đâđš Le gouvernement amĂ©ricain victime de sa propre propagande dans le conflit ukrainien
L'ambassade des Ătats-Unis Ă Prague a perpĂ©tuĂ© la dissimulation du contexte historique du conflit ukrainien, confortant dangereusement les AmĂ©ricains dans l'ignorance au sujet de la guerre.
đâđš Le gouvernement amĂ©ricain victime de sa propre propagande dans le conflit ukrainien
Par Joe Lauria, Spécial Consortium News, le 29 août 2023
Le blanchiment du contexte historique de la guerre en Ukraine a donnĂ© lieu Ă un Ă©pisode profondĂ©ment embarrassant pour l'ambassade des Ătats-Unis Ă Prague.
Un tweet de l'ambassade datant du 21 août et dont le message, traduit approximativement du tchÚque, signifiait "L'agression vient toujours du Kremlin", montrait deux photographies : la premiÚre représentait des chars soviétiques dans les rues de Prague en 1968. La seconde montre un incendie devant un bùtiment et porte la mention " Odessa 2023 ".
Les internautes n'ont pas tardé à relever l'erreur de l'ambassade sur Twitter.
"La photo du bas date des affrontements d'Odessa en 2014, au cours desquels des partisans du fédéralisme (pour la plupart pro-russes) ont été brûlés vifs lors d'un affrontement avec des nationalistes ukrainiens, sous le regard de la police et des pompiers. à ce jour, personne n'a été emprisonné", a écrit un commentateur.
Quelqu'un d'autre a écrit :
"Vous ĂȘtes des individus ignobles, qui dĂ©formez l'histoire pour blanchir les crimes de l'extrĂȘme droite ukrainienne contre des Ukrainiens pacifiques, et qui utilisez en rĂ©alitĂ© leurs crimes dans un but diamĂ©tralement opposĂ© !".
L'ambassade a reçu le message.
"Merci pour l'avertissement et toutes nos excuses pour l'utilisation incorrecte de l'image. Nous voulions illustrer l'agression russe en cours contre l'Ukraine et nous avons choisi la mauvaise photo", a écrit l'ambassade.
Ce qui a incitĂ© un autre utilisateur de Twitter Ă rĂ©pondre de maniĂšre sarcastique : âVous vouliez illustrer l'agression ukrainienne contre le peuple russe, vous avez choisi la bonne photo.â
L'ambassade a alors supprimé le tweet. Elle n'a jamais reconnu l'événement représenté sur la photo du bas. Cela signifie soit une ignorance crasse de l'événement, soit une dissimulation intentionnelle de celui-ci. Le massacre d'Odessa est un point clé pour comprendre la cause de la guerre et a été enterré par l'Occident, créant un récit de propagande sur l'intervention de la Russie.
2 mai 2014
Les manifestants Ă Odessa protestaient le 2 mai 2014 contre le renversement violent, deux mois et demi plus tĂŽt, le 21 fĂ©vrier 2014, du prĂ©sident dĂ©mocratiquement Ă©lu Viktor Ianoukovitch. L'implication des Ătats-Unis dans le coup d'Ătat est rĂ©vĂ©lĂ©e dans une conversation tĂ©lĂ©phonique qui a fait l'objet d'une fuite entre la sous-secrĂ©taire d'Ătat Victoria Nuland et Geoffrey Pyatt, l'ambassadeur des Ătats-Unis en Ukraine Ă l'Ă©poque.
Le 2 mai, des voyous et des groupes d'extrĂȘme droite ont dĂ©libĂ©rĂ©ment mis le feu Ă un bĂątiment du syndicat d'Odessa oĂč s'Ă©taient rĂ©fugiĂ©s des manifestants contre le coup d'Ătat. Jusqu'Ă 48 personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es. La police n'est pas intervenue. Des images vidĂ©o montrent au moins un policier et d'autres personnes tirant des coups de feu dans le bĂątiment. La foule applaudit alors que de nombreuses personnes piĂ©gĂ©es Ă l'intĂ©rieur sautent dans le vide et perdent la vie.
