đâđš Les deux camps se rĂ©organisent & la guerre IsraĂ«l/Iran entre dans une nouvelle phase
L'aprĂšs-cessez-le-feu n'est pas synonyme de paix, mais de rĂ©armement & rĂ©organisation. Si lâIran ne dispose pas des services du Mossad en Palestine occupĂ©e, il a d'autres atouts dans sa manche.
đâđš Alors que les deux camps se rĂ©organisent, la guerre IsraĂ«l/Iran entre dans une nouvelle phase
Par Mohamad Hasan Sweidan, le 14 juillet 2025
Le cessez-le-feu du mois dernier n'a pas marquĂ© la fin des hostilitĂ©s, mais plutĂŽt une transition vers une phase plus dangereuse et plus ambiguĂ« du conflit entre TĂ©hĂ©ran et Tel-Aviv. Les deux camps rĂ©ajustent leurs stratĂ©gies, mais la guerre, menĂ©e dans l'ombre, dans le cyberespace et sur le plan psychologique, est loin d'ĂȘtre terminĂ©e.
La guerre de douze jours qui a opposĂ© l'Iran Ă l'Ătat d'occupation israĂ©lien en juin 2025 a mis fin Ă des dĂ©cennies de frappes secrĂštes, de lignes rouges et de retenue orchestrĂ©e par des puissances Ă©trangĂšres.
En moins de deux semaines, les missiles iraniens ont atteint Tel-Aviv et les avions israéliens ont frappé en profondeur le territoire iranien, mettant ainsi fin à une situation qui couvait depuis longtemps, et transformant le conflit en une guerre ouverte.
Le cessez-le-feu consécutif n'est pas synonyme d'avancée, mais de répit. Les deux camps se repositionnent désormais pour une longue confrontation qui s'étendra à toute la région, redessinera les alliances et éprouvera la capacité de la domination américaine en Asie occidentale.
Des agendas divergents
Ă l'issue de la visite aux Ătats-Unis du Premier ministre israĂ©lien Benjamin Netanyahu, la politique iranienne reste un sujet de discorde entre Tel-Aviv et Washington. Face Ă de nouveaux imbroglios rĂ©gionaux, le prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump, de plus en plus prudent, privilĂ©gie une stratĂ©gie restrictive axĂ©e sur la prĂ©vention d'une progression nuclĂ©aire sans s'engager dans un conflit militaire plus important.
Netanyahu, quant Ă lui, est rentrĂ© de Washington en prĂ©conisant une approche beaucoup plus conflictuelle pour accĂ©lĂ©rer lâeffondrement interne de la RĂ©publique islamique.
Les fuites provenant des réunions entre les deux hommes indiquent des priorités divergentes. Ce différend ne se limite pas à des désaccords tactiques ; il révÚle des objectifs politiques divergents. Pour Trump, la diplomatie est un moyen de gérer l'escalade. Pour Netanyahu, la confrontation est la stratégie par excellence. Tel-Aviv exige la capitulation plutÎt que le confinement.
Les enseignements de la guerre
La guerre de douze jours a marquĂ© la premiĂšre confrontation militaire directe prolongĂ©e entre l'Iran et l'Ătat occupant. Alors que les accrochages prĂ©cĂ©dents se limitaient Ă des opĂ©rations de renseignement et Ă des conflits par procuration, celui-ci a dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© en une sĂ©rie d'attaques de missiles et de drones Ă grande Ă©chelle.
Les frappes aĂ©riennes israĂ©liennes ont touchĂ© des installations nuclĂ©aires et des infrastructures stratĂ©giques situĂ©es au cĆur de l'Iran. La riposte iranienne a pris la forme de missiles balistiques et de drones qui ont pĂ©nĂ©trĂ© l'espace aĂ©rien israĂ©lien, frappant des sites militaires et des inifrastructures des services du renseignement, notamment Ă Tel-Aviv.
Cette guerre a bouleversé des hypothÚses anciennes. L'Iran a notamment frappé la plus grande base américaine en Asie occidentale, la base d'Al-Udeid, au Qatar, montrant ainsi sa volonté de frapper Washington directement en réponse aux frappes américaines contre plusieurs de ses installations nucléaires.
