👁🗨 Les enfants des camps
Si une Palestine libre et indépendante doit voir le jour, ce sera grâce au sacrifice consenti par Yahya Sinwar pour sa création. Il est le véritable père de la Palestine.
👁🗨 Les enfants des camps
Par Scott Ritter, le 18 octobre 2024
Yahya Sinwar a été tué en combattant les soldats israéliens dans les ruines de Gaza. Sa mort sera une source d'inspiration pour les Palestiniens pour les années à venir. Si une Palestine libre et indépendante doit voir le jour, ce sera grâce au sacrifice consenti par Yahya Sinwar pour sa création. Il est le véritable père de la Palestine.
Il était un enfant des camps, né en captivité dans le camp de réfugiés de Khan Younis à Gaza, fils de citoyens palestiniens de Majdal 'Asqalan (aujourd'hui Ashkelon) chassés de chez eux par les forces israéliennes en 1948 lors de ce que l'on appelle la Nakba, ou catastrophe.
Il a été l'un des premiers à rejoindre le Hamas lorsque celui-ci a fait scission avec la branche palestinienne des Frères musulmans, en 1987, et a fondé le Majd, ou services de sécurité du Hamas, qu'il a dirigé. Dès le début, il a reconnu que la purge du Hamas et de la population palestinienne des agents israéliens était une priorité absolue, une condition préalable au succès. Lorsqu'il a été arrêté par les Israéliens et condamné à quatre peines de prison à vie pour son implication dans l'enlèvement et la mort de deux soldats israéliens, il a ouvertement reconnu avoir tué 12 informateurs israéliens.
En prison, il est devenu le chef du Hamas, organisant la vie des prisonniers derrière les barreaux et coordonnant les activités des dirigeants du Hamas à Gaza. Il a étudié l'hébreu ainsi que le peuple et la nation israéliens et a consigné ses expériences dans un “roman”, The Thorn and the Carnation (L'épine et l'œillet), dont il a précisé qu'il s'agissait d'une fiction, bien que tous les incidents décrits soient authentiques.
Il a été libéré de prison en 2011, dans le cadre d'un échange de prisonniers accordé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Il a rapidement gravi les échelons du Hamas, harmonisant l'aile politique et l'aile militaire, et oeuvrant à l'intégration du Hamas dans ce que l'on appelle “l'Axe de résistance”, guidé par l'Iran, et qui comprend le Hezbollah (Liban) et Ansarullah (Yémen).
Il s'est marié peu après sa sortie de prison et a eu trois enfants de sa femme, titulaire d'une maîtrise en théologie de l'université islamique de Gaza, dont son fils aîné, Ibrahim, qui lui a donné son titre honorifique d'Aby Ibrahim (“le père d'Ibrahim”).
Il a juré que sa descendance ne serait pas condamnée à passer sa vie comme les enfants des camps.
À cette fin, il a contribué à la planification et à l'exécution de l'attaque du 7 octobre 2023 contre Israël.
L'attaque a fait plus de 1 200 morts israéliens, dont plus d'un tiers étaient des soldats, et parmi les autres, plus de la moitié ont été tués par les forces israéliennes dans le cadre de la “directive Hannibal” qui prévoit que les forces de défense israéliennes sont chargées de tuer tout captif israélien afin d'éviter que des pressions politiques ultérieures ne soient exercées sur les dirigeants israéliens pour le type d'échange de prisonniers qui a permis sa libération.
Il a passé sa vie à étudier les Israéliens et les connaît sur le bout des doigts.
Il savait qu'en humiliant l'armée et les forces de sécurité israéliennes, en faisant des centaines d'Israéliens prisonniers, il obligerