👁🗨 Les conspirateurs de la Constitution : Quand le discours anti-gouvernemental devient sédition
En véritable mode orwellien, le gouvernement voudrait nous faire croire que ce sont Assange et Manning les véritables criminels pour avoir osé exposer les dessous sordides de la machine de guerre.
👁🗨 Les conspirateurs de la Constitution : Quand le discours anti-gouvernemental devient sédition
Par John & NishaWhitehead via l'Institut Rutherford, le 13 juillet 2023
Soyons bien clairs sur une chose : la conspiration séditieuse n'est un vrai crime pour personne d'autre que le gouvernement américain.
Pour être reconnu coupable de conspiration séditieuse, chef d'accusation retenu contre Stewart Rhodes, condamné à 18 ans de prison pour avoir été la force motrice des émeutes du Capitole du 6 janvier, il n'est pas nécessaire de commettre des actes de violence contre le gouvernement, de vandaliser les biens du gouvernement, ni même de pénétrer dans une propriété que le gouvernement a déclarée interdite au grand public.
Pour être condamné pour conspiration séditieuse, il suffit de fomenter une révolution.
La question n'est pas de savoir si Rhodes mérite une peine aussi lourde. Il s'agit des ramifications à long terme de l'habilitation du gouvernement à faire la guerre aux individus dont les idées et l'expression politiques remettent en cause le pouvoir des autorités, révèlent la corruption du gouvernement, exposent ses mensonges et encouragent les citoyens à s'opposer aux nombreuses injustices dont il est coupable.
Il s'agit de la criminalisation de l'expression politique en pensées, en paroles et en actes et du recours par l'administration actuelle aux événements du 6 janvier pour justifier de nouvelles prises de pouvoir et renforcer les dispositions d'urgence autoritaires.
Il n'a jamais été question de prétendues menaces pour la démocratie. En fait, l'histoire de cette nation regorge de personnages dont la rhétorique visait à fomenter des troubles civils et des révolutions. En effet, selon la définition même du gouvernement, les fondateurs de l'Amérique étaient des conspirateurs séditieux en raison du discours extrêmement virulent utilisé pour donner naissance à la nation.
Thomas Jefferson, Thomas Paine, le marquis de Lafayette et John Adams auraient certainement été inculpés pour avoir suggéré que les Américains devaient non seulement prendre les armes, mais aussi se préparer à protéger leurs libertés et à se défendre contre le gouvernement si celui-ci violait leurs droits.
"Quel pays peut préserver ses libertés si ses dirigeants ne sont pas avertis de temps à autre que leur peuple conserve son esprit de résistance. Qu'ils prennent les armes", a déclaré Jefferson. Il conclut également que "l'arbre de la liberté doit être rafraîchi de temps en temps par le sang des patriotes et des tyrans".
"Il est du devoir du patriote de protéger son pays contre son gouvernement", insiste Paine.
"Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple", prévient Lafayette, "l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque partie du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs".
Adams a mis en garde : "Un plan bien établi visant à priver le peuple de tous les avantages, bénédictions et fins du contrat, à subvertir les fondements de la constitution, à le priver de toute participation à l'élaboration et à l'exécution des lois, justifiera une révolution".
Si les fondateurs de l'Amérique avaient craint les mots et les idées révolutionnaires, il n'y aurait pas eu de Premier Amendement, qui protège le droit à l'expression politique, même si cette expression est antigouvernementale.
Quelles que soient ses convictions politiques, chaque Américain a le droit, en vertu du Premier Amendement, de protester contre les programmes ou les politiques du gouvernement avec lesquels il n'est pas d'accord.
Le droit de ne pas être d'accord avec le gouvernement et de s'exprimer contre lui est la quintessence même de la liberté.
Chaque individu a le droit de dire la vérité au pouvoir - et de promouvoir le changement - en utilisant tous les moyens non violents possibles.
Malheureusement, le gouvernement tolère toujours moins ceux dont les opinions politiques peuvent être perçues comme critiques ou "antigouvernementales".
Nous sommes tous en danger.
Ces dernières années, le gouvernement a employé l'expression "terroriste national" de manière interchangeable avec "anti-gouvernement", "extrémiste" et "terroriste" pour décrire toute personne susceptible de se situer dans un spectre extrêmement étendu de points de vue qui pourraient être considérés comme "dangereux".
Les ramifications sont si étendues qu'elles font de presque chaque Américain ayant une opinion sur le gouvernement ou connaissant quelqu'un ayant une opinion sur le gouvernement, un extrémiste en paroles, en actes, en pensées ou par association.
Voyez-vous, le gouvernement ne se soucie pas de savoir si vous ou quelqu'un que vous connaissez nourrit un grief légitime. Il ne se soucie pas de savoir si vos critiques sont fondées. Et il ne se soucie certainement pas de savoir si vous avez le droit, en vertu du Premier Amendement, de dire la vérité au pouvoir.
Ce qui intéresse le gouvernement, c'est de savoir si ce que vous pensez, ce que vous dites, ce que vous partagez ou ce que vous consommez comme information est susceptible de remettre en cause sa mainmise sur le pouvoir.
