đâđš Le Royaume-Uni pourrait faire obstacle Ă la comparution d'Assange devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme.
L'argument des autoritĂ©s britanniques contre la prĂ©sence dâAssange Ă une audience Ă la CEDH est qu'il reprĂ©sente un risque de fuite consĂ©quent, en lien avec sa rĂ©clusion dans l'ambassade Ă©quatorienne.
đâđš Le Royaume-Uni pourrait faire obstacle Ă la comparution d'Assange devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme.
Par Patrick Maynard, le 3 septembre 2023
S'il est expulsĂ© du Royaume-Uni, Julian Assange, l'Ă©diteur australien de WikiLeaks, risque jusqu'Ă 175 ans de prison aux Ătats-Unis pour avoir divulguĂ© des informations rĂ©vĂ©lant des crimes de guerre et des actes de torture commis par les Ătats-Unis. Son Ă©quipe juridique a dĂ©clarĂ© qu'elle prĂ©voyait de faire appel de l'affaire d'extradition devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme (CEDH) Ă Strasbourg, en France, en faisant valoir que la procĂ©dure judiciaire britannique Ă©tait entachĂ©e d'irrĂ©gularitĂ©s.
Toutefois, selon les experts, il est peu probable que M. Assange, actuellement détenu sans inculpation à la prison londonienne de Belmarsh dans l'attente de son extradition, soit autorisé à assister physiquement aux audiences de la CEDH à Strasbourg, qui se trouve dans la région française de l'Alsace.
âL'argument des autoritĂ©s britanniques contre la libĂ©ration sous caution a toujours consistĂ© Ă dire qu'il reprĂ©sente un risque de fuite consĂ©quent, en rappel Ă ses sept annĂ©es passĂ©es dans l'ambassade Ă©quatorienneâ, a dĂ©clarĂ© Ă Truthout Tim Dawson, de la FĂ©dĂ©ration internationale des journalistes, un groupe qui s'oppose Ă la dĂ©tention de M. Assange. âJe ne vois pas comment ils peuvent permettre que quelque chose de similaire se produiseâ.
L'une des raisons pour lesquelles le ministĂšre de l'IntĂ©rieur britannique pourrait ĂȘtre nerveux Ă l'idĂ©e de laisser Assange assister aux audiences est que cette "fuite" potentielle pourrait prendre la forme d'une demande d'asile embarrassante une fois qu'Assange aura atteint le sol français - une demande qui jouirait d'une grande crĂ©dibilitĂ©, Ă©tant donnĂ© que des reprĂ©sentants du gouvernement des Ătats-Unis ont dĂ©jĂ violĂ© le secret professionnel de l'Ă©diteur, et envisagĂ© activement dâassassiner le futur accusĂ©, et que le processus judiciaire britannique comporte des conflits d'intĂ©rĂȘts documentĂ©s.
Un porte-parole du ministĂšre britannique de l'intĂ©rieur a refusĂ© de prĂ©ciser si M. Assange serait autorisĂ© Ă assister aux audiences de la CEDH, soulignant que tout recours Ă la CEDH restait thĂ©orique pour le moment. L'Ă©quipe juridique de M. Assange a tentĂ© l'annĂ©e derniĂšre de faire appel de maniĂšre prĂ©ventive devant la CEDH, mais il lui a Ă©tĂ© rĂ©pondu Ă l'Ă©poque que la procĂ©dure d'appel britannique devait d'abord ĂȘtre Ă©puisĂ©e, selon Kevin Gosztola, qui a Ă©crit un livre sur l'affaire.
Selon Kevin Gosztola, auteur d'un livre sur l'affaire, ce calendrier inquiĂšte les avocats d'Assange.
âL'Ă©quipe juridique d'Assange craint que la High Court de justice [britannique] ne rende une dĂ©cision finale sur l'extradition, et que les autoritĂ©s ne le mettent dans un avionâ, a Ă©crit Kevin Gosztola dans un courriel adressĂ© Ă Truthout. âIl pourrait ĂȘtre en transit vers les Ătats-Unis avant que ses avocats ne soient informĂ©s de l'issue de l'appel et aient le temps de faire appel devant la CEDH.â
Parmi d'autres révélations, WikiLeaks a publié une vidéo montrant l'assassinat de deux journalistes de Reuters par des militaires américains, ainsi que des documents décrivant la torture de détenus dans des installations militaires américaines en Irak.
Si ces rĂ©vĂ©lations peuvent sembler quelque peu datĂ©es Ă ce stade, d'autres publications de WikiLeaks restent essentielles pour l'actualitĂ© rĂ©cente. Cet Ă©tĂ©, les sept jours les plus chauds ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s au cours d'un mois qui est sur le point de devenir le plus chaud de l'histoire. Selon des communiquĂ©s de WikiLeaks datant de 2016, les Ătats-Unis ont fait pression en privĂ© sur l'Allemagne pour qu'elle abandonne sa demande de ârĂ©duction de dioxyde de carbone de 25 Ă 45 % Ă moyen termeâ en 2008 - dĂ©cision qui a presque certainement eu un impact sur l'urgence climatique actuelle.
