đâđš Les AmĂ©ricains nous riraient au nez si nous essayions dâextrader un homme qui n'a enfreint aucune loi
J'aimerais que les voix puissantes du journalisme britannique, comme C. Moore, D. Finkelstein, J. Turner et M. Parris, s'expriment Ă ce sujet. Il n'est jamais trop tard pour rejoindre une cause juste.
đâđš Les AmĂ©ricains nous riraient au nez si nous essayions dâextrader un homme qui n'a enfreint aucune loi
Par Peter Hitchens, le 14 février 2024
Les AmĂ©ricains nous riraient au nez si nous essayions dâextrader un homme qui n'a enfreint aucune loi, comme c'est le cas avec Julian Assange. Nous avons tous intĂ©rĂȘt Ă le sauver.
MĂȘme un bon toutou respectable s'opposerait Ă la façon dont nous nous comportons actuellement avec les Ătats-Unis. Nous sommes sur le point de permettre au gouvernement amĂ©ricain Ă intervenir dans notre pays et Ă s'emparer d'un homme qui n'a enfreint aucune loi britannique.
Une fois qu'ils auront mis la main sur lui, il est fort probable qu'il sera enterré vivant dans un donjon fédéral, probablement jusqu'à sa mort. Nous ne permettrions pas à la Russie, à l'Arabie saoudite ou à la Turquie de se comporter de la sorte. Et c'est trÚs bien ainsi. Tout porte à croire que si les circonstances étaient inversées, les Américains nous riraient au nez et refuseraient de nous livrer une telle personne.
Il s'agit du journaliste australien Julian Assange, dont l'organisation Wikileaks est haĂŻe par les Ătats-Unis parce qu'il les a mis dans l'embarras, et qui croupit dans la prison de haute sĂ©curitĂ© de Belmarsh depuis son arrestation Ă l'ambassade d'Ăquateur en 2019.
Comme je l'ai souligné dans le Mail on Sunday il y a prÚs de quatre ans :
âVoulons-nous vraiment que le bras d'une puissance Ă©trangĂšre puisse pratiquer lâingĂ©rence sur notre territoire national, et en arracher tous ceux qu'elle veut punir ? Sommes-nous encore un pays indĂ©pendant si nous permettons cela ?â
Vous aurez entendu beaucoup de choses négatives sur M. Assange. Moi aussi, mais, bien que je ne sois pas d'accord avec lui sur la plupart des points politiques, j'ai découvert, en me renseignant, qu'il avait en fait été victime de nombreuses calomnies qui ne résistent pas à l'examen.
Ne tenez pas compte des allĂ©gations selon lesquelles il aurait imprudemment mis en danger la vie d'AmĂ©ricains en publiant des documents fournis par Chelsea Manning, la lanceuse d'alerte de l'armĂ©e amĂ©ricaine. Pour reprendre les termes de mon Ă©minent collĂšgue Andrew Neil, qui est loin d'ĂȘtre un militant de gauche et qui, comme moi, s'oppose Ă l'extradition de M. Assange, ces documents ont rĂ©vĂ©lĂ© :
âDes crimes de guerre dissimulĂ©s. Torture. BrutalitĂ©. La restitution et l'incarcĂ©ration de suspects sans procĂ©dure rĂ©guliĂšre. La corruption des enquĂȘtes qui cherchent Ă lui faire rendre des comptes. La corruption de fonctionnaires Ă©trangers pour qu'ils dĂ©tournent le regard lorsque l'AmĂ©rique fait de mauvaises chosesâ.
En bref, Julian Assange a publiĂ© des faits scandaleux que tout journaliste digne de ce nom dans une sociĂ©tĂ© libre a le droit - et en fait l'obligation - de divulguer, dans l'intĂ©rĂȘt de cette sociĂ©tĂ©.
Mais Julian Assange a pris grand soin de traiter les documents afin d'éviter que des agents ne soient mis en danger, et aucune preuve n'a jamais été apportée qu'un tel préjudice en ait résulté.
Fait intéressant, Chelsea Manning a été graciée par le président Barack Obama. Son administration a également décidé de ne pas engager de poursuites à l'encontre de M. Assange. Mais celles-ci ont ensuite été relancées par le président Donald Trump.
Il s'agit lĂ de la preuve la plus claire possible que les poursuites sont ouvertement politiques, et non criminelles. Comme l'indique le texte du traitĂ© d'extradition entre les Ătats-Unis et le Royaume-Uni, en utilisant le terme amĂ©ricain âdĂ©litâ, dans un document portant les armoiries royales (article 4, clause 1) :
âL'extradition ne peut ĂȘtre accordĂ©e si le dĂ©lit pour lequel l'extradition est demandĂ©e est un dĂ©lit politiqueâ.
Il est tout à fait étonnant que les tribunaux britanniques et plus d'un ministre de de l'Intérieur aient été influencés par des juristes pour prétendre qu'il ne s'agit pas d'un tel délit.
La loi en vertu de laquelle M. Assange est poursuivi est la fameuse loi américaine sur l'espionnage (Espionage Act), utilisée autrefois contre l'héroïque Daniel Ellsberg, qui a divulgué les Pentagon Papers au New York Times en 1971.
