👁🗨 “Les barbares & leurs complices”
Le régime sioniste d'Israël a poussé les post-démocraties occidentales à un degré de barbarie que nous, héritiers de la “tradition judéo-chrétienne”, étions censés avoir dépassé depuis des siècles.
👁🗨 “Les barbares & leurs complices”
Israël et les médias occidentaux
Par Patrick Lawrence, le 16 janvier 2025
L'année qui vient de s'écouler restera dans les mémoires comme celle où le régime sioniste d'Israël a poussé les post-démocraties occidentales vers un degré de barbarie que nous, héritiers de la “tradition judéo-chrétienne”, étions censés avoir dépassé depuis des siècles. La présente affirmation résulte d'une longue réflexion, et est tout sauf extravagante.
Il faut examiner cette affirmation de deux manières. On parle de conscience, et de complicité institutionnelle. Des questions bien distinctes, mais pourtant très liées. Dans le second cas, le degré de gravité des dérapages des médias les plus puissants de l'Occident et ce que cela implique pour tous les lecteurs et téléspectateurs que ces médias ont réduits à l'état d'ignorants.
Dans le premier cas, ceux qui prétendent diriger les post-démocraties ont, pendant l'année écoulée, contraint leurs populations à un stade de dépravation morale inédit. Nous voilà condamnés à collaborer malgré nous alors que l'Occident soutient - militairement, politiquement, diplomatiquement - la vague de terreur d'Israël sur Gaza. Toute prétention à la décence fait place à l'idolâtrie perverse du “pouvoir total”. L'Occident, qui prétendait autrefois respecter valeurs et idéaux, ne survit plus que dans les mémoires et l'imaginaire.
Ensuite, ceux qui se posent en leaders des nations occidentales affichent aujourd'hui un mépris nihiliste pour la vérité. Toute notion de responsabilité leur est totalement étrangère, puisqu'ils soutiennent ouvertement les atrocités quotidiennes perpétrées par Israël contre les Palestiniens durant leur génocide : alors qu'ils ne rendaient des comptes qu'à ceux qui les corrompaient, ils dépendent désormais, avant toute autre chose, d'un régime israélien obsédé par l'élimination d'une population entière. C'est ce que j'entends par échec institutionnel.
Les tribunaux, les assemblées législatives, les forces de l'ordre, les universités, les maisons d'édition, les théâtres, les musées, etc., et la liste est longue : ces institutions, en pleine décadence avant même que le régime sioniste n'étale au grand jour sa barbarie en octobre 2023, se sont depuis montrées, des deux côtés de l'Atlantique, foncièrement vulnérables aux manipulations du lobby juif - ses pots-de-vin, ses intimidations et ses menaces, ses nombreuses opérations psy.
Le Congrès américain envisage actuellement une loi - adoptée par la Chambre basse en mai dernier - qualifiant toute critique d'Israël d'antisémite, et donc passible d'une peine criminelle. Les directions d’universités, sous la pression des bienfaiteurs sionistes, ont plus ou moins démoli le principe de la liberté académique en un peu plus d'un an. En Allemagne, on peut faire de la prison pour avoir défendu la cause palestinienne. Dans tout l'Occident, des enseignants sont licenciés, des cadres et des ouvriers sont mis au chômage, des expositions et des spectacles sont annulés, tout cela pour défendre “le crime des crimes” que l'État sioniste commet aujourd'hui.
Voilà ce qu'on entend par barbarie. Et il faut tenir les médias du monde atlantiste, financés par les entreprises et les pouvoirs étatiques, pour les premiers coupables de cette descente aux enfers. Ils soutiennent tout ce que je viens d'évoquer, soyons-en conscients. Leur traitement abjectement malhonnête de la crise de Gaza cautionne le soutien des dirigeants occidentaux à d'innombrables crimes contre l'humanité, tout en les mettant à l'abri de toute contestation publique. Ce sont bien ces médias qui ont permis de normaliser le génocide. Barbarie : y a-t-il un autre mot pour qualifier ce que l'Occident s'est infligé au cours des seize derniers mois ?