De leur cĂŽtĂ©, les Ătats-Unis ont mis en avant leur capacitĂ© Ă engager militairement l'Iran, mais ont Ă©vitĂ© toute implication dans un conflit prolongĂ©. S'inspirant de la thĂ©orie du ârisque calculĂ©â de Thomas Schelling, les deux parties ont cherchĂ© Ă dĂ©montrer leur capacitĂ© et leur dĂ©termination sans franchir le seuil d'une guerre ouverte.
S'appuyant sur son concept d'âĂ©quivalence des coĂ»tsâ, Kenneth Waltz a observĂ© que âplus le coĂ»t de la guerre augmente par rapport aux gains possibles, moins la guerre est probableâ, expliquant ainsi pourquoi les Ătats-Unis ont reculĂ©. TĂ©hĂ©ran a clairement fait savoir qu'une attaque amĂ©ricaine d'envergure serait suivie de reprĂ©sailles rĂ©gionales menaçant les marchĂ©s Ă©nergĂ©tiques et les troupes amĂ©ricaines. Cette rĂ©alitĂ©, plus que toute considĂ©ration pacifiste, a motivĂ© le revirement de Trump en faveur de la diplomatie.
Trois leçons majeures peuvent ainsi ĂȘtre tirĂ©es :
1. Les limites d'Israël
Si l'Ătat occupant a connu un succĂšs initial, notamment grĂące Ă des frappes de prĂ©cision rĂ©alisĂ©es grĂące Ă l'infiltration du Mossad dans les services du renseignement iraniens, il n'a pas rĂ©ussi Ă paralyser le programme nuclĂ©aire iranien. L'Iran a en effet rĂ©vĂ©lĂ© les faiblesses du systĂšme de dĂ©fense antimissile multicouche tant vantĂ© par IsraĂ«l.
Un flot de missiles soutenu a submergĂ© le DĂŽme de fer et autres systĂšmes de dĂ©fense antimissile, prouvant qu'IsraĂ«l ne peut pas agir en toute impunitĂ©. Comme l'a reconnu l'Institut israĂ©lien d'Ă©tudes sur la sĂ©curitĂ© nationale (INSS), l'Iran peut âinfliger des prĂ©judices sĂ©rieux Ă IsraĂ«l Ă titre de reprĂ©saillesâ, malgrĂ© la supĂ©rioritĂ© technologique de l'Ătat occupant.
2. Les vulnérabilités de l'Iran
Téhéran a également identifié ses points faibles, notamment dans la défense aérienne et la sécurité intérieure. La République islamique devrait désormais accélérer l'acquisition de systÚmes de défense avancés russes ou chinois, renforcer ses services de contre-espionnage interne et accroßtre la fiabilité de ses systÚmes de missiles.
3. Les lignes rouges de Washington
La guerre a rappelĂ© aux dirigeants israĂ©liens que le soutien politique et militaire amĂ©ricain, ou plutĂŽt son retrait, conditionne la marge de manĆuvre d'IsraĂ«l face Ă l'Iran. Bien que l'administration Trump soit gĂ©nĂ©ralement favorable aux objectifs d'IsraĂ«l, elle ne veut clairement pas d'une guerre prolongĂ©e.
AprĂšs avoir aidĂ© IsraĂ«l Ă frapper des installations nuclĂ©aires iraniennes, Trump a en effet rĂ©ussi une âsortie en douceurâ en dĂ©clarant la mission accomplie et en poussant au cessez-le-feu.
Selon l'INSS, Washington peut recourir Ă la force pour empĂȘcher l'Iran de se doter de l'arme nuclĂ©aire, mais pas pour renverser le gouvernement iranien ou mener une guerre ouverte au nom d'IsraĂ«l.
La stratégie à long terme de Tel-Aviv
AprÚs le cessez-le-feu, l'objectif stratégique d'Israël reste inchangé : affaiblir l'Iran, contrer ses ambitions nucléaires et régionales, et contribuer à son effondrement interne. Mais Tel-Aviv sait qu'une nouvelle guerre majeure se retournera contre lui.
Les opĂ©rations secrĂštes sont donc de nouveau au premier plan. Lâassassinat de plus d'une douzaine de scientifiques iraniens de haut rang perpĂ©trĂ©s par le Mossad pendant la guerre tĂ©moigne de l'ampleur et de la prĂ©cision de ces tentatives. Le cyber-sabotage s'est Ă©galement intensifiĂ©, avec des opĂ©rations destinĂ©es Ă semer la peur et l'incertitude au sein des institutions iraniennes. La rĂ©pression post-guerre de TĂ©hĂ©ran, qui a donnĂ© lieu Ă des centaines d'arrestations pour espionnage, tĂ©moigne d'une prise de conscience de la menace croissante.
