👁🗨 Le rôle de Meta dans la guerre numérique d'Israël contre The Cradle
La censure de Meta pourrait contribuer à son effondrement en bourse. Plus les voix sont censurées, plus les jours de Meta, comme ceux du récit sioniste soutenu avec tant d'empressement seront comptés.
👁🗨 Le rôle de Meta dans la guerre numérique d'Israël contre The Cradle
Par Kit Klarenberg, le 3 septembre 2024
Le bannissement de The Cradle de Facebook et d'Instagram témoigne d'une alliance troublante avec des groupes liés à Israël pour faire taire les voix critiques à l'égard de l'État d'occupation, en particulier les médias qui couvrent les récits de ses adversaires.
Le 16 août, le géant des réseaux sociaux Meta a définitivement banni The Cradle de Facebook et d'Instagram. Les comptes du média sur ces plateformes, qui avaient accumulé plus de cent mille followers et des millions de vues, ont été unilatéralement supprimés sans avertissement ni possibilité de recours.
Interdit d'accès
Les motifs officiellement invoqués étaient de prétendues violations des standards de la communauté pour avoir “fait l'éloge d'organisations terroristes” à travers ses reportages sur les activités des mouvements de résistance d'Asie de l'Ouest. Meta a sommairement informé The Cradle:
“Personne ne peut ni consulter ni trouver votre compte, et vous ne pouvez pas l'utiliser. Toutes vos informations seront définitivement supprimées. Vous ne pouvez pas faire appel à un autre examen de cette décision.”
Cependant, tout porte à croire que cette répression n'était pas simplement une question d'application des standards de la communauté. Des éléments de preuve suggèrent que des entités liées aux services du renseignement israélien ont joué un rôle important dans la décision de Meta d'interdire l'accès à The Cradle, un organe d'information dissident et antisioniste qui couvre la région.
Cet acte de censure ne sera probablement pas le dernier contre ceux qui osent exposer les réalités brutales de la guerre contre Gaza et protéger ceux qui y résistent.
Une alliance inquiétante semble exister entre la direction de Meta et de puissantes organisations sionistes qui désignent les cibles de la censure, tandis que les dirigeants de Meta s'y conforment sans poser de questions. Jack Poulson, chercheur indépendant dans le secteur des technologies, a déclaré à The Cradle:
“L'interdiction par Meta d'une source d'information telle que The Cradle, critique à l'égard d'Israël, est moins surprenante si l'on considère l'histoire de l'entreprise. Jordana Cutler, responsable de la politique israélienne de Meta, est un ancien chef de cabinet du ministre israélien des Affaires stratégiques et presque son directeur général. CyberWell, une émanation de la propagande du gouvernement israélien, est également un “partenaire de confiance” de Meta. En juillet, l'organisation a contribué à influencer la politique de Meta en matière de critique du sionisme.”
Implication israélienne
En juin, M. Poulson et le journaliste Lee Fang ont révélé la participation de CyberWell à une opération plus large du gouvernement israélien, connue sous le nom de Voices of Israel, visant à façonner et à diffuser des récits pro-sionistes dans l'ensemble de l'Occident.
Bien que CyberWell ait nié tout financement ou lien avec le gouvernement, l'organisation a rapidement supprimé les références à ses fondateurs, à son personnel et à ses conseillers sur son site web à la suite de ces révélations.
Les archives révèlent que de nombreux membres de l'“équipe dynamique” de cette organisation à but non lucratif, composée d’“universitaires, de généraux à la retraite, d'anciens membres des services du renseignement et de professionnels de la technologie innovante”, ont des liens étroits avec les services de renseignement et les forces militaires israéliennes, comme la fondatrice américaine Tal-Or Cohen Montemayor, ancien soldat d'occupation et professionnelle du renseignement.
