👁🗨 Le journalisme dans ce qu'il a de plus pernicieux
Le journalisme occidental de sécurité nationale consiste à écrire ce qu'un représentant du gouvernement vous communique, puis à appeler cela un “scoop” obtenu d'une “source” anonyme du gouvernement.
👁🗨 Le journalisme dans ce qu'il a de plus pernicieux
Notes en marge de la matrice narrative
Par Caitlin Johnstone, le 5 septembre 2023
Les rédacteurs du New York Times ont changé un titre récent de “Alors que la lutte contre l'Ukraine piétine, il devient encore plus difficile de parler de négociations” en “Alors que la lutte contre l'Ukraine progresse, parler de négociations devient presque tabou”, apparemment pour la seule raison que “progresse” fait mieux avancer les intérêts de l'empire américain en matière d'information que “piétine”.
La propagande consacre beaucoup d'efforts à l'élaboration des titres, car la grande majorité des gens ne lisent que le titre d'un article, et non le corps du texte. Si vous vous intéressez à la propagande et au contrôle de la narration plutôt qu'à l'information, c'est sur les titres que vous devez vous concentrer.
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Le journalisme occidental actuel en matière de sécurité nationale consiste principalement à écrire ce qu'un représentant du gouvernement vous demande d'écrire, puis à appeler cela un “scoop” que vous avez obtenu d'une “source” anonyme au sein du gouvernement.
En effet, si le New York Times ou CNN n'écrivent pas ce qu'une agence gouvernementale ou un fonctionnaire leur demande d'écrire, ils risquent de perdre l'accès à cette “source” et à tous les “scoops” qui l'accompagnent. Si le New York Times se mettait à faire du vrai journalisme et à examiner de près le cartel du renseignement américain, par exemple, la CIA pourrait tout simplement décider que le NYT est désormais hors zone et que tous les “scoops” d'initiés seront transmis à d'autres organes de presse. Le New York Times perdrait alors immédiatement sa notoriété au profit de concurrents, et il perdrait tous les clics et abonnements obtenus grâce à son rôle de source permanente d'informations de dernière minute dans ce domaine.
C'est pourquoi cela n'arrive jamais. Une relation symbiotique a été créée, dans laquelle les organes d'information bénéficient de sources influentes, ces dernières disposant d'informations non critiquables. Les organes d'information rapportent ce qu'on leur dit de rapporter, afin de maintenir leur stock permanent de “scoops” et, en échange, ils reçoivent les fonds et le prestige en conséquence. Le gouvernement obtient une régurgitation aveugle des points de discussion qui servent les intérêts de l'empire occidental en matière d'information à un moment déterminé.
C'est accéder au journalisme dans ce qu'il a de plus pernicieux. Ce type de journalisme est déjà assez destructeur dans le cas de fonctionnaires éminents qui refusent d'accorder des interviews à des journalistes peu sympathiques, mais lorsque des agences gouvernementales entières contrôlent toute la sphère d'information des médias en déterminant qui reçoit ou non des “scoops” sur les conflits étrangers et les affaires internationales, on a affaire à un système de propagande d'État pure et simple.
Quelle est la différence réelle entre ce système et un système dans lequel l'État détient les médias et leur dit ce qu'ils doivent rapporter ? Au fond, il n'y en a pas.
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Au lieu de partir en guerre contre les cartels mexicains, quelqu'un a-t-il envisagé de simplement renoncer à une politique antidrogue fumeuse et totalement dénuée de fondement scientifique, qui n'a cessé d'échouer depuis ses débuts ?
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C'est tellement insensé de se laisser entraîner de la gauche vers la droite. Les libéraux classiques sont pathétiques et la gauche socialiste authentique peut être exaspérante, mais les valeurs qui vous ont attiré vers la gauche en premier lieu sont toujours ancrées dans une vérité profonde et toujours aussi valables.
Que des gens de gauche ou de pseudo-gauche soient odieux ne suffit pas à invalider par magie le besoin de paix, de justice et d'égalité dans le monde. Vos désaccords et vos griefs à l'égard d'une faction politique donnée n'annulent pas comme par magie le besoin urgent de mettre fin au capitalisme et à l'impérialisme. Ne laissez pas les échecs des autres et la confusion générale de notre civilisation vous faire perdre de vue la saine vision de ce monde qui vous a amené à vous intéresser à la politique auparavant.
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Il est sûrement utile de rappeler que l'Ukraine n'a toujours été qu'un des multiples fronts sur lesquels l'empire américain s'est adonné à une dangereuse provocation et à une escalade contre la Russie dans le cadre de la nouvelle guerre froide. Il y a eu aussi la Syrie, le renforcement militaire de l'OTAN dans la zone balte, les traités en lambeaux, les sanctions et les révisions de la posture nucléaire de plus en plus agressives - en grande partie sous l'administration Trump, fait intéressant.
Le regretté Stephen Cohen mettait en garde contre ces escalades sur plusieurs fronts des années et des années avant la guerre en Ukraine.
“Nous vivons peut-être le moment le plus dangereux des relations américano-russes de mon vivant, et peut-être même de tous les temps”, a déclaré Cohen à The Young Turks en 2017. “Et la raison à cela est que nous vivons une nouvelle guerre froide, quel que soit le nom qu'on veut bien lui donner. Les trois fronts de la guerre froide sont lourds de risques de guerre ouverte, dans la zone balte où l'OTAN procède à un renforcement militaire sans précédent à la frontière de la Russie, en Ukraine où sévit une guerre civile et par procuration entre la Russie et l'Occident, et bien sûr en Syrie, où des avions de guerre russes et américains survolent le même territoire. Désormais, tout peut arriver”.
Nous nous acheminons vers une sorte de terrifiante confrontation entre la Russie et l'empire, quoi qu'il arrive, et il se trouve simplement que l'Ukraine est la première concernée. Il était évident que Moscou allait tracer une ligne rouge à un moment ou à un autre.