👁🗨 Les BRICS et l'Axe de la Résistance : une convergence d'objectifs
Oubliez la servile CPI. Les BRICS contribueront à ramener le droit international sur le devant de la scène mondiale, comme le prévoyait la création de l'ONU en 1945, avant qu'elle ne se fasse castrer.
👁🗨 Les BRICS et l'Axe de la Résistance : une convergence d'objectifs
Par Pepe Escobar, le 11 décembre 2023
La guerre de Gaza a accéléré la coopération entre les géants du Sud qui résistent au conflit soutenu par l'Occident. Ensemble, les BRICS dirigés par la Russie et l'Axe de la Résistance dirigé par l'Iran peuvent façonner une Asie occidentale libérée des États-Unis.
MOSCOU - La semaine dernière, le président russe Vladimir Poutine a fait une halte remarquée aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite pour rencontrer, respectivement, le président émirati Mohammad bin Zayed (MbZ) et le prince héritier saoudien Mohammad bin Salman (MbS) avant de rentrer à Moscou pour rencontrer le président iranien Ebrahim Raisi.
Les trois questions clés de ces trois réunions, confirmées par des sources diplomatiques, étaient Gaza, l'OPEP+ et l'expansion des BRICS. Ces questions sont, bien entendu, interconnectées.
Le partenariat stratégique Russie-Iran se développe à une vitesse fulgurante, parallèlement aux relations Russie-Arabie saoudite (en particulier sur l'OPEP+) et Russie-Émirats arabes unis (investissements). Cela se traduit déjà par des changements radicaux dans les interconnections en matière de défense dans l'ensemble de l'Asie occidentale. Les implications à long terme pour Israël, bien au-delà de la tragédie de Gaza, sont très claires.
Poutine a dit à Raisi quelque chose d'extraordinaire à bien des égards :
“Lorsque je survolais l'Iran, j'aurais aimé atterrir à Téhéran pour vous rencontrer. Mais on m'a informé que vous vouliez vous rendre à Moscou. Les relations entre nos deux pays se développent rapidement. Je vous prie de transmettre mes meilleurs vœux au Guide suprême, qui soutient nos relations”.
L'allusion de Poutine au “survol de l'Iran” est directement liée aux quatre Sukhoi Su-35 armés volant en formation et escortant l'avion présidentiel sur plus de 4 000 km (en ligne droite) de Moscou à Abou Dhabi, sans escale ni ravitaillement.
Comme l'ont fait remarquer tous les analystes militaires stupéfaits, un F-35 américain est capable de voler au mieux sur 2 500 km sans ravitaillement. Mais l'élément à retenir est que MbZ et MbS ont tous deux autorisé l'escorte des Su-35 russes au-dessus de leur territoire, ce qui est extrêmement inhabituel dans les cercles diplomatiques.
Ce qui nous amène à l'essentiel. En un seul déplacement sur l'échiquier aérien, auquel s'ajoute le coup d'éclat ultérieur avec Raisi, Moscou a accompli quatre tâches :
Poutine a prouvé - en termes clairs - qu'il s'agit d'une nouvelle Asie occidentale où l'hégémon américain est un acteur secondaire ; il a détruit le mythe politique néoconservateur de l’“isolement” de la Russie ; il a démontré une ample suprématie militaire ; et enfin, à l'approche de la présidence russe des BRICS, il a montré qu'il conservait toutes ses cartes géopolitiques et géoéconomiques cruciales.
Les tuer, oui, mais discrètement
Les cinq BRICS d'origine - menés par le partenariat stratégique Russie-Chine - ouvriront leurs portes aux trois grandes puissances d'Asie occidentale que sont l'Iran, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis le 1er janvier 2024. Leur adhésion à la puissance multipolaire offre à ces pays une plateforme exceptionnelle d'accès à des marchés plus vastes, et devrait s'accompagner d'une avalanche d'investissements et d'échanges technologiques.
Le jeu sophistiqué de longue haleine entre la Russie et la Chine entraîne un bouleversement tectonique complet de la géoéconomie et de la géopolitique de l'Asie occidentale.
Le leadership des BRICS 10 - sachant que le 11e membre, l'Argentine, n'est pour l'instant qu'un joker - peut même devenir, sous une présidence russe, un pendant efficace à l'impuissance de l'ONU.
Cela nous amène à l'interaction complexe entre les BRICS et l'Axe de la Résistance.
Au début, il était permis de penser que la vague condamnation du génocide à Gaza par la Ligue arabe et l'Organisation de la coopération islamique (OCI) était un signe de lâcheté.
Cependant, une nouvelle évaluation pourrait révéler que tout évolue organiquement concernant l'intersection de la vision globale conçue par feu le commandant de la Force Qods iranienne, le général Qassem Soleimani, avec la micro-planification méticuleuse du chef du Hamas de Gaza, Yahya Sinwar, qui connaît parfaitement la mentalité israélienne et a étudié en détail sa riposte militaire dévastatrice.
Le point le plus brûlant des discussions approfondies qui ont eu lieu à Moscou ces derniers jours est sans doute que nous approchons peut-être du moment où “un signal” déclenchera une riposte concertée de l'Axe de la Résistance.
Pour l'instant, ce ne sont que des attaques sporadiques : le Hezbollah détruit les tours de communication d'Israël face à la frontière du sud Liban, les forces de résistance irakiennes attaquent les bases américaines en Irak et en Syrie, et Ansarallah, au Yémen, bloque matériellement la mer Rouge pour les navires israéliens. Tout cela n'a rien d'une offensive concertée et coordonnée - pour l'instant.
