👁🗨 Le sud dit “sûr” de Gaza se transforme en cimetière
On aurait dit qu'Israël essayait d'entrer dans Khan Younis avec des chars. J'ai tenté de rassurer les enfants, de les distraire du bruit des bombes pour que passent les longues heures de la nuit.
👁🗨 Le sud dit “sûr” de Gaza se transforme en cimetière
Par Ruwaida Amer The Electronic Intifada 11 décembre 2023
On aurait dit qu'Israël essayait d'entrer dans la ville de Khan Younis avec des chars. J'ai tenté de rassurer les enfants, de les distraire du bruit des bombes pour que passent les longues heures de la nuit.
Dire que certains endroits de Gaza sont sûrs est un mensonge.
Et un mensonge dangereux, car il a forcé les gens à quitter leurs maisons.
Plus de 1,8 million de personnes sont aujourd'hui déplacées. Toutes fuient la mort.
Les parents tentent de sauver leurs enfants de l'horreur des bombardements incessants. Les gens s'accrochent au minuscule espoir de voir la guerre se terminer bientôt.
À Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, les craintes grandissent après qu'Israël a commencé son invasion terrestre et intensifié ses bombardements sur la ville. Nous avions espéré que la courte trêve de fin novembre serait prolongée.
Puis, brusquement, la guerre a repris.
Les bombardements sur Khan Younis ont été très violents après la trêve.
Il y avait des morts partout.
Comme une odeur de missiles dans l'air.
Des sirènes d’ambulances sans discontinuer.
Comme si soudainement, la ville avait pris feu.
Puis l'armée israélienne a ordonné aux habitants de la zone orientale de quitter leurs maisons.
Ce qui voulait dire chercher abri dans les écoles et les hôpitaux déjà pleins. Certains n'ont pas pu trouver d'endroit où s’abriter, et sont à la rue.
Un cauchemar
Au début de la guerre, Khan Younis était considéré comme une zone sûre par Israël. Aujourd'hui, tous vivent un cauchemar impossible à fuir.
“Au début de la trêve, on a cru pouvoir souffler un peu et dormir sans le bruit des avions de combat et des drones”, raconte Maryam al-Sayed, originaire d'al-Qarara, à l'est de Khan Younis. “Mes trois enfants ont pu dormir et commencer à sortir dans la rue sans avoir peur. Mais lorsque l'armée israélienne s'est mise à attaquer la ville de Khan Younis après la trêve, j'ai eu très peur. Le matin du premier jour où les bombardements ont repris, j'ai cru mourir à tout moment. J'ai serré mes enfants dans mes bras et nous sommes restés dans une pièce. J'ai entendu les voisins dire que l'armée voulait nous faire quitter nos maisons. J'ai parlé à mon mari et il m'a dit : ‘Pour aller où ? Nous restons ici cette nuit et demain matin, on cherchera un autre endroit’”.
“La nuit a été très dure”, a-t-elle ajouté. “Les bombardements tout autour n'ont pas cessé un instant. J'ai entendu le fracas des combats entre l'armée et la résistance palestinienne. On aurait dit qu'Israël essayait d'entrer dans la ville de Khan Younis avec des chars. J'ai tenté de rassurer mes enfants et de les distraire du bruit des bombes pour que passent les longues heures de la nuit. Quand le soleil s'est levé, mon mari m'a dit avoir trouvé de quoi nous loger dans sa famille à l'ouest de Khan Younis, et m'a demandé de préparer quelques affaires. On s’est installés là-bas et, quelques heures plus tard, nous avons appris que les chars s'approchaient de la ville de Khan Younis”.
L'ordre d'évacuer les zones orientales de Khan Younis a été suivi d'autres ordres. Quelques jours après la fin de la trêve, Israël a demandé aux habitants du centre-ville de Khan Younis de quitter leurs maisons.
Ils ont dû porter sur leur dos ce qu'ils emportaient.
Les écoles et les hôpitaux doivent accueillir toujours plus de personnes déplacées. L'eau potable est très rare, donc un risque accru de propagation des maladies.
Les habitants d’Hamad City, l'un des plus récents lotissements de Gaza, ont eux aussi reçu l'ordre d'évacuer.
Au fur et à mesure qu’on évacuait, Israël bombardait.
“Je n'oublierai jamais la scène des six tours détruites s'effondrant au sol”, a déclaré Yasser Fares, qui vivait à Hamad City. “Dans les heures qui ont suivi, la ville a été désertée. Puis nous sommes tous sortis à la recherche d'un abri”.
Certains de ses proches sont allés à al-Mawasi, une zone à l'ouest de Khan Younis. Ils ont monté une tente.
“Si nous ne mourons pas sous les bombes, nous mourrons de froid, de faim et de soif”, a-t-il dit. “Il n'y a pas d'autre abri. Gaza ne peut pas résister à une guerre aussi laide et brutale".
Yasser Fares et sa famille ont trouvé refuge dans une école gérée par l'Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA).
“L'école accueille des milliers de personnes déplacées”, raconte-t-il. “Nous n’arrivons pas à dormir ni nous reposer. Mais nous n'avons pas d'autre choix que d'accepter la tragédie. Nous ferons tout pour protéger nos enfants, même si aucun endroit n'est sûr. Le “sud sans danger” se transforme en cimetière”.
* Ruwaida Amer est une journaliste basée à Gaza.
https://electronicintifada.net/content/gazas-safe-south-now-graveyard/42616