Owen Jones, un journaliste indépendant, qualifie le génocide israélien à Gaza d'“abomination rendue possible par l'ensemble des médias occidentaux”. Dans un article publié la veille de Noël, il écrit
qu’“ils ont blanchi et ignoré les crimes. Ils n'ont même pas réussi à articuler le traitement de l'information sur les intentions déclarées des dirigeants et fonctionnaires israéliens, c'est-à-dire sur les déclarations des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide. Au lieu de cela, ils se sont appuyés sur les déclarations israéliennes de prétendu respect du droit international, presque exclusivement destinées à un public occidental et sans aucune crédibilité... Ces révélations sont restées absentes du récit global des agissements d'Israël”.
Jones a rédigé l'un des deux récents rapports d'enquête qui nous incitent à constater la pleine responsabilité des médias occidentaux dans la campagne de terreur menée par le régime sioniste. Il est temps, nous enseignent ces deux publications de premier plan, de reconnaître les manquements de ces médias à leurs devoirs, et d'admettre à quel point ils ont confiné leurs lecteurs et leurs téléspectateurs dans un goulag d'ignorance.
Et lorsque nous aurons assimilé les implications de ces trahisons, posons-nous la question, certes amère, mais importante, de savoir si les médias occidentaux ont manqué à leurs obligations : leur incurie à l'égard de la terreur israélienne marque-t-elle une rupture avec les normes antérieures, ou s'inscrit-elle, bien que flagrante, dans des schémas bien établis qui remontent aux décennies de la guerre froide ?
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La partialité des quotidiens et radiodiffuseurs occidentaux couvrant la crise de Gaza est évidente depuis le début de l'assaut israélien. Ceci n'a rien d'un scoop. Citons le cas tristement célèbre de Jeffrey Gettleman, correspondant du New York Times, qui a publié un article en décembre 2023 sous le titre “Des cris sans paroles : Comment le Hamas a instrumentalisé la violence sexuelle le 7 octobre”. La partialité de cet article a été rapidement et totalement réfutée comme étant le produit de la collaboration du Times avec des propagandistes israéliens - une ignominie que le Times a depuis lors fait de son mieux pour occulter.
Mais pendant longtemps, l'étendue de la désinformation des médias occidentaux, de leur “blanchiment”, pour reprendre l'expression d'Owen Jones, est peu claire. Pendant quelques mois, de nombreux observateurs ont estimé que l'affaire Gettleman était un cas extrême, mais plus ou moins isolé. Rien ne permettait de conclure à l'existence de ce que l'on peut appeler une corruption systémique des médias occidentaux, une corruption généralisée, et à la manière dont cette corruption fonctionne réellement.
Les deux études examinées ici le montrent clairement. Ensemble, elles révèlent que les grands médias occidentaux ont soigneusement mis en place, depuis le 7 octobre 2023, des systèmes par lesquels leur coopération avec les agences de propagande et les censeurs israéliens est devenue une routine. Les lecteurs et téléspectateurs ont été totalement réduits à l'ignorance.
Owen Jones, journaliste britannique, a publié le 19 décembre “The BBC's civil war over Gaza” [La guerre civile de la BBC à propos de Gaza]. M. Jones a déclaré avoir passé des mois à étudier la couverture de la crise israélo-palestinienne par le radiodiffuseur public et les mécanismes par lesquels il a occulté ou déformé les réalités sur le terrain pour protéger l'Israël terroriste de l'opprobre public. Drop Site News, la publication numérique où le long article de M. Jones a été publié, l'a qualifié d'“enquête historique”, et à juste titre.
Jones a interrogé plus d'une douzaine de correspondants, de reporters et de rédacteurs de la BBC qui ont décrit en détail ce qui s'apparente à une opération de censure interne que la BBC impose à sa couverture de la situation en Israël et en Palestine. Il a également procédé à une analyse approfondie des reportages de la chaîne depuis les événements du 7 octobre 2023 et, surtout, a enquêté sur les fonctionnaires de la BBC identifiés comme responsables de la corruption du traitement de ces événements. Les sources de Jones ont systématiquement, pour ne pas dire unanimement, identifié un rédacteur en chef nommé Raffi Berg comme étant la source la plus flagrante du parti pris pro-israélien imposé au travail des correspondants et des rédacteurs en chef déterminés à faire un travail honnête :
Les journalistes de la BBC qui ont parlé à Drop Site News pensent que le déséquilibre est structurel et qu'il est appliqué par les hauts responsables depuis de nombreuses années. Tous ont requis l'anonymat par crainte de représailles professionnelles. Les journalistes pointent également du doigt le rôle de Raffi Berg, rédacteur en chef de BBC News online pour le Moyen-Orient. Selon eux, Berg détermine le contenu de la production numérique de la BBC sur Israël et la Palestine. Ils affirment également que les plaintes internes concernant la manière dont la BBC couvre la bande de Gaza ont été systématiquement ignorées. “Tout le travail de cet homme consiste à édulcorer tout ce qui est trop critique à l'égard d'Israël”, a déclaré un ancien journaliste de la BBC.
