👁🗨 "Le journalisme n'est pas un crime" dit Wahington, tout en œuvrant à sa criminalisation.
L'hypocrisie des dirigeants de l'empire américain mérite d'être soulignée, non pour l'hypocrisie en soi, mais parce qu'elle montre que ces gens ne défendent pas ce qu'ils prétendent défendre.
👁🗨 Selon Washington, "le journalisme n'est pas un crime". Tout en œuvrant à sa criminalisation.
Par Caitlin Johnstone, le 8 avril 2023
❖
Au bout d'un moment, critiquer l'hypocrisie et les contradictions de l'empire centralisé des États-Unis devient un peu facile, comme aller à la pêche dans un aquarium. Mais allons-y, faisons-le quand même ; l'aquarium est juste là, et ces poissons-là, on les déteste.
Les services de sécurité russes ont officiellement porté plainte pour espionnage contre le journaliste du Wall Street Journal Evan Gershkovich, détenu en Russie depuis son arrestation le mois dernier. Evan Gershkovich nie les allégations d'espionnage et affirme qu'il était dans le cadre d'une activité journalistique en Russie.
Cette nouvelle est apparue au moment même où le leader de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, et le leader de la minorité au Sénat, Mitch McConnell, ont publié une déclaration commune condamnant la détention de M. Gershkovich comme une violation des libertés de la presse.
"Que personne ne se méprenne : le journalisme n'est pas un crime ", écrivent les sénateurs. "Nous demandons que les accusations sans fondement et fabriquées contre M. Gershkovich soient abandonnées et qu'il soit immédiatement libéré. Nous réitérons notre condamnation des tentatives continues du gouvernement russe d'intimider, de réprimer et de punir les journalistes indépendants et les voix de la société civile”.
Le choix de l'expression "le journalisme n'est pas un crime" est intéressant, car le cas individuel le plus courant auquel elle fait référence est certainement celui de Julian Assange, enfermé dans une prison de haute sécurité depuis quatre ans, tandis que le gouvernement américain s'efforce de l'extrader pour le crime de professionnalisme journalistique. Dans toutes les manifestations pro-Assange auxquelles j'ai assisté, on pouvait lire sur des pancartes une variante de la phrase "le journalisme n'est pas un crime", et tous les soutiens d'Assange connaissent parfaitement ce refrain.
En tant que soutien d'Assange, il est donc un peu étrange d'entendre ce slogan brandi par deux monstres des marais de Washington qui ont tous deux soutenu avec enthousiasme la persécution du journaliste le plus célèbre du monde.
"Il a causé de graves préjudices à notre pays et je pense qu'il doit être poursuivi avec toute la rigueur de la loi. Et si cela pose problème, alors il faut modifier la loi", a déclaré M. McConnell au sujet de M. Assange après la publication par WikiLeaks de milliers de câbles diplomatiques en 2010.
"Ni WikiLeaks, ni la source originale de ces documents ne devraient être épargnés par les poursuites les plus sévères possibles en vertu de la loi", a déclaré M. Schumer en 2010.
"Maintenant que Julian Assange a été arrêté, j'espère qu'il devra bientôt rendre des comptes pour son ingérence dans nos élections au nom de Poutine et du gouvernement russe", a tweeté M. Schumer lorsque M. Assange a été traîné hors de l'ambassade d'Équateur à Londres il y a presque quatre ans jour pour jour (M. Assange n'a pas été inculpé de quoi que ce soit en lien avec la Russie ou l'élection de 2016, et les allégations de collusion avec la Russie restent totalement infondées à ce jour).
Il s'agit de deux des élus les plus puissants du pays, qui se présentent comme de courageux défenseurs de la liberté de la presse après avoir activement facilité les tentatives de leur gouvernement de détruire cette même liberté de la presse. Leur gouvernement s'efforce d'extrader et d'emprisonner Assange en vertu de la loi sur l'espionnage (Espionage Act) pour s'être livré à ce que les experts considèrent comme une activité journalistique normale, ce qui leur permettra de créer un précédent juridique en vertu duquel tout journaliste, où qu'il se trouve dans le monde, pourra être extradé et poursuivi pour avoir dénoncé des crimes de guerre américains, comme l'a fait Assange.
Il n'y a pas de plus grande menace pour les libertés de la presse dans le monde que celle que représentent les États-Unis avec leur persécution de Julian Assange, une persécution ardemment soutenue par Schumer, McConnell et toutes les autres créatures des marais de Washington qui se lamentent théâtralement sur Evan Gershkovich aujourd'hui.
Ce qui est bien sûr ridicule. On ne peut pas dire que "le journalisme n'est pas un crime" tout en œuvrant littéralement à la criminalisation du journalisme. Ces prises de position se neutralisent l'une l'autre. Choisissez-en une.
L'hypocrisie des dirigeants de l'empire américain mérite d'être soulignée, non pas pour l'hypocrisie en soi, mais parce qu'elle montre que ces gens ne défendent pas ce qu'ils prétendent défendre. L'empire américain ne se soucie pas des libertés de la presse, il se soucie du pouvoir et de la domination, et étaler son pseudo soutien au journalisme n’est jamais qu’un cynique stratagème pour matraquer les gouvernements étrangers récalcitrants sur la scène mondiale.
Assange a exposé de nombreux faits gênants sur l'empire américain dans le cadre de son travail avec WikiLeaks, mais aucun n'a été aussi embarrassant que ce qu'il a révélé, les forçant à le poursuivre, révélant leur vrai visage dans leur persécution éhontée du plus grand journaliste du monde.