đâđš Le nouveau fascisme : IsraĂ«l, modĂšle de Trump & de lâEurope contre les libertĂ©s
Le fascisme en Europe ou aux Ătats-Unis ne reviendra jamais en uniforme nazi. Pas plus quâil ne reviendra jamais en bottes de cuir en brandissant des croix gammĂ©es.

đâđš Le nouveau fascisme : IsraĂ«l, modĂšle de Trump & de lâEurope contre les libertĂ©s
Par Jonathan Cook, le 24 mars 2025
La rĂ©pression Ă grande Ă©chelle du discours politique est prĂ©sentĂ©e comme une âlutte contre l'antisĂ©mitismeâ. Mais le fascisme revient toujours sous une forme dĂ©guisĂ©e, qualifiant ses opposants de nazis, et non lui-mĂȘme.
Le virus du fascisme nâa jamais disparu de lâOccident, malgrĂ© son apparente Ă©radication au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Partout, les premiers indicateurs montrent que le fascisme - une idĂ©ologie dĂ©terminant une hiĂ©rarchie raciste des valeurs humaines - qui a des droits et qui nâen a pas - renaĂźt aux Ătats-Unis et un peu partout en Europe.
La mĂ©fiance et la peur de lâĂ©trangers s'accroissent. On considĂšre les migrants comme destructeurs de l'Occident, inconciliables et antagonistes avec la civilisation et la culture dites âsupĂ©rieuresâ.
Aux Ătats-Unis, un rĂ©sident permanent - probablement le premier d'une longue sĂ©rie - a disparu dans le systĂšme pĂ©nitentiaire amĂ©ricain, en attendant son expulsion.
Le discours politique opposé aux gouvernements occidentaux et à leurs crimes est stigmatisé et réprimé par d'anciennes et de nouvelles lois. Les institutions académiques dites libérales s'effondrent sous la menace de sanctions juridico-financiÚres. Il est évident que le systÚme judiciaire n'exercera aucun contrÎle significatif sur le pouvoir exécutif.
L'Occident sâoriente officiellement vers des politiques diffĂ©rentes - dont nous connaissons lâissue grĂące Ă notre propre histoire rĂ©cente.
L'extrĂȘme droite fixe dĂ©sormais l'ordre du jour, de la star milliardaire Donald Trump aux Ătats-Unis au vendeur de voitures d'occasion glorifiĂ© par Westminster, Nigel Farage, au Royaume-Uni.
Des partis aux tendances fascistes sont reprĂ©sentĂ©s dans les gouvernements italien, hongrois, finlandais, tchĂšque, slovaque, nĂ©erlandais et croate. Des partis d'extrĂȘme droite briguent le pouvoir en France, en Allemagne, en Autriche, en SuĂšde et, pour la premiĂšre fois, en Grande-Bretagne. Cette tendance sâest traduite par un tsunami de dĂ©lĂ©guĂ©s ultra-nationalistes Ă©lus au Parlement europĂ©en l'annĂ©e derniĂšre.
Les seuls vagues oppositions sont des technocrates au bout du rouleau comme le Premier ministre Keir Starmer en Grande-Bretagne, le prĂ©sident Emmanuel Macron en France et l'ex vice-prĂ©sidente Kamala Harris aux Ătats-Unis, suggĂ©rant prĂ©cisĂ©ment les mĂȘmes politiques avortĂ©es ouvrant la porte au fascisme.
Une menace à peine voilée
Ces développements ne tombent pas du ciel. Ils ont mis des décennies à prendre forme.
Cela n'a rien de surprenant, car le principal dépositaire des idées fascistes de l'Occident depuis la Seconde Guerre mondiale n'a jamais caché ses intentions : Israël.
La répression flagrante de l'Occident contre les droits les plus fondamentaux, tels que la liberté d'expression et la liberté académique, a lieu au nom de la protection d'Israël et des juifs occidentaux qui applaudissent ses crimes.
