👁🗨 L'enfer de Dante à Gaza : Le chœur des fous & les âmes sans foi ni loi d'un ordre mondial en voie de disparition
👁🗨 L'enfer de Dante à Gaza : Le chœur des fous & les âmes sans foi ni loi d'un ordre mondial en voie de disparition
Par Richard Eskow, le 3 novembre 2023
Depuis le début des bombardements sur Gaza, les dirigeants occidentaux tiennent un double langage, mais aucune langue de bois ne peut cacher leur véritable message. En ce qui concerne “l'ordre fondé sur des règles”, ils nous ont fait savoir que les règles ne s'appliquaient pas à eux.
J'ai connu certaines de ces personnes en mon temps - les diplomates et les législateurs, les experts, les politiciens, les conseillers et les analystes. Leurs manières sont impeccables. Ils utilisent toujours les bons pronoms. Ils parlent des droits de l'homme, mais leurs actes crient la vérité que leurs lèvres refusent de murmurer.
Le monde les entend haut et fort.
Ce sont les gens dont parle l'Enfer de Dante, les “âmes tristes qui errent sans infamie et sans louange” entre le Paradis et l'Enfer, celles qui chemineront éternellement, avec “le chœur lâche de ces anges ni rebelles, ni fidèles à Dieu, mais seulement à eux-mêmes”.
Dante appelait cela “le grand renoncement”, cette décision de ne pas prendre parti. Et par camp, je ne parle pas d'Israël ou du Hamas. Je veux parler du camp qui représente le droit, la diplomatie et les institutions internationales, et du camp qui représente l'anarchie, la haine et la force brute. Le côté qui honore la vie, et celui qui glorifie la mort.
Joe Biden a déploré la mort d'enfants et a parlé de ce qui manquera à leurs parents : “Le pli de son sourire, le timbre si parfait de son rire, le gloussement de votre petit garçon - le bébé”.
Oh, pas les bébés palestiniens.
Le secrétaire d'État Anthony Blinken a déclaré ceci en 2022 :
“Nous avons remis la diplomatie au centre de la politique étrangère américaine, pour nous aider à réaliser l'avenir auquel aspirent les Américains et les peuples du monde entier [...]. Pour construire cet avenir, nous devons défendre et réformer l'ordre international fondé sur des règles - le système de lois, d'accords, de principes et d'institutions que le monde s'est uni pour construire après les deux guerres mondiales afin de gérer les relations entre les États, de prévenir les conflits et de faire respecter les droits de tous les peuples”.
De bien belles paroles. Le chef de la plus grande institution internationale, le secrétaire général des Nations unies António Guterres, a déclaré que les attaques israéliennes contre Gaza constituaient une “punition collective illégale contre le peuple palestinien”. Le porte-parole de l'UNICEF a déclaré : “Gaza est devenu le cimetière de milliers d'enfants. Et un enfer pour tous les autres”.
Mais ces bastions de “l'ordre international fondé sur des règles” ne sont pas écoutés par les anges infidèles de l'ordre mondial. Alors que ces institutions sont bafouées et ignorées, le secrétaire d'État promeut un accord d’“aide humanitaire” bidon qui réserve moins de 3 % de ses 106 milliards de dollars à la population de Gaza, tout en finançant des dizaines de milliards de dollars d'armement, y compris des milliards supplémentaires pour la folie meurtrière d'Israël.
Un fonctionnaire du département d'État de Blinken a déclaré : “Personne n'a le droit de dire à Israël comment il doit se défendre”. Mais l'ambassadrice Deborah Lipstadt, l'envoyée des États-Unis pour la lutte contre l'antisémitisme, n'a pas été rappelée à l'ordre pour ce qui devrait être compris comme l'expression d'un mépris du droit international.
“… Personne n'a le droit de dire à Israël comment se défendre et comment prévenir et dissuader de futures attaques. Comme l'a déclaré @POTUS : “Les États-Unis sont aux côtés d'Israël. Israël a le droit de se défendre et de défendre son peuple”. Un point c'est tout”.
