👁‍🗨 Le fascisme chrétien des trumpistes & la guerre contre la Palestine

Nous ressusciterons l’esprit combatif & riposterons par des actes de désobéissance civile, y compris la grève, contre ces forces despotiques, ou nous devrons nous résigner à être leurs vassaux.

Murder the Meek - by Mr. Fish

👁‍🗨 Le fascisme chrétien des trumpistes & la guerre contre la Palestine

Par Chris Hedges, le 10 mars 2025

Les extrémistes chrétiens en Amérique se lient aux extrémistes juifs en Israël non par conviction religieuse, mais par fascisme partagé.

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Les nationalistes chrétiens qui constituent le principal soutien de Donald Trump (80 % d'entre eux ont voté pour Trump lors des dernières élections, selon un sondage réalisé par Associated Press) ont lancé une campagne concertée appelant la Maison Blanche à soutenir l'annexion de la Cisjordanie et de Gaza par Israël.

Cette campagne comprend des visites en Israël de dirigeants de premier plan, dont Ralph Reed, Tony Perkins et Mario Bramnick, des pétitions adressées à la Maison Blanche, des actions de lobbying auprès du Congrès et des appels à l'annexion au cours de conférences chrétiennes, notamment une résolution de soutien à la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie adoptée lors de la dernière conférence conservatrice pour l'action politique. La convention des National Religious Broadcasters (NRB) qui s'est tenue à Dallas en mars a recueilli plus de 200 signatures de pasteurs et de chefs religieux de droite de tous les États-Unis appelant à l'annexion de “Judée et Samarie” - le nom biblique supposé de la Cisjordanie - et qualifiant la solution des deux États d'“expérience ratée”.

American Christian Leaders for Israel, qui affirme représenter un réseau de “plus de 3 000 dirigeants d'organisations à travers le pays, y compris les National Religious Broadcasters”, a approuvé la résolution des NRB et l'a envoyée à Trump. La députée Claudia Tenney et cinq autres membres du groupe parlementaire “Friends of Judea and Samaria Caucus” ont envoyé une lettre à Trump lui demandant de “reconnaître le droit d'Israël” à déclarer sa souveraineté sur les territoires palestiniens occupés, arguant d'une avancée pour “l'héritage judéo-chrétien sur lequel notre nation a été fondée”.

Trump, qui a annulé le décret exécutif de l'administration Biden qui sanctionnait les colons juifs de Cisjordanie pour violations des droits de l'homme, a promis de faire une annonce dans les “quatre prochaines semaines” sur une éventuelle annexion de la Cisjordanie. Cet engagement fait suite à l'appel lancé par Trump en faveur d'un nettoyage ethnique de Gaza et aux menaces de mort proférées à l'encontre des Palestiniens s'ils ne libèrent pas les otages israéliens. “Vous parlez d'environ un million et demi de personnes, nous allons tout simplement faire le ménage” a déclaré Trump à propos de Gaza, alors qu'il s'adressait aux journalistes à bord de l'Air Force One.

L'agenda des extrémistes sionistes et des fascistes chrétiens, qui occupent des postes à responsabilité dans l'administration Trump, converge depuis longtemps. Le langage, l'iconographie et le symbolisme utilisés par les fascistes chrétiens et juifs sont bibliques. Mais les liens sont politiques, et non religieux.

J'explique en détail l'histoire et l'idéologie de notre fascisme national et sa parenté avec le fascisme juif dans mon livre, “American Fascists : The Christian Right and the War on America”.

Mike Huckabee, ancien gouverneur de l'Arkansas et pasteur baptiste, a été nommé par Trump ambassadeur des États-Unis en Israël. Huckabee a déclaré qu'“il n'y a pas de Palestiniens” et affirmé que l'identité palestinienne est “un outil politique visant à tenter de soustraire des terres à Israël”. Il propose que tout État palestinien soit créé en dehors d'Israël, dans des pays voisins tels que l'Égypte, la Syrie ou la Jordanie. Il rejette la solution à deux États, la qualifiant d'“irrationnelle et irréalisable”.

“Je crois aux Écritures. Genèse 12 : Ceux qui béniront Israël seront bénis ; ceux qui maudiront Israël seront maudits. Je veux être du côté des bénédictions, pas des malédictions”, a dit Huckabee.

John Ratcliffe, nommé par Trump à la tête de la Central Intelligence Agency, préconise d'aider Israël dans ce qu'il a décrit comme son approche “couteau sur la gorge” contre l'Iran.

Le Secrétaire à la Défense de Trump, Pete Hegseth, qui soutient que “le sionisme et l'américanisme sont les lignes de front de la civilisation occidentale et de la liberté dans notre monde d'aujourd'hui”, ressasse l'absurdité habituelle selon laquelle la Bible hébraïque, écrite il y a 4 000 ans, peut être utilisée pour tracer les frontières nationales contemporaines.