Le fascisme sort de l'ombre aux Ătats-Unis et en Europe alors qu'IsraĂ«l commet ouvertement un gĂ©nocide contre les Palestiniens de Gaza, armĂ© et soutenu diplomatiquement par ses mĂ©cĂšnes occidentaux.
Le fascisme n'allait pas revenir en Europe ou aux Ătats-Unis vĂȘtu d'un costume nazi. Il n'allait pas dĂ©barquer en bottes de cuir et brandissant des svastikas.
IsraĂ«l a continuĂ©, avec le soutien notoire de l'Occident, Ă se livrer Ă des agissements que les Ătats occidentaux eux-mĂȘmes ont jugĂ© impossibles Ă justifier au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Alors que l'Occident a été contraint, non sans réticence, de s'engager dans des processus de décolonisation en Afrique et en Asie, Israël a reçu carte blanche et un soutien sans faille pour développer un projet ethno-nationaliste brutal sur la terre natale d'un autre peuple.
La suprĂ©matie juive a eu droit de citĂ©, alors mĂȘme que la suprĂ©matie blanche tombait en disgrĂące. IsraĂ«l n'a cessĂ© de renforcer ses expulsions et ses politiques sĂ©grĂ©gationnistes. Il a parquĂ© les Palestiniens dans des enclaves de plus en plus exigĂŒes, oĂč ils ont Ă©tĂ© privĂ©s de leurs droits et soumis Ă des abus militaires incessants.
Tout cela s'est poursuivi mĂȘme si, au milieu des annĂ©es 1960, le mouvement des droits civiques aux Ătats-Unis a finalement abrogĂ© les lois sĂ©grĂ©gationnistes Jim Crow du Sud profond. Et ce processus s'est poursuivi lorsque, dans les annĂ©es 1990, les dirigeants blancs de l'Afrique du Sud de l'apartheid, un autre projet colonial occidental, ont Ă©tĂ© contraints de se soumettre Ă un processus de vĂ©ritĂ© et de rĂ©conciliation avec la majoritĂ© noire.
IsraĂ«l est restĂ© l'alliĂ© privilĂ©giĂ© de l'Occident, mĂȘme s'il a vivement rĂ©sistĂ© Ă ce qui Ă©tait prĂ©sentĂ© ailleurs comme la vague inexorable du progressisme.
Un comportement monstrueux
L'ascension du fascisme dans une grande partie de l'Europe des années 1930 et du début des années 1940 a été le signal d'alarme poussant les dirigeants occidentaux à renforcer les institutions internationales, dont le mot d'ordre fut les droits de l'homme.
Les Nations Unies, créées en 1945, étaient censées incarner ces valeurs, publiant trois ans plus tard leur Déclaration universelle des droits de l'homme et donnant naissance à des instances juridiques telles que la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale pour faire respecter les droits de l'homme et demander des comptes aux régimes voyous.
L'objectif Ă©tait d'empĂȘcher que les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ne se reproduisent, des camps de la mort nazis aux bombardements incendiaires des villes allemandes et japonaises par les AlliĂ©s.
Voilà pourquoi le projet ethnique d'Israël de coloniser la Palestine - en expulsant ou en tuant les Palestiniens pour les remplacer par des Juifs - s'est constamment heurté aux nouveaux organes de surveillance, violant des dizaines de résolutions de l'ONU. Mais Washington a toujours été là pour le protéger de toute sanction.
D'autres pays ont commis des crimes terribles eux aussi. AprĂšs tout, les Ătats-Unis, dans leur volontĂ© de rester la premiĂšre puissance mondiale pendant la guerre froide, ont dĂ©truit des pans entiers de l'Asie du Sud-Est lors des campagnes de bombardement liĂ©es Ă la guerre du Vietnam.
Mais contrairement aux Ătats occidentaux, IsraĂ«l n'a mĂȘme pas fait semblant de respecter les principes supposĂ©s de l'ordre international de l'aprĂšs-Seconde Guerre mondiale. Sa doctrine fondamentale Ă©tait diamĂ©tralement opposĂ©e Ă la dĂ©claration des Nations unies. IsraĂ«l a explicitement rejetĂ© les droits humains universels, et ses lois fondamentales, assimilables Ă une constitution, ont exclu le principe d'Ă©galitĂ©.