Les appels lancĂ©s Ă l'Ă©poque par les Nations unies et l'Union europĂ©enne pour que l'Ukraine mĂšne une enquĂȘte ont Ă©tĂ© ignorĂ©s. Trois enquĂȘtes menĂ©es par les autoritĂ©s locales ukrainiennes ont Ă©tĂ© bloquĂ©es par la rĂ©tention de documents confidentiels.

Un rapport sur l'Ă©vĂšnement, rĂ©digĂ© Ă l'Ă©poque par le Conseil europĂ©en (CE), indique clairement que ce dernier n'a pas menĂ© d'enquĂȘte indĂ©pendante, mais qu'il s'est appuyĂ© sur des enquĂȘtes locales, en particulier sur la commission d'enquĂȘte temporaire de la Verkhovna Rada.
Dans son rapport, la Commission europĂ©enne se plaint d'avoir Ă©tĂ© empĂȘchĂ©e de consulter des informations classifiĂ©es. La CE a dĂ©clarĂ© que les enquĂȘtes du gouvernement ukrainien "n'ont pas respectĂ© les exigences de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme".
S'appuyant uniquement sur les enquĂȘtes locales faussĂ©es, la CE rapporte que des manifestants pro-russes, ou pro-fĂ©dĂ©ralistes, ont attaquĂ© une marche pro-unitĂ© dans l'aprĂšs-midi, provoquant des affrontements entre manifestants. Puis :
"Vers 18h50, des pro-fĂ©dĂ©ralistes ont enfoncĂ© la porte [du bĂątiment des syndicats] et ont transportĂ© Ă l'intĂ©rieur divers matĂ©riaux, y compris des boĂźtes contenant des cocktails Molotov et les Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires Ă leur fabrication. Ă l'aide de palettes en bois servant de support Ă des tentes sur la place, ils ont bloquĂ© les entrĂ©es du bĂątiment de l'intĂ©rieur et Ă©rigĂ© des barricades. Lorsqu'ils sont arrivĂ©s sur la place vers 19h20, les manifestants pro-unitĂ© ont dĂ©truit et incendiĂ© les tentes du camp anti-Maidan. Les manifestants pro-fĂ©dĂ©ralisme restants sont entrĂ©s dans le bĂątiment des syndicats, d'oĂč ils ont Ă©changĂ© des coups de feu et des cocktails Molotov avec leurs opposants Ă l'extĂ©rieur. ...
Vers 19 h 45, un incendie s'est déclaré dans le bùtiment des syndicats. Les examens médico-légaux effectués par la suite ont indiqué que le feu s'était déclaré en cinq points, à savoir dans le hall d'entrée, dans les escaliers à gauche et à droite du bùtiment entre le rez-de-chaussée et le premier étage, dans une piÚce du premier étage et sur le palier entre le deuxiÚme et le troisiÚme étage.
Ă l'exception de l'incendie du hall d'entrĂ©e, les incendies n'ont pu ĂȘtre dĂ©clenchĂ©s que par des personnes se trouvant Ă l'intĂ©rieur du bĂątiment. Les rapports mĂ©dico-lĂ©gaux n'ont pas trouvĂ© d'Ă©lĂ©ments permettant de penser que l'incendie avait Ă©tĂ© planifiĂ©. Les portes fermĂ©es et l'effet de cheminĂ©e provoquĂ© par la cage d'escalier ont entraĂźnĂ© une propagation rapide du feu aux Ă©tages supĂ©rieurs et une Ă©lĂ©vation rapide et extrĂȘme de la tempĂ©rature Ă l'intĂ©rieur du bĂątiment".
L'enquĂȘte locale a donc accusĂ© les manifestants anti-Maidan d'avoir dĂ©clenchĂ© l'incendie dans tout le bĂątiment. Mais cette vidĂ©o, qui montre les Ă©vĂ©nements de la journĂ©e qui ont conduit Ă l'incendie, indique que le foyer principal se trouve dans le hall d'entrĂ©e. On y voit des extrĂ©mistes du Right Sector lancer des cocktails Molotov dans le bĂątiment et un policier tirer avec son arme.