Ces documents montraient que l'administration de Lyndon Johnson avait systĂ©matiquement menti, non seulement au public mais aussi au CongrĂšs, au sujet de la guerre du ViĂȘt Nam (qui s'est avĂ©rĂ©e par la suite ĂȘtre un dĂ©sastre insensĂ©). La Maison Blanche de Nixon a rĂ©agi en ordonnant l'intrusion dans le cabinet du psychiatre d'Ellsberg dans l'espoir d'y trouver des documents qui pourraient ĂȘtre utilisĂ©s pour le salir.
C'est en partie en raison de ces agissements grotesques qu'un juge courageux a abandonnĂ© les poursuites. Jusqu'Ă sa mort en juin de l'annĂ©e derniĂšre, Ellsberg lui-mĂȘme s'est rĂ©solument rangĂ© du cĂŽtĂ© de Julian Assange, estimant qu'il existait un parallĂšle Ă©troit entre les deux affaires.
Il est intéressant de noter que les défenseurs de M. Assange affirment qu'il a lui aussi fait l'objet d'une surveillance de la part de la CIA. Et à la lumiÚre de ce qui est arrivé à M. Ellsberg, cette hypothÚse est tout à fait plausible.
Mais la semaine prochaine, il existe une probabilité non négligeable que le systÚme judiciaire britannique se prononce contre M. Assange et le livre docilement au gouvernement américain.
M. Assange a demandé l'autorisation de faire appel des décisions du ministÚre de l'intérieur et de la justice selon lesquelles son extradition doit avoir lieu. En cas d'échec, il pourrait se retrouver livré et emprisonné dans une prison américaine de haute sécurité.
Les autorités américaines ont fait valoir que le Premier Amendement américain, qui garantit la liberté d'expression dans ce pays, ne s'applique pas à M. Assange. Mike Pompeo, alors directeur de la Central Intelligence Agency, a déclaré le 13 avril 2017 à propos de M. Assange et de ses collÚgues de WikiLeaks :
âIls ont prĂ©tendu que les libertĂ©s du Premier Amendement de l'AmĂ©rique les mettaient Ă l'abri de la justice. Ils l'ont peut-ĂȘtre cru, mais ils se sont trompĂ©s.â
C'est en soi un aveu que cette affaire concerne vraiment la libertĂ© d'expression. Et bien sĂ»r, c'est le cas. Si l'extradition a lieu, aucun journaliste non amĂ©ricain qui reçoit des informations confidentielles sur les activitĂ©s du gouvernement amĂ©ricain de la part d'un lanceur d'alerte ne sera plus jamais Ă l'abri d'ĂȘtre expulsĂ©, menottes aux poignets, vers les Ătats-Unis.
Il est important pour la réputation de notre pays que cela ne se produise pas. L'importance de cette affaire va bien au-delà de la personne de M. Assange, de sa femme Stella, courageuse et indomptable, et de ses jeunes enfants, qui ont enduré des années de tension et de misÚre dans l'attente de l'issue de cette affaire.
Pour moi, la question est de savoir si ce pays est vĂ©ritablement souverain et gouvernĂ© par ses propres lois, ou s'il est un satellite servile, entretenant avec Washington DC la mĂȘme relation que les Ătats du Pacte de Varsovie entretenaient autrefois avec Moscou.
Mais ce n'est pas tout. Je vis et travaille dans la capitale du pays qui a plus ou moins inventé la notion de liberté. Nous avons encore à Londres l'une des plus grandes concentrations de médias indépendants au monde, des journaux qui pratiquent depuis longtemps l'opposition au gouvernement et l'examen critique des tribunaux et de la politique étrangÚre.
Pendant les guerres d'Irak et du ViĂȘt Nam - et pendant de nombreuses poursuites inquiĂ©tantes de personnes honorables poursuivies Ă tort pour avoir rĂ©vĂ©lĂ© des faits gĂȘnants sur l'Ătat et ses actions - notre capitale a toujours Ă©tĂ© le thĂ©Ăątre de protestations Ă©nergiques et massives.
Mais alors que le jour de la décision sur l'affaire Assange approche, le silence des médias est si total que l'on pourrait entendre une souris éternuer. Il y a des exceptions. Dans un excellent article paru dans Prospect Magazine, l'ancien rédacteur en chef du Guardian, Alan Rusbridger, se demande si une trop grande proportion de la vie publique britannique n'a pas été séduite par le prestige supposé de nos services de sécurité et d'espionnage.
Il Ă©crit :
âJe n'oublierai jamais un Ă©minent rĂ©dacteur en chef qui, au plus fort des rĂ©vĂ©lations d'Edward Snowden, a Ă©crit : âSi les services de sĂ©curitĂ© insistent sur le fait que quelque chose est contraire Ă l'intĂ©rĂȘt public, qui suis-je pour ne pas les croire ?â En d'autres termes, faites confiance Ă l'Ătat. S'il vous dit âsautezâ, votre rĂŽle est de demander âjusqu'oĂč ?ââ.
Bravo, Alan. Mais oĂč sont les autres ? Patriote de droite, libĂ©ral mou ou radical de gauche, nous avons tous intĂ©rĂȘt Ă sauver Julian Assange. Et nous n'avons que quelques jours pour agir.
J'aimerais que certaines des voix les plus puissantes du journalisme britannique, telles que Charles Moore, Danny Finkelstein, Janice Turner et Matthew Parris, s'expriment Ă ce sujet. Il n'est jamais trop tard pour rejoindre une cause juste.