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Les Obama ont annoncé soutenir Harris, lui disant lors d'une farce télévisée faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour faire campagne pour elle & la soutenir. à condition qu'elle soit performante.

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Les derniers jours difficiles du candidat Biden
Par Seymour Hersh, le 27 juillet 2024
Fin 1967, alors que la guerre du ViĂȘt Nam faisait rage et que le prĂ©sident Lyndon B. Johnson devenait de plus en plus impopulaire, j'ai Ă©tĂ© recrutĂ© pour m'occuper de la presse et rĂ©diger des discours pour le sĂ©nateur Eugene McCarthy du Minnesota, le seul DĂ©mocrate assez courageux pour se prĂ©senter contre un prĂ©sident dĂ©mocrate.
Des mois plus tard, alors que je travaillais jour et nuit dans la suite encombrĂ©e d'un motel du New Hampshire, je me suis intĂ©ressĂ© Ă un coursier de New York qui arrivait presque tous les soirs par le dernier vol d'Eastern Airlines. Le coursier se prĂ©cipitait dans la suite avec un sac de toile attachĂ© Ă son poignet et le remettait Ă l'un des bienfaiteurs les plus riches et les plus enthousiastes de la campagne. Cet homme Ă©tait un multimillionnaire Ă la tĂȘte dâun important fonds boursier, mais il Ă©tait heureux de s'asseoir dans la suite que je partageais alors avec Richard Goodwin, un vrai professionnel de la politique - contrairement Ă moi et aux gamins de l'universitĂ© qui participaient Ă la campagne - et de se contenter de regarder.
Un soir, j'ai demandĂ© au millionnaire ce qu'il y avait dans le sac. Il me l'a lancĂ©, avec une clĂ©. Je l'ai ouvert et je me suis retrouvĂ© face Ă des dizaines de liasses de rutilants billets de 100 dollars. Je n'avais aucune idĂ©e, ni Ă l'Ă©poque ni aujourd'hui, si les fonds avaient Ă©tĂ© correctement dĂ©clarĂ©s et je n'ai pas posĂ© la question. C'est ainsi que cela fonctionne, me suis-je dit, et j'ai jetĂ© le sac Ă la poubelle. Jâai alors su que je n'Ă©tais pas fait pour le monde de la politique prĂ©sidentielle.
Il n'est pas surprenant que la campagne de réélection du prĂ©sident Joe Biden se soit dĂ©litĂ©e bien longtemps avant qu'il soit impossible de dissimuler sa dĂ©ficience croissante. Ce sont les grands argentiers du Parti dĂ©mocrate qui ont mis fin au jeu du ârien vu, rien entenduâ, aprĂšs la performance choquante de Joe Biden lors du dĂ©bat de juin avec Donald Trump. Ils ont refusĂ© de continuer Ă donner des millions de dollars au parti maintenant qu'âon savait que le prĂ©sident n'Ă©tait pas toujours vraiment lĂ .
On aurait pu penser qu'un corps de presse vigilant, menĂ© par le New York Times et le Washington Post, serait le premier Ă aborder la question de la dĂ©ficience de M. Biden, mais ces journaux sont passĂ©s Ă cĂŽtĂ© de l'histoire. Le premier article important a Ă©tĂ© publiĂ© au dĂ©but du mois de juin par le Wall Street Journal, dont la rubrique des actualitĂ©s, toujours brillante, est considĂ©rĂ©e comme suspecte par le Times et le Post et par de nombreux lecteurs en raison de la page Ă©ditoriale conservatrice du journal, et parce ce qu'il fait partie du groupe News Corp de Rupert Murdoch, qui a publiĂ© l'article en premiĂšre page sous le titre âEn coulisses, Biden montre des signes de dĂ©faillanceâ.
Le service de presse de la Maison-Blanche a rapidement rĂ©pondu que les deux personnes citĂ©es dans l'article Ă©taient des RĂ©publicains soutiens de Trump. La stratĂ©gie a en quelque sorte fonctionnĂ©. Les craintes suscitĂ©es par Trump ont pris le pas sur les bonnes dĂ©cisions. Il en va de mĂȘme pour CNN et MSNBC, dont les dĂ©bats avec d'anciens fonctionnaires de la Maison-Blanche sont souvent amusants Ă regarder, en particulier lorsqu'on ingurgite beaucoup de barbe Ă papa. Les tĂ©lĂ©spectateurs de Fox News, tout aussi partial, n'ont sans doute pas Ă©chappĂ© Ă la barbe Ă papa.
Qui, à Washington, ne savait pas que M. Biden était défaillant ? Nous le savions tous, plus ou moins. J'avais appris quelques mois plus tÎt par un fonctionnaire fédéral que ceux qui se tenaient aux premiers rangs des évÚnements universitaires au cours desquels M. Biden prenait la parole avaient été avertis de ne pas bouger si le président trébuchait en marchant vers le podium. Des agents des services secrets étaient sur place pour le relever immédiatement. Il n'y aurait pas de photos en premiÚre page montrant un major de promotion aidant le président à se relever.
