đâđš Le trumpisme dĂ©crĂšte que les hommes ne naissent pas Ă©gaux - quid du droit Ă la vie, la libertĂ© ou de la quĂȘte du bonheur ?
Priver les universitĂ©s des DEI [programmes âdiversitĂ©, Ă©quitĂ© & inclusionâ], par exemple, confirme bien que les principales institutions d'enseignement supĂ©rieur du pays excluront les minoritĂ©s.
đâđš Le trumpisme dĂ©crĂšte que les hommes ne naissent pas Ă©gaux - quid du droit Ă la vie, la libertĂ© ou de la quĂȘte du bonheur ?
Par Juan Cole, le 3 juillet 2025
Ann Arbor (Commentaire Ă©clairĂ©) â Alors que nous cĂ©lĂ©brons le 249e anniversaire des Ătats-Unis d'AmĂ©rique, la DĂ©claration d'indĂ©pendance a Ă©tĂ© dĂ©savouĂ©e par le rĂ©gime Trump.
Cette formule immortelle, écrite par un gentleman des LumiÚres, Thomas Jefferson, résonne encore aujourd'hui :
âNous tenons pour Ă©videntes pour elles-mĂȘmes les vĂ©ritĂ©s suivantes : tous les hommes sont créés Ă©gaux ; ils sont douĂ©s par le CrĂ©ateur de certains droits inaliĂ©nables; parmi ces droits se trouvent la vie, la libertĂ© et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont Ă©tablis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir Ă©mane du consentement des gouvernĂ©sâ.
Dans l'AmĂ©rique d'aujourd'hui, le rĂ©gime au pouvoir soutient que tous les ĂȘtres humains ne naissent pas Ă©gaux.
Au contraire, l'establishment trumpien estime que les individus sont captifs d'une hiĂ©rarchie imbriquĂ©e d'inĂ©galitĂ©s, au sommet de laquelle se trouvent naturellement et inĂ©vitablement les hommes blancs chrĂ©tiens. Ces hiĂ©rarchies, qui rejettent l'Ă©galitĂ©, sont la caractĂ©ristique principale du conservatisme, poussĂ© Ă l'extrĂȘme par les mouvements fascistes. Les intellectuels dĂ©battent pour dĂ©terminer si le trumpisme est simplement une forme particuliĂšre de conservatisme populiste, ou s'il s'agit d'un fascisme pur et dur. Il est incontestable qu'il s'agit d'une forme d'autoritarisme racialisĂ© qui cherche Ă militariser des secteurs entiers du gouvernement amĂ©ricain.
Selon Laura Loomer, une alliĂ©e clĂ© de Trump, qui mĂ©rite, entre tous les ĂȘtres humains, ou ne mĂ©rite pas la vie, la libertĂ© et la poursuite du bonheur ? Elle a publiĂ© en ligne un message sur le nouveau goulag de Ron DeSantis en Floride, surnommĂ© avec âhumourâ âAlligator Alcatrazâ par les sadiques qui ont la mainmise sur la nation. Elle a dĂ©clarĂ© que les alligators du camp âbĂ©nĂ©ficient d'au moins 65 millions de repasâ. Loomer, surnommĂ©e âLoonerâ [fanatique, fou furieux, tarĂ©] dans certains milieux en raison de ses thĂ©ories conspirationnistes dĂ©lirantes, est tellement influente auprĂšs de Trump qu'elle a fait licencier des membres du Conseil national de sĂ©curitĂ©.
Pour Loomer, les 65 millions d'Hispano-AmĂ©ricains ne sont pas des AmĂ©ricains. Environ 70 % d'entre eux sont nĂ©s aux Ătats-Unis et sont donc automatiquement citoyens en vertu du 14e amendement de la Constitution. La plupart des autres sont des citoyens naturalisĂ©s. La plupart maĂźtrisent l'anglais. Seuls 7 410 000 sont sans papiers. Cela ne reprĂ©sente que 11,4 % des Latinos amĂ©ricains, soit un peu plus d'un sur dix.
