👁🗨 Le nouveau “Pacha de Gaza” made in Israël
La nomination d'un haut gradé de Tsahal pour gérer les affaires de Gaza est une tentative stratégique israélienne de créer une réalité post-conflit et se soustraire à un accord de cessez-le-feu.
👁🗨 Le nouveau “Pacha de Gaza” made in Israël
Par Ibrahim Al-Madhoun, le 5 septembre 2024
Dans le cadre d'une stratégie sur le long terme destinée à exercer un plus grand contrôle sur la bande de Gaza, l'armée d'occupation israélienne a nommé la semaine dernière Elad Goren comme premier “chef des opérations humanitaires et civiles dans la bande de Gaza”. Ce nouveau rôle, axé sur l'administration des affaires civiles à Gaza, soulève d'importantes questions quant aux intentions de Tel-Aviv et à sa vision de l'avenir de l'enclave décimée et assiégée.
La nomination de M. Goren intervient alors que la guerre brutale contre Gaza, qui entre dans son onzième mois, a non seulement mis à l'épreuve la résistance de l'armée d'occupation, mais a également eu des répercussions importantes et persistantes sur le terrain.
Faire face à la crise générée par Israël
La création de ce nouveau poste au sein de l'unité du ministère de la Défense chargée de la coordination des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) représente un changement notable dans l'approche d'Israël à l'égard de Gaza, indiquant l’intention d’une gestion plus directe des affaires civiles dans l'enclave.
Cette décision s'inscrit dans une stratégie plus large de l'occupant israélien visant à resserrer son emprise sur Gaza tout en tentant de remodeler la dynamique politique afin de réduire l'influence du Hamas. Une stratégie similaire de division et de domination a été employée en Cisjordanie pour semer la discorde entre l'Autorité palestinienne (AP) au pouvoir et les factions de la résistance.
Le rôle de M. Goren consiste à gérer l'aide humanitaire, superviser le fonctionnement des postes-frontières, restaurer les infrastructures détruites par les Israéliens et assurer la coordination avec les organisations d'aide internationale. En outre, sa nomination est considérée comme faisant partie des initiatives de l'État d'occupation en vue d'établir un nouveau cadre pour la gestion du checkpoint de Rafah avec l'Égypte, point d'accès crucial de Gaza au monde extérieur, qui fait déjà l'objet d'un blocus israélien rigoureux.
Selon l'armée d'occupation, le nouveau responsable
“sera en charge de l'intégration et de la mise en œuvre des opérations humanitaires dans la bande de Gaza et de la coordination avec la communauté internationale, de manière à permettre la mise en œuvre des opérations humanitaires tout en préservant les intérêts de l'État d'Israël en matière de sécurité”.
Dimensions stratégiques du poste de Goren
Plutôt que de s'attaquer à la crise humanitaire urgente qui sévit dans la bande de Gaza à la suite de l'offensive militaire brutale menée par l'armée d'occupation pendant 10 mois, la nomination de Goren doit être considérée comme une mesure stratégique prise par Israël pour renforcer sa présence et son influence dans la bande de Gaza.
En plaçant un militaire haut gradé (Goren a été promu général de brigade) en charge des affaires civiles, Israël signale son intention de maintenir un contrôle direct sur l'administration de Gaza, transformant potentiellement la région en une zone de gouvernance militaire indirecte “pour les années à venir”.
Cette démarche s'inscrit dans la stratégie plus large du Premier ministre Benjamin Netanyahu d'affaiblir le Hamas et de favoriser une structure de gouvernance alternative plus favorable aux intérêts israéliens. Toutefois, cette approche ne va pas sans poser de problèmes.
La complexité de la gestion de la population palestinienne traumatisée et déplacée de Gaza, associée à une surveillance et une pression internationales croissantes, compliquera les efforts de Tel-Aviv pour affirmer son contrôle. En outre, la résistance persistante des factions palestiniennes et de leurs alliés régionaux reste un obstacle formidable à toute tentative de modifier le statu quo.
