ses campagnes de désinformation dans les médias, afin de blanchir son image alors que le massacre à Gaza se poursuit.
Israël a tué de nombreux journalistes de Gaza et interdit aux correspondants étrangers l'accès à ses “zones de mort” non déclarées. Mais à l'ère de la retransmission en direct sur les téléphones, dissimuler un génocide s'avère bien plus difficile qu'Israël ne l'avait imaginé. La désinformation de l'establishment occidental semble ne pas suffire.
Israël est particulièrement préoccupé par les jeunes, comme les étudiants dans les campus, qui ne consomment pas les informations filtrées par la BBC ou CNN, et qui saisissent donc mieux la réalité des événements. Leurs sens et leur sensibilité n'ont pas été émoussés par des années de propagande occidentale.
Ils sont bien moins susceptibles, par exemple, de tomber dans le panneau des “fake news” israéliennes - recyclées et accréditées par les médias occidentaux - qui ont justifié au cours des 15 derniers mois la destruction complète des hôpitaux de Gaza, et le type de désinformation alimentant l'idée qu'un médecin aussi estimé que le Dr Abu Safiya est secrètement un terroriste.
La genèse de la campagne d'Israël en faveur de la destruction du secteur de la santé à Gaza a commencé dans les jours qui ont suivi l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023. Moins de deux semaines plus tard, Israël a tiré un missile sur la cour de l'hôpital al-Ahli de Gaza. Des dizaines de familles palestiniennes qui s'y étaient réfugiées, cherchant à se protéger du déchaînement militaire d'Israël, ont été prises dans l'explosion.
Mais les médias ont blanchi ce premier acte de guerre contre les hôpitaux de Gaza en se faisant l'écho crédible de l'affirmation grotesque d'Israël selon laquelle c'est une roquette palestinienne mal tirée, plutôt qu'un missile israélien, qui aurait causé les dégâts.
L'attaque contre l'hôpital al-Ahli a permis à Israël de mettre en place un plan génocidaire qu'il a suivi à la lettre au cours des 15 derniers mois. Elle a clairement montré aux Palestiniens qu'ils ne seraient nulle part à l'abri des assauts d'Israël, pas même dans les refuges aménagés tels que les hôpitaux, les mosquées et les églises. Le plus petit recoin ne pourra échapper à la folie israélienne.
Les dirigeants et les médias occidentaux ont eux aussi très bien compris qu'Israël était prêt à enfreindre tous les principes du droit humanitaire international. On peut dire qu'aucune atrocité, aucun crime de guerre n'a été négligé, y compris la destruction du système médical de Gaza. On pouvait s'attendre à ce que les mécènes d'Israël soutiennent pleinement la guerre, quelle que soit l'ampleur de l'intervention d'Israël.
Et c'est exactement ce qu'ils ont fait.
Mensonges & fake news
Avec un peu de recul, la brève agitation autour de la question de savoir si Israël est responsable de l'attaque sur l'hôpital al-Ahli peut sembler aujourd'hui étrangement décalée. En l'absence de réaction, Israël a intensifié sa “guerre des consciences”, créant toute une série de fake news pour relier les hôpitaux de Gaza au terrorisme du Hamas.
En quelques semaines, Israël a prétendu avoir découvert une base terroriste du Hamas sous l'hôpital pour enfants al-Rantisi de Gaza, avec des cachettes d'armes et un tableau de service en arabe pour les otages israéliens - sinon sauf qu'il s'est rapidement avéré que ce tableau n'était rien d'autre qu'un calendrier tout à fait banal.
La cible la plus importante d'Israël a été l'hôpital al-Shifa, l'établissement médical le plus important de Gaza. Israël a diffusé une vidéo d’images de synthèse le montrant placé au-dessus d'un “centre de commandement et de contrôle du Hamas” souterrain. Les médias occidentaux ont une fois de plus relayé ces affirmations avec crédulité, bien que le bunker du Hamas n'ait jamais été découvert.
