đâđš âLe Grand IsraĂ«l est lĂ â, ou la thĂ©orie du complot devenue rĂ©alitĂ©
EspĂ©rons que les rĂȘves mĂ©galomaniaques de Netanyahu du Grand IsraĂ«l restent des rĂȘves. Des dizaines de milliers de rĂ©sidents fuient IsraĂ«l & son Ă©conomie est dĂ©finitivement plongĂ©e dans le marasme.
đâđš âLe Grand IsraĂ«l est lĂ â, ou la thĂ©orie du complot devenue rĂ©alitĂ©
Par Kit Klarenberg*, le 28 janvier 2025
Depuis la crĂ©ation de Tel-Aviv en 1948, bien des choses ont Ă©tĂ© dites et Ă©crites sur le âGrand IsraĂ«lâ - une idĂ©e selon laquelle l'objectif ultime du sionisme serait l'annexion forcĂ©e et le nettoyage ethnique de vastes Ă©tendues de terres arabes pour y implanter des colonies juives, sur la base d'affirmations bibliques selon lesquelles ce territoire aurait Ă©tĂ© promis aux Juifs par Dieu. Les mĂ©dias rejettent gĂ©nĂ©ralement ce concept comme une thĂ©orie du complot antisĂ©mite ou, tout au plus, comme le fantasme marginal d'une minuscule poignĂ©e d'IsraĂ©liens.
En rĂ©alitĂ©, comme l'a admis The Guardian en 2009, l'idĂ©e d'un Grand IsraĂ«l sĂ©duit depuis longtemps les ânationalistes de droite religieux et laĂŻcsâ de Tel-Aviv. Leur objectif commun est de â[chercher] Ă respecter les commandements divinsâ concernant le âcommencement de la rĂ©demptionâ, ainsi qu'Ă crĂ©er des âfaits sur le terrainâ pour ârenforcer la sĂ©curitĂ© d'IsraĂ«lâ. Le journal a reconnu que cette motivation constitue une force motrice contemporaine clĂ© dans la politique israĂ©lienne dominante, qui âa effectivement traitĂ© les Palestiniens en Ă©trangers sur leur propre solâ.
The Nation a dĂ©crit la pression en faveur de l'Ă©tablissement du Grand IsraĂ«l comme âl'objectif idĂ©ologique centralâ du parti du Likoud de Benjamin Netanyahu, qui a dominĂ© la politique israĂ©lienne au cours des derniĂšres dĂ©cennies. En juillet 2018, IsraĂ«l a adoptĂ© la loi sur âl'Ătat-nation du peuple juifâ. Elle consacre âle dĂ©veloppement des colonies juives en tant que valeur nationaleâ. Dans le mĂȘme temps, l'Ătat est lĂ©galement tenu âd'encourager et de promouvoirâ lâĂ©tablissement et le renforcement âdes colonies dans les territoires illĂ©galement occupĂ©sâ.
Cette obligation se fonde sur le âdroit exclusif et inaliĂ©nableâ du peuple juif Ă un territoire aussi Ă©loignĂ© de l'IsraĂ«l actuel que l'Arabie saoudite. Des termes de l'Ancien Testament tels que âJudĂ©e et Samarieâ sont Ă©galement employĂ©s. Fait notable, ce passage ne figure pas dans la traduction officielle en anglais de la lĂ©gislation. Ă l'Ă©poque, les chefs israĂ©liens ne voulaient peut-ĂȘtre pas afficher aussi clairement leurs ambitions coloniales irrĂ©dentistes. Mais aujourd'hui, les sionistes de tous bords ne cachent pas leurs grands projets expansionnistes au Moyen-Orient.