Sinon, pourquoi le FBI, la CIA, la NSA et d'autres agences gouvernementales investiraient-ils dans des technologies de surveillance d'entreprise capables d'exploiter des discours protégés par la Constitution sur des plateformes de réseaux sociaux telles que Facebook, Twitter et Instagram ?
Sinon, pourquoi l'administration Biden assimilerait-elle à des terroristes ceux qui partagent des "récits faux ou trompeurs, des théories du complot et d'autres formes de désinformation et de mal-information" ?
Sinon, pourquoi le gouvernement mènerait-il une guerre contre ceux qui se livrent à des délits de pensée ?
Préparez-vous à la prochaine phase de la guerre du gouvernement contre les délits d'opinion et les diseurs de vérité.
Depuis des années, le gouvernement a recours à toutes les armes de son vaste arsenal - surveillance, évaluation des menaces, centres de coordination, programmes de prévention des crimes, lois sur les crimes de haine, police militarisée, confinement, loi martiale, etc. - pour cibler les ennemis potentiels de l'État sur la base de leurs idéologies, comportements, affiliations et autres caractéristiques susceptibles d'être considérées comme suspectes ou dangereuses.
Par exemple, si vous croyez aux droits que vous confère la Constitution et que vous les exercez (à savoir votre droit de parler librement, de pratiquer votre culte librement, de vous associer avec des personnes partageant vos opinions politiques, de critiquer le gouvernement, de posséder une arme, d'exiger un mandat avant d'être interrogé ou fouillé, ou toute autre activité considérée comme potentiellement antigouvernementale, raciste, bigote, anarchique ou souveraine), vous pourriez figurer en haut de la liste de surveillance du gouvernement en matière de terrorisme.
En outre, comme le souligne un éditorial du New York Times, vous pouvez être un extrémiste antigouvernemental (ou terroriste national) aux yeux de la police si vous craignez que le gouvernement ne complote pour confisquer vos armes à feu, si vous pensez que l'économie est sur le point de s'effondrer et que le gouvernement va bientôt déclarer la loi martiale, ou si vous affichez un nombre inhabituel d'autocollants politiques et/ou idéologiques sur votre voiture.
Selon un rapport du FBI, vous pourriez également être considéré comme une menace terroriste intérieure si vous adhérez à des théories du complot, en particulier si vous "tentez d'expliquer des événements ou des circonstances comme étant le résultat d'un groupe d'acteurs travaillant en secret pour en tirer profit aux dépens des autres" et si ces théories sont "généralement en désaccord avec les définitions officielles ou prédominantes des événements".
En d'autres termes, si vous osez adhérer à des opinions contraires à celles du gouvernement, vous risquez fort d'être soupçonné d'être un terroriste national et d'être traité en conséquence. Il existe tout un éventail de comportements, allant des délits d'opinion aux discours de haine, en passant par la divulgation d'informations, qui peuvent donner lieu à des persécutions (et à des poursuites) de la part de l'État profond.
Le simple fait d'aimer ou de partager cet article sur Facebook, ou sur Twitter, ou de le lire, ainsi que tout autre article relatif aux méfaits du gouvernement, à la surveillance, aux bavures policières ou aux libertés civiles, peut suffire à vous faire classer dans la catégorie des personnes ayant des motivations différentes et reflétant un état d'esprit différent, ce qui pourrait vous amener à vous engager dans un certain type d'activités et, par conséquent, vous placer dans le collimateur d'une enquête gouvernementale en tant que fauteur de troubles potentiel, c'est-à-dire extrémiste national.
Il y a de fortes chances, comme le rapporte le Washington Post, qu'un code couleur concernant votre dangerosité vous ait déjà été attribué - vert, jaune ou rouge - afin que la police soit avertie de votre propension potentielle à être un fauteur de troubles, selon que vous avez fait carrière dans l'armée, posté un commentaire perçu comme menaçant sur Facebook, souffrez d'une pathologie particulière ou connaissez quelqu'un qui connaît quelqu'un susceptible d'avoir commis un délit.
En d'autres termes, il se peut que vous soyez déjà signalé comme potentiellement anti-gouvernemental dans une base de données quelque part au gouvernement - Main Core, par exemple - qui identifie et suit à la trace les individus peu enclins à se plier aux diktats de l'État policier.
Comme l'a rapporté The Intercept, le FBI, la CIA, la NSA et d'autres agences gouvernementales investissent toujours plus dans des technologies de surveillance d'entreprise capables d'exploiter des discours protégés par la Constitution sur des plateformes de réseaux sociaux telles que Facebook, Twitter et Instagram afin d'identifier les extrémistes potentiels, et prédire qui pourrait s'engager dans de futurs actes de comportement antigouvernemental.
Là où de nombreux Américains se trompent, c'est quand ils supposent naïvement qu'il faut faire quelque chose d'illégal ou de nuisible pour être éveiller l’attention et faire l'objet d'une forme d'intervention ou de détention.