Le public amĂ©ricain a pu constater le lent dĂ©clin de Joe Biden. Selon le Journal, prĂšs des trois quarts des personnes interrogĂ©es pensaient que Joe Biden est âtrop ĂągĂ© pour briguer un nouveau mandatâ. Au cours des derniĂšres annĂ©es, les rĂ©unions ministĂ©rielles se sont largement rarĂ©fiĂ©es, ou se sont transformĂ©es en simples rĂ©unions de routine, comme le montre la chaĂźne C-SPAN, qui retransmet fidĂšlement tous les Ă©vĂ©nements organisĂ©s par la Maison-Blanche. M. Biden rejoignait les chefs de cabinet assis et lisait un texte prĂ©parĂ©, dont chaque page Ă©tait recouverte d'une feuille plastique. Un vibrant spectacle tĂ©lĂ©visuel.
AprĂšs le dĂ©bat, des pressions de plus en plus fortes se sont exercĂ©es sur M. Biden pour qu'il se retire. La Maison Blanche et le prĂ©sident lui-mĂȘme niaient qu'il souffre d'autre chose que d'une mauvaise journĂ©e, d'un rhume et du dĂ©calage horaire. Des articles de presse ont rapportĂ© que Hunter Biden, le fils condamnĂ© du prĂ©sident, Ă©tait restĂ© Ă ses cĂŽtĂ©s et avait averti tous les membres du personnel de la Maison-Blanche que quiconque ferait la moindre allusion Ă la vĂ©ritĂ© serait renvoyĂ©. Ce message a rapidement Ă©tĂ© transmis Ă la presse. Le service de presse de la Maison-Blanche s'est soudain rendu compte qu'il Ă©tait induit en erreur par l'attachĂ© de presse du prĂ©sident. Il y a eu beaucoup de questions difficiles et de grincements de dents, mais le message est restĂ© inchangĂ© : le prĂ©sident est en bonne santĂ© et va se prĂ©senter aux Ă©lections cet automne et continuer Ă servir quatre annĂ©es de plus aprĂšs avoir battu Trump.
Le lundi 15 juillet, M. Biden s'est envolĂ© Ă bord d'Air Force One pour un dĂ©placement de campagne dans le Nevada, un Ătat oĂč les rĂ©sultats sont mitigĂ©s, oĂč M. Biden lâa emportĂ© en 2020 avec un peu plus de 30 000 voix d'avance. Le mardi, il a prononcĂ© un discours devant 5 000 membres de la NAACP [National Association for the Advancement of Colored People : organisation amĂ©ricaine de dĂ©fense des droits civique] lors de sa convention annuelle. Le lendemain, le prĂ©sident, apparemment atteint d'une maladie encore inconnue pendant sa campagne, a dĂ©rogĂ© Ă son programme et s'est fait escorter par la police jusqu'Ă Air Force One, aprĂšs avoir dit initialement Ă des policiers qu'il allait aux urgences les plus proches.
Une sĂ©rie d'articles de blog, de rapports de la police locale, de messages internet et un article du Daily Mail ont rĂ©vĂ©lĂ© d'autres dĂ©tails sur le voyage de Joe Biden Ă Las Vegas, et sur son retour soudain dans le Delaware. Cette semaine, j'ai examinĂ© ces rapports avec un haut fonctionnaire Ă Washington qui m'a aidĂ© Ă reconstituer le rĂ©cit d'une Maison Blanche en plein dĂ©sarroi, dont le point culminant a Ă©tĂ© le dĂ©sengagement du prĂ©sident de la course Ă l'investiture. Cette histoire n'est pas sans rappeler Sept Jours en Mai [Seven Days in May, film amĂ©ricain rĂ©alisĂ© par John Frankenheimer sorti en 1964], le thriller de la guerre froide dans lequel un colonel interprĂ©tĂ© par Kirk Douglas dĂ©joue un coup d'Ătat organisĂ© par un gĂ©nĂ©ral interprĂ©tĂ© par Burt Lancaster. Rien de ce que vous lirez ci-dessous ne provient de quelque compte rendu officiel de la Maison Blanche.
Ă ce moment-lĂ , selon Emily Goodin, une journaliste du Daily Mail qui faisait partie du service de presse itinĂ©rant, le prĂ©sident Ă©tait âd'une pĂąleur mortelleâ et Air Force One s'est envolĂ© Ă toute vitesse vers le Delaware, oĂč le prĂ©sident a passĂ© un week-end de repos Ă Rehoboth Beach. Le service de presse a Ă©tĂ© informĂ© que M. Biden Ă©tait atteint du covid. Rien de plus n'a Ă©tĂ© dit Ă bord d'Air Force One. AprĂšs le retour de Joe Biden dans le Delaware, la Maison Blanche a informĂ© le public que Joe Biden avait contractĂ© une infection par le virus covid et qu'il serait placĂ© en isolement. Il prĂ©sentait des symptĂŽmes des voies respiratoires supĂ©rieures, un Ă©coulement nasal, une toux et Ă©tait fatiguĂ©.
Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase pour un groupe de leaders du CongrÚs, de fonctionnaires et de certains bailleurs de fonds de M. Biden qui ont retenu d'énormes quantités de contributions engagées.
