đâđš Le YĂ©men prĂȘt Ă affronter une nouvelle coalition impĂ©riale
Washington préfÚre parier sur une possible & violente récession mondiale plutÎt qu'autoriser un cessez-le-feu à Gaza, ce qui pourrait bien amplifier l'effondrement économique généralisé de l'Occident.
đâđš Le YĂ©men prĂȘt Ă affronter une nouvelle coalition impĂ©riale
Par Pepe Escobar, le 20 décembre 2023
Washington préfÚre parier sur une possible & violente récession mondiale plutÎt qu'autoriser un cessez-le-feu à Gaza, qui pourrait bien amplifier l'effondrement économique généralisé de l'Occident.
Personne n'a jamais perdu d'argent en pariant sur la capacitĂ© de l'Empire du Chaos, du Mensonge et du Pillage Ă construire une âcoalition de volontairesâ lorsqu'il est confrontĂ© Ă un dilemme gĂ©opolitique.
Dans tous les cas, dĂ»ment couverts par lââordre international fondĂ© sur des rĂšglesâ en vigueur, le terme âvolontairesâ s'applique aux vassaux sĂ©duits par la carotte ou le bĂąton pour suivre Ă la lettre les caprices de l'Empire.
C'est le dernier chapitre en date : Coalition GĂ©nocide ProspĂ©ritĂ©, dont la dĂ©nomination officielle - hĂ©roĂŻque -, marque de fabrique des magiciens des relations publiques du Pentagone, est âOperation Prosperity Guardianâ, prĂ©tendument engagĂ©e pour âassurer la libertĂ© de navigation en mer Rougeâ.
Traduction : Washington est en train de déclarer la guerre à Ansarullah au Yémen. Un destroyer américain supplémentaire a déjà été envoyé en mer Rouge.
Ansarullah reste sur ses positions et ne se laisse pas intimider. Les militaires houthis ont déjà souligné que toute attaque contre des biens yéménites ou des sites de lancement de missiles d'Ansarullah colorerait littéralement l'ensemble de la mer Rouge ⊠en rouge.
Les militaires houthis ont non seulement rĂ©affirmĂ© qu'ils disposaient âd'armes capables de couler vos porte-avions et vos destroyersâ, mais ils ont Ă©galement lancĂ© un appel stupĂ©fiant aux sunnites et aux chiites de BahreĂŻn pour qu'ils se rĂ©voltent et renversent leur roi, Hamad al-Khalifa.
Lundi, avant mĂȘme le dĂ©but de l'opĂ©ration, le porte-avions Eisenhower se trouvait Ă environ 280 km des latitudes les plus proches contrĂŽlĂ©es par l'Ansarullah. Les Houthis disposent de missiles balistiques antinavires Zoheir et Khalij-e-Fars d'une portĂ©e de 300 Ă 500 km.
Muhammad al-Bukhaiti, membre du Conseil politique suprĂȘme d'Ansarullah, s'est senti obligĂ© de rappeler l'Ă©vidence :
âMĂȘme si l'AmĂ©rique rĂ©ussit Ă mobiliser le monde entier, nos opĂ©rations en mer Rouge ne s'arrĂȘteront pas tant que le massacre de Gaza n'aura pas cessĂ©. Nous n'abandonnerons pas la responsabilitĂ© de dĂ©fendre les Moustazafeen (opprimĂ©s) de la Terreâ.
Le monde ferait bien de se prĂ©parer : âUn porte-avions coulĂ©â pourrait devenir le nouveau 11 septembre.
La navigation en mer Rouge reste ouverte
Le marchand d'armes Lloyd âRaytheonâ Austin, dans so actuel poste de chef du Pentagone, visite l'Asie occidentale - principalement IsraĂ«l, le Qatar et le BahreĂŻn - pour promouvoir cette nouvelle âinitiative internationaleâ de patrouille en mer Rouge, du dĂ©troit de Bab al-Mandeb (qui relie la mer d'Arabie Ă la mer Rouge) et du golfe d'Aden.
Comme l'a fait remarquer al-Bukhaiti, la stratégie d'Ansarullah est de cibler tout navire naviguant en mer Rouge lié à des entreprises israéliennes ou approvisionnant Israël - ce qui, pour les Yéménites, démontre leur complicité avec le génocide de Gaza. Cela ne cessera que lorsque le génocide cessera.