Pendant ce temps, la répression militaire incessante du peuple palestinien par Israël a enfreint de maniÚre flagrante les Conventions de GenÚve. Comme à l'époque de l'apartheid en Afrique du Sud, depuis sa fondation en 1948, Israël n'a cessé de commettre des violences systémiques contre le peuple autochtone qu'il cherche à remplacer.
Pas un jour n'a passé sans qu'il ne se livre à la ségrégation des Palestiniens, à la destruction de leurs communautés, à l'expulsion de leurs terres, à l'éradication de leurs cultures, au blocage de leurs routes, à leur internement dans des camps de torture, à leur mise à l'écart du monde - ou à leur assassinat.
Sans les restrictions imposĂ©es par le droit international et la difficultĂ© pour les Ătats-Unis et l'Europe de soutenir ce comportement monstrueux, IsraĂ«l aurait menĂ© ce processus d'Ă©radication bien plus tĂŽt, plus vite et avec encore plus de cynisme.
Mais mĂȘme ces maigres restrictions se sont pour ainsi dire volatilisĂ©es. Le gĂ©nocide actuel Ă Gaza, dont l'Occident n'est que trop clairement le principal organisateur, ne peut se produire que dans un climat politique oĂč toute notion de droits de l'homme universels a Ă©tĂ© vidĂ©e de son sens, oĂč le caractĂšre sacro-saint de la vie humaine a perdu toute signification.
Le droit international bafoué et déformé
La politique israĂ©lienne s'est ostensiblement scindĂ©e entre une faction dite âlibĂ©raleâ et le sionisme de droite, comme si on allait assister Ă une grande lutte idĂ©ologique. Mais en rĂ©alitĂ©, l'ensemble de la politique israĂ©lienne est de nature fasciste.
Les deux branches du sionisme reposent sur l'idĂ©e que les Juifs israĂ©liens, pour la plupart des immigrants rĂ©cents, ont des droits supĂ©rieurs Ă ceux des Palestiniens de souche, et que tout Palestinien rĂ©fractaire Ă la servitude permanente doit ĂȘtre puni.
Le dĂ©bat interne au sionisme ne porte pas sur la question de savoir si cela doit se produire. Il s'agit de savoir oĂč les limites doivent se situer. Quelle est l'Ă©tendue du territoire sur lequel les Juifs jouissent incontestablement de droits supĂ©rieurs, et quelle doit ĂȘtre l'ampleur des sanctions pour les Palestiniens rebelles ?
Ces arguments reflÚtent en grande partie les divisions laïques et religieuses au sein d'Israël, certains pans de la société accordant la priorité aux préoccupations occidentales quant à la réputation d'Israël sur la scÚne internationale.
Au fil des dĂ©cennies, confrontĂ©e au refus des Palestiniens de coopĂ©rer avec son principe directeur â se soumettre ou ĂȘtre chĂątiĂ© â la majoritĂ© israĂ©lienne est passĂ©e du sionisme libĂ©ral obsĂ©dĂ© par les apparences Ă un sionisme triomphaliste d'extrĂȘme droite qui ne s'excuse pas. VoilĂ pourquoi des fascistes autoproclamĂ©s siĂšgent fiĂšrement au sein du gouvernement actuel.
Et voilĂ pourquoi, le mois dernier, le parti au pouvoir en IsraĂ«l, le Likoud, est devenu membre observateur des Patriots for Europe, une alliance de partis d'extrĂȘme droite europĂ©ens, souvent liĂ©s aux nazis et aux nĂ©onazis. Lors d'une confĂ©rence inaugurale Ă Madrid, le Likoud a Ă©tĂ© chaleureusement saluĂ©, les dirigeants de l'alliance soulignant leurs âvaleurs communesâ.
Rien de tout cela ne se fait en douce. Israël est le dernier grand avant-poste colonial de l'Occident. C'est là que les industries militaires occidentales testent leur puissance sur les Palestiniens qui leur servent de cobayes.
