👁🗨 Les colons juifs ouvrent la voie à l'annexion de la Cisjordanie
“Les colons armés ne sont pas résidents, juste des colonialistes armés rappellant aux Palestiniens ces mêmes gangs qui sévissaient en Palestine dans les années 1930, à l’origine du régime sioniste”.
👁🗨 Les colons juifs ouvrent la voie à l'annexion de la Cisjordanie
Par Robert Inlakesh, le 19 juillet 2024
Les colons israéliens intensifient la violence cautionnée par l'État & les ambitions d'annexion en Cisjordanie occupée, profitant de la “diversion” procurée par la guerre contre Gaza pour légaliser les avant-postes, s'emparer des terres et faire progresser le nettoyage ethnique des Palestiniens.
Alors que l'attention du monde est détournée par l'offensive militaire implacable de Tel-Aviv à Gaza, le mouvement des colons israéliens a intensifié la violence cautionnée par l'État en Cisjordanie occupée.
Profitant de cette diversion, les colons juifs ont intensifié leurs attaques, qui ont culminé avec la récente “légalisation” de cinq avant-postes par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Cette mesure s'inscrit dans une stratégie délibérée d'expansion des colonies et de nettoyage ethnique, ouvrant la voie à une éventuelle annexion formelle.
Le gouvernement d'occupation a approuvé des mesures proposées par le ministre des Finances d'extrême droite, Bezalel Smotrich, visant à légaliser les avant-postes coloniaux, à lancer des appels d'offres pour des milliers d'autres logements illégaux destinés aux colons et à imposer des sanctions à l'Autorité palestinienne (AP) en Cisjordanie.
Smotrich, lui-même un colon en situation irrégulière en Cisjordanie, s'est engagé à ce que ces mesures ouvrent la voie à l'installation d'un million de nouveaux colons.
Violence record des colons et nettoyage ethnique
Dénonçant l'expansion des colonies à un rythme record, Volker Türk, chef des droits de l'homme des Nations unies, a condamné la décision prise par Israël en mars de construire 3 476 maisons supplémentaires pour les colons en Cisjordanie. Dans cette réalité post “Al-Aqsa-Flood” [7 octobre], les agressions de colons en furie contre les habitations, les entreprises et les populations palestiniennes ont atteint des niveaux records.
Dans un rapport publié en avril, Human Rights Watch (HRW) a fait état de cette violence extrême :
“Les colons israéliens ont agressé, torturé, commis des violences sexuelles contre des Palestiniens, volé leurs biens et leur bétail, menacé de les tuer s'ils ne se retirent pas définitivement, et détruit leurs maisons et leurs écoles sur fond d'hostilités en cours à Gaza.”
Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, plus de 540 Palestiniens ont été assassinés en Cisjordanie, dont des dizaines par des colons israéliens attaquant des villages sans défense, le tout sous la protection de l'armée d'occupation.
En outre, les milices des “Defense Squad” [“Escadrons de défense”], soutenues par l'État, qui ont reçu quelque 7 000 fusils après le 7 octobre, ont immédiatement entamé un nettoyage ethnique de milliers de Palestiniens dans quelque 16 communautés agricoles situées à Al-Khalil (Hébron), ainsi que dans quatre autres communautés près de Ramallah.
Comme l'explique Ubai al-Aboudi, directeur du Bisan Center for Research and Development, à The Cradle :
“Ce qui se passe depuis le 7 octobre, c'est que la hiérarchie de l'armée israélienne s'est affaiblie, de sorte que toute action de la part d'un soldat est non seulement autorisée, mais aussi encouragée contre les Palestiniens. Ils voient que le monde est focalisé sur ce qui se passe à Gaza, et mettent donc en œuvre leurs plans pour expulser les gens de leurs terres et les remplacer par des colons juifs.”
Plans stratégiques d'annexion
Un rapport d'enquête publié dans les médias hébreux indique que depuis le début de l'opération de résistance menée par le Hamas, le ministre israélien de la Sécurité, Itamar Ben Gvir, a ordonné à la police de ne plus appliquer la loi à l'encontre de ses compatriotes colons de Cisjordanie. Cette recrudescence de l'expansion des colonies, de l'anarchie et de la violence illégale des colons s'inscrit également dans ce qui semble être une accélération des mesures visant à annexer purement et simplement de vastes pans de la Cisjordanie.
En février dernier, un document présenté par M. Netanyahou à son cabinet de guerre, intitulé “The Day After Hamas Principles”, visait à affirmer la souveraineté totale d'Israël sur tout ce qui se trouve à l'ouest du Jourdain.
Bien que l'État d'occupation échoue lamentablement à vaincre la résistance palestinienne à Gaza et que la perspective d'annexer le territoire côtier sous blocus - avec la participation de la communauté internationale - soit mince, le camp sioniste, qui domine actuellement la coalition au pouvoir de M. Netanyahou, saisit l'occasion d'atteindre bon nombre de ses objectifs dans la région qu'il qualifie de “cœur biblique d'Israël”.
Israël a récemment appliqué une décision, d'abord annoncée par les militaires le 29 mai, visant à transférer la responsabilité de dizaines de règlements de l'administration de l'armée à des “fonctionnaires” œuvrant en tant qu'agents du ministère israélien de la Défense sous l'égide de Smotrich.
Cette annonce fait suite à la décision de Tel-Aviv de commencer à modifier la structure officielle de gouvernance de la Cisjordanie en transférant les pouvoirs administratifs de l'armée au contrôle civil, étape vers l'annexion de facto de la Cisjordanie.