La chute du gouvernement syrien a suscitĂ© des questions, des inquiĂ©tudes et des incertitudes au niveau local comme international. Le pays peut-il survivre dans sa forme actuelle ? Les âanciensâ ultra-extrĂ©mistes soutenus par l'Occident seront-ils en mesure de gĂ©rer une administration ? L'Axe de RĂ©sistance soutenu par l'Iran, qui a infligĂ© de graves nuisances Ă IsraĂ«l et Ă ses alliĂ©s occidentaux tout au long des annĂ©es 2023 et 2024, pourrait-il ĂȘtre menacĂ© ? La liste est longue. Mais une chose est certaine - IsraĂ«l cherche Ă profiter avantageusement du chaos, et en cas de succĂšs, les rĂ©sultats sont rĂ©volutionnaires.
Une âposition dĂ©fensiveâ plus ou moins temporaire
Le 8 dĂ©cembre, Benjamin Netanyahu, triomphant et vĂȘtu d'un Ă©lĂ©gant costume, a prononcĂ© un discours public depuis un point d'observation de l'armĂ©e israĂ©lienne sur les hauteurs du Golan illĂ©galement occupĂ©es. S'attribuant personnellement le mĂ©rite de l'Ă©viction de Bachar Assad, il a saluĂ© âun jour historiqueâ pour la rĂ©gion, qui offre âde grandes opportunitĂ©sâ. Le dirigeant israĂ©lien s'est vantĂ© de l'âaction Ă©nergique d'IsraĂ«l contre le Hezbollah et l'Iranâ qui aurait âdĂ©clenchĂ© une rĂ©action en chaĂźneâ de soulĂšvements, ne montrant pas le moindre signe d'apaisement. Il a nĂ©anmoins mis en garde contre des âdangers considĂ©rablesâ.
L'un de ces dangers, a dĂ©clarĂ© M. Netanyahu, est âla disparition de l'accord de rĂ©partition en 1974â. Cet accord, largement tombĂ© dans l'oubli, a Ă©tĂ© signĂ© par Damas et Tel-Aviv Ă la suite de la guerre du Kippour de 1973. Les deux parties se sont engagĂ©es Ă ne pas mener d'opĂ©rations militaires hostiles l'une contre l'autre Ă partir de leur frontiĂšre commune sur le plateau du Golan. Il est peut-ĂȘtre surprenant de constater que cet accord a Ă©tĂ© scrupuleusement respectĂ© pendant 50 ans. Aujourd'hui, la chute d'Assad a entraĂźnĂ© le retrait de l'armĂ©e syrienne de la rĂ©gion et, par consĂ©quent, l'intervention des forces de dĂ©fense israĂ©liennes.
M. Netanyahu a annoncĂ© que l'ordre a Ă©tĂ© donnĂ© Ă l'armĂ©e israĂ©lienne de pĂ©nĂ©trer profondĂ©ment dans la zone dĂ©militarisĂ©e issue de l'accord, qui est juridiquement et historiquement un territoire syrien. Il a affirmĂ© qu'il s'agit simplement d'une âposition dĂ©fensive temporaire jusqu'Ă ce qu'un arrangement adĂ©quat soit trouvĂ©â. Pourtant, depuis, il est de plus en plus clair que pour IsraĂ«l, le dĂ©part d'Assad ne donne pas seulement le feu vert Ă la rupture d'accords diplomatiques de longue date, mais aussi au bouleversement de toute la carte du Moyen-Orient tel que nous le connaissons.
Pour l'heure l'armĂ©e israĂ©lienne s'est emparĂ©e du Mont Hermon, la plus haute montagne de Syrie, d'oĂč l'on peut apercevoir Damas Ă une quarantaine de kilomĂštres seulement. ParallĂšlement, des centaines de frappes aĂ©riennes israĂ©liennes ont anĂ©anti ce qui restait de l'infrastructure militaire de la Syrie, laissant le pays sans aucune dĂ©fense contre toute incursion aĂ©rienne, terrestre ou maritime. Les conditions sont rĂ©unies pour une escalade majeure et la tentative d'IsraĂ«l d'absorber de nouveaux territoires. Qui ou quoi pourrait les arrĂȘter ?
