👁🗨 Le refus de l'Occident d'appeler à un cessez-le-feu est un feu vert à l'épuration ethnique par Israël
Les États occidentaux ont servi de couverture à l'extrémisme anarchique d'Israël et à ses objectifs ultimes de dépossession massive et de nettoyage ethnique du peuple palestinien.
👁🗨 Le refus de l'Occident d'appeler à un cessez-le-feu est un feu vert à l'épuration ethnique par Israël
Par Richard Falk, le 24 octobre 2023
Dans l'avalanche de commentaires chargés sur le plan émotionnel concernant l'attaque du 7 octobre par des combattants palestiniens contre Israël et l'assaut israélien sur Gaza qui s'est ensuivi, les médias et les dirigeants politiques semblent avoir oublié que, du point de vue du droit international, Gaza reste un territoire occupé soumis à la quatrième Convention de Genève (Genève IV).
Bien qu'Israël ait unilatéralement proclamé son “désengagement” de Gaza en 2005 - retrait de ses troupes, démantèlement de 21 colonies et expulsion de 8 000 colons (quelque peu compensés par l'octroi à chaque famille de colons illégaux de centaines de milliers de dollars compensatoires) - cela de dédouane pas Israël de ses obligations au regard du droit international.
Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies est parvenu à cette conclusion en se basant sur le constat que le désengagement d'Israël n'a pas mis fin aux difficultés réelles du contrôle israélien sur Gaza, pas plus qu'il n'a permis à ce territoire de bénéficier des bienfaits d'un développement politique autonome.
Le processus a plutôt impliqué un redéploiement intrusif des forces militaires et policières d'occupation aux frontières de Gaza, y compris un contrôle total des entrées et sorties des Palestiniens et des marchandises aux postes frontières, ainsi que le maintien d'une domination exclusive sur l'espace aérien et maritime de Gaza.
Cette structure d'occupation postérieure à 2005 a été renforcée par de fréquentes incursions israéliennes, notamment des assassinats ciblés de responsables politiques et militaires du Hamas, les effrayants bangs soniques des avions de chasse israéliens qui survolent la bande de Gaza, et des opérations militaires majeures en 2008-09, 2012, 2014 et 2021, au cours desquelles Israël a commis de nombreux crimes de guerre.
En outre, un blocus brutal et punitif impose depuis 2007 à la population démunie de Gaza le taux de chômage le plus élevé au monde et une expérience collective de déclin économique mettant en danger la vie des populations.
Les antécédents criminels d'Israël à l'égard de Gaza ont été plus particulièrement documentés dans le rapport Goldstone de 2009 des Nations unies, dont les recommandations politiques sont restées lettre morte en raison des pressions politiques exercées au nom d'Israël.
Cette pratique courante, qui consiste à condamner les politiques et les pratiques d'Israël, mais à ne prendre aucune mesure préventive ou punitive en réponse, s'est répétée à maintes reprises, expliquant ainsi la désillusion des Palestiniens à l'égard des Nations unies et du droit international.
Une réponse disproportionnée
La question du statut juridique de Gaza est particulièrement pertinente dans le contexte des représailles israéliennes aveugles et démesurées, justifiées par Israël et ses défenseurs comme un acte de vengeance, tout en poursuivant l'objectif visant à éradiquer le Hamas.
L'opération des combattants palestiniens du 7 octobre à l'intérieur d'Israël, qui a causé la mort de plus de 1 400 Israéliens et la capture d'environ 200 otages, constitue en soi un crime de guerre à part entière.
Ni l'attaque des combattants palestiniens ni la réponse d'Israël ne sont exemptées des contraintes du droit et de la morale. En termes simples, les crimes commis ne donnent pas d'impunité légale aux crimes de guerre israéliens commis en représailles.
Le cœur du problème, jusqu'à présent occulté dans le discours public, est le suivant : si les factions armées palestiniennes n'avaient pas le droit de commettre des crimes de guerre parce que provoquées par des décennies d'actions criminelles israéliennes, Israël n'a pas non plus le droit d'agir en dehors des contraintes de la loi lorsqu'il exerce des représailles.
Le cadrage international adéquat des relations entre Israël et Hamas - pourtant crucial pour une bonne interprétation des questions juridiques, morales et politiques en jeu - est, de manière révélatrice, absent de la plupart des traitements médiatiques et des positions politiques des dirigeants politiques occidentaux influents.