Mme Montemayor a émigré à Tel-Aviv à l'adolescence et s'est portée volontaire pour servir dans l'armée d'occupation en tant que “soldat indépendant”. Elle est ensuite entrée dans la sphère du renseignement par l'intermédiaire de la société de renseignement privée israélienne Argyle Consulting. Là, Mme Montemayor a travaillé sous la direction de Zohar Gorgel,
“un officier de renseignement décoré des Forces de défense israéliennes (FDI) qui possède plus d'une décennie d'expérience dans divers rôles liés à la cybernétique et à la technologie”.
Ensemble, “encouragés par collègues et mentors”, ils ont lancé un projet visant à “améliorer les standards de la communauté” en ligne. En d'autres termes, neutraliser la solidarité palestinienne et la condamnation de l'entité sioniste.
Étant donné la profusion d'“anciens” espions de l'occupation et de vétérans militaires haut gradés dans les rangs de CyberWell, on est en droit de se demander si le lancement de l'organisation à but non lucratif n'a pas été impulsé par des éléments mal intentionnés au sein du gouvernement israélien.
Appel à l'action
Ce soupçon est amplement renforcé par le rapport defévrier 2021 du ministère des Affaires stratégiques de Tel-Aviv, The Hate Factor (Le facteur haine). Il décrit plusieurs stratégies de “lutte contre l'antisémitisme en ligne”, notamment l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) pour identifier et interdire aux utilisateurs de réseaux sociaux de publier des contenus critiques à l'égard de l'État d'occupation.
Quelques mois plus tard, CyberWell a été fondé, sous le nom de Global Antisemitism Research Center (Centre de recherche sur l'antisémitisme mondial), en présentant l'IA comme son élément phare. Immédiatement, l'obscure organisation à but non lucratif a commencé à recevoir des dons considérables de la part d'organisations de lobbying sionistes bien informées.
CyberWell a également rapidement conclu des accords au plus haut niveau avec des opérations d'influence financées et dirigées par le gouvernement israélien, telles que la célèbre unité de trolling et de harcèlement Act-IL, aujourd'hui disparue, gérée par le ministère des Affaires étrangères de Tel-Aviv.
Pendant des années, ce service de hasbara [terme hébreu qui renvoie aux stratégies de communication et de propagande de l'État d'Israël à destination de l'étranger, synonyme de ‘propagande israélienne’] a secrètement encouragé les militants sionistes à cibler boycotts et boycotteurs, justifier l'oppression et le massacre des Palestiniens et à intimider les groupes de défense des droits de l'homme et les militants de la solidarité en ligne. L'initiative a été abandonnée sans préavis en 2022.
La même année, le rapport annuel de CyberWell indiquait qu'il avait
“servi de source de données à la communauté d'Act-IL pour son appel à l'action de fin d'année sur l'état de l'antisémitisme en ligne”,
expliquant sans doute en partie la fermeture d'Act-IL.
Aujourd'hui, critiquer les sionistes sur Facebook et Instagram peut entraîner des interdictions permanentes, un changement de politique qui aurait été adopté sous la pression de CyberWell et d'autres groupes de pression sionistes.
CyberWell n'est pas seulement un “partenaire de confiance” de Meta, mais aussi de TikTok et de X, exerçant son influence pour supprimer les contenus critiques à l'égard du sionisme sur de multiples plateformes.
CyberWell semble déjà avoir usé de son influence pour contraindre TikTok à adopter des orientations similaires à celles de Meta en ce qui concerne les contenus liés au sionisme. Et rien n'indique que l'organisation ait l'intention de s'arrêter là.
Elle a soumis à Meta des directives officielles sur la censure de la phrase de solidarité avec la Palestine, “Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre” - dont les sionistes prétendent à tort qu'elle est un appel au génocide des Juifs - tout en publiant des rapports sur une prétendue “désinformation antisémite” qui aurait circulé pendant les campagnes électorales occidentales.
Dans ce contexte, il est presque certain que CyberWell a joué un rôle dans le retrait brutal de The Cradle des plateformes de Meta. En quelques heures, les comptes de The Cradle ont été bannis, même ceux qui n'étaient pas directement liés ou associés à des violations. Même un compte Instagram de secours, qui n'avait violé aucune des directives de la plateforme, a été supprimé parce qu'il était associé au compte principal.
