👁🗨 Le salut d'Elon Musk symbolise le lien entre fascisme & libéralisme
Le fascisme nazi et les différentes nuances de libéralisme, en adoptant l'État comme institution suprême, finissent par créer un vide culturel qu'ils remplissent de fantasmes.
👁🗨 Le salut d'Elon Musk symbolise le lien entre fascisme & libéralisme
Par Bruna Frascolla, le 2 février 2025
Le salut d'Elon Musk lors de l'investiture de Trump a fait couler beaucoup d'encre. Son geste a servi de test de Rorschach [outil d’évaluation psychologique inventé par le psychanalyste suisse Hermann Rorschach en 1921] politique, où chacun a projeté ses propres opinions. Pour la gauche dans son ensemble, c'était un Sieg Heil sans équivoque. Les juifs antisionistes se sont empressés d'apporter la preuve qu'Elon Musk est antisémite. En effet, antisémitisme et sionisme vont de pair, puisque Herzl lui-même disait que la haine des Juifs garantirait l'immigration de Juifs pour son État ethno-racial. Cependant, le philo-sémitisme des calvinistes et de leurs héritiers est un fait. Le nom “Elon” lui-même est hébraïque. Il signifie “chêne”.
A droite, les libertariens et les néoconservateurs ont clamé haut et fort qu'Elon Musk n'était qu'un autiste pataud incapable d’exprimer ses sentiments, et que c'est pour cela qu'il a fait deux fois un geste qui consistait à se frapper la poitrine et à lever le bras tendu, la paume de la main tournée vers le bas. Peut-être cette version a-t-elle été inventée par le lobby sioniste, puisque l'ADL [Anti-Defamation League : organisation non gouvernementale dont le but premier est de soutenir les Juifs contre toute forme d'antisémitisme] s'est empressée d'expliquer que le geste de Musk n'était que maladroit.
En revanche, les plus sobres d'esprit ont identifié le salut romain, qui, à en juger par les explications qui circulent sur Internet, semble être plus connu en France. Et ce pour une raison très simple : sa présence dans la symbolique de la Révolution française.
Dans ce monde en proie à une propagande polarisante, on peut réfléchir à ce qui a conduit un milliardaire sympathisant de l'anarcho-capitalisme à faire le geste des révolutionnaires français et à être taxé d'extrémisme de droite.
L'histoire du salut
Le salut romain est un fantasme néoclassique. Les Romains ne se saluaient pas de cette manière. Le salut romain trouve probablement son acte de naissance dans le tableau Le Serment des Horaces (1785) de Jacques-Louis David. Quatre ans plus tard, la Révolution française éclate, persécute l'Église et instaure la République. La République étant une invention romaine, l'imagination des révolutionnaires s'est tournée vers la lointaine époque pré-impériale - et pré-chrétienne - de Cicéron. Environ 130 ans plus tard, un autre mouvement républicain et anticlérical s'est approprié l'esthétique néoclassique : le fascisme italien.
C'est à cause de cette coïncidence que le fasces lictoris [faisceau de licteur : une petite hachette faite d'un faisceau de verges] symbolise le fascisme italien, mais figure aussi sur les armoiries de la République française. Et pour la même raison, le salut romain, dans une version plus simple (sans la partie de la main sur le cœur), a été adopté par le fascisme. Plus tard, l'admirateur autrichien de Mussolini introduira le Sieg Heil. Cependant, en général, l'Allemagne nazie s'opposait à l'adoption du symbolisme romain, et le fasces lictoris n'apparaît pas dans le Troisième Reich.
Et savez-vous où l'on peut trouver un salut romain modifié, plus un fasces lictoris et un grand nombre d'éléments esthétiques néoclassiques ? Aux États-Unis. Le salut de Bellamy - la main sur le cœur, puis le bras tendu, d'abord avec la paume vers le bas, puis vers le haut - est apparu à la fin du XIXe siècle et a perduré jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Il a été supprimé des écoles en raison de sa similitude avec les gestes nazis-fascistes. Le fasces lictoris, en revanche, apparaît assez souvent dans les symboles nationaux des États-Unis : il figure sur les armoiries du Sénat, dans le bureau ovale, dans les mains d'Abraham Lincoln au mémorial de l'émancipation...
Le vide symbolique du libéralisme
Du trio néoclassique, le fascisme est le vilain petit canard, parce qu'il constitue le seul courant antilibéral. Il est antilibéral parce qu'il concentre le pouvoir à la discrétion du Duce, qui fait ce qu'il veut sans se soucier d'un contrat social, de la notion de droits de l'homme ou d'un parlement.
En revanche, la Révolution américaine et la Révolution française ont été libérales. Il ne s'agit évidemment pas d'un libéralisme économique, mais plutôt d'un libéralisme politique, qui fait disparaître la structure médiévale des trois états (clergé, noblesse et peuple) et transforme le corps politique en un grand contrat social où tous les citoyens ont des droits égaux - même si ce n'est que formulé dans la loi, et que beaucoup en sont exclus. La Révolution française a été menée par la bourgeoisie et, dans sa formulation la plus sanguinaire, avait pour but de pendre le dernier noble avec les tripes du dernier prêtre. Après un gigantesque bain de sang, avec des exécutions massives (y compris de paysans, donc le peuple), les révolutionnaires ont institué les Droits de l'homme (1789) - notoirement qualifiés de droits de la bourgeoisie par Marx.
