đâđš Le pourquoi de la nouvelle invasion du nord de Gaza
âCe qui s'est passĂ© Ă l'hĂŽpital al-Shifa nous a poussĂ©s Ă fuir. Je ne veux pas que mes enfants soient ensevelis, dĂ©pecĂ©s et abandonnĂ©s en plein air pour se faire dĂ©vorer par les chiensâ.
đâđš Le pourquoi de la nouvelle invasion du nord de Gaza
Par Tareq S. Hajjaj, le 14 mai 2024
Les factions de la résistance palestinienne se sont regroupées dans le nord de Gaza et lancent une offensive contre les forces israéliennes, dans l'espoir de perturber l'invasion en cours de Rafah.
Les familles emportent leurs affaires et tout ce qu'elles possĂšdent dans de petits sacs et partent en masse. En arriĂšre-plan, on aperçoit une Ă©paisse fumĂ©e noire, tandis que le bruit des bombardements, de l'artillerie et des tirs intenses ne s'arrĂȘte jamais. Ce qui diffĂ©rencie cette scĂšne de toutes les autres Ă©tapes de cette guerre gĂ©nocidaire, c'est qu'elle se dĂ©roule dans la ville de Jabalia et dans le camp de rĂ©fugiĂ©s de Jabalia, au nord de Gaza, lĂ oĂč IsraĂ«l avait dĂ©clarĂ©, au dĂ©but de l'annĂ©e, que la prĂ©sence militaire du Hamas avait Ă©tĂ© complĂštement Ă©liminĂ©e.
Cinq mois plus tard, l'armée israélienne y retourne et lance une opération militaire de grande envergure dans le nord de Gaza. Elle procÚde en tandem avec l'invasion de Rafah au sud. Un crime pour en cacher un autre.
La raison de cette seconde invasion du nord est affichée sur les écrans d'ordinateurs et de téléphones depuis quelques jours : des vidéos improbables de combattants des Brigades Qassam (l'aile militaire du Hamas) lançant des attaques complexes contre les forces israéliennes, y compris des tirs de roquettes et de mortier, des piÚges et des embuscades contre des soldats, et le ciblage de chars d'assaut. Le fait que cela se produise maintenant, alors qu'Israël a commencé son invasion de Rafah, n'est pas non plus une coïncidence.
Les factions de la rĂ©sistance ont pu se regrouper et dĂ©placer leurs combats du sud vers le nord. Elles envoient ainsi Ă IsraĂ«l le message qu'elles existent toujours dans le nord, contrairement Ă ses allĂ©gations, et que mĂȘme une invasion Ă Rafah ne parviendra pas Ă les âdĂ©mantelerâ.
Les analystes d'Al Jazeera estiment que la rĂ©sistance fait pression sur l'armĂ©e en la forçant Ă retourner dans le nord de la bande de Gaza et Ă faire rĂ©affecter certains de ses effectifs ailleurs quâĂ Rafah. Haaretz l'a Ă©galement confirmĂ©, rapportant que plusieurs brigades de l'armĂ©e israĂ©lienne qui devaient participer Ă l'opĂ©ration de Rafah, comme la 98e division, se battent dĂ©sormais Ă Jabalia.
Ă cette fin, les Brigades Qassam ont employĂ© un certain nombre de tactiques offensives diverses et qualitatives et ont publiĂ© des vidĂ©os de leurs opĂ©rations. Elles ont utilisĂ© des drones pour la premiĂšre fois depuis la fin du mois de novembre dernier, larguant des explosifs sur les chars Merkava. Selon un communiquĂ© des Brigades Qassam le 12 mai, les combattants du Hamas ont pris pour cible plusieurs chars dans la zone de Zeitoun, Ă l'est de la ville de Gaza, et dans la zone de Mabhouh, Ă l'est de Jabalia, et lorsque les soldats ont fui les chars et se sont barricadĂ©s dans les bĂątiments voisins, les combattants auraient fait exploser ces maisons avec les soldats qui s'y trouvaient. Ă l'heure oĂč nous Ă©crivons ces lignes, les Brigades Qassam ont pris pour cible plus de dix vĂ©hicules militaires, procĂ©dĂ© Ă des tirs de mortier dans le quartier de Zeitoun, menĂ© des opĂ©rations de snipers dans la mĂȘme zone et lancĂ© une salve de roquettes depuis Jabalia qui a atteint Ashkelon.
De plus, des habitants du nord de Gaza ont déclaré à Mondoweiss que des informations ont couru dans le nord de Gaza indiquant que les différentes factions de la résistance dans les zones de Jabalia, du camp de réfugiés de Jabalia, de Beit Lahia et de Beit Hanoun, toutes au nord de la ville de Gaza, ont fusionné toutes leurs brigades. Cela semble correspondre à l'analyse selon laquelle la résistance prépare une formidable offensive pour perturber l'invasion de Rafah.
Les habitants du nord de Gaza confirment également que les affrontements dans la région ont été acharnés, et que les opérations de la Résistance dans les zones de combat ont été parmi les plus massives observées depuis le début de la guerre.
D'autres rĂ©sidents ont dĂ©clarĂ© Ă Mondoweiss que l'armĂ©e avait des difficultĂ©s Ă revenir dans ces zones du nord de la bande de Gaza, et qu'elle avait rĂ©agi en poursuivant une stratĂ©gie de destruction massive et de bombardement gĂ©nĂ©ralisĂ© de la zone avant d'y entrer, comme elle l'a fait depuis le dĂ©but de la guerre. Certains habitants ont dĂ©clarĂ© Ă Mondoweiss que l'invasion ressemblait Ă des âscĂšnes d'apocalypseâ.