âDes pressions ont Ă©tĂ© exercĂ©es sur les donateurs pour qu'ils s'acquittent de leurs engagementsâ, m'a dit le fonctionnaire. âIl Ă©tait entendu que Joe Biden avait eu un problĂšme physique Ă Las Vegas, et que la famille disait nonâ
Ă la pression continue des donateurs et des DĂ©mocrates du CongrĂšs pour qu'il se retire de la campagne prĂ©sidentielle. Dans un premier temps, le prĂ©sident n'a pas pu ĂȘtre joint.
Le samedi 20 juillet, l'ancien prĂ©sident Barack Obama s'Ă©tait fortement impliquĂ© et il Ă©tait question qu'il passe un coup de fil Ă Biden. On ignorait si Biden avait Ă©tĂ© examinĂ© et ce qui lui Ă©tait arrivĂ© Ă Las Vegas. âBig Threeâ [la vieille branche], c'est-Ă -dire l'ancienne prĂ©sidente de la Chambre des reprĂ©sentants Nancy Pelosi, le leader de la majoritĂ© au SĂ©nat Charles Schumer et le leader de la minoritĂ© Ă la Chambre des reprĂ©sentants Hakeem Jeffries, ont Ă©galement suivi de prĂšs l'Ă©volution de la situation.
âDimanche matin, avec l'accord de Pelosi et de Schumer, Obama a appelĂ© Biden aprĂšs le petit-dĂ©jeuner et lui a dit : âVoilĂ ce que nous allons faire. Nous avons l'accord de Kamala pour invoquer le 25Ăš Amendementââ.
Cet amendement stipule que lorsque le prĂ©sident est jugĂ© par le vice-prĂ©sident et d'autres comme nâĂ©tant pas apte Ă exercer le pouvoir et les devoirs de sa charge, le vice-prĂ©sident assume ces devoirs.
âCâest lĂ quâil a Ă©tĂ© clair qu'elle obtiendrait le soutien du prĂ©sident pour se prĂ©senter Ă l'Ă©lection de novembre.â
M. Obama a Ă©galement prĂ©cisĂ© qu'il n'allait pas la soutenir dans lâimmĂ©diat. Mais le groupe a jugĂ© que son mĂ©tier de juriste l'aiderait Ă faire face Ă Trump lors d'un dĂ©bat.
L'un des inconvĂ©nients possibles, m'a-t-on dit, est le mĂ©pris qu'Ă©prouve parfois Mme Harris pour le travail de la communautĂ© du renseignement des Ătats-Unis. On sait qu'elle n'est pas particuliĂšrement intĂ©ressĂ©e par le âPresident's Daily Briefâ, un condensĂ© hautement confidentiel des renseignements du moment, prĂ©parĂ© chaque nuit par le Cabinet du Directeur du Renseignement National et remis en main propre aux services les plus stratĂ©giques de Washington, y compris celui du Vice-prĂ©sident. Le document, qui contient des renseignements d'origine Ă©lectromagnĂ©tique, doit ĂȘtre lu par le destinataire en prĂ©sence de l'officier de renseignement qui le dĂ©livre. On m'a dit que Mme Harris montrait souvent peu d'intĂ©rĂȘt pour la lecture de ces documents et qu'Ă un moment donnĂ©, elle a demandĂ© Ă l'agence de cesser de les lui remettre. Aujourd'hui, en tant que candidate Ă la prĂ©sidence, elle est tenue au courant de toutes les questions importantes en matiĂšre de renseignement.
Le facteur clĂ© dans la dĂ©cision de forcer Biden Ă quitter ses fonctions en invoquant le 25Ăš Amendement est une sĂ©rie de sondages de plus en plus nĂ©gatifs sur la cote du prĂ©sident face Ă Trump, commandĂ©s par les bailleurs de fonds, a dĂ©clarĂ© le fonctionnaire. âLe dĂ©clin prenait formeâ. Les sondages seront Ă©galement importants pour la vice-prĂ©sidente, m'a-t-on dit, et il a Ă©tĂ© convenu que si les sondages ne montraient pas qu'elle gagnait du terrain, d'autres options seraient envisagĂ©es, y compris une convention ouverte. Je n'ai pas pu savoir si Mme Harris Ă©tait au courant de ces considĂ©rations, ou si elle avait l'intention de s'y conformer.
Le fonctionnaire, qui compte des dizaines d'années d'expérience dans la collecte de fonds, m'a dit qu'Obama s'était imposé comme l'homme fort tout au long des négociations.
âIl a un objectif, veut le mener jusqu'au bout et garder le contrĂŽle sur la personne qui sera Ă©lueâ.
Quelques jours aprÚs notre entretien, alors que Harris prenait un bon départ, Obama et son épouse ont annoncé qu'ils soutenaient Harris et lui ont dit, par téléphone, lors d'une mise en scÚne télévisée, qu'ils feraient tout ce qui est en leur pouvoir pour faire campagne pour elle et la soutenir.
Mais qu'elle ferait mieux d'ĂȘtre performante.