En fait, il suffit aujourd'hui d'utiliser certains mots déclencheurs (comme "cloud", "porc" et "pirates"), de surfer sur Internet, de communiquer à l'aide d'un téléphone portable, de boiter ou de bégayer, de conduire une voiture, d'aller à l'hôtel, d'assister à un rassemblement politique, de s'exprimer sur les réseaux sociaux, de donner l'impression de souffrir d'une pathologie mentale, de servir dans l'armée, d'être en désaccord avec un représentant des forces de l'ordre, de se faire porter pâle au travail, d’acheter du matériel dans une quincaillerie, de prendre des leçons de pilotage ou de navigation, d’avoir l’air suspect, d’être troublé ou nerveux, de siffler ou sentir mauvais, d’être vu en public en train de brandir un jouet ou un objet ressemblant de près ou de loin à une arme (comme un tuyau d'arrosage, une télécommande ou une canne), de dévisager un policier de police, de remettre en question l'autorité du gouvernement ou sembler être en faveur des armes à feu ou de la liberté.
Et puis, à l'autre bout du spectre, il y a ceux qui, comme Julian Assange et Chelsea Manning, par exemple, dénoncent les méfaits du gouvernement que le public a le droit de connaître.
En véritable mode orwellien, le gouvernement voudrait nous faire croire que ce sont Assange et Manning les véritables criminels pour avoir osé exposer les dessous sordides de la machine de guerre. Depuis son arrestation en avril 2019, Assange est enfermé dans une prison britannique de haute sécurité - en isolement jusqu'à 23 heures par jour - dans l'attente de son extradition vers les États-Unis où, s'il est reconnu coupable, il pourrait être condamné à 175 ans de prison.
C'est ainsi que l'État policier traite ceux qui contestent sa mainmise sur le pouvoir
C'est aussi la raison pour laquelle le gouvernement craint les citoyens qui pensent par eux-mêmes : parce qu'un citoyen qui pense par lui-même est un citoyen informé, engagé et prêt à tenir le gouvernement pour responsable du non-respect de l'État de droit, ce qui se traduit par la transparence et la responsabilité du gouvernement. Après tout, nous sommes des citoyens, pas des sujets.
Pour ceux qui ne comprennent pas bien la distinction entre les deux et la raison pour laquelle la transparence est si vitale pour la bonne gouvernance constitutionnelle, M. Manning résume bien la situation :
"Lorsque la liberté d'information et la transparence sont réprimées, de mauvaises décisions sont souvent prises et des tragédies déchirantes se produisent - trop souvent à une échelle stupéfiante qui peut amener les sociétés à se demander : comment cela a-t-il pu se produire ?... Je pense que lorsque le public n'a même pas l'accès le plus fondamental à ce que ses gouvernements et ses armées font en son nom, il cesse d'être impliqué dans l'acte de citoyenneté. Il existe une nette distinction entre les citoyens, qui ont des droits et des privilèges protégés par l'État, et les sujets, qui sont sous le contrôle et l'autorité totale de l'État".
C'est pourquoi le Premier Amendement est si précieux. Il confère au citoyen le droit de s'exprimer librement, de protester pacifiquement, de dénoncer les actes répréhensibles du gouvernement et de le critiquer sans craindre d'être arrêté, isolé ou de subir l'une des autres punitions infligées aux lanceurs d'alerte tels qu'Edwards Snowden, Assange et Manning.
Le défi consiste à amener le gouvernement à respecter la loi.
Il y a un peu plus de 50 ans, la Cour suprême des États-Unis a rendu un jugement (6-3) dans l'affaire United States v. Washington Post Co. pour bloquer les tentatives de l'administration Nixon d'invoquer la sécurité nationale pour empêcher le Washington Post et le New York Times de publier les documents secrets du Pentagone sur la façon dont les États-Unis sont entrés en guerre au Viêt Nam.
Comme l'a fait remarquer le juge William O. Douglas à propos de cette décision,
"la presse a été protégée afin qu'elle puisse révéler les secrets du gouvernement et informer le peuple. Seule une presse libre et sans entraves peut effectivement dénoncer les pratiques trompeuses du gouvernement. Et parmi les responsabilités primordiales d'une presse libre figure le devoir d'empêcher tout acteur du gouvernement de tromper le peuple et de l'envoyer dans des pays lointains pour y mourir de fièvres étrangères et de fusillades et d'obus étrangers".
Aujourd'hui, nous assistons à une nouvelle épreuve de force, cette fois entre Assange et l'État profond, qui oppose le droit du peuple à connaître les fautes du gouvernement à la puissance du complexe militaro-industriel.
Pourtant, il ne s'agit pas seulement de savoir si les lanceurs d'alerte et les journalistes font partie d'une catégorie protégée par la Constitution. Il s'agit de savoir combien de temps "nous, le peuple" resterons encore une catégorie protégée par la Constitution.
Si l'on observe la trajectoire actuelle, il ne va pas falloir attendre longtemps avant que tous ceux qui croient pouvoir demander des comptes au gouvernement soient qualifiés d'"extrémistes", relégués dans une sous-catégorie sans droit de cité, surveillés en permanence, et embarqués si le gouvernement l'estime nécessaire.
Nous en sommes presque à ce stade.