Le 10 décembre, alors qu'il témoignait lors de son long procÚs pour corruption, Netanyahu a profité de l'occasion pour faire une allusion appuyée à la défaite d'Assad, annonçant un remodelage important de la région.
âQuelque chose de tectonique s'est produit ici, un sĂ©isme qui ne s'est pas produit au cours des 100 annĂ©es Ă©coulĂ©es depuis l'accord Sykes-Picotâ,
a déclaré le dirigeant israélien, faisant référence au traité de 1916 en vertu duquel la Grande-Bretagne et la France ont dépecé l'Empire ottoman, créant ainsi une série de nouvelles nations au Moyen-Orient.
Fait ironique, la destruction des accords Sykes-Picot, qui ont divisĂ© le Moyen-Orient en frontiĂšres artificielles sous domination coloniale occidentale, a rĂ©guliĂšrement Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e dans la propagande de l'Ătat islamique. Le groupe a prĂ©sentĂ© ce pacte comme un symbole de l'oppression occidentale contre l'islam, et a qualifiĂ© sa disparition de devoir religieux. Avec des personnalitĂ©s associĂ©es Ă l'Ătat islamique prenant les rĂȘnes Ă Damas, cette vision peut dĂ©sormais se concrĂ©tiser, une perspective qui servirait sans aucun doute les intĂ©rĂȘts d'IsraĂ«l et s'alignerait sur les ambitions de longue date de Netanyahu.
âLebensraumâ
Les mĂ©dias israĂ©liens ont connu un changement de ton significatif. Historiquement, les organes d'information et les journalistes en IsraĂ«l ont encadrĂ© les actions de l'Ătat - allant des opĂ©rations contre les pays voisins Ă l'expansion des colonies et Ă la confiscation des terres - en termes de âsĂ©curitĂ©â et de âdĂ©fenseâ, mĂȘme lorsque ces actions ont fait l'objet de critiques. Dans les jours qui ont prĂ©cĂ©dĂ© l'invasion du Liban par Tel-Aviv le 1er octobre 2024, le Jerusalem Post a publiĂ© un guide explicatif d'une candeur frappante Ă l'intention de ses lecteurs, en posant la question suivante : âLe Liban fait-il partie du territoire rĂ©servĂ© Ă IsraĂ«l ?â
Le Post s'est appuyĂ© sur les propos d'un rabbin basĂ© Ă Brooklyn pour expliquer âgracieusementâ en dĂ©tail comment, sur la base de multiples extraits des Ă©critures juives, âle Liban se trouve Ă l'intĂ©rieur des frontiĂšres d'IsraĂ«lâ, et que les Juifs sont donc âobligĂ©s et commandĂ©s de le conquĂ©rirâ. L'article a ensuite Ă©tĂ© supprimĂ© aprĂšs une rĂ©action massive de rejet et de condamnation. Mais certains n'ont manifestement pas tirĂ© les leçons de ce fiasco.
Le 4 dĂ©cembre - quatre jours avant la chute du gouvernement syrien - le Times of IsraĂ«l a publiĂ© un article d'opinion expliquant que âla population d'IsraĂ«l, en pleine expansionâ, a besoin de toute urgence d'un âLebensraumâ, un concept allemand notoire signifiant âespace vitalâ, typiquement associĂ© aux nazis. L'article note que la population d'IsraĂ«l devrait atteindre 15,2 millions d'habitants d'ici 2048. Le territoire de Tel-Aviv doit donc ĂȘtre rapidement Ă©tendu - peut-ĂȘtre pas au point dâatteindre la taille de la Russie, mais certainement de maniĂšre considĂ©rable.
