đâđš Le pari gĂ©opolitique d'IsraĂ«l appelle une riposte Ă haut risque
IsraĂ«l parie gros sur l'issue de sa rĂ©cente escalade. Mais ses adversaires sont aussi prĂȘts Ă courir de gros risques, convaincus que la paix ne viendra qu'en portant un coup net & prĂ©cis Ă Tel-Aviv.
đâđš Le pari gĂ©opolitique d'IsraĂ«l appelle une riposte Ă haut risque
Par Ali Salehian, le 10 août 2024
Lorsqu'il s'agit de prendre des dĂ©cisions, en particulier dans le contexte des relations extĂ©rieures, deux facteurs essentiels entrent en jeu : la âcapacitĂ©â et la âvolontĂ©â.
La âcapacitĂ©â fait rĂ©fĂ©rence aux outils et au pouvoir dont disposent les nations pour mettre en Ćuvre une dĂ©cision dans le monde rĂ©el.
Le cadre cognitif des acteurs est tout aussi important. La âvolontĂ©â, ou les aspirations, est profondĂ©ment liĂ©e Ă l'analyse coĂ»ts-bĂ©nĂ©fices des dĂ©cisions politiques.
Lorsqu'un Ătat ou un acteur non Ă©tatique dispose Ă la fois de capacitĂ©s significatives et adĂ©quates - et qu'il perçoit des avantages considĂ©rables pour des coĂ»ts minimes ou gĂ©rables - il est plus enclin Ă entreprendre une action.
Ă titre d'exemple, l'Ătat d'occupation israĂ©lien avait non seulement la capacitĂ© de frapper les cibles souhaitĂ©es, mais il a Ă©galement tentĂ© une Ă©volution cruciale dans son Ă©quilibre coĂ»ts-bĂ©nĂ©fices, en particulier en politique Ă©trangĂšre. La rĂ©cente escalade en Asie occidentale attire l'attention sur ces deux dynamiques essentielles, en particulier lorsque les analystes s'empressent d'Ă©valuer les calculs et les ripostes probables des adversaires.
La rationalité en question : Israël s'oriente vers des stratégies toujours plus risquées
Depuis l'opération Al-Aqsa Flood en octobre dernier, Israël est perçu comme un acteur confronté à une menace existentielle, l'incitant ainsi à prendre davantage de risques.
Pourtant, un mois seulement aprĂšs le lancement de l'opĂ©ration de rĂ©sistance, Politico a citĂ© l'ancien directeur du Mossad, Tamir Pardo, qui reprochait au Premier ministre Benjamin Netanyahu et au prĂ©sident amĂ©ricain Joe Biden d'avoir alimentĂ© ce sentiment qu'âIsraĂ«l Ă©tait confrontĂ© Ă une crise existentielle.â
Ce changement d'Ă©tat d'esprit apparaĂźt clairement lors de l'attaque israĂ©lienne contre le consulat iranien Ă Damas le 1er avril. Un jour plus tard, le ministre de la DĂ©fense Yoav Gallant a dĂ©clarĂ© que l'objectif d'IsraĂ«l Ă©tait âd'agir partout, chaque jour, pour empĂȘcher la montĂ©e en puissance de nos ennemis.â
Le processus dĂ©cisionnel de Tel-Aviv est influencĂ© par deux facteurs clĂ©s : d'une part, les Ătats-Unis et, d'autre part, l'Ătat profond ou l'establishment israĂ©lien. Ces facteurs peuvent soit renforcer le caractĂšre rationnel, soit faire fi de la prudence dans l'acceptation des risques, en particulier chez les extrĂ©mistes influents d'IsraĂ«l.
L'actuelle Ă©volution du processus dĂ©cisionnel israĂ©lien semble s'appuyer sur l'un ou l'autre de ces facteurs, voire sur les deux. L'opĂ©ration âTrue Promiseâ de l'Iran Ă la mi-avril, qui a mis en Ă©vidence les capacitĂ©s militaires de la RĂ©publique islamique, a quelque peu limitĂ© le comportement d'IsraĂ«l en matiĂšre de prise de risque.