C'est là que les principes du droit international sont mis à l'épreuve, bafoués et déformés par des abus sans fin, puis carrément enfreints.
Et c'est lĂ aussi que le discours de la victimisation, des âcivilisationsâ juive et chrĂ©tienne, a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© pour justifier une guerre contre le peuple palestinien et, plus gĂ©nĂ©ralement, contre les musulmans.
Une couverture parfaite
Et tout cela est censĂ© se poursuivre, Ă l'abri de toute critique ou objection. L'Occident a mis au point une couverture parfaite pour protĂ©ger sa progĂ©niture fasciste : ceux qui s'opposent Ă l'asservissement et Ă la brutalitĂ© du peuple palestinien privent le peuple juif de son droit Ă l'autodĂ©termination, et sont donc âantisĂ©mitesâ.
Ainsi, tout Palestinien s'opposant à l'asservissement et à la brutalité est un terroriste. Et ceux qui se rangent du cÎté des Palestiniens sont de mÚche avec les terroristes.
L'Occident ayant assimilé les Palestiniens aux masses musulmanes du monde arabe, alors qu'on peut y trouver de nombreux chrétiens et druzes, la résistance palestinienne à l'oppression israélienne se voit présentée comme un prolongement de la menace islamiste qui pÚserait sur l'Occident.
En rĂ©alitĂ©, aucun groupe palestinien ne lutte pour conquĂ©rir l'Occident ou pour imposer la charia en Europe et aux Ătats-Unis. Les groupes de rĂ©sistance palestiniens cherchent uniquement Ă libĂ©rer leur patrie de dĂ©cennies d'oppression coloniale et de nettoyage ethnique.
Comme on pouvait s'y attendre, plus l'oppression se prolonge avec le soutien démesuré de l'Occident, plus les Palestiniens confrontés aux exactions d'Israël sont tentés de rejoindre des groupes militants moins conciliants comme le Hamas, gouvernement élu mais proscrit en tant qu'organisation terroriste au Royaume-Uni et dans d'autres pays.
IsraĂ«l est prĂ©sentĂ© comme une petite nation hĂ©roĂŻque dĂ©fendant l'Occident contre les hordes musulmanes. Dans un rĂ©cit oĂč la rĂ©alitĂ© est complĂštement dĂ©formĂ©e, IsraĂ«l sert de rempart humaniste contre la barbarie palestinienne et, par extension, musulmane.
Cette prémisse a permis à Michael Gove, ancien ministre du gouvernement britannique, de rédiger un article au beau milieu du génocide israélien intitulé :
âL'armĂ©e israĂ©lienne devrait ĂȘtre nominĂ©e pour le prix Nobel de la paixâ.
Selon ce principe, un Ă©crivain respectĂ©, Howard Jacobson, a le droit d'exiger le silence sur le massacre et la mutilation de dizaines de milliers d'enfants palestiniens Ă Gaza, car parler en leur dĂ©fense reviendrait Ă âdiffamer le sangâ du peuple juif.
Toujours selon cette mĂȘme logique, Melanie Phillips, chroniqueuse rĂ©guliĂšre des Ă©missions-dĂ©bats de la BBC, a osĂ© Ă©crire que
âSi vous soutenez aujourd'hui la cause des Arabes palestiniens, vous encouragez une haine antijuive maladive et meurtriĂšreâ.
Ces discours pleins d'auto-apitoiement et de fantasmes n'auraient pas Ă©tĂ© pour dĂ©plaire Ă nos ancĂȘtres europĂ©ens, qui ont pillĂ© l'Afrique de ses richesses, rĂ©duit ses peuples âsauvagesâ en esclavage ou tuĂ© des millions de personnes qui refusaient d'accepter la âsupĂ©rioritĂ©â civilisationnelle de l'Occident.
Un retour déguisé
Le fascisme en Europe ou aux Ătats-Unis ne reviendra jamais en uniforme nazi. Pas plus quâil ne reviendra jamais en bottes de cuir en brandissant des croix gammĂ©es.