Ces derniĂšres annĂ©es, environ 20 % des sans-papiers ont Ă©tĂ© jugĂ©s Ă©ligibles Ă l'asile par les tribunaux, laissant ainsi 6 millions de personnes en carafe. Parmi celles-ci, la grande majoritĂ© est composĂ©e de salariĂ©s respectueux des lois et qui contribuent chaque annĂ©e de maniĂšre significative au PIB amĂ©ricain et cotisent Ă la sĂ©curitĂ© sociale - mĂȘme s'ils ne touchent rien en retour.
Mais Loomer ne veut pas priver seulement 9,5 % des Latinos de la vie, de la libertĂ© et de leur quĂȘte du bonheur. Elle veut les priver de tout cela. Et Trump parle maintenant de priver des citoyens amĂ©ricains de leur citoyennetĂ©, un processus qui, selon la Constitution, relĂšve toutefois du CongrĂšs et non du prĂ©sident, et il n'existe aucune disposition lĂ©gitimant une telle dĂ©marche pour des questions de libertĂ© d'expression, sauf pour fraude.
Ce qui signifie que tous les hommes ne naissent pas Ă©gaux dans l'AmĂ©rique de Trump. Quelque 65 millions d'Hispano-AmĂ©ricains ne naissent pas Ă©gaux et, selon ce rĂ©gime, n'ont pas droit Ă la vie, Ă la libertĂ© et Ă la quĂȘte du bonheur. Les Hispano-AmĂ©ricains sont citoyens depuis bien plus longtemps que la famille Trump. Le traitĂ© de Guadalupe Hidalgo qui a mis fin Ă la guerre amĂ©ricano-mexicaine a donnĂ© aux citoyens mexicains un an pour dĂ©cider s'ils voulaient vivre sous la nouvelle administration, et quelque 115 000 d'entre eux ont dĂ©cidĂ© de devenir amĂ©ricains. Ils ont d'ailleurs Ă©tĂ© rĂ©pertoriĂ©s comme âblancsâ. De nombreux Hispaniques de Californie et du sud-ouest sont les descendants de cette communautĂ© pionniĂšre qui a courageusement acceptĂ© le nouveau gouvernement et est restĂ©e pour contribuer Ă bĂątir cette nation en expansion. Les Hispaniques du Nouveau-Mexique, dont beaucoup sont des propriĂ©taires terriens qui se considĂšrent comme blancs, descendent de ces Ă©lites restĂ©es sous le traitĂ© de Guadalupe Hidalgo. Celle qui a hĂ©bergĂ© ma famille en 1952, qui m'a dâailleurs donnĂ© mon nom, considĂ©rait la plupart des Blancs de l'Ătat comme des immigrants rĂ©cents. Ce sont ces gens-lĂ que Johnny Come Lately Loomer veut dĂ©naturaliser.
Le rĂ©gime Trump tente de renverser la dĂ©cision de la Cour suprĂȘme dans l'affaire Hernandez v. Texas de 1953, qui a statuĂ© que les Mexicains-AmĂ©ricains et tous les autres groupes nationaux aux Ătats-Unis bĂ©nĂ©ficient d'une protection Ă©gale en vertu du 14e amendement de la Constitution amĂ©ricaine. Les Mexicains-AmĂ©ricains ont Ă©tĂ© systĂ©matiquement exclus des jurys au Texas, les privant de leur pleine citoyennetĂ©.
Au XVIIIe siĂšcle, en anglais, âall Menâ (tous les hommes) incluait les femmes (ce sens du mot âmanâ est apparentĂ© Ă l'allemand âder Menschâ, c'est-Ă -dire l'ĂȘtre humain, et non Ă âder Mannâ : âl'hommeâ). Mais avec la rĂ©vocation des droits reproductifs des femmes, celles-ci n'ont pas les mĂȘmes droits que les hommes sur leur entitĂ© physique.