Ces mensonges ont néanmoins servi leur objectif. Alors même qu'Israël détruisait les hôpitaux de Gaza et refusait l'accès à l'aide médicale, laissant Gaza sans aucun moyen de soigner les hommes, les femmes et les enfants mutilés par les bombardements incessants d'Israël, les médias préféraient tourner le dos à ces crimes contre l'humanité trop flagrants.
Au lieu de cela, et comme Israël l'espérait, les journalistes ont consacré leur énergie à la chasse aux fausses pistes, en tâchant de vérifier chacun des mensonges.
Les médias sont partis du principe que si le moindre soupçon de complicité entre le Hamas et un seul hôpital ou médecin de Gaza était confirmé, la campagne d'Israël visant à supprimer toutes les installations médicales dans l'enclave et à priver de soins 2,3 millions de personnes prises dans ses champs d'extermination serait justifiée.
Les fosses communes
Fait notable, aucun des médecins occidentaux chevronnés qui se sont portés volontaires à Gaza n'a déclaré, à son retour, avoir vu le moindre signe de la présence de “terroristes du Hamas” armés qui, soi-disant, grouillaient dans les hôpitaux où ils ont travaillé.
Ces médecins occidentaux ont rarement été interviewés par les médias pour faire contrepoids à la désinformation incessante d'Israël, qui a ainsi pu légitimer la destruction des hôpitaux et des centres médicaux de Gaza dans l'indifférence la plus totale.
Les soldats ont investi les hôpitaux les uns après les autres, détruisant les services, les salles d'opération et les unités de soins intensifs.
Chaque “évacuation” forcée a engendré son lot de souffrances. Les prématurés ont été abandonnés, mourant de faim ou de froid dans leurs couveuses. Les patients gravement atteints ont été forcés de quitter leur lit. Les ambulances qui tentaient de les évacuer ont été bombardées Et chaque fois, le personnel médical de Gaza a été regroupé, dépouillé de ses vêtements, puis a disparu.
Les journalistes occidentaux n'ont pas non plus montré beaucoup d'intérêt pour la découverte de cadavres non identifiés dans des fosses communes improvisées sur le terrain de l'hôpital après les assauts des soldats israéliens - des cadavres décapités ou mutilés, ou indiquant qu'ils avaient été enterrés vivants.
Pour ces raisons et d'autres encore, le Bureau des droits de l'homme des Nations unies a conclu la semaine dernière que les hôpitaux de Gaza,
“l'unique sanctuaire où les Palestiniens auraient dû se sentir en sécurité, sont en fait devenu un piège mortel”.
De même, un fonctionnaire de l'Organisation mondiale de la santé, Rik Pepperkorn, a observé que
“le secteur de la santé est systématiquement détruit. L'OMS sollicite des traitements urgents et vitaux à l'étranger pour plus de 12 000 personnes”, a-t-il ajouté. “Au rythme où vont les choses, il faudrait cinq à dix ans pour évacuer tous ces patients gravement malades”.
Dans une autre déclaration la semaine dernière, deux experts de l'ONU ont souligné que la détention arbitraire du Dr Abu Safiya “relève d'un scénario où Israël ne cesse de bombarder, de détruire, et de totalement bafouer le droit à la santé à Gaza”.
Ils ont noté qu'en plus des rafles massives, au moins 1 057 professionnels palestiniens de la santé et du secteur médical ont été tués à ce jour.
Un génocide programmé
En réalité, la nouvelle campagne de désinformation d'Israël, mieux financée, ne sera pas plus efficace que les précédentes.
Avi Cohen-Scali, directeur du ministère israélien de la Lutte contre l'antisémitisme, a déclaré qu'une décennie de programmes de ce type pour lutter contre ce qu'Israël appelle sa “délégitimation” - c'est-à-dire exposer au grand jour l'apartheid et le génocide en cours - n’a abouti qu'à des résultats “quasi nuls”.
Il a déclaré aux médias israéliens que “ces stratégies ont échoué sur tous les plans possibles et imaginables”.
Il est impossible d'effacer la réalité du génocide. Au cours des prochains mois, d'autres atrocités israéliennes - nouvelles et historiques - seront révélées. D'autres organisations et spécialistes du droit et des droits de l'homme concluront qu'Israël commet un génocide à Gaza.
