👁🗨 Les crimes de guerre d'Israël
Chaque fois que l'ONU parvient à acheminer davantage d'aide à Gaza, les bombardements israéliens sur les zones civiles s'intensifient et le nombre de victimes civiles augmente.
👁🗨 Les crimes de guerre d'Israël
Par Vijay Prishad, le 30 décembre 2023
Dans la nuit du 19 décembre 2023, les forces militaires israéliennes ont encerclé l'immeuble Al-Awda dans le quartier Al-Remal de la ville de Gaza. Quatre familles se trouvaient à l'intérieur, dont la famille Annan, qui a donné son nom à l'immeuble. Le quartier d'Al-Remal, situé le long de la côte de Gaza, était un quartier des classes moyennes composé d'immeubles d'habitation. Au début de la guerre, les Israéliens ont brutalement bombardé ce quartier, le réduisant en ruines. Certains bâtiments, comme l'immeuble Annan, sont restés debout et sont devenus des abris pour des familles agrandies. Les forces israéliennes ont fait irruption dans le bâtiment, ont séparé les hommes des femmes et des enfants, puis ont abattu une quinzaine d'hommes. Selon les Nations Unies, les militaires israéliens ont ensuite
“ordonné aux femmes et aux enfants de se rendre dans une pièce et leur ont tiré dessus ou ont lancé une grenade dans la pièce, blessant gravement certains d'entre eux, dont un nourrisson et un enfant”.
Les Nations unies ont déclaré le 20 décembre qu'elles avaient “confirmé les meurtres”, bien que les fonctionnaires de l'ONU soient encore en train de vérifier les détails et les circonstances. Un jour après l'annonce par l'ONU de ce “crime de guerre” - expression utilisée par le Bureau des droits de l'homme de l'ONU - les forces armées israéliennes ont déclaré qu'elles avaient détruit un réseau de tunnels sur la place de la Palestine, à Al-Remal. Les Israéliens ont affirmé que ces tunnels abritaient le centre de commandement et de contrôle du Hamas ainsi que les maisons des dirigeants du Hamas, Yahya Sinwar et Ismail Haniyeh. Les Israéliens ont bombardé cette zone, touchant plusieurs bâtiments résidentiels. Ce bombardement a creusé un énorme cratère. Le nombre de victimes de ce bombardement est difficile à confirmer, car le système de santé à Gaza a été profondément endommagé par l'assaut israélien incessant. Israël affirme avoir déjà démantelé le réseau de tunnels utilisé par les factions armées palestiniennes, bien que l'aviation israélienne n'ait pas cessé ses bombardements.
Ce qui s'est passé le 19 décembre dans le bâtiment Annan n'est qu'un incident parmi d'autres, mais il est révélateur de la manière dont les Israéliens opèrent à Gaza. Le bilan s'élève désormais à plus de 20 000 morts, soit environ 1 % de la population palestinienne de Gaza anéantie. Un ami qui vit non loin d'Al-Remal m'a dit qu'il pensait que les meurtres dans le nord de Gaza s'étaient accélérés ces derniers jours, et que les Israéliens semblaient vouloir soit tuer les Palestiniens restés sur place, soit effrayer la population pour la chasser définitivement du secteur. Le 23 décembre, par exemple, les bombardements israéliens dans le nord de Gaza ont tué 166 personnes. Le lendemain, la veille de Noël, des avions israéliens ont survolé le camp de réfugiés de Maghazi (à l'est de Deir Al-Balah) et le camp de réfugiés de Bureij (au centre de la bande de Gaza), bombardant des zones résidentielles et tuant au moins une centaine de personnes (dont un enfant de deux semaines). Le 25 décembre, les Israéliens ont tué au moins 250 civils. Ces chiffres - 166, 100, 250 - sont simplement ceux que le ministère de la santé est en mesure de déterminer. Ce ne sont pas des chiffres exacts. Le porte-parole du ministère, Ashraf al-Qidra, affirme que les chiffres obtenus ne concernent que les personnes dont le décès a été confirmé et qu'ils devraient augmenter au fur et à mesure que d'autres corps seront exhumés des décombres. Il est probable que lorsque la poussière retombera, le nombre de morts sera bien plus élevé que les chiffres qui circulent actuellement et qui sont déjà effrayants. Il est important de rappeler que les Israéliens ont ordonné aux Palestiniens d'évacuer et de s'abriter dans le camp de Maghazi (attaqué il y a un mois et où au moins cinquante personnes ont été tuées par les Israéliens).