Mais les préoccupations telles que le risque d'une guerre à grande échelle et les coûts élevés y afférent sont devenues plus vives, comme l'a souligné le général de division Yahya Rahim Safavi lorsqu'il a mis en garde contre les capacités missiliÚres de l'Iran au cours de l'opération de représailles :
âAu cours de l'opĂ©ration True Promise, plus de 100 missiles ont Ă©tĂ© lancĂ©s en direction d'IsraĂ«l en seulement 100 secondes, Ă raison d'un missile Ă la seconde. Les Ătats-Unis, IsraĂ«l et leurs alliĂ©s rĂ©gionaux ne s'attendaient pas Ă ce que l'Iran puisse mener une opĂ©ration d'une telle prĂ©cision et d'une telle ampleur.â
Des risques calculés
La démission de Benny Gantz du Cabinet de guerre en juin pourrait renforcer la position dure de Tel-Aviv. En outre, le changement d'orientation du président Biden, en particulier à l'approche des élections américaines de 2024 en novembre, a également eu un impact sur certains choix.
La question clĂ© permettant d'apporter une rĂ©ponse appropriĂ©e, fondĂ©e sur l'analyse et le raisonnement, est la suivante : âPourquoi Netanyahou a-t-il dĂ©cidĂ© d'intensifier l'escalade ? Pourquoi Netanyahu a-t-il dĂ©cidĂ© de mener lâescalade sur autant de fronts ?â
Diverses interprĂ©tations offrent des pistes diffĂ©rentes. Certains y voient l'occasion de procĂ©der Ă des assassinats ciblĂ©s et trĂšs mĂ©diatisĂ©s sans modifier la stratĂ©gie globale. D'autres interprĂštent les assassinats simultanĂ©s Ă Beyrouth et Ă TĂ©hĂ©ran, ainsi que l'acceptation par l'Ătat d'occupation de coĂ»ts et de risques connexes, comme un revirement stratĂ©gique Ă la suite du âdĂ©placement Ă haut risque de Netanyahu Ă Washingtonâ. Une semaine environ aprĂšs ce voyage, au moins deux actes terroristes provocateurs ont Ă©tĂ© perpĂ©trĂ©s.
Rappelons que le simple fait de disposer d'une opportunité opérationnelle d'assassinat, en particulier pour des décideurs politiques, ne justifie pas en soi l'exécution de l'acte. Ceci prouve que le risque lié à l'assassinat, qui provoquera presque certainement une réaction de Téhéran et de ses alliés, a été soigneusement pris en compte.
MĂȘme le ministre des Affaires Ă©trangĂšres jordanien, Ayman Safadi, a fait remarquer, lors d'une rĂ©union avec le prĂ©sident iranien nouvellement Ă©lu, Masoud Pezeshkian, qu'il voit lĂ une tentative de Netanyahu d'Ă©tendre le conflit Ă l'Ă©chelle rĂ©gionale.
Une diplomatie Ă haut risque avec Washington
Si nous admettons qu'un virage stratĂ©gique s'est opĂ©rĂ©, en particulier Ă un certain niveau ou dans le type de politique, trois scĂ©narios possibles d'interactions entre les Ătats-Unis et IsraĂ«l se dĂ©gagent, sur la base des visites rĂ©centes :
PremiĂšrement, Netanyahu souhaite la victoire de Donald Trump et a peut-ĂȘtre reçu un feu vert de sa part pour faire monter les tensions, faisant fi de l'administration Biden. Ce scĂ©nario suggĂšre que si Trump ne souhaite pas une guerre rĂ©gionale, il pourrait se rĂ©jouir d'une pression accrue sur l'administration de Biden et du soutien des sionistes avant les Ă©lections.
DeuxiÚmement, les récentes opérations pourraient avoir été approuvées par l'administration Biden. Bien que Biden cherche probablement à tempérer le comportement de Netanyahu, il pourrait avoir consenti aux assassinats pour des raisons électorales, en espérant qu'ils ne dégénÚrent pas en une guerre régionale.