Cette rhĂ©torique extrĂ©miste a Ă©galement Ă©tĂ© supprimĂ©e du site web en raison des protestations et des moqueries de l'opinion publique. Pourtant, depuis l'effondrement du gouvernement d'Assad, l'expression âGrand IsraĂ«lâ a refait surface dans les mĂ©dias israĂ©liens, l'idĂ©e d'annexer des territoires de pays voisins Ă©tant ouvertement dĂ©battue Ă la tĂ©lĂ©vision israĂ©lienne aux heures de grande Ă©coute. Sharmine Narwani, analyste gĂ©opolitique et fondatrice de The Cradle, explique Ă MintPress News que, d'une certaine maniĂšre, la nature Ă©vidente de ces discussions est une Ă©volution bienvenue, car elle met Ă nu les ambitions extrĂȘmes d'IsraĂ«l. Cependant, elle met en garde contre les tentatives d'expansion des frontiĂšres d'IsraĂ«l qui pourraient se retourner contre le pays de maniĂšre catastrophique.
âLa bonne nouvelle, c'est qu'IsraĂ«l vient de faire tomber les masques. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il va s'emparer de terres un peu partout. Mais cela se fera de maniĂšre opportuniste et sans grande prĂ©voyance ni planification stratĂ©gique. En fin de compte, quel pays, Ă part les Ătats-Unis, sera en mesure de soutenir IsraĂ«l publiquement ? Tel-Aviv sera acculĂ© parce que le discours occidental dominant et la lĂ©gislation europĂ©enne sont toujours fondĂ©s sur les droits de l'homme et les âloisâ. Permettre Ă IsraĂ«l d'accaparer ces terres fera Ă©galement sombrer l'ordre mondial dirigĂ© par l'Occidentâ.
La âcible premiĂšreâ
L'universitaire David Miller est d'accord pour dire que les masques sont tombés une fois pour toutes. Avec gravité, il confie à MintPress News :
âQue le rĂ©gime de Damas, soutenu par la CIA, dise ouvertement qu'il ne reprĂ©sente pas de menace pour IsraĂ«l est un autre indice que le changement de rĂ©gime en Syrie est une tentative planifiĂ©e pour dĂ©truire l'Axe de la RĂ©sistance, et finalement procĂ©der au gĂ©nocide de tous les Palestiniensâ.
En outre, il estime que les écrits du fondateur du sionisme, Théodore Herzl, indiquent clairement que s'emparer des territoires libanais et syriens est le projet d'Israël depuis le début.
M. Miller ajoute que cet objectif a Ă©tĂ© repris dans les dĂ©clarations d'innombrables Ă©minents sionistes au fil des dĂ©cennies et âa mĂȘme Ă©tĂ© codifiĂ© et publiĂ© sous le nom de Plan Yinonâ. Peu connu aujourd'hui, ce document hors du commun a Ă©tĂ© publiĂ© en fĂ©vrier 1982 dans la revue hĂ©braĂŻque Kivunim sous le titre âUne stratĂ©gie pour IsraĂ«l dans les annĂ©es 1980â. Son titre provient de l'auteur Oded Yinon, ancien fonctionnaire du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres israĂ©lien et conseiller du dirigeant israĂ©lien Ariel Sharon.
Certaines sources affirment que le plan Yinon a fourni un schĂ©ma directeur pour les principaux Ă©vĂ©nements futurs au Moyen-Orient, tels que l'invasion amĂ©ricaine de l'Irak en 2003, le conflit syrien et l'Ă©mergence de l'Ătat islamique. Bien qu'il soit exagĂ©rĂ© de prĂ©tendre que le projet a explicitement prĂ©dit ces Ă©vĂ©nements, ses propositions reflĂštent Ă©troitement les dĂ©veloppements survenus par la suite dans la rĂ©gion.
Ainsi, le plan fait Ă©tat d'un risque de âtroubles internesâ en Syrie entre âla majoritĂ© sunnite et la minoritĂ© chiite alaouite au pouvoirâ - cette derniĂšre constituant âĂ peine 12 % de la populationâ - pouvant aller jusqu'Ă la âguerre civileâ. Alors que le ârĂ©gime militaire fortâ de Damas Ă©tait jugĂ© redoutable, Yinon dĂ©clarait âla dissolution de la Syrie en zones ethniquement ou confessionnellement distinctesâ et la destruction de sa puissance militaire comme âcible principale d'IsraĂ«lâ sur son front oriental.