Le 23 décembre, le Washington Post a publié un article dont le titre était explicite : “Israël mène à Gaza l'une des guerres les plus destructrices du siècle”. L'article se fonde sur l'analyse de données satellitaires, de données relatives aux frappes aériennes, d'évaluations des dommages par l'ONU et d'entretiens avec des travailleurs humanitaires de l'ONU sur le terrain. La conclusion du Post est percutante :
“Les preuves attestent qu'Israël a mené sa guerre à Gaza à un rythme et à un niveau de dévastation qui dépassent probablement tous les conflits récents réunis”. Le Post a constaté que “l'armée israélienne a mené des frappes aériennes massives et répétées à proximité des hôpitaux, censés bénéficier d'une protection spéciale en vertu des lois de la guerre. Les images satellite examinées par les journalistes du Post ont révélé des dizaines de cratères apparents près de 17 des 28 hôpitaux du nord de Gaza, où les bombardements et les combats ont été les plus intenses au cours des deux premiers mois de la guerre, y compris 10 cratères tels qu’ils suggèrent le recours à des bombes d'une tonne, soit les plus puissantes couramment utilisées".
Le Washington Post est le journal de référence de la capitale des États-Unis, dont le leadership a fait obstacle à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies appelant à un cessez-le-feu.
Les bombardements israéliens sur Gaza ont détruit près de 40 000 structures, dont des hôpitaux, des écoles et des maisons. Certaines de ces structures avaient été financées par le gouvernement américain. Il y a un an, le Congrès américain a financé la modernisation du club sportif de Gaza, fondé en 1934. La somme de 519 000 USD a permis au club de mettre en place de nouvelles installations sportives, notamment un terrain de football en AstroTurf. Lorsque le club a été rénové, Dalia Nassir (21 ans) a déclaré qu'elle ne pouvait pas jouer sur l'ancien terrain de basket parce qu'il était inondé par les eaux de pluie. Tout cela a été réparé. Lors des bombardements israéliens, le toit du club a été pulvérisé et le terrain détruit. En d'autres termes, même les projets financés par les États-Unis n'ont pas été épargnés par les Israéliens. Howard Sumka, directeur de la mission de l'USAID pour Gaza et la Cisjordanie entre 2006 et 2010, a déclaré que cette destruction “suggère une certaine dissonance cognitive”. Le gouvernement américain finance un club sportif et finance également l'armée israélienne (à hauteur de 3 milliards de dollars par an) pour, eh bien, détruire le club. “C'est un peu Sisyphe”, a déclaré M. Sumka.
Michael Lynk, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'homme dans les territoires palestiniens de 2016 à 2022, déclare à propos de ces massacres : “Le nombre de civils palestiniens tués en si peu de temps semble être le plus élevé du XXIe siècle.” Il s'agit d'une déclaration très éloquente. Chaque fois que les Nations unies parviennent à acheminer davantage d'aide à Gaza, les bombardements israéliens sur les zones civiles s'intensifient et le nombre de victimes civiles augmente. Le gouvernement israélien, dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ne montre pas le moindre remord face à cet énorme bilan civil. En fait, M. Netanyahu a rendu visite aux troupes à Gaza le 25 décembre et a déclaré à ses parlementaires à son retour à Tel-Aviv :
“Nous ne nous arrêterons pas. Nous continuons à nous battre et nous intensifierons les combats dans les jours à venir. Ce sera une longue bataille et elle n'est pas près d'être terminée”.
Les gouvernements égyptien et qatari ont élaboré un plan de paix qui prévoit un cessez-le-feu, le retrait des troupes israéliennes de Gaza, la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens, ainsi que la création d'un nouveau gouvernement à Gaza. Le Hamas et le Jihad islamique ont rejeté une proposition antérieure visant à ce qu'ils cèdent le pouvoir politique à Gaza, bien qu'ils soient disposés à s'associer à d'autres factions palestiniennes pour former un nouveau gouvernement. Le cabinet de M. Netanyahu poursuit sa politique schizophrénique en négociant avec le Hamas au sujet des otages et en essayant d'éradiquer les résistants. Reste à savoir si Israël acceptera un quelconque plan de paix. L'attitude de M. Netanyahou au cours des dernières semaines a été radicalement intraitable, rendant improbable une quelconque issue à ce conflit.
* Vijay Prashad est un historien, éditeur et journaliste indien. Il est chargé d'écriture et correspondant en chef de Globetrotter. Il est éditeur de LeftWord Books et directeur de Tricontinental : Institute for Social Research. Il a écrit plus de 20 livres, dont The Darker Nations et The Poorer Nations. Ses derniers ouvrages sont Struggle Makes Us Human : Learning from Movements for Socialism et (avec Noam Chomsky) The Withdrawal : Iraq, Libya, Afghanistan, and the Fragility of U.S. Power.