De toute Ă©vidence, les prĂšs de quatre millions de musulmans amĂ©ricains ne sont pas Ă©gaux pour Trump. Le prĂ©sident a menacĂ© de priver de citoyennetĂ© Zohran Mamdani, vainqueur des primaires dĂ©mocrates pour la mairie de New York, apparemment juste parce qu'il se qualifie de musulman (il est issu d'une famille mixte et sa mĂšre est de culture hindoue). De mĂȘme, Mahmoud Khalil, titulaire d'une carte verte, a Ă©tĂ© fait prisonnier d'opinion pour son activisme contre le gĂ©nocide de Gaza. Trump et Marco Rubio ne croient pas qu'il ait droit Ă la vie, Ă la libertĂ© et Ă la quĂȘte du bonheur.
Mais Thomas Jefferson a Ă©crit dans ses âNotes sur l'Ătat de Virginieâ :
âNous n'avons jamais renoncĂ© aux libertĂ©s de croyance et de conscience et ne pouvons y renoncer. Nous en sommes responsables devant notre Dieu. Les pouvoirs lĂ©gitimes du gouvernement ne s'Ă©tendent qu'aux actes qui portent atteinte Ă autrui. Mais cela ne me porte aucun prĂ©judice que mon voisin dise qu'il y a vingt dieux ou qu'il n'y en a aucun. Cela ne me vole pas mon portefeuille et ne me casse pas les jambesâ. [Question XVII, âReligionâ].
Les Afro-AmĂ©ricains reprĂ©sentent 41 % des 1,9 million d'AmĂ©ricains incarcĂ©rĂ©s, alors qu'ils ne constituent qu'environ 13 % de la population amĂ©ricaine. Les lois qui les ont jetĂ©s en prison ont, pour l'essentiel, perpĂ©tuĂ© les pratiques de surveillance de masse de l'Ă©poque Jim Crow et la privation de libertĂ© de l'Ă©poque esclavagiste. Un Afro-AmĂ©ricain sur quatre sera incarcĂ©rĂ© au cours de sa vie. Il est clair qu'ils ne sont pas considĂ©rĂ©s de mĂȘme rang ni comme ayant droit Ă la vie, Ă la libertĂ© et Ă l'aspiration au bonheur. Il est essentiel de noter que la criminalisation excessive des infractions liĂ©es Ă la drogue aux Ătats-Unis et le recours Ă l'incarcĂ©ration pour traiter les dĂ©lits mineurs et les personnes souffrant de troubles mentaux ou d'alcoolisme contribuent Ă crĂ©er un goulag qui surpasse de loin celui de la plupart des autres pays du monde.
Toute tentative des entreprises, des universitĂ©s et des organisations de la sociĂ©tĂ© civile pour rectifier les inĂ©galitĂ©s raciales par des programmes promouvant la diversitĂ©, l'Ă©quitĂ© et l'inclusion est dĂ©sormais criminalisĂ©e par le rĂ©gime Trump, qui cherche Ă crĂ©er ou Ă rĂ©tablir une hiĂ©rarchie raciale dans le pays, oĂč les Noirs et les Hispaniques travaillent comme des esclaves modernes dans les hĂŽtels et les casinos de Trump et oĂč seuls les âBlancsâ peuvent espĂ©rer obtenir un diplĂŽme de la Wharton Business School. Ce qui est le cas, mĂȘme si la dĂ©cision Brown v. Board of Education a invalidĂ© les installations âcloisonnĂ©esâ mais Ă©gales comme Ă©tant âintrinsĂšquement inĂ©galesâ et donc contraires Ă la clause d'Ă©gale protection du 14e amendement. Pourtant, le fait de priver les universitĂ©s du concept DEI [programmes âdiversitĂ©, Ă©quitĂ© et inclusionâ] confirme que les principales institutions d'enseignement supĂ©rieur du pays excluront les minoritĂ©s.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Juan Cole est le fondateur et rĂ©dacteur en chef d'Informed Comment. Il est professeur d'histoire Ă l'universitĂ© du Michigan, oĂč il occupe la chaire Richard P. Mitchell. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Muhammad: Prophet of Peace amid the Clash of Empires et The Rubaiyat of Omar Khayyam. Suivez-le sur Twitter Ă l'adresse @jricole ou sur la page Facebook d'Informed Comment.
https://www.juancole.com/2025/07/trumpism-pursuit-happiness.html