Tout cela se passe dans le nord, alors que la rĂ©sistance dans le sud a Ă©galement accĂ©lĂ©rĂ© le rythme des opĂ©rations qualitatives. Aujourd'hui mĂȘme, les Brigades Qassam ont diffusĂ© une vidĂ©o d'une embuscade complexe dans un tunnel impliquant l'utilisation de lance-roquettes EFP et RPG contre des soldats et des vĂ©hicules militaires, indiquant que les combats Ă Gaza s'intensifient sur tous les fronts.
Un départ sans retour
Alors que la bataille fait rage avec la rĂ©sistance, les destructions massives de l'armĂ©e israĂ©lienne suivent le mĂȘme schĂ©ma que les invasions prĂ©cĂ©dentes : l'armĂ©e encercle les abris, coupe les communications avec le monde extĂ©rieur, puis entre, commet des massacres et procĂšde Ă des exĂ©cutions sur le terrain.
Le vendredi 10 mai au matin, l'armée israélienne a commencé à envoyer des messages et des appels téléphoniques dans les zones de Jabalia, Beit Lahia, le camp de réfugiés de Jabalia et le camp de réfugiés d'Awda. Cette nuit-là , l'armée a encerclé les écoles abritant les personnes déplacées dans la région de Jabalia et a totalement détruit des pùtés de maisons entiers, dont plus de 20 bùtiments. Ces parcelles ont également été rasées, selon les témoignages recueillis sur le terrain par Mondoweiss. Trois jours plus tard, l'armée israélienne a coupé les communications de la zone de Jabalia.
Dans les jours et les semaines à venir, des informations pourraient faire état de nouvelles atrocités et de la découverte de nouveaux charniers dans le nord de la bande de Gaza.
Jusqu'à présent, des dizaines de personnes ont été tuées dans ces zones, et la majorité d'entre elles n'a pas encore été retrouvée dans les décombres et les maisons bombardées. Dans les jours et les semaines à venir, des informations pourraient faire état de nouvelles atrocités et de la découverte de nouveaux charniers dans le nord de la bande de Gaza.
Bien que les habitants de ces zones aient été avertis au début de la guerre de quitter leurs maisons, la plupart d'entre eux ont refusé et sont restés sur place.
Cette fois-ci, c'est différent. AprÚs avoir assisté à d'innombrables massacres sanglants dans le nord, dont le plus tristement célÚbre est le massacre de l'hÎpital al-Shifa en mars, nombreux sont ceux qui réfléchissent à deux fois avant de rester sur place.
Rania Moussa, 36 ans, mÚre de quatre enfants, est restée dans le camp de réfugiés de Jabalia depuis le début de la guerre. Elle a décidé dÚs le début de ne pas obéir aux ordres de l'armée israélienne de quitter son quartier, bravant les conditions éprouvantes auxquelles la région de Jabalia a été soumise, notamment les bombardements, les arrestations, les démolitions et les exécutions extrajudiciaires.
Mais cette fois, le massacre d'al-Shifa pÚse lourdement dans l'esprit de Rania. Elle pense que ce qui s'est passé à al-Shifa se répÚte déjà à Jabalia, et c'est pourquoi elle et sa famille ont décidé de partir pour la ville de Gaza lorsque l'armée a donné l'ordre d'évacuation pour la premiÚre fois.
Elle a ensuite découvert que l'armée avait également envahi al-Zeitoun, à l'est de la ville de Gaza.
âNous ne savions pas que l'occupation reviendrait au camp de Jabalia aprĂšs tant de moisâ, a-t-elle dĂ©clarĂ© Ă Mondoweiss. âNous avons subi bombardements et tirs d'artillerie tous les jours depuis le dĂ©but, mais maintenant tout est diffĂ©rent. La prĂ©sence de l'armĂ©e tout prĂšs de nous a changĂ© la donne.â
âJe ne veux pas que mes enfants soient ensevelis, dĂ©pecĂ©s ou abandonnĂ©s en plein air pour se faire dĂ©vorer par les chiensâ. â Rania Moussa
Lorsque l'armĂ©e est aussi proche de la population civile, a dĂ©clarĂ© Rania, âpour les soldats, tuer devient plus facile que de boire de l'eauâ.
âCe qui s'est passĂ© Ă al-Shifa nous a poussĂ©s Ă fuir nos maisons de peur de nous retrouver parmi les victimes enterrĂ©es dans le sable et les ordures, et avec le temps, personne ne nous reconnaĂźtraâ, a expliquĂ© Rania. âJe ne veux pas que mes enfants soient ensevelis, dĂ©pecĂ©s et abandonnĂ©s en plein air pour se faire dĂ©vorer par les chiens. Je ne veux pas de ça pour ma famille, alors j'ai fui vers le quartier d'al-Rimal dans la ville de Gazaâ.
Cependant, tout le monde ne part pas, mĂȘme si les habitants disent Ă Mondoweiss que la deuxiĂšme invasion du nord de Gaza est plus violente et plus destructrice que la prĂ©cĂ©dente. Ils s'attendent Ă ce que cette fois-ci, l'ampleur des destructions soit totale et ne laisse plus un seul bĂątiment debout, mais certains insistent encore pour rester - parce que partir du nord serait synonyme dâun dĂ©part sans retour.