Il a déclaré à Fox News en novembre dernier :

“Ouvrez votre Bible. Dieu a accordé cette terre à Abraham. Les douze tribus d'Israël ont établi une monarchie constitutionnelle en 1000 avant J.-C. Le roi David a été leur deuxième roi et a fait de Jérusalem la capitale. Les Juifs ont combattu des occupants étrangers pendant des siècles, pour finalement y maintenir leur présence. Et en ce moment même, les Palestiniens, les Arabes, les musulmans, tentent d'effacer les liens des Juifs avec Jérusalem. J'y suis allé plusieurs fois. Ils essaient de faire croire que les Juifs n'ont jamais été là. Mais le plus important, c'est que la communauté internationale a accordé la souveraineté aux Juifs, à l'État juif, après la Seconde Guerre mondiale, et qu'Israël a dû mener une guerre défensive après l'autre, avec tous les pays qui cherchaient à l'écraser, juste pour exister”.

La téléévangéliste Paula White-Cain, sioniste chrétienne très militante, qui affirme que défier Trump revient à “lutter contre la main de Dieu”, est conseillère principale au Bureau de la foi de la Maison Blanche, récemment créé.

Aux États-Unis, les universités ont été diffamées par les sionistes qui les ont accusées d'être des alliées du Hamas immédiatement après l'incursion du 7 octobre en Israël, des semaines avant qu'on n'assiste à des manifestations sur les campus. En réponse aux critiques et à la création de nombreux rassemblements d'étudiants, ces universités ont interdit les manifestations et réprimé la liberté d'expression. Elles ont sanctionné, suspendu ou expulsé des étudiants militants. Elles ont également licencié ou mis à l'épreuve des professeurs et des administrateurs coupables de s'être exprimés contre le génocide.

La chasse aux sorcières a fait subir aux présidents de l'université de Harvard, de l'université de Pennsylvanie et du MIT une enquête de type maccarthyste lors d'auditions au Congrès menées par la représentante Elise Stefanik. Les présidents de Harvard et de l'université de Pennsylvanie, parce qu'ils ne se sont pas suffisamment servilement soumis, ont finalement été contraints de démissionner. Stefanik, qui s'est réjouie du limogeage des présidents des universités de l'Ivy League, a publié une déclaration promettant de “continuer à dénoncer la pourriture de nos établissements d'enseignement supérieur les plus ‘prestigieux’ et à rendre des comptes au peuple américain”.

Stefanik est la candidate désignée par Trump pour devenir ambassadrice aux Nations unies. Elle estime qu'“Israël a un droit biblique sur l'ensemble de la Cisjordanie”.

Quatre mois avant l'installation de la zone de protestation sur le campus, l'université de Columbia a interdit les antennes locales de l'association Students for Justice in Palestine et de Jewish Voice for Peace. Une fois le campement installé au centre de l'université, elle a autorisé trois descentes de police qui ont abouti à plus de 100 arrestations d'étudiants. La semaine dernière, elle a expulsé quatre étudiants, trois du Barnard College et un de Columbia. Elle a contraint des professeurs et des administrateursà démissionner.

L'administration Trump, malgré les mesures draconiennes imposées par les administrateurs de Columbia, a annulé des subventions fédérales d'environ 400 millions de dollars à l'université en raison de ce qu'elle appelle “l'inaction persistante face au harcèlement systématique des étudiants juifs”.

La campagne menée contre les collèges et les universités n'a rien à voir avec la lutte contre l'antisémitisme. Columbia et d'autres universités ne pourront jamais faire taire leurs détracteurs. Cette campagne vise à criminaliser la dissidence et à forcer les établissements d'enseignement à adhérer aux diktats idéologiques de l'extrême droite et des fascistes chrétiens. L'antisémitisme n'est qu'un prétexte.

Les fascistes chrétiens pervertissent le christianisme pour sacraliser la suprématie blanche, l'empire américain et le capitalisme, et diabolisent ceux qui s'y opposent en les qualifiant de forces sataniques. Ces hérétiques – je parle en tant que diplômé d'une école de théologie – déforment les Évangiles de la même manière que les fascistes juifs déforment la Torah. En fait, selon l'eschatologie des fascistes chrétiens, les Juifs d'Israël à la “Fin des Temps” seront convertis au christianisme ou exterminés, mettant ainsi en évidence leurs profondes racines antisémites et leur adhésion ouverte aux théoriciens nazis tels que Carl Schmidt et aux sympathisants tels que Rousas John Rushdoony.

Israël bafoue régulièrement les normes diplomatiques et éthiques. Il ignore le droit humanitaire et le droit international, commettant des actes de génocide en violation de la Convention des Nations Unies de 1948 sur le génocide. Il se moque du concept de société ouverte et démocratique, créant des citoyens de seconde zone et un système d'apartheid dominé par des individus majoritairement d'origine européenne. Il recourt à la force létale sans discernement pour “purifier” sa société de ceux qui sont considérés comme des “contaminants” humains, des “animaux humains”.