Bien que M. Assange soit souvent décrit par ses collÚgues comme une personne avec laquelle il est difficile de s'entendre, et sujette à des comportements erratiques, son cas pourrait créer un dangereux précédent si son extradition est autorisée, selon les défenseurs de la liberté d'expression de l'ensemble du spectre politique.
Cela s'explique en partie par ce que l'on appelle le âproblĂšme du New York Timesâ, qui consiste Ă craindre que si cette affaire permettait de poursuivre des journalistes traitant d'informations secrĂštes mais essentielles pour la sociĂ©tĂ©, les gouvernements futurs n'hĂ©siteraient plus Ă engager des poursuites Ă l'encontre de journalistes de mĂ©dias tels que le New York Times s'ils publiaient des articles compromettants.
L'affirmation de la compĂ©tence universelle des Ătats-Unis est tout aussi problĂ©matique pour les partisans de M. Assange, comme pour de nombreux mĂ©dias qui l'ont Ă©galement critiquĂ©.
âLe fait que les Ătats-Unis, la Chine ou tout autre pays revendiquent la compĂ©tence universelle pour les poursuites signifie que le journalisme d'investigation - et en particulier les efforts visant Ă rĂ©vĂ©ler les crimes et les abus de pouvoir commis par les agences militaires ou de sĂ©curitĂ© - est menacĂ©â, a dĂ©clarĂ© M. Gosztola Ă Poynter en avril, notant que lâextradition serait pour dâautres gouvernements un âfeu vertâ Ă exercer leurs propres mesures draconiennes de rĂ©pression de la libertĂ© d'expression au nom de la sĂ©curitĂ© nationale.
En ce qui concerne la sécurité nationale, les Américains ont souvent critiqué M. Assange, affirmant que des sources secrÚtes et des agents travaillant pour les Américains en territoire hostile avaient été mis en danger par la publication des fuites par M. Assange.
Ă la question de savoir sâil avait Ă©tĂ© prouvĂ© quâune seule personne ait pu ĂȘtre tuĂ©e ou blessĂ©e par les publications de WikiLeaks, un porte-parole du dĂ©partement d'Ătat s'est toutefois refusĂ© Ă tout commentaire, renvoyant Truthout vers le porte-parole du ministĂšre de la Justice, qui sâest ensuite refusĂ© Ă tout commentaire.
Si les alliĂ©s britanniques des Ătats-Unis tentent d'empĂȘcher un recours devant la CEDH en expĂ©diant immĂ©diatement Assange aux Ătats-Unis aprĂšs un jugement britannique, ce ne sera pas la premiĂšre fois que l'on tente de contourner la Cour de Strasbourg, selon un article du mĂ©dia italien Il Fatto Quotidiano, qui a dĂ©couvert, par le biais de demandes au titre de la loi sur la libertĂ© de l'information (FOIA), que des fonctionnaires suĂ©dois et britanniques avaient tentĂ© d'empĂȘcher un recours thĂ©orique devant la CEDH dans le cadre d'une enquĂȘte suĂ©doise sur une prĂ©tendue inconduite sexuelle de la part d'Assange, classĂ©e par la suite. (Ă l'Ă©poque, M. Assange avait proposĂ© de tĂ©moigner par vidĂ©o mais sans se rendre en SuĂšde, car son Ă©quipe juridique estimait que l'enquĂȘte suĂ©doise Ă©tait une ruse destinĂ©e Ă faciliter l'extradition des Ătats-Unis - un soupçon confirmĂ© par les rapports du mĂ©dia italien sur la loi sur l'accĂšs Ă l'information).
Le porte-parole du ministĂšre de l'intĂ©rieur a dĂ©clarĂ© Ă Truthout que cette affaire âne concerne en rien la libertĂ© d'expression ou la libertĂ© de la presse, que le Royaume-Uni soutient sans Ă©quivoqueâ.
M. Gosztola affirme que c'est tout simplement faux, et que le gouvernement britannique âest bien Ă©quivoque dans son âsoutienâ Ă la libertĂ© d'expression ou la libertĂ© de la presseâ.
âĂ l'heure oĂč les citoyens du Royaume-Uni souffrent dâune chaleur record due au changement climatique, le gouvernement britannique a pris pour cible les manifestants Ă©cologistes avec la loi 2023 sur l'ordre public. Ce projet de loi a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă juste titre par Volker TĂŒrk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, qui a condamnĂ© cette âlĂ©gislation profondĂ©ment troublanteââ, a dĂ©clarĂ© M. Gosztola.
M. Gosztola cite l'Index on Censorship, qui a évalué la liberté d'information et le militantisme au Royaume-Uni et constaté que le pays était tombé au troisiÚme rang mondial en 2023.
âBon nombre des groupes ayant fait pression sur le gouvernement britannique pour qu'il modifie avec succĂšs [un projet de loi sur la sĂ©curitĂ© nationale] afin d'en rĂ©duire l'impact sur les journalistes sont les mĂȘmes que ceux qui affirment que l'affaire d'extradition de Julian Assange concerne bien la libertĂ© d'expressionâ, Ă©crit M. Gosztola.
âLe gouvernement britannique ne peut pas jouer sur les deux tableaux.â
* Les articles de Patrick Maynard ont été publiés dans plus d'une douzaine de publications, dont VICE, The Independent et The Baltimore Sun. Suivez-le sur Mastodon.social : @patrickmaynard