Les lois existent pour une bonne raison. Si un voisin blesse mon enfant, dois-je aller chez lui et massacrer toute sa famille ? Quiconque exprime ce qu’a dit Lipstadt déclare son soutien à l'anarchie, au mépris des institutions internationales, à la force brute plutôt qu'à la civilisation. Oui, le Hamas a également violé le droit international. Mais nous n'avons jamais financé le Hamas (sauf indirectement, par l'intermédiaire du gouvernement de Netanyahou).
Ceux qui soutiennent l'argument de Lipstadt oublient que les Américains ont également des droits souverains : l'un d'entre eux est sans aucun doute celui de ne pas participer à des crimes de guerre.
Avec la complicité des États-Unis, Israël a bafoué le droit international pendant si longtemps que personne ne peut plus se souvenir à quand cela remonte : Israël a été fondé par le droit international. Si le droit venait à disparaître, seule la puissance militaire pourrait le préserver. Si les États-Unis cessent de financer et d'armer Israël - comme les sondages suggèrent qu'ils devraient le faire un jour - combien de temps Israël pourra-t-il survivre ? Ses partisans devraient y réfléchir.
Le double standard américain est devenu une farce amère pour le reste du monde. Extrait du même discours de Blinken :
“... Les fondements de l'ordre international sont sérieusement et durablement remis en question. Le président russe Vladimir Poutine représente une menace claire et actuelle. En attaquant l'Ukraine il y a trois mois, il a également attaqué les principes de souveraineté et d'intégrité territoriale, inscrits dans la Charte des Nations unies, qui protègent tous les pays contre la conquête et la coercition”.
Le “soft power” de la diplomatie américaine, autrefois vanté, est devenu un sujet de plaisanterie macabre.
Entre-temps, la culture diplomatique de l'Occident est si profondément contaminée que toute personne désireuse de faire ce qu'il faut doit s'en excuser. “Tous les Palestiniens ne sont pas des terroristes”, a déclaré Josep Borrell Fontelles, diplomate de l'Union européenne, en appelant à des mesures diplomatiques.
Pas tous ? La moitié des habitants de Gaza est composée d'enfants. Qui n'était pas considéré comme terroriste, les nourrissons ?
J'ai de la sympathie pour M. Borrell. Il a jugé nécessaire d'adoucir ses propos jusqu'à l'absurde, et dans ce climat, il a sans doute eu raison. Certains diplomates, comme Craig Mokhiber et Josh Paul, ont choisi le camp de la justice. D'autres font profil bas pour préserver leur carrière. Ce sont eux dont parle Dante :
“… ils se mêlent maintenant à la chorale des traîtres
de ces anges infidèles qui n'étaient ni rebelles
ni fidèles à leur Dieu, mais à l'écart.”
Entre-temps, le département d'État a formulé ses douces paroles le 20 octobre :
“Notre message aux Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie et du monde entier est clair : nous vous voyons, nous pleurons avec vous et déplorons chaque perte de vie innocente”.
“Nous vous voyons”. C'est bien le que le président Biden a dit aux victimes de l'antisémitisme et de l'islamophobie : “À tous ceux qui souffrent, je veux que vous sachiez : je vous vois. Vous méritez d'être là”.
C'était le 19 octobre. Trois jours plus tard, il déclarait ceci : “Je ne suis pas du tout convaincu que les Palestiniens disent la vérité sur le nombre de victimes”. Tout le contraire de “Je vous vois”. Mais qu'est-ce que quelques centaines de vies d'enfants, à peu de chose près ?
Les dirigeants occidentaux sont devenus plus attentifs à exprimer leur sympathie aux victimes, mais ils ne trompent personne. À bien y réfléchir, ils ne sont pas les anges infidèles de l'ordre mondial. Nous le sommes. C'est nous qui tolérons cette sauvagerie en notre nom. C'est nous qui devons nous lever et arrêter le massacre. L'histoire nous rendra tous responsables.
… des cris de colère, des cris de souffrance,
des voix stridentes et faibles, des battements de mains...
— tout cela forme un tumulte tourbillonnant à jamais
dans ces troubles et ce souffle intemporel,
comme le sable qui tournoie dans le vent.
“N'attendez pas le jugement dernier”, disait Albert Camus. “Il a lieu tous les jours.”
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Richard (RJ) Eskow est un écrivain indépendant. Une grande partie de son travail se trouve sur eskow.substack.com.