Par un simple coup d'éclat - un blocus maritime de facto - Ansarullah a prouvé que le roi est nu : le Yémen a fait plus en pratique pour défendre la cause palestinienne que la plupart des acteurs régionaux clés réunis. D'ailleurs, Netanyahou leur a ordonné en public de garder le silence. Et ils l'ont fait.
Une fois de plus, il est assez instructif de suivre l'argent. Israël est trÚs durement touché. Le port d'Eilat est pratiquement fermé et ses revenus ont chuté de 80 %.
Pour exemple, le gĂ©ant taĂŻwanais du transport maritime Yang-Ming Marine Transport Corporation avait initialement prĂ©vu de rĂ©acheminer son fret Ă destination d'IsraĂ«l vers le port d'Ashdod. Puis il a interrompu toute expĂ©dition Ă destination dâIsraĂ«l.
Rien dâĂ©tonnant Ă ce que Yoram Sebba, prĂ©sident de la Chambre israĂ©lienne de la marine marchande, se soit dĂ©clarĂ© perplexe face aux tactiques âcomplexesâ et aux critĂšres ânon rĂ©vĂ©lĂ©sâ d'Ansarullah, qui ont imposĂ© une âincertitude totaleâ. L'Arabie saoudite, l'Ăgypte et la Jordanie se sont Ă©galement fait prendre dans les filets yĂ©mĂ©nites.
Il est essentiel de garder à l'esprit qu'Ansarullah ne bloque que les navires à destination d'Israël. L'essentiel du trafic maritime en mer Rouge reste ouvert.
La dĂ©cision du gĂ©ant du transport maritime Maersk de ne pas utiliser la mer Rouge, ainsi que d'autres gĂ©ants mondiaux du transport maritime, pourrait donc constituer un pas en avant trop rapide - comme s'il s'agissait presque d'une requĂȘte pour qu'une patrouille dirigĂ©e par les Ătats-Unis soit mise en place.
La CTF 153 entre en scĂšne
Jusqu'à présent, d'un cÎté, le Yémen rÚgne virtuellement sur la mer Rouge. De l'autre, nous trouvons le tandem EAU-Saoud-Jordanie, sous la forme d'un corridor terrestre de fret - alternatif - mis en place depuis le port de Jebel Ali dans le golfe Persique à travers l'Arabie saoudite jusqu'à la Jordanie, puis Israël.
Ce corridor fait appel à la technologie logistique de Trucknet : il s'agit d'une connectivité terrestre par camion en pratique, qui réduit le temps de transport de 14 jours via la mer Rouge à un maximum de 4 jours sur la route, à raison de 300 camions par jour, au quotidien.
La Jordanie est bien sĂ»r de la partie, assurant le transbordement depuis les Ămirats arabes unis et l'Arabie saoudite.
Le cadre gĂ©nĂ©ral de tout cela est le plan âUn IsraĂ«l uniqueâ, promu avec ferveur par Netanyahou, dont l'objectif principal est le lien avec la pĂ©ninsule arabique et surtout la mĂ©tropole technologique NEOM, en construction thĂ©orique jusqu'en 2039 dans le nord-ouest de la province de Tabuk en Arabie saoudite, au nord de la mer Rouge, Ă l'est de l'Ăgypte Ă travers le golfe d'Aqaba, et au sud de la Jordanie.
NEOM est le projet de MbS visant à moderniser le pays, qui doit d'ailleurs comporter des villes dotées de l'intelligence artificielle et exploitées par Israël.
Voilà ce sur quoi Riyad mise vraiment, bien plus que sur le développement de relations plus étroites avec l'Iran dans le cadre des BRICS+. Ou de se préoccuper de l'avenir de la Palestine.
En ce qui concerne le projet de blocus naval du YĂ©men, les Saoudiens se sont montrĂ©s beaucoup plus circonspects. Alors mĂȘme que Tel-Aviv demandait directement Ă la Maison Blanche de faire quelque chose, et peu importe quoi, Riyad a âconseillĂ©â Ă Washington de faire preuve d'une certaine retenue.