Le plan prĂ©voyait des issues similaires pour d'autres pays situĂ©s Ă proximitĂ© d'IsraĂ«l. Le Liban devrait ĂȘtre divisĂ© en âcinq provincesâ selon des critĂšres religieux et ethniques, la partition â[servant] de prĂ©cĂ©dent pour l'ensemble du monde arabeâ. Yinon Ă©crit : âUn tel scĂ©nario garantira Ă terme la paix et la sĂ©curitĂ© dans la rĂ©gion, et cet objectif est dĂ©jĂ Ă notre portĂ©e aujourd'huiâ. Quatre mois plus tard, IsraĂ«l envahissait Beyrouth, se livrant au passage Ă un nettoyage ethnique, Ă des massacres et au vol de terres.
Une fois les voisins immĂ©diats d'IsraĂ«l neutralisĂ©s, l'Irak s'est retrouvĂ© dans le collimateur. Bagdad, âriche en pĂ©troleâ mais âdĂ©chirĂ©â entre sunnites et chiites, devenait âun candidat tout dĂ©signĂ© pour ĂȘtre la cible d'IsraĂ«lâ. Sa destruction Ă©tait âencore plus importante pour nous que celle de la Syrieâ en raison de sa âpuissanceâ et de son poids par rapport Ă d'autres opposants rĂ©gionaux. Yinon espĂ©rait que la guerre Iran-Irak en cours Ă l'Ă©poque âdĂ©chirerait l'Irak et provoquerait sa chuteâ, empĂȘchant Bagdad âd'organiser la lutte sur un large front contre notre paysâ:
âToute forme de confrontation inter-arabe nous aidera Ă court terme et nous rapprochera de l'objectif principal qui est de diviser l'Irak en communautĂ©s confessionnelles comme en Syrie et au Liban... Il est possible que la confrontation actuelle entre l'Iran et l'Irak accentue cette polarisationâ.
Une âapproche permissiveâ
Yinon a Ă©galement considĂ©rĂ© comme une âprioritĂ© politiqueâ la reprise du contrĂŽle de la pĂ©ninsule du SinaĂŻ, pour laquelle IsraĂ«l a combattu ses voisins arabes depuis sa crĂ©ation, avant de renoncer Ă toute revendication sur la rĂ©gion au profit de l'Ăgypte dans le cadre des accords de Camp David de mars 1979. Il a dĂ©noncĂ© ces accords de paix et attend avec impatience que le Caire â[fournisse] Ă IsraĂ«l l 'excuse [c'est nous qui soulignons] pour rĂ©cupĂ©rer le SinaĂŻâ en raison de sa grande valeur âstratĂ©gique, Ă©conomique et Ă©nergĂ©tiqueâ :
âLa situation Ă©conomique en Ăgypte, la nature du rĂ©gime et sa politique panarabe, entraĂźneront aprĂšs avril 1982 une situation oĂč IsraĂ«l sera contraint d'agir directement ou indirectement pour reprendre le contrĂŽle du SinaĂŻ... Ă long terme. L'Ăgypte ne constitue pas de problĂšme stratĂ©gique militaire en raison de ses conflits internes et elle pourrait se retrouver dans une situation Ă©quivalente Ă celle de l'aprĂšs-guerre de 1967 en l'espace d'un jourâ.
Avril 1982 est dĂ©sormais bien loin. Entre-temps, les gouvernements israĂ©liens successifs ont exigĂ© de l'Ăgypte qu'elle autorise Tsahal Ă dĂ©placer la population de Gaza dans le SinaĂŻ. Netanyahu est particuliĂšrement sĂ©duit par cette perspective. Dans le sillage du 7 octobre 2023, les documents politiques officiels du gouvernement israĂ©lien et des think tanks sionistes ont ouvertement prĂ©conisĂ© de repousser les Palestiniens dans le dĂ©sert voisin. Des responsables israĂ©liens auraient demandĂ© aux Ătats-Unis de faire pression sur le Caire pour autoriser ce dĂ©placement massif.