En rĂ©alitĂ©, il Ă©tait tout Ă fait prĂ©visible qu'il reviendrait dĂ©guisĂ©, en complet-veston, tĂ©lĂ©gĂ©nique, et qu'il prĂ©senterait ses adversaires, et non lui-mĂȘme, comme des nazis.
Et c'est lĂ qu'IsraĂ«l a Ă©tĂ© une fois de plus si utile, car il n'a pas seulement servi de modĂšle au fascisme, prĂ©servant et ranimant les idĂ©es de supĂ©rioritĂ© raciale, de colonisation et de gĂ©nocide. Pendant des dĂ©cennies, il a Ă©galement permis aux Ătats occidentaux de confĂ©rer une lĂ©gitimitĂ© morale au fascisme israĂ©lien. Le soutien aux hiĂ©rarchies raciales d'IsraĂ«l, oĂč les vies palestiniennes sont tout Ă fait sacrifiables, a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© comme une nĂ©cessitĂ© pour âprotĂ©ger les Juifsâ.
Cette prĂ©misse a, Ă son tour, permis au gĂ©nocide de devenir une cause respectable et morale. C'est prĂ©cisĂ©ment la raison pour laquelle Starmer s'est senti capable de dire qu'IsraĂ«l a le âdroitâ de priver plus de deux millions d'hommes, de femmes et d'enfants palestiniens de nourriture, d'eau et de carburant. Un gĂ©nocide qu'il aurait rejetĂ© dans d'autres circonstances - et qu'il a d'ailleurs rejetĂ© - Ă©tait apparemment acceptable pour autant qu'IsraĂ«l le pratique.
VoilĂ pourquoi un rapport de l'ONU publiĂ© au dĂ©but du mois sur les âactes gĂ©nocidairesâ d'IsraĂ«l n'a guĂšre Ă©tĂ© relayĂ© par les mĂ©dias occidentaux. Le rapport montre comment IsraĂ«l a banalisĂ© des inconduites sexuelles et des viols contre les Palestiniens qu'il dĂ©tient arbitrairement comme monnaie d'Ă©change pour les otages dĂ©tenus par le Hamas Ă Gaza.
Et c'est pourquoi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, criminel de guerre recherché et échappant à la justice, est toujours le bienvenu dans les capitales occidentales, tout comme ses généraux responsables du génocide à Gaza.
Un calcul pervers
L'indulgence sans fin de l'Occident envers le sionisme, variante du fascisme, a permis Ă ses idĂ©es de s'infiltrer en douce dans nos propres sociĂ©tĂ©s, oĂč le sionisme est toujours traitĂ© avec un respect qui frĂŽle l'adoration.
Si les hiĂ©rarchies raciales sont une bonne chose en IsraĂ«l, pourquoi ne le seraient-elles pas aussi aux Ătats-Unis et en Europe ? VoilĂ pourquoi une grande partie de la base de Trump se qualifie fiĂšrement de âsionistes blancsâ. Ils voient dans l'Ătat-forteresse juif d'IsraĂ«l un modĂšle pour les Ătats-Unis en tant qu'Ătat-forteresse blanc contre leurs craintes de âGrand Remplacementâ.
Si âprotĂ©ger les Juifsâ en IsraĂ«l peut justifier n'importe quel crime d'IsraĂ«l contre les Palestiniens, en quoi âprotĂ©ger les Juifsâ ne justifie-t-il pas aussi le comportement illĂ©gal des Ătats occidentaux envers leurs propres populations ?
âProtĂ©ger les Juifsâ signifie que tout discours critique envers IsraĂ«l doit ĂȘtre interdit, mĂȘme si IsraĂ«l commet des crimes de guerre et des gĂ©nocides, car cette critique risque d'offenser les organisations juives nationales qui soutiennent IsraĂ«l.

La libertĂ© acadĂ©mique doit Ă©galement ĂȘtre rĂ©primĂ©e, afin de protĂ©ger les opinions des Ă©tudiants et professeurs juifs qui pensent que le massacre de masse d'enfants palestiniens est le prix acceptable Ă payer pour qu'IsraĂ«l rĂ©affirme sa dissuasion militaire.