Elle ne fait état d'aucun cocktail lancé depuis le bùtiment. Elle ne montre pas d'affrontements plus tÎt dans la journée, bien qu'un manifestant pro-unité dise qu'il a été attaqué sur la place de la cathédrale et qu'il est venu brûler les manifestants anti-Maidan dans le bùtiment pour se venger.
Les répercussions
Huit jours aprĂšs le massacre d'Odessa, les rĂ©sistants au coup d'Ătat des provinces de Donetsk et de Lougansk, situĂ©es Ă l'extrĂȘme est du pays et limitrophes de la Russie, ont votĂ© par rĂ©fĂ©rendum en faveur de l'indĂ©pendance de l'Ukraine.
Le gouvernement putschiste soutenu par les Ătats-Unis avait lancĂ© une attaque militaire deux semaines plus tĂŽt, le 15 avril 2014, contre les Russes ethniques du Donbass qui protestaient contre le coup d'Ătat, notamment en s'emparant de bĂątiments gouvernementaux, pour dĂ©fendre une Ă©lection dĂ©mocratique. Cette phase de la guerre s'est poursuivie pendant prĂšs de huit ans, tuant des milliers de personnes avant de provoquer l'intervention de la Russie dans la guerre civile le 24 fĂ©vrier 2022.
La Russie affirme avoir la preuve que l'armée ukrainienne, qui a rassemblé 60 000 de ses troupes le long du front, était sur le point de lancer une offensive pour reprendre les provinces du Donbass. Les cartes de l'OSCE ont montré une augmentation spectaculaire des tirs d'obus du cÎté des forces gouvernementales ukrainiennes sur les zones rebelles en février de l'année derniÚre.
La Russie a envahi l'Ukraine dans le but déclaré de "dé-nazifier" et de "dé-militariser" l'Ukraine afin de protéger les russophones et les habitants du Donbass. Les événements survenus à Odessa le 2 mai 2014 ont joué un rÎle majeur. Dans une allocution télévisée trois jours avant l'invasion, le président russe Vladimir Poutine a déclaré :
âLe souvenir de la terrible tragĂ©die d'Odessa est bouleversant, oĂč des manifestants pacifiques ont Ă©tĂ© sauvagement assassinĂ©s, brĂ»lĂ©s vifs dans la Maison des syndicats. Les criminels qui ont commis cette atrocitĂ© n'ont jamais Ă©tĂ© punis, et ne font lâobjet dâaucune poursuite. Mais nous connaissons leurs noms, et nous ferons tout pour les les retrouver, les traduire en justice et les faire juger.â
La couverture médiatique occidentale
Le New York Times a enterrĂ© la premiĂšre annonce du massacre dans un article du 2 mai 2014, indiquant que âdes dizaines de personnes sont mortes dans un incendie liĂ© aux affrontements qui ont Ă©clatĂ© entre les manifestants qui organisaient une marche pour l'unitĂ© de l'Ukraine et les activistes pro-russesâ.
Le Times a ensuite publiĂ© un reportage vidĂ©o indiquant que des dizaines de personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es dans un incendie, âet que d'autres ont Ă©tĂ© abattues lorsque des combats entre des groupes pro et anti-russes ont Ă©clatĂ© dans les rues d'Odessa.â Le narrateur de la vidĂ©o affirme que âles foules ont fait de leur mieux pour sauver des viesâ. La vidĂ©o cite la police ukrainienne qui dĂ©clare qu'une âmarche pro-Kiev a Ă©tĂ© prise en embuscade ... des bombes incendiaires ont Ă©tĂ© lancĂ©esâ et que des fusillades ont Ă©clatĂ© dans les rues.
Le regretté Robert Parry, qui a fondé Consortium News, a rapporté le 10 août 2014 :
âLa brutalitĂ© de ces nĂ©o-nazis a refait surface le 2 mai lorsque des voyous de droite Ă Odessa ont attaquĂ© un campement de manifestants de souche russe, les repoussant dans le bĂątiment des syndicats qui a ensuite Ă©tĂ© incendiĂ© Ă l'aide de cocktails Molotov. Alors que le bĂątiment Ă©tait la proie des flammes, certaines personnes qui tentaient de s'enfuir ont Ă©tĂ© poursuivies et battues, tandis que celles qui Ă©taient piĂ©gĂ©es Ă l'intĂ©rieur ont entendu les nationalistes ukrainiens les comparer Ă des colĂ©optĂšres Ă rayures noires et rouges appelĂ©s Colorados, parce que ces couleurs sont utilisĂ©es dans les rubans pro-russes.