Il semble que Meta ait eu l'intention d'effacer toute trace de The Cradle de son univers de réseaux sociaux, à la grande satisfaction des autorités de Tel-Aviv.
Le “shadow banning*”
[* shadow banning : blocage total ou partiel d'un utilisateur ou de sa production, à l'insu de celui-ci.]
Néanmoins, il ne faut pas oublier que Meta a un long et déplorable historique de censure systémique des contenus liés à la Palestine. Cette suppression n'a fait que s'intensifier depuis le début du génocide de Gaza.
Un rapport de décembre 2023 de Human Rights Watch (HRW) a exposé comment, au cours des deux derniers mois, Facebook s'était engagé dans
“plus de 1 050 retraits et autres suppressions de contenus” sur Facebook et Instagram “postés par des Palestiniens et leurs soutiens, y compris sur les violations des droits de l'homme.”
Sur ce total, 1 049 “concernaient des contenus pacifiques en soutien à la Palestine qui ont été censurés ou indûment supprimés d'une autre manière.” Les cas documentés comprennent “des contenus provenant de plus de 60 pays à travers le monde, principalement en anglais, tous de soutien pacifique à la Palestine, exprimés de diverses manières.”
Par ailleurs, HRW a “identifié six modèles clés de censure injustifiée”. Il s'agit notamment de
“La suppression de messages, d'histoires et de commentaires ; la suspension ou la désactivation permanente de comptes ; les restrictions sur la capacité à interagir avec le contenu ; les restrictions sur la capacité à suivre ou à taguer d'autres comptes ; les restrictions sur l'utilisation de certaines fonctionnalités, telles que Instagram/Facebook Live, la monétisation ; et le ‘shadow banning’, la diminution significative de la visibilité des messages, des stories ou du compte d'un individu, sans notification, en raison d'une restriction dans la diffusion ou la portée du contenu ou de la désactivation de la recherche de comptes.
Par ailleurs, le groupe de défense des droits numériques Access Now a montré comment des contenus préjudiciables à l'État d'occupation ont été censurés dans le cadre de politiques Meta non liées à la “désinformation” ou à l'“antisémitisme” ou informées par des organisations telles que CyberWell.
Par exemple, après le bombardement de l'hôpital Al-Ahli Arab de Gaza le 17 octobre 2023, qui a tué 471 Palestiniens et en a blessé 342 autres, Facebook et Instagram ont supprimé le contenu documentant l'explosion et montrant les corps des victimes en vertu de la politique de Meta sur la nudité et l'activité sexuelle des adultes.
The Cradle persévère
La facilité avec laquelle des organisations sionistes comme CyberWell ont pu infiltrer et faire pression sur Meta, et l'omerta de la plateforme sur le génocide des Palestiniens pourrait être imputable à plusieurs vétérans de l'armée et du renseignement israéliens occupant des postes élevés au sein de l'entreprise.
Par exemple, Guy Rosen, ancien membre de l'unité 8200 de l'armée d'occupation, spécialisée dans l'espionnage et la désinformation, est le directeur de la sécurité de l'information de l'entreprise depuis 2022. Il est également cofondateur de l'entreprise technologique israélienne Onavo, détenue par Meta.
The Cradle continuera à exposer le génocide de Gaza et à rendre compte de manière factuelle des événements en Asie occidentale, y compris l'Axe de la résistance de la région, malgré l'interdiction de Meta sur Facebook et Instagram.
La censure constante et croissante de Meta pourrait bien contribuer à la baisse du nombre d'utilisateurs et à l'effondrement de la valeur boursière de Meta . Plus les voix seront réduites au silence, plus les jours de la plateforme, comme ceux du récit sioniste qu'elle soutient avec tant d'empressement, pourraient être comptés.
https://thecradle.co/articles/metas-role-in-israels-digital-proxy-war-on-the-cradle