Résister aux projets de gouvernance de Gaza
En effet, le conflit sur plusieurs fronts a fait payer un lourd tribut à l'armée israélienne, qui a subi des pertes considérables lors des affrontements avec les groupes de résistance palestiniens et des engagements dans le nord avec le Hezbollah. Cette pression illustre la difficulté pour Israël d'atteindre les objectifs militaires qu'il s'est fixés, et il est probable que l'escalade se poursuive à la suite de la récente série d'assassinats de personnalités à Beyrouth et Téhéran. Les mouvements de résistance palestiniens pourraient tirer parti des pertes subies par les troupes israéliennes pour renforcer leurs capacités et contrer les plans de Tel-Aviv de contrôle permanent sur la bande de Gaza.
En outre, Israël peine à obtenir un soutien international pour ses actions à Gaza, difficultés aggravées par l'agitation intérieure croissante due au refus du gouvernement Netanyahou de négocier un accord de cessez-le-feu avec le Hamas, permettant de retirer les troupes israéliennes du territoire.
La résistance palestinienne doit donc se concentrer sur le plaidoyer international, en soulignant les violations israéliennes et en galvanisant l'opinion publique internationale afin d'accroître la pression diplomatique sur Israël pour qu'il quitte entièrement la bande de Gaza. Le renforcement de l'unité nationale entre les factions palestiniennes est également crucial : un front uni est essentiel pour contrer efficacement les tentatives d'Israël de morceler la société palestinienne et d'affaiblir la résistance.
Plusieurs scénarios pourraient voir le jour à la suite des dernières mesures prises par l'État d'occupation pour mettre en œuvre ses plans d'après-guerre pour Gaza. Si les négociations diplomatiques échouent ou si aucun accord de cessez-le-feu n'est conclu, Gaza pourrait connaître une recrudescence des affrontements militaires, Israël cherchant à imposer de nouvelles réalités et une nouvelle gouvernance.
Dans ce cas, la résistance palestinienne devra intensifier ses opérations militaires et renforcer la coordination entre factions pour contrecarrer efficacement les stratégies israéliennes.
Par ailleurs, si la résistance palestinienne parvient à mobiliser l'opinion internationale, l'intensification des pressions diplomatiques pourrait contraindre Israël à mettre un terme à ses plans militaires à Gaza. Ce scénario pourrait aboutir à un cessez-le-feu soutenu par des garanties internationales, empêchant Israël de revenir à ses politiques antérieures.
Stratégie politique & pression armée
Toutefois, la poursuite du conflit et du blocus pourrait exacerber la crise humanitaire à Gaza et poser de nouveaux problèmes à la résistance pour répondre aux besoins fondamentaux de la population. La résolution de cette crise nécessiterait une coopération étroite avec les organisations internationales afin d'atténuer l'impact sur les civils.
La nomination d'Elad Goren à la tête de la mission “humanitaire et civile” à Gaza est un indice clair de l'intention stratégique d'Israël de renforcer son contrôle sur la bande de Gaza et d'affaiblir la résistance. Il est plus que probable que cette décision sera accueillie par une résistance palestinienne accrue, comme nous l'avons vu dans les axes de Philadelphie et de Netzarim.
Il est essentiel que la résistance continue à renforcer sa capacité opérationnelle tout en intensifiant ses efforts diplomatiques pour déjouer toute tentative israélienne d'imposer un nouvel ordre à Gaza. Pour faire face à ces menaces, il importe de favoriser l'unité nationale et de préserver le soutien populaire parmi les Palestiniens.
De fait, la résistance palestinienne reste un facteur clé pour faire échouer les plans israéliens d'occuper et de gouverner la bande de Gaza de façon permanente. Aucune stratégie de colonisation ou militaire ne réussira tant que les Palestiniens resteront pleinement attachés à leur terre et à leurs droits.