La Cour pénale internationale (CPI) émettra d'autres mandats d'arrêt pour crimes de guerre, après ceux délivrés à l'encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de son ancien ministre de la défense, Yoav Gallant.
Le week-end dernier, un soldat israélien en vacances au Brésil a été contraint de fuir le pays après avoir été averti qu'il faisait l'objet d'une enquête.
Mais ce n'est pas tout. Les principales organisations de défense des droits de l'homme et les universitaires vont devoir reformuler leur conception historique d'Israël et de son idéologie fondatrice, le sionisme. Ils devront reconnaître que ce génocide n'a pas surgi de nulle part.
Le processus a débuté lorsque le sionisme a été créé en tant que mouvement de colonisation, il y a plus d'un siècle. Il s'est poursuivi lors de la création d'Israël par le biais d'une opération de nettoyage ethnique de masse à l'encontre de la population palestinienne autochtone en 1948. Elle s'est accélérée en 1967, lorsqu'Israël a officialisé son système d'apartheid, instaurant des droits distincts pour les Juifs et les Palestiniens, et enfermant les Palestiniens dans des ghettos de plus en plus exigus.
En l'absence de tout contrôle, l'objectif ultime d'Israël a toujours été le génocide. Il s'agit d'une nécessité idéologique ancrée dans les notions de suprématie ethnique et d’Israël, le peuple élu.
Une vision à la Mad Max
Même après que la CPI a émis des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant en novembre, les dirigeants israéliens ont poursuivi leur incitation expresse au génocide.
La semaine dernière, huit députés de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du parlement israélien ont écrit au nouveau ministre de la Défense, Israël Katz, pour lui demander d'ordonner la suppression des dernières ressources en eau, en nourriture et en énergie dans le nord de la bande de Gaza.
Or, la privation totale de nourriture de la population de Gaza par Israël est précisément à l'origine de l'inculpation de Netanyahu et de Gallant pour crimes contre l'humanité.
Entre-temps, la destruction de l'hôpital Kamal Adwan ouvre la voie à une nouvelle politique dans le nord de Gaza : ce qu'Israël qualifie froidement de “Tchernobylisation”.
Cette politique, baptisée d'après le réacteur nucléaire soviétique de Tchernobyl, voit dans la présence palestinienne à Gaza une menace comparable aux fuites radioactives de 1986. L'objectif de l'armée est donc de faire disparaître toutes les infrastructures palestiniennes en surface et en sous-sol, rappelant ainsi les mesures d'urgence déployées par les Soviétiques pour contenir les radiations de Tchernobyl.
Où cela mène-t-il ?
Louise Wateridge, responsable principale des situations d'urgence pour l'Agence des Nations unies pour les Réfugiés Palestiniens, averti ce week-end qu'Israël est en train d'accélérer l'effondrement social total de Gaza en éjectant l'Unrwa de l'enclave.
La législation israélienne qui entrera en vigueur à la fin de ce mois interdira à l'agence pour les réfugiés d'opérer à Gaza pour fournir aux familles le peu de nourriture et d'abris disponibles, compte tenu du blocus imposé par Israël.
En l'absence d'hôpitaux, elle privera également Gaza des derniers services de santé dignes de ce nom. Mme Wateridge a fait remarquer que
“l'Unrwa assure quelque 17 000 consultations médicales par jour dans la bande de Gaza. Il est impossible pour une autre agence de se substituer à cela”.
Elle souligne le risque de voir Gaza devenir une zone de non-droit total. Les familles seront confrontées non seulement aux bombes, aux drones assassins et au plan de famine d'Israël, mais aussi à la domination dystopique de gangs criminels.
Voilà exactement ce qu'Israël prévoit pour Gaza. Comme l'a révélé un article publié dans Haaretz la semaine dernière, après la “Tchernobylisation” du nord de Gaza, Israël envisage de laisser deux grandes familles du banditisme palestinien régner sur le sud. Il s'agira probablement des mêmes gangs qui pillent les quelques camions d'aide humanitaire qu'Israël autorise à entrer à Gaza, aidant ainsi Israël à priver la population de nourriture et d'eau.