La forme libérale par excellence est la République. La France n'a cependant pas connu la première révolution libérale de l'histoire. Il s'agit de la Glorieuse Révolution (1688), dont une émanation analogue aux droits de l'homme fut la Déclaration des droits (1689).
L'Angleterre partait d'un contexte beaucoup plus chaotique que la France. La noblesse avait atteint le XVIe siècle en agissant comme la bourgeoisie, et était en conflit avec le roi et l'église pour expulser le peuple des propriétés communales avec les tristement célèbres Enclosures. Avec l'aval du Parlement, les nobles ont expulsé le peuple de ses terres, détruisant ses maisons et le faisant mourir de faim. Leur intention était d'utiliser les terres pour élever des moutons et produire de la laine, qui serait tissée par des métiers à tisser de plus en plus modernes - ce qui allait mener à la révolution industrielle. À cela s'ajoutent un conflit entre la monarchie anglaise et l'Église (Henri VIII voulant se marier à la chaîne), une guerre civile religieuse, des décapitations, et une république calviniste...
Au final, la situation créée par la Glorieuse Révolution est celle d'une république déguisée : plutôt que les bourgeois tuent les nobles, les nobles deviennent bourgeois, plutôt que de supprimer le clergé, on crée une nouvelle église soumise à l'Etat et, plutôt que de mettre fin à la monarchie, on installe un roi issu de l'église d'Etat, aux mains liées par le Parlement.
Les libéraux anglais se sont ainsi retrouvés dans une position confortable : il n'était pas nécessaire de créer, ex nihilo, un symbolisme national pour donner une identité au pays après la destruction des institutions traditionnelles. La coquille de l'ancienne Église et celle de l'ancienne noblesse étaient là. Les autres régimes républicains et anticléricaux, libéraux ou non, ont dû inventer une symbolique de toutes pièces. Et les premiers d'entre eux (les Etats-Unis et la France) l'ont cherché dans la Rome antique, qui a transmis la République à la postérité.
Cette absence de symbolisme témoigne de la nouveauté du libéralisme : faire de l'État une autorité unique, suprême et totalement rationnelle. Avec le libéralisme, l'autorité émane de l'État. Avant le libéralisme, il était possible de recourir à l'autorité ecclésiastique pour échapper au joug laïque, par exemple. La différence entre le libéralisme politique et l'antilibéralisme de Mussolini ne réside pas dans la grandeur ou la faiblesse de l'État, mais dans les mécanismes d'autolimitation de l'État : dans le libéralisme, ils sont présents ; dans l'antilibéralisme fasciste, ils sont absents, et le pouvoir de l'État est concentré en la personne du Duce.
Des repères communs
Dans le cas des États-Unis, nation protestante, il est surprenant que l’ensemble du symbolisme national exclue le christianisme. Les Américains auraient pu adopter une croix ou un poisson, par exemple, mais ils ne l'ont pas fait : ils ont préféré les symboles d'une civilisation païenne, auxquels s'ajoutent les symboles maçonniques.
Mais la Rome antique telle que la conçoivent les uns ou les autres (Américains, Français, Italiens) est incroyablement moderne, parce que rationaliste et non religieuse. On ne voit pas d'hommes publics s'inquiéter des interprétations de l'haruspex [pratiquant de l'haruspicine, l'art divinatoire de lire dans les entrailles d'un animal sacrifié] devant des boyaux d'oiseaux. Tout se veut exclusivement apollinien et rationnel, comme la modernité, pas l'antiquité. L'identification à Rome était quelque chose de presque entièrement arbitraire. Face au vide culturel et symbolique du libéralisme, il ne restait plus qu'à recourir aux symboles et à l'esthétique de la culture qui a créé l'unique point d'identification du libéralisme : la République. Et si dans les temps modernes il n'y a ni haruspex ni pythonisse [prêtresse du dieu Apollon/Phébus, également appelée la Pythie], on y trouve des savants et des philosophes.
Outre Rome, on peut citer deux mouvements de pensée à succès qui ont adopté des drapeaux inventés ex nihilo et les ont hissés sur des édifices publics : le nazisme, avec sa croix gammée dépourvue de tout lien avec l'histoire germanique, et le wokisme, avec son drapeau gay composé d'un triangle aux couleurs trans' et colorées (c'est le drapeau de la Progress Pride, que l'on peut voir ici). Tant le nazi-fascisme que les différentes nuances de libéralisme, en adoptant l'État comme institution suprême, finissent par créer ce vide culturel, et à le remplir de fantasmes.
Quel bizarre type que ce 'chêne Musk quand même. Sa généalogie est erratique. Je ne sais pas si son grand-père canadien Haldeman y est pour quelque chose mais il faut noter que cet homme d’affaire était un sympathisant du 3e reich et fervent admirateur d’Hitler. Il fit d’ailleurs un séjour en prison pour 'collusion avec l’ennemi lorsque son pays (et le roi d’Angleterre) déclara la guerre à l’Allemagne. Libéré et dégouté par la défaite de son héros, il decida de migrer en Afrique du Sud qui présentait déjà tous les symptômes d’une société d’Apartheid que l’on connaît....Pays qui a eu de fructueuses relations par la suite avec un certain état d’occupation basé sur le même principe. Etonnant tout ça...