M. Berg a débuté sa carrière comme rédacteur au F.B.I.S., le Foreign Broadcast Information Service, une organisation de la C.I.A. qui surveillait les émissions de radio à l'étranger depuis sa création en 1941 jusqu'à sa dissolution en 2005. Après avoir rejoint la BBC au début de ce siècle, il s'est fait connaître pour des articles glorifiant les opérations militaires de Tsahal et les colons de Cisjordanie. Le pouvoir de Berg en tant que rédacteur en ligne de la BBC pour le Moyen-Orient est sans égal et ne souffre aucune contestation, selon les sources de M. Jones.
“S'il s'agit d'Israël/Palestine, il faut passer par Raffi avant que la rédaction ne donne son accord”, a déclaré l'une de ces sources. “Quiconque écrit sur Gaza ou Israël se voit demander : ‘Est-ce que c'est passé par edpol [politique éditoriale], les avocats, et est-ce que c'est passé par Raffi ?’”
En novembre, un mois avant que Jones ne termine son enquête et ne publie dans Drop Site News, plus d'une centaine d'employés de la BBC ont signé une lettre ouverte - ce sont les termes employés par Jones - “accusant la BBC, ainsi que d'autres radiodiffuseurs, de ne pas respecter leurs propres normes éditoriales”. Les signataires ont demandé à la direction d'intégrer une série de changements dans les processus éditoriaux afin de protéger l'exactitude des reportages. Mais ces responsables, parmi lesquels Deborah Turness, la directrice générale particulièrement stupide du service d'information en ligne de la BBC, ont ignoré cette démarche, comme ils l'ont fait pour toutes les autres auparavant, se retranchant derrière la position traditionnelle du radiodiffuseur en tant que “source d'information internationale la plus fiable au monde”.
Ce n'est ni du journalisme, ni digne de confiance. Il s'agit d'un système de contrôle de l'information et, comme on dit, de gestion de la perception - ou, comme l'a déclaré un membre du personnel de la BBC, d'une “propagande israélienne systématique”.
Depuis la publication de son article le mois dernier, Jones a été la cible d'attaques ad hominem et d'autres tentatives visant à discréditer son travail. Et c'est tellement prévisible que c'en est lassant. L'hebdomadaire londonien Jewish News a qualifié l'enquête de Jones d'“ignoble et sinistre attaque antisémite” contre Berg. Jake Wallis Simons, chroniqueur au Telegraph, a qualifié Jones d'“enfant terrible obsédé par l'État juif”. C'est toujours la même chose : pas une tentative de réponse sérieuse au reportage, en l'occurrence une enquête exhaustive de 9 000 mots. Les calomnies grossières sont leur seul recours.
En ce qui concerne Berg, Jones rapporte qu'il a répondu à ses questions en engageant Mark Lewis, un célèbre avocat spécialisé dans la diffamation, ancien directeur de U.K. Lawyers for Israel, et ardent sioniste d'extrême-droite. Voilà qui donne raison à tous les employés de la BBC qui protestent contre le rôle néfaste de Berg au sein de la BBC.
Peu de temps après la publication du dossier de Jones, The Intercept a publié un article de Daniel Boguslaw, un journaliste d'investigation du bureau de Washington. La chaîne câblée américaine dispose d'un système spécifique, écrit M. Boguslaw, mais l'histoire est la même au final. Tous les reportages de CNN ayant un rapport quelconque avec Israël ou la Palestine passent par le bureau de la chaîne à Jérusalem, ce qui est tout à fait normal, et une procédure logique, si ce n'est que les correspondants du bureau de Jérusalem, comme le rapporte Boguslaw, “opèrent dans l'ombre de la censure militaire du pays”.