La vision d'Israël pour l'avenir de Gaza est un condensé post-apocalyptique de Mad Max et du récit de Cormac McCarthy, La Route.
La Une occidentale
La voie du génocide est peut-être inscrite dans les gènes du sionisme, mais les dirigeants occidentaux, les médias, les universités, les think tanks et même les organisations de défense des droits de l'homme se sont employés à prétendre le contraire.
Ils ont passé des décennies à défendre un discours occidental qui aurait dû être définitivement discrédité depuis longtemps : Israël n'est que le sanctuaire qui protège les Juifs de l'antisémitisme, c'est “l'unique démocratie du Moyen-Orient”, son occupation est globalement bienveillante et ses colonies illégales sont une mesure de sécurité nécessaire, et l'armée israélienne est “la plus morale du monde”.
Ces fictions se détricotent à une vitesse telle que la désinformation d'Israël ne pourra plus jamais les rétablir.
Alors pourquoi continuer ? Parce que la “guerre des consciences” d'Israël n'est pas principalement dirigée contre vous et moi. Elle vise les dirigeants occidentaux. Il ne s'agit pas de les persuader de quoi que ce soit : le Premier ministre britannique Keir Starmer sait pertinemment que le génocide tue à Gaza, tout comme Donald Trump, futur président des États-Unis.
Ils s'en moquent totalement, notamment parce qu'il est impensable d'accéder aux hautes sphères du système politique occidental sans être prêt à adopter une vision sociopathique du monde. Il faut apaiser le complexe militaro-industriel occidental, et satisfaire les entreprises occidentales en maintenant leur domination sur l'extraction des ressources dans le monde.
Voilà pourquoi, à cette fin de présidence, alors que personne ne peut voter pour lui, Joe Biden a cessé de prétendre qu'il “travaille sans relâche à un cessez-le-feu” ou qu'il demande à Israël d'envoyer au moins 350 camions d'aide par jour. Il a, bien au contraire, annoncé en guise de cadeau d'adieu à Israël une nouvelle livraison d'armes d'une valeur de 8 milliards de dollars, dont des munitions pour avions de chasse et hélicoptères d'attaque.
La campagne de désinformation d'Israël sert de couverture. Elle consiste juste à brouiller les pistes pour occulter le soutien des dirigeants occidentaux au génocide, à leur servir d'excuse pour continuer à livrer des armes, et les aide à échapper à un procès pour crimes de guerre à La Haye.
L'objectif est la “dénégation plausible” : il faut pouvoir prétendre que ce qui est si flagrant ne l'est pas tant que ça, et que ce que savent les observateurs ordinaires reste flou pour les participants directs.
Les dirigeants occidentaux savent qu'Israël a emmené le Dr Abu Safiya - l'un des grands praticiens de Gaza - dans l'un de ses camps de torture, où il est presque certainement affamé, battu, humilié et terrorisé, à l'instar des autres détenus.
Le travail d'Israël consiste désormais à réduire et anéantir sa résistance physique et mentale, tout comme il a démantelé les hôpitaux de Gaza.
L'objectif d'Israël n'est pas d'éradiquer “les terroristes”. L’état sioniste veut faire de Gaza un terrain vague, un paysage digne des enfers, où ne peuvent survivre ni les bons, ni les bienveillants, ni ceux qui tentent de s'accrocher à leur humanité. Un lieu où les médecins n'existent pas, où les collaborateurs humanitaires ne sont plus qu'un souvenir et où la compassion est un handicap, un lieu où les tanks et les gangs font la loi.
La classe politique et médiatique occidentale doit faire en sorte que tout cela paraisse aussi banal et routinier que possible. Sa mission est de nous démotiver, miner notre compassion, notre esprit de résilience, et nous anesthésier. Nous devons leur prouver qu'ils ont tort - pour le salut du Dr Abu Safiya, et pour le nôtre.