La suprématie juive, comme celle des fascistes chrétiens, est, selon ces fanatiques, sanctifiée par Dieu. Selon Benjamin Netanyahu, les Palestiniens, comparables aux Amalécites de la Bible, sont l'incarnation du mal et ont mérité d'être massacrés. Les Euro-Américains des colonies américaines ont usé du même passage biblique pour justifier le génocide des Amérindiens. La violence et les menaces de violence s'imposent comme les seules formes de communication au sein du cénacle du nationalisme juif ou chrétien.

Les fascistes chrétiens s'efforcent d'imiter le fascisme juif. Eux aussi aspirent à “purifier” la société américaine de ses “impuretés” humaines, de la même manière qu'Israël se purifie ethniquement des Palestiniens. La loi fondamentale d'Israël, l'État-nation du peuple juif, adoptée par la Knesset en 2018, déclare que le droit à l'autodétermination en Israël est “exclusivement réservé au peuple juif”. Cette discrimination juridique est le modèle que les fascistes américains envisagent d'imiter au nom des chrétiens blancs. Les ennemis familiers du fascisme - journalistes, défenseurs des droits de l'homme, minorités ethniques, travailleurs sans papiers, musulmans, intellectuels, artistes, féministes, libéraux, gauchistes, pacifistes et pauvres - seront pris pour cible, comme en Israël.

Le pouvoir judiciaire sera l'outil de la répression des dissidents et de la protection des intérêts des riches. Le débat public s'étiolera. La société civile et l'État de droit cesseront d'exister. Tous ceux qu'on qualifiera de “déloyaux” seront persécutés, comme en témoigne le programme “Catch and Revoke” [arrêter et déchoir] du Département d'État, qui s'appuie sur l'IA pour “supprimer les visas des ressortissants étrangers qui semblent soutenir le Hamas ou d'autres groupes terroristes désignés”.

Le 8 mars, les autorités fédérales de l'immigration ont arrêté le militant de l'université Columbia Mahmoud Khalil,d'origine palestinienne, bien qu'il soit résident permanent légal. Une porte-parole du département de la Sécurité intérieure, Tricia McLaughlin, a déclaré que M. Khalil a été arrêté “conformément aux décrets du président Trump interdisant l'antisémitisme”.

L'arrestation et l'éventuelle expulsion d'un résident permanent légal sont inquiétantes.

Le fascisme revêt différentes formes, mais ses attributs fondamentaux sont les mêmes. Voilà pourquoi les fascistes chrétiens travaillent si activement pour le compte d'Israël. Le fascisme se nourrit du sentiment de grief. La rédemption messianique aura lieu en Israël une fois que les Palestiniens, condamnés comme incarnant le mal, auront été expulsés. La rédemption messianique aura lieu une fois que l'Amérique aura remis le pouvoir absolu à un État ethnonationaliste blanc et christianisé, un État qui fera reculer la législation sur les droits civils (la loi de 1965 sur le droit de vote a déjà été éviscérée par la Cour suprême) et sabrera les prestations sociales qui “bichonnent” les pauvres, en particulier les personnes pauvres de couleur.

Les vents sont contre nous. Les anciennes alliances font place à un autoritarisme mondial, que ce soit en Russie avec Vladimir Poutine, en Chine avec Xi Jinping, en Inde avec Narendra Modi ou en Hongrie avec Viktor Orbán, qui ont tous recours à des lois et à une police militarisée pour faire taire les dissidents, les journalistes, les étudiants et les enseignants, y compris dans leurs universités les plus prestigieuses telles que l'université indienne Jawaharlal Nehru. L'extrême droite est en plein essor dans toute l'Europe, en particulier en France et en Allemagne. La gauche radicale et le mouvement ouvrier ont été brisés. Nous n'avons que peu de défenses. Le Parti démocrate, inféodé aux entreprises et complaisant, et les institutions libérales telles que l'Université de Columbia ne nous protégeront pas.

Le fascisme ne peut être vaincu que par une autre forme de militantisme, celui des communistes, des anarchistes et des socialistes des années 1930, qui offre une vision alternative et ne transige pas avec les pouvoirs despotiques. Cette combativité alternative prend acte de l'inévitabilité de la répression brutale de l'État et de la nécessité du sacrifice de soi. Elle ne cherche ni l'accommodement ni l'apaisement. Nous ressusciterons cet esprit combatif et riposterons par des actes soutenus de désobéissance civile, y compris la grève, contre ces forces despotiques, ou bien nous devrons nous résigner à être leurs vassaux.

Trump’s Christian Fascists and the War on Palestine