Et Boguslaw précise :
“Comme tous les organes de presse étrangers opérant en Israël, le bureau de CNN à Jérusalem est soumis aux règles de la censure de l'armée israélienne, qui dicte les sujets que les organes de presse ne sont pas autorisés à aborder et censure les articles qu'elle juge impropres ou dangereux à imprimer. Comme l'a rapporté The Intercept le mois dernier, la censure militaire a récemment interdit huit sujets, dont les réunions du Conseil de sécurité, les informations sur les otages et les reportages sur les armes récupérées par les combattants dans la bande de Gaza. Pour obtenir une carte de presse en Israël, les journalistes étrangers doivent signer un document stipulant qu'ils acceptent de se plier aux diktats de la censure”.
Il suffit de relire ce document pour être certain de bien comprendre. Tous les médias étrangers sont soumis aux règles de la censure israélienne. Le censeur détermine ce qui peut et ne peut pas être publié, y compris parmi les sujets autorisés ou interdits, et toute personne sollicitant une accréditation de presse officielle doit signer un accord - oui, signer un accord - en vertu duquel elle s'engage à accepter l'autorité du censeur officiel.
S'il n'y a nulle trace de Raffi Berg dans les activités de CNN, que ce soit au siège d'Atlanta ou à Jérusalem - et c'est un “si” de taille - c'est simplement parce qu'il n'y en a pas besoin : le boulot de Raffi Berg est directement fait par les Israéliens sur lesquels CNN prétend faire des reportages.
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On ne saurait trop insister sur la portée de ces deux articles. Après les avoir lus et étudiés, il est impossible de continuer à prendre pour argent comptant la couverture médiatique de la crise de Gaza ou de l'Asie occidentale dans son ensemble. Chaque rubrique, chaque séquence de l'émission est viciée par ceux qui justifient la barbarie, celle d'Israël et de tous ceux qui le soutiennent.
Au début de cette décennie, j'ai commencé à travailler sur un livre publié il y a un peu plus d'un an chez Clarity Press sous le titre Journalists and Their Shadows (Les journalistes et leurs ombres). Dans le premier des quatre essais, j'ai raconté comment la Central Intelligence Agency a infiltré la presse américaine dès les premières années de la guerre froide. Quiconque pense que cette collusion et cette corruption ont pris fin lorsque le Church Committee a conclu ses auditions en 1976 est soit désespérément naïf, soit indifférent. J'ai évoqué plus tard le nombre extraordinaire de correspondants aux côtés desquels j'ai travaillé et qui étaient, avec certitude ou quasi-certitude, de l'“Agence”.
J'ai finalement conclu en me posant une grande et déplaisante interrogation :
“La presse américaine s'est-elle compromise au cours des décennies d'après-guerre au point que la coopération avec les services de renseignement compte désormais parmi ses caractéristiques permanentes ? De tels arrangements ont-ils été banalisés ? Et puis la plus importante des questions : les Américains ont-ils vécu depuis 1945 sans presse authentiquement indépendante ? Nous ne pouvons que nourrir ces doutes. Il est même regrettable de les envisager, mais c'est inévitable. Et bien souvent, la réponse se trouve dans la question”.
La lecture des articles d'Owen Jones et de Daniel Boguslaw ravive ces réflexions. Le terme “décevant” est bien trop faible pour qualifier ce que ces deux auteurs viennent de démontrer. Mais ne commettons pas l'erreur de croire que les agissements irresponsables de la BBC, de CNN et du reste des grands médias occidentaux dans leur traitement de la crise de Gaza constituent une rupture radicale. Non, c'est simplement un cas extrême de la tendance au renoncement qui a prévalu au cours des quatre-vingts dernières années.
Les réalités d'une époque donnée sont-elles par définition en opposition avec les orthodoxies dominantes ? C'est une question que je me pose depuis longtemps. Et c'est certainement le cas à notre époque. Cet état de fait, ainsi que les manquements systémiques des entreprises et des médias financés par l'État dans l'ensemble de l'Occident, fait peser une lourde responsabilité sur les médias indépendants et ceux qui les publient, les écrivent et les éditent. Les deux publications examinées ici enrichissent notre compréhension du monde et nous offrent la possibilité de transcender un jour l'ignorance qui nous envahit et de prendre du recul pour échapper au piège de la barbarie.
Raffi Berg, vous dites ? Avec un nom comme ça , aucun doute, non ? Ah zut, ca y est , je suis antisémite !!! I apologize!