Cela pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une faveur accordĂ©e Ă Netanyahu en Ă©change de l'alignement des sionistes et de leur influent lobby amĂ©ricain derriĂšre les DĂ©mocrates en novembre.
TroisiĂšmement, un projet de guerre rĂ©gionale impliquant une participation active d'IsraĂ«l et des Ătats-Unis a pu voir le jour, avec la conviction que les gouvernements en place ont tendance Ă remporter des victoires Ă©lectorales en temps de guerre. Cela impliquerait que les DĂ©mocrates considĂšrent l'exploitation d'un conflit rĂ©gional et d'un engagement militaire comme une stratĂ©gie leur permettant de remporter les Ă©lections prĂ©sidentielles.
Parmi ces scénarios, le troisiÚme semble le moins probable en raison des risques élevés et des incertitudes de la guerre, des revers dans le conflit en cours en Ukraine, des défis intérieurs américains et des désaccords de la vice-présidente Kamala Harris avec Netanyahu.
Les deux premiers scĂ©narios, ou une combinaison de ceux-ci, semblent plus plausibles et suggĂšrent l'Ă©mergence d'un IsraĂ«l plus volontariste et indĂ©pendant, affichant un comportement Ă haut risque, comme en tĂ©moigne la rĂ©cente sĂ©rie d'assassinats commis par Tel-Aviv. Dans le mĂȘme temps, IsraĂ«l et l'Occident misent probablement sur le fait que l'Axe de la rĂ©sistance ne cherche pas Ă dĂ©clencher une guerre rĂ©gionale.
Le mouvement de la RĂ©sistance
Le changement stratĂ©gique de Netanyahu et sa dĂ©cision de perpĂ©trer des assassinats trĂšs mĂ©diatisĂ©s semblent avoir pour objectif d'obtenir un arrangement avec les dĂ©cideurs actuels ou futurs de Washington afin de faire monter les tensions en Asie occidentale et de maintenir un Ă©tat de crise - en Ă©tablissant une ânouvelle normalitĂ©â dans la rĂ©gion, si l'on peut dire. Cette manĆuvre semble destinĂ©e Ă aligner les actions de Tel-Aviv sur les intĂ©rĂȘts stratĂ©giques plus larges des Ătats-Unis, en particulier dans le contexte des Ă©lections Ă venir ou des changements d'alliances.
L'assassinat du chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, bien que marquant, est avant tout une manĆuvre tactique plutĂŽt qu'un changement stratĂ©gique dans la rĂ©gion. Mais le cibler Ă TĂ©hĂ©ran, en particulier aprĂšs l'investiture du nouveau prĂ©sident iranien et pendant une pause dans les nĂ©gociations sur le cessez-le-feu, pourrait avoir de profondes implications stratĂ©giques.
Cela remettrait en cause l'image de puissance et de sĂ©curitĂ© de l'Iran et exacerberait la situation rĂ©gionale dĂ©jĂ instable. Le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Hezbollah, Hassan Nasrallah, l'a d'ailleurs soulignĂ© dans un communiquĂ© : âL'Iran lui-mĂȘme est obligĂ© de riposter Ă cette terreurâ.
La conclusion est claire : l'Iran et l'Axe de la résistance sont susceptibles de faire grimper la facture pour Israël. Ceci suggÚre de passer à un niveau plus avancé d'activité militaire organisée, avec un impact significatif sur la volonté d'Israël de s'engager et de faire grimper le coût pour la partie adverse.
Ce stade avancé de déploiement de la guerre implique des actions coordonnées sur plusieurs fronts, susceptibles de déboucher sur des frappes ciblées et des pertes en vies humaines considérables. Selon les termes d'un diplomate iranien cité par le Wall Street Journal:
âNotre rĂ©ponse sera brĂšve mais massiveâ.
https://thecradle.co/articles/israels-geopolitical-gamble-necessitates-a-high-risk-counter