L'expansion des colonies soutenue par l'État
Actuellement, la Cisjordanie occupée compte environ 146 colonies israéliennes et quelque 191 avant-postes de colons, qui contrôlent environ 46 % du territoire. La quasi-totalité de ces colonies juives sont situées dans ce que l'on appelle la zone C, qui représente environ 61 % du territoire, entièrement placée sous le contrôle policier et administratif d'Israël, conformément aux accords d'Oslo de 1995 signés avec l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Les récentes mesures prises en Cisjordanie s'inscrivent dans le cadre du “Plan décisif” proposé en 2017 par le camp des colons, qui vise à doubler la présence juive sur le territoire. Bien que le plan n'ait pas été mis en œuvre à l'époque, la guerre à Gaza a fourni des conditions propices, et des méthodes pour faciliter l'annexion de la Cisjordanie.
En août de l'année dernière, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, lui-même résidant dans la colonie illégale de Kedumim, a annoncé son intention d'allouer 120 millions de dollars à la construction de colonies et d'avant-postes de colons. Il a également été révélé en 2023 que l'armée israélienne a mis en place ce qu'elle appelle l'unité “Desert Frontier”, composée de colons extrémistes issus du groupe de colons “Hilltop Youth”.
Ces radicaux ont suscité une telle inquiétude que les services de renseignement israéliens ont lancé une opération visant à infiltrer leurs rangs. Connus pour retourner leurs armes contre les soldats de l'armée et les civils palestiniens, ces extrémistes juifs étaient autrefois considérés comme des terroristes, même d'après les critères israéliens.
Renforcement du pouvoir politique
Alors que les attaques de colons israéliens contre des civils palestiniens en Cisjordanie ont atteint un niveau record entre 2021 et 2023, les données de l'ONU indiquent que la violence des colons a doublé en octobre 2023 et n'a cessé de s'intensifier.
Ce pic coïncide avec les pouvoirs toujours plus étendus octroyés par Netanyahou à des politiciens d'extrême droite tels que Ben Gvir et Smotrich - et en a enhardi d'autres comme le chef d'état-major de l'armée israélienne, Herzi Halevi, un autre colon illégal de Cisjordanie.
Pour ne rien arranger, on a découvert que les milices de colons israéliens qui se livrent à de violentes attaques non-provoquée contre des villages palestiniens utilisent des fusils d'assaut fournis par l'armée. Les organisations de colons, y compris les organisations légales qui appellent, y compris devant les tribunaux israéliens, à raser les maisons palestiniennes, sont également financées par le gouvernement. Tout cela démontre l'interconnexion entre l'État d'occupation et les éléments les plus radicaux du mouvement colon.
Pour faciliter ce processus, la milliardaire la plus riche d'Israël, Miriam Adelson, a récemment fait un don de 100 millions de dollars à la campagne présidentielle de Donald Trump en 2024, en prévision de la reconnaissance de l'annexion israélienne de la Cisjordanie par ce dernier, une fois réélu.
Si le gouvernement israélien poursuit l'annexion officielle, il ciblera probablement la zone C de la Cisjordanie, région riche en eau et en terres agricoles qui représente environ 61 % du territoire.
Légaliser le vol de terres
Le 18 juillet, la Knesset israélienne a adopté un projet de loi rejetant la création de l'État palestinien, confortant ainsi un objectif gouvernemental de longue date. Depuis 2017, des propositions publiques visant à annexer des territoires de la Cisjordanie ont été encouragées par le Likoud, le parti au pouvoir.
S'adressant à The Cradle, Khaled Barakat, un dirigeant du mouvement palestinien Alternative Revolutionary Path (PARP), déclare :
“Pour expliquer cette nouvelle vague de colonies israéliennes, il faut remonter à 2005, 2006, à l'époque où Ariel Sharon était Premier ministre et où l'ensemble des troupes israéliennes ont dû se retirer de la bande de Gaza face à la résistance. Il s'est retrouvé en position de vaincu, et a donc adopté la stratégie d'occupation de toutes les collines de Cisjordanie.”
Et M. Barakat ajoute :
“Ils ont ensuite créé de nouvelles organisations de colons armés, ce qui explique qu'elles soient aujourd'hui au nombre de 12. Elles sont armées, ce sont des milices, et elles coopèrent en direct avec l'armée israélienne. Le grand danger de ces milices de colons en Cisjordanie est que ce ne sont pas des acteurs étatiques, de sorte que lorsqu'elles attaquent les Palestiniens quotidiennement, Israël rétorque qu'il n'a rien à voir avec eux, qu'il s'agit simplement de résidents de la Cisjordanie. Bien entendu, ce ne sont pas des résidents : ce sont des occupants colonialistes armés qui rappellent aux Palestiniens ces gangs qui sévissaient en Palestine dans les années 1930, à l’origine de la fondation du régime sioniste.”
En 2019, Netanyahou a suggéré d'annexer la vallée du Jourdain, en n'épargnant qu'une petite enclave sous le contrôle de l'Autorité palestinienne. Cette stratégie consiste à concentrer le pouvoir de l'Autorité palestinienne dans les zones A et B, où vivent plus de 3,2 millions de Palestiniens, afin d'éviter le fardeau logistique et financier d'un gouvernement direct. La politique de Netanyahu a pour but d'assurer la survie de l'AP pour des raisons de collaboration en matière de sécurité, tout en compromettant la création d'un État palestinien et en annexant le territoire de la Cisjordanie.
Alors qu'Israël peine à remporter des victoires militaires sur le Hamas à Gaza et sur le Hezbollah au Liban, il semble que Netanyahou s'oriente vers une tentative d'annexion de la Cisjordanie. Cela pourrait impliquer une campagne militaire similaire à l'Operation Defensive Shield de 2002, destinée à démanteler les groupes de résistance et à renvoyer une image victorieuse et conserver ainsi le soutien des colons alliés d'extrême-droite.
https://thecradle.co/articles/jewish-settlers-paving-the-way-for-west-bank-annexation