On chantait : âBrĂ»lez, Colorado, brĂ»lezâ.
Alors que l'incendie se propageait, ceux qui mouraient Ă l'intĂ©rieur ont eu droit Ă la chanson de l'hymne national ukrainien, une source de moqueries. Le bĂątiment a Ă©galement Ă©tĂ© taguĂ© de symboles ressemblant Ă des croix gammĂ©es et de graffitis indiquant âGalician SSâ, une rĂ©fĂ©rence Ă l'armĂ©e nationaliste ukrainienne qui a combattu aux cĂŽtĂ©s des SS allemands nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, tuant des Russes sur le front de l'Est.â
Conséquences de la répression de l'information
Bien qu'ils aient été rapportés à l'époque, les événements du 2 mai 2014 ont pratiquement disparu des médias occidentaux. Il s'agit de l'un des événements majeurs qui a entraßné l'intervention de la Russie dans la guerre civile ukrainienne.
De mĂȘme, le rĂŽle jouĂ© par les nĂ©o-nazis ukrainiens dans le coup d'Ătat de 2014 et la guerre de huit ans dans le Donbass - dont les mĂ©dias grand public occidentaux avaient largement rendu compte Ă l'Ă©poque - a disparu, occultant le contexte de l'invasion russe. L'offre russe de dĂ©cembre 2021 de traitĂ©s avec les Ătats-Unis et l'OTAN pour Ă©viter la guerre a Ă©galement Ă©tĂ© passĂ©e sous silence. AprĂšs l'intervention russe, une campagne a Ă©tĂ© lancĂ©e par ce que l'on appelle les moniteurs de dĂ©sinformation pour tenter d'empĂȘcher les mĂ©dias alternatifs de rendre compte de ces faits.
Les conséquences de ces efforts sont évidentes. L'agression du régime putschiste de Kiev contre les Russes ethniques d'Ukraine, qui a conduit à l'intervention de la Russie, a été rayée de l'histoire.
Ce qui subsiste est une version caricaturale selon laquelle le conflit a commencé, non pas en 2014, mais en février 2022, lorsque Poutine s'est réveillé un matin et a décidé d'envahir l'Ukraine. Selon cette version, la seule cause est l'agression russe non provoquée contre un pays innocent.
Ainsi, l'ambassade des Ătats-Unis Ă Prague a soit utilisĂ© cette photo de façon malhonnĂȘte, soit, plus probablement, n'avait aucune idĂ©e de ce qui s'Ă©tait passĂ© Ă Odessa en 2014, puisque cela n'a pratiquement pas Ă©tĂ© rapportĂ© depuis, pensant qu'un excellent exemple d'agression ukrainienne contre des Russes ethniques Ă©tait au contraire une photo montrant l'agression russe contre des Ukrainiens.
VoilĂ ce qui se produit quand on croit Ă sa propre propagande.
* Joe Lauria est rĂ©dacteur en chef de Consortium News et ancien correspondant aux Nations unies pour le Wall Street Journal, le Boston Globe et de nombreux autres journaux, dont la Gazette de MontrĂ©al, le London Daily Mail et le Star de Johannesburg. Il a Ă©tĂ© journaliste d'investigation pour le Sunday Times of London, journaliste financier pour Bloomberg News et a commencĂ© sa carriĂšre professionnelle Ă 19 ans comme pigiste pour le New York Times. Il est l'auteur de deux livres, A Political Odyssey, avec le sĂ©nateur Mike Gravel, prĂ©facĂ© par Daniel Ellsberg, et How I Lost By Hillary Clinton, prĂ©facĂ© par Julian Assange. Il peut ĂȘtre contactĂ© Ă l'adresse joelauria@consortiumnews.com et suivi sur Twitter @unjoe
https://consortiumnews.com/2023/08/29/us-victim-of-own-propaganda-in-ukraine-war/