Et selon une logique d'auto-justification, tout Juif occidental qui ne se prosterne pas devant IsraĂ«l avec suffisamment d'enthousiasme est considĂ©rĂ© comme âle mauvais type de Juifâ - voire âPalestinienâ, selon la nouvelle insulte lancĂ©e par Trump contre Chuck Schumer, le leader de la minoritĂ© juive au SĂ©nat amĂ©ricain.
Selon cette conception dĂ©formĂ©e et partiale des droits de l'homme, la sensibilitĂ© des Juifs sionistes est placĂ©e au sommet, et le droit des Palestiniens Ă ne pas ĂȘtre assassinĂ©s tout en bas de l'Ă©chelle.
VoilĂ prĂ©cisĂ©ment pourquoi les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales amĂ©ricaines cherchent Ă crĂ©er un prĂ©cĂ©dent en arrĂȘtant et en expulsant un rĂ©sident permanent, Mahmoud Khalil, pour avoir aidĂ© Ă organiser des manifestations Ă©tudiantes contre le gĂ©nocide perpĂ©trĂ© par IsraĂ«l Ă Gaza. Il est accusĂ©, sans aucune preuve, d'ĂȘtre âalignĂ© sur le Hamasâ et de âsoutenir le terrorismeâ, d'avoir des opinions antisĂ©mites et de vouloir la destruction de l'Occident par l'extrĂ©misme islamique.
Tout comme Israël a fait appel à l'IA pour sélectionner ses cibles à exécuter à Gaza, en utilisant les catégories les plus larges possibles comme invites algorithmiques, la Maison Blanche utilise l'IA pour sélectionner le plus largement possible qui est aligné avec le Hamas, qui est un terroriste, qui est un antisémite.
De mĂȘme, les institutions universitaires amĂ©ricaines se voient retirer leurs subventions fĂ©dĂ©rales au motif qu'elles n'en feraient pas assez pour lutter contre l'âantisĂ©mitismeâ en rĂ©primant les manifestations contre le gĂ©nocide. Les universitĂ©s dociles se hĂątent de se joindre Ă la rĂ©pression du gouvernement.
L'administration Trump prĂ©sente ces mesures, et d'autres sont sans doute Ă venir, comme faisant partie d'une âguerre contre l'antisĂ©mitismeâ - la suite de la âguerre contre le terrorismeâ.
Ce faisant, Washington crĂ©e les conditions pour diaboliser de larges pans de la population Ă©tudiante amĂ©ricaine et de larges pans de la communautĂ© juive, en particulier les jeunes juifs qui refusent de laisser commettre un gĂ©nocide en leur nom. Tous risquent dĂ©sormais d'ĂȘtre accusĂ©s de âs'ĂȘtre alignĂ©s sur le terrorismeâ.
L'administration Trump est loin d'ĂȘtre la seule. Le gouvernement britannique de Starmer, comme son prĂ©dĂ©cesseur, a soigneusement entretenu un climat politique oĂč les journalistes, les universitaires, les Ă©tudiants, les organisateurs de manifestations, les politiciens et les militants - dont beaucoup sont juifs - passent pour des dĂ©tracteurs des Juifs, et leurs protestations contre le gĂ©nocide comme Ă©tant antisĂ©mites.
Le gouvernement britannique a brandi une lĂ©gislation draconienne et vaguement qualifiĂ©e de âterrorismeâ pour enquĂȘter et inculper ceux qu'il accuse d'exprimer des opinions ou d'Ă©noncer des faits trop critiques envers IsraĂ«l - des critiques qui, selon lui, pourraient ainsi âencourager le soutienâ au Hamas.
La liberté d'expression, le droit de manifester et la liberté académique - les principes fondamentaux de la démocratie libérale - sont abandonnés à la hùte, car ils sont désormais considérés comme une menace pour la démocratie.
Hiérarchie des valeurs humaines
On distingue de plus en plus clairement les contours du scénario qui se dessine.