Cependant, comme peu de choses importent plus aux psychopathes nĂ©oconservateurs straussiens qui dirigent actuellement la politique amĂ©ricaine que la protection des intĂ©rĂȘts commerciaux en mer Rouge de leur porte-avions en Asie occidentale, la dĂ©cision de mettre en place une âcoalitionâ Ă©tait absolument inĂ©vitable.
C'est ainsi qu'est née la derniÚre - en fait la quatriÚme - incarnation de la Force maritime combinée (CMF) : une coalition multinationale de 39 nations créée en 2002 et dirigée par la CinquiÚme flotte américaine à Bahreïn.
La task force existe déjà : il s'agit de la CTF 153, qui se concentre sur
âla sĂ©curitĂ© maritime internationale et les efforts de renforcement des capacitĂ©s en mer Rouge, Ă Bab al-Mandeb et dans le golfe d'Adenâ.
C'est la base de la Coalition Génocide Prospérité.
Les membres de la CTF 153 comprennent, outre les suspects habituels que sont les Ătats-Unis, le Royaume-Uni, la France et le Canada, des EuropĂ©ens tels que la NorvĂšge, l'Italie, les Pays-Bas et l'Espagne, la superpuissance des Seychelles et BahreĂŻn (l'Ă©lĂ©ment de la CinquiĂšme Flotte).
L'Arabie saoudite et les Ămirats arabes unis ne sont pas membres. Ils savent, aprĂšs une guerre de sept ans, alors intĂ©grĂ©s Ă lâautre âcoalitionâ (les Ătats-Unis menaient en quelque sorte "par derriĂšre"), ce que signifie combattre Ansarullah.
Cap sur la route maritime du Nord
Si la situation en mer Rouge rougit vraiment, le cessez-le-feu entre Riyad et Sanaa volera instantanĂ©ment en Ă©clats. La Maison Blanche et l'Ătat profond amĂ©ricain ne veulent tout simplement pas d'un accord de paix. Ils veulent que l'Arabie saoudite soit en guerre contre le YĂ©men.
La mer Rouge devenue rouge entraßnera également la crise mondiale de l'énergie dans une chute vertigineuse. AprÚs tout, au moins quatre millions de barils de pétrole et 12 % du commerce maritime mondial vers l'Occident transitent chaque jour par le Bab al-Mandeb.
Une fois de plus, nous avons la confirmation graphique que l'Empire du chaos, du mensonge et du pillage n'appelle à des cessez-le-feu que lorsqu'il est en train de sérieusement perdre la partie, comme dans le cas de l'Ukraine.
Pourtant, aucun cessez-le-feu Ă Gaza - soutenu par l'Ă©crasante majoritĂ© des Ătats membres de l'ONU - ne risque de se mĂ©tastaser en une expansion de la guerre en Asie occidentale.
Cela pourrait s'inscrire dans la logique impĂ©riale maladroite qui consiste Ă mettre le feu Ă l'Asie occidentale pour perturber l'initiative commerciale chinoise BRI et l'entrĂ©e de l'Iran, de l'Arabie saoudite et des Ămirats arabes unis dans le groupe Ă©largi des BRICS le mois prochain. Dans le mĂȘme temps, et conformĂ©ment Ă l'absence de vĂ©ritable planification stratĂ©gique Ă Washington, cette logique ne tient pas compte d'un ensemble consternant de retombĂ©es involontaires.
Ainsi, selon l'optique impériale, la seule voie à suivre est la poursuite de la militarisation - de la Méditerranée au canal de Suez, au golfe d'Aqaba, à la mer Rouge, au golfe d'Aden, à la mer d'Arabie et au golfe Persique. Cela s'inscrit parfaitement dans le cadre de la guerre des corridors économiques.
Un axiome devrait ĂȘtre gravĂ© dans le marbre : Washington prĂ©fĂšre parier sur une Ă©ventuelle et profonde rĂ©cession mondiale plutĂŽt qu'autoriser un cessez-le-feu humanitaire Ă Gaza. La rĂ©cession pourrait bien amplifier l'effondrement Ă©conomique gĂ©nĂ©ralisĂ© de l'Occident collectif et favoriser une montĂ©e en puissance toujours plus rapide de la multipolaritĂ©.
En guise de répit à tant de folie, le président Poutine a récemment fait remarquer, presque avec désinvolture, que la route maritime du Nord était en train de devenir un corridor commercial maritime plus performant que le canal de Suez.