Depuis son investiture, Donald Trump a exprimĂ© un vif intĂ©rĂȘt pour â[faire le mĂ©nage] dans l'ensembleâ de Gaza. Cela supposerait de dĂ©placer les Palestiniens vers la Jordanie et l'Ăgypte. MalgrĂ© l'opposition de ses alliĂ©s, la condamnation unanime de ce plan, considĂ©rĂ© comme une Ă©puration ethnique barbare, et malgrĂ© le rejet de l'idĂ©e par les deux pays visĂ©s, le nouveau prĂ©sident ne montre pas le moindre signe de vouloir faire marche arriĂšre.
Pour IsraĂ«l, l'intĂ©rĂȘt de cette stratĂ©gie est Ă©vident. En plus de vider Gaza des Palestiniens pour la coloniser, forcer un nombre incalculable de personnes Ă se rĂ©fugier dans le SinaĂŻ crĂ©erait inĂ©vitablement un chaos et des tensions massives, ce qui pourrait, selon l'expression de M. Yinon, fournir âl'excuseâ Ă Tel-Aviv pour occuper militairement la rĂ©gion, un peu comme en Cisjordanie. Il s'agirait simplement d'une âposition dĂ©fensive temporaire jusqu'Ă ce que l'arrangement appropriĂ© soit trouvĂ©â, bien entendu, comme l'a dĂ©clarĂ© Netanyahu concernant la crĂ©ation Ă©hontĂ©e par Tsahal d'une tĂȘte de pont prospective sur le mont Hermon.
En dĂ©cembre 2024, Haaretz a observĂ© que Netanyahu cherche Ă laisser l'hĂ©ritage du leader qui a repoussĂ© les frontiĂšres d'IsraĂ«l, et qu'il veut que l'on se souvienne de lui comme celui qui a donnĂ© naissance au Grand IsraĂ«l. SimultanĂ©ment, la vice-prĂ©sidente nĂ©oconservatrice de l'Institut Brookings, Suzanne Maloney, a Ă©crit pour Foreign Affairs que la future administration Trump âadoptera sĂ»rement une approche permissive Ă l'Ă©gard des ambitions territoriales israĂ©liennesâ. AprĂšs tout, les dĂ©veloppements rĂ©cents ont montrĂ©
qu'âune approche militaire maximaliste produit des bĂ©nĂ©fices stratĂ©giques spectaculaires en mĂȘme temps que des avantages politiques intĂ©rieursâ pour IsraĂ«l.
EspĂ©rons, comme l'a prophĂ©tisĂ© Sharmine Narwani, que les rĂȘveries mĂ©galomaniaques de Netanyahu sur le Grand IsraĂ«l restent Ă lâĂ©tat de rĂȘve. Bien que la disparition du gouvernement d'Assad suscite un comprĂ©hensible sentiment de deuil anti-impĂ©rialiste, Tel-Aviv est confrontĂ© Ă un Ă©ventail de problĂšmes internes insolubles. Contrairement aux affirmations selon lesquelles la population de Tel-Aviv âexploseâ, des dizaines de milliers de rĂ©sidents fuient rĂ©guliĂšrement en raison des attaques continues contre IsraĂ«l. De plus, son Ă©conomie a Ă©tĂ© dĂ©finitivement plongĂ©e dans le marasme, le pays ne dĂ©pendant que des largesses des Ătats-Unis pour survivre.
* Kit Klarenberg est journaliste d'investigation et contributeur de MintPress News qui étudie le rÎle des services du renseignement dans le façonnement de la politique et des perceptions. Son travail a déjà été publié dans The Cradle, Declassified UK et The Grayzone. Suivez-le sur Twitter @KitKlarenberg.
https://www.mintpressnews.com/conspiracy-theory-greater-israel/288988/