L'administration Trump a ressuscité l'Alien Enemies Act, une loi obscure datant du XVIIIe siÚcle et conçue pour doter l'exécutif de pouvoirs extraordinaires lui permettant de faire disparaßtre des étrangers durant la guerre sans aucune procédure réguliÚre.
Elle n'a été invoquée qu'à trois reprises dans l'histoire, la derniÚre fois pour emprisonner sans procÚs des dizaines de milliers de personnes d'origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale.
Trump a d'abord testĂ© cette loi sur un groupe dont il suppose que personne ne cherchera Ă le dĂ©fendre, Ă savoir ceux que ses fonctionnaires qualifient de criminels vĂ©nĂ©zuĂ©liens. Mais nous pouvons ĂȘtre certains que l'administration tient Ă Ă©tendre l'applicabilitĂ© de la lĂ©gislation Ă un champ beaucoup plus large.
L'administration Trump prĂ©cĂ©dente a dĂ©terrĂ© une autre loi obscure, la loi sur l'espionnage de 1917, pour l'utiliser contre un ressortissant Ă©tranger, Julian Assange, en traitant son journalisme dĂ©nonçant les crimes de guerre amĂ©ricains et britanniques en Irak et en Afghanistan d'âespionnageâ. La loi avait Ă©tĂ© adoptĂ©e Ă la hĂąte durant la PremiĂšre Guerre mondiale.
En s'en prenant Ă Assange, Washington a cherchĂ© Ă crĂ©er un prĂ©cĂ©dent juridique lui permettant d'arrĂȘter n'importe qui, n'importe oĂč dans le monde, et de l'emprisonner indĂ©finiment en tant qu'espion.
On peut ĂȘtre certains que les fonctionnaires de Trump sont en train de fouiller dans des recueils de lois poussiĂ©reux en quĂȘte de lois oubliĂ©es susceptibles d'ĂȘtre rĂ©utilisĂ©es pour rĂ©primer la dissidence et emprisonner ceux qui s'y opposent. Mais le plus sinistre des prĂ©cĂ©dents existe dĂ©jĂ , fourni par IsraĂ«l.
Si IsraĂ«l peut exterminer le peuple palestinien qu'il opprime depuis des dĂ©cennies pour prĂ©venir ce qu'il qualifie de maniĂšre peu plausible de menace existentielle future d'un petit groupe armĂ©, tout en bĂ©nĂ©ficiant d'un soutien occidental sans faille, pourquoi les Ătats-Unis et l'Europe ne pourraient-ils pas en faire de mĂȘme ? Ils peuvent invoquer des menaces existentielles similaires pour justifier les camps d'internement, les dĂ©portations, voire les programmes d'extermination.
Les Juifs allemands se considéraient comme des citoyens allemands jusqu'à ce que le gouvernement d'Adolf Hitler décide qu'ils représentaient aux yeux du pays un élément étranger auquel s'appliqueraient des lois différentes.
Cela ne s'est pas produit du jour au lendemain. Ce fut un relùchement progressif et cumulatif des normes juridiques. Ce relùchement a érodé la capacité des groupes ciblés à résister à leur désignation de boucs émissaires, et celle de leurs soutiens à protester, tandis que la majorité suivait aveuglément.
En rĂ©alitĂ©, le fascisme n'a jamais disparu. L'Occident l'a simplement dĂ©localisĂ© vers un Ătat client dont le travail, au nom de l'Occident, a Ă©tĂ© de promouvoir au Moyen-Orient les mĂȘmes idĂ©es hideuses d'une hiĂ©rarchie des valeurs humaines.
Nous nous identifions Ă IsraĂ«l parce qu'on nous dit qu'il nous reprĂ©sente, qu'il reprĂ©sente nos valeurs et notre civilisation. Et la vĂ©ritĂ©, c'est qu'il le fait - voilĂ pourquoi la responsabilitĂ© de dix-huit mois de gĂ©nocide Ă Gaza nous incombe. C'est notre gĂ©nocide. Et avant mĂȘme qu'il ne soit terminĂ©, il vient nous hanter.
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