Faute de plaider en faveur d'un cessez-le-feu, les États occidentaux ont donné le feu vert au programme de répression collective israélien
Israël a utilisé le langage le plus incendiaire et le plus explicite pour justifier ses représailles. Cet extrémisme israélien sans foi ni loi a été approuvé sans broncher par les gouvernements des États-Unis, de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni. Ces déclarations négligent de mentionner l'obligation de la puissance occupante à administrer les territoires sous son contrôle de manière à donner la priorité à la protection et au bien-être de la population civile occupée. L'occupant jouit d'un droit réciproque de maintenir sa sécurité de manière à respecter et à protéger les non-combattants.
Dans cette optique, il est conceptuellement abusif et normativement inacceptable qu'Israël déclare la guerre à un territoire occupé, comme si l'autorité administrative indigène était un gouvernement étranger ennemi - mais c'est pourtant exactement ce qu'Israël a déjà fait, y compris en revendiquant une légitime défense qui ne correspond pas au contexte d'une occupation belligérante.
Un blocus génocidaire
Israël a déclaré une guerre totale à Gaza, imposant un blocus génocidaire bloquant l'approvisionnement en nourriture, en électricité et en carburant, sans prendre la moindre disposition pour exempter les civils - dont la plupart n'ont pas de contact direct avec les activités militaires du Hamas.
L'article 55 de la 4è Convention de Genève stipule qu'Israël, en tant que puissance occupante, a le devoir de veiller à ce que les personnes vivant dans le territoire qu'il “occupe” disposent de nourriture, d'eau et de médicaments en quantité suffisante. Mais les représailles aveugles d'Israël ont abouti à des bombardements aériens nocturnes à répétition sur des zones résidentielles, ainsi qu'au ciblage illégal d'hôpitaux, d'écoles et de bâtiments de l'ONU, où de nombreux Palestiniens ont cherché refuge en ces circonstances extrêmes.
L'ordre d'évacuation sous 24 heures adressé à 1,1 million de Palestiniens vivant dans le nord de Gaza, sans qu'un délai raisonnable leur soit accordé pour organiser un départ aussi risqué de leur lieu de résidence à long terme, a été aggravé par l'absence de lieux sûrs et accessibles aux Palestiniens, ce qui a intensifié les dangers auxquels sont confrontés les civils à Gaza - et leurs souffrances. Une telle mesure équivaut à une punition collective extrême, interdite par l'article 33 de la 4e Convention de Genève. Elle a moins à voir avec la sécurité qu'avec le fait de chasser les Palestiniens de Gaza, mettant ainsi en œuvre les visions radicales du gouvernement de coalition extrémiste d'Israël.
Il convient de noter que Michael Lynk, rapporteur spécial des Nations unies pour la Palestine, a présenté un rapport détaillé aux Nations unies sur les raisons pour lesquelles l'autorité d'Israël en tant que puissance occupante devrait prendre fin, puisque Israël ne respecte pas le droit international en vigueur relatif aux droits humains.
Cette recommandation a été ignorée par les Nations unies, mais l'Assemblée générale a été à ce point choquée par le comportement d'Israël en Palestine occupée qu'elle a sollicité un avis consultatif de la Cour internationale de justice sur la légalité du statut d'Israël en tant que puissance occupante dans le cadre de la quatrième convention de Genève. L'affaire est actuellement examinée par la Cour.
Si l'Occident continue d'approuver la politique de deux poids deux mesures affichée dans la catastrophe humanitaire en cours à Gaza, elle servira à confirmer que le monde post-colonial conserve une éthique de racisme orientaliste lorsqu'il s'agit d'aborder les questions de paix et de justice au Proche-Orient.
En ne plaidant pas en faveur d'un cessez-le-feu, les États occidentaux ont donné le feu vert au programme de punition collective d'Israël, qui pourrait en soi servir de couverture grotesque à l'objectif final du régime, à savoir la dépossession massive et l'épuration ethnique du peuple palestinien.
Les opinions exprimées dans cet article appartiennent à l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
* Richard Falk est un spécialiste du droit international et des relations internationales qui a enseigné à l'université de Princeton pendant quarante ans. En 2008, il a également été nommé par les Nations unies pour un mandat de six ans en tant que rapporteur spécial sur les droits de l'homme des Palestiniens.