Cela expliquerait le désespoir de l'administration Biden à Washington, avec des rumeurs selon lesquelles elle a besoin qu'Israël achève le plan Gaza entre Noël et le début du mois de janvier. Non seulement la visibilité mondiale de l'offensive de Gaza est devenue horriblement insoutenable, mais surtout, une campagne militaire plus longue augmente considérablement la probabilité d'un “signal” à l'Axe de la Résistance.
Et cela entraînera la fin de tous les plans élaborés de l'Hégémon pour l'Asie occidentale.
Les objectifs géopolitiques du sionisme sont très clairs : rétablir l'aura de domination qu'il s'est forgée en Asie occidentale et maintenir un contrôle constant sur la politique étrangère des États-Unis et sur l'alliance militaire.
La dépravation est un élément clé pour atteindre ces objectifs. Il est facile de bombarder, pilonner et brûler des cibles civiles si vulnérables, y compris des milliers de femmes et d'enfants, transformant Gaza en un vaste cimetière, tandis que le Club du Fardeau de l'Homme Blanc exhorte les forces d'occupation israéliennes à les tuer, bien sûr, mais plus discrètement.
Là-dessus, l'atlantiste toxique et présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen offre des pots-de-vin, en personne, aux dirigeants égyptiens et jordaniens - 10 milliards de dollars au Caire et 5 milliards de dollars à Amman - comme l'ont confirmé des diplomates bruxellois. Voilà la solution stupéfiante de l'UE pour mettre fin au génocide de Gaza.
Tout ce que le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi et le roi jordanien Abdullah bin al-Hussein auront à faire, c'est de “faciliter” l'exode forcé et le nettoyage ethnique final de Gaza vers leurs territoires respectifs.
Parce que l'objectif ultime du sionisme demeure une solution finale pure et simple, quoi qu'il arrive sur le champ de bataille. Et, bien sûr, comme le suggère l'opération “Al-Aqsa Flood” du 7 octobre menée par le Hamas, détruire la mosquée islamique Al-Aqsa de Jérusalem et construire un troisième temple juif sur ses cendres.
Que se passera-t-il lorsque le “signal” sera donné ?
Il s'agit donc essentiellement du scénario d'émigration ou d'anéantissement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, par opposition à ce que le vétéran Alastair Crooke, spécialiste de l'Asie occidentale, a appelé de façon mémorable “Sykes-Picot est mort”. Cette expression signifie que l'inclusion des Arabes et des Iraniens dans les BRICS finira par réécrire les règles en Asie occidentale, au détriment du projet sioniste.
Il est même fort possible que les crimes de guerre certifiés d'Israël à Gaza fassent l'objet de poursuites, car les Palestiniens, les Arabes et les nations à majorité musulmane, avec le soutien total des BRICS, formeront une commission reconnue par le Sud pour poursuivre Tel-Aviv et ses forces armées en justice.
Oubliez la Cour pénale internationale (CPI), toute servile qu'elle est à l'égard de l'ordre fondé sur les règles de l'hégémon. Les BRICS contribueront à ramener le droit international sur le devant de la scène mondiale, comme le prévoyait la création de l'ONU en 1945, avant qu'elle ne se fasse castrer.
Le génocide de Gaza contraint toutes les latitudes de l'hémisphère Sud à être plus solidaires, en puisant dans la sagesse de notre histoire pré-moderne commune et indissociable. Toute personne dotée de conscience a dû aller puiser au plus profond d'elle-même pour trouver des réponses à l'Inexcusable. En ce sens, nous sommes tous des Palestiniens aujourd'hui.
Dans l'état actuel des choses, aucune puissance - l'Occident parce qu'il refuse, les BRICS et les pays du Sud parce qu'ils n'ont pas encore franchi le pas - n'a été capable de stopper la “solution finale” exécutée par une idéologie raciste et ethnocentriste.
Mais cela laisse également entrevoir de surprenantes perspectives : aucune puissance ne sera assez forte pour arrêter l'Axe de la Résistance lorsque le “signal” fera tomber le rideau sur le projet sioniste. À ce moment-là, l'Axe aura un impératif moral suprême, reconnu, voire encouragé, par les populations du monde entier.
Nous en sommes donc là : évaluer la symétrie incandescente entre impuissance et impératif. L'impasse se débloquera - peut-être plus tôt que nous ne le pensons tous.
Ceci m'amène à une comparaison avec une impasse plus ancienne. L'impasse actuelle entre une version perverse et vulgaire de la “civilisation” hébraïque et le nationalisme islamique émergent - appelons-le “islam civilisationnel” - rappelle la situation de décembre 2021, lorsque les traités proposés par la Russie sur “l'indivisibilité de la sécurité” ont été rejetés par Washington. Rétrospectivement, il s'agissait de la dernière chance de trouver une issue pacifique à l'affrontement entre le Heartland et le Rimland.
L'hégémon l'a rejetée. La Russie a fait son jeu - et a accéléré de manière exponentielle le déclin de l'hégémon.
La musique reste la même, des steppes du Donbas aux champs de pétrole de l'Asie de l'Ouest. Comment le Sud mondial multipolaire - de plus en plus largement représenté par les BRICS en expansion - peut-il gérer un Occident impérialiste déchaîné, inquiet et incontrôlable, qui fixe l'abîme du collapsus moral, politique et financier ?
https://new.thecradle.co/articles/brics-and-the-resistance-axis-a-convergence-of-goals