Des frappes aĂ©riennes pourraient Ă©galement reprendre de maniĂšre sporadique, imitant l'approche âtondre lâherbeâ utilisĂ©e contre le Hamas et le Hezbollah. Ces frappes sont calibrĂ©es pour dĂ©truire les infrastructures reconstruites tout en Ă©vitant une guerre totale. Cependant, chaque frappe risque d'entraĂźner des reprĂ©sailles et des tensions plus importantes, en particulier si les lignes rouges des Ătats-Unis sont franchies.
La cyberguerre, dont le caractÚre niable et le pouvoir de perturbation sont des atouts majeurs, s'impose comme élément central.
Cependant, c'est une arme à double tranchant : l'arsenal cybernétique croissant de l'Iran, déployé durant et aprÚs la guerre, menace les systÚmes critiques israéliens.
Tel-Aviv pourrait Ă©galement attiser les troubles internes en Iran. Cela inclut le renforcement des groupes d'opposition et la manipulation des tensions ethniques dans les provinces instables telles qu'Ahvaz, le Baloutchistan, le Kurdistan occidental et les zones Ă majoritĂ© azĂ©rie. Cependant, la guerre a pour l'instant uni la sociĂ©tĂ© iranienne autour de l'Ătat, limitant l'efficacitĂ© de ces stratagĂšmes.
L'Ătat d'occupation cherche Ă prolonger la confrontation sans dĂ©clencher une conflagration rĂ©gionale, en saignant lentement l'Iran grĂące aux assassinats, aux cyberattaques et Ă la guerre psychologique.
L'objectif n'est pas d'obtenir la victoire par des combats, mais de provoquer un effondrement par Ă©puisement, selon la âmĂ©thode de la grenouilleâ : affaiblir les dĂ©fenses de l'Iran, dissoudre ses alliances et attendre que la pression fasse imploser l'Ătat.
Téhéran s'adapte
Pour l'Iran, la guerre a été un signal d'alarme. L'aprÚs-cessez-le-feu n'est pas synonyme de paix, mais de réarmement et réorganisation. Si Téhéran ne dispose pas d'agents du renseignement israélien en Palestine occupée, il a d'autres atouts dans sa manche.
Sur le plan intĂ©rieur, la RĂ©publique islamique a intensifiĂ© sa rĂ©pression contre l'infiltration, procĂ©dant Ă plus de 700 arrestations pour espionnage, exĂ©cutant six agents du Mossad et adoptant une nouvelle lĂ©gislation imposant la peine de mort Ă quiconque aide l'Ătat d'occupation, les Ătats-Unis et leurs alliĂ©s, ce qui Ă©quivaut Ă la « corruption sur terre ». La nation iranienne en ressort grandie.
L'arsenal iranien dans le cyberespace s'avĂšre dĂ©sormais redoutable. Des milliers de documents israĂ©liens ont Ă©tĂ© piratĂ©s, ainsi que des donnĂ©es sur les soldats d'occupation, et des radars et systĂšmes de surveillance ont Ă©tĂ© sabotĂ©s. Des cyberattaques sur des infrastructures critiques ont Ă©galement Ă©tĂ© enregistrĂ©es. TĂ©hĂ©ran peut dĂ©sormais frapper au cĆur d'IsraĂ«l sans lancer un seul missile.
Au niveau rĂ©gional, l'Iran maintiendra une stratĂ©gie de dissuasion asymĂ©trique. Cela inclut le soutien aux alliĂ©s de la RĂ©sistance au Liban, en Irak et au YĂ©men, le renforcement de la prĂ©cision des missiles et des dĂ©fenses aĂ©riennes, ainsi que l'intensification de la pression cybernĂ©tique. L'objectif de TĂ©hĂ©ran est non seulement d'augmenter la facture pour IsraĂ«l, mais aussi d'Ă©viter une escalade directe, jusqu'Ă ce qu'il se sente prĂȘt.
La guerre est passée d'une confrontation ouverte à une guerre d'usure et du renseignement. Aucun des deux camps ne l'a emporté. Mais les deux camps se préparent pour le prochain round.
Traduit par Spirit of Free Speech
https://thecradle.co/articles/both-sides-recalibrate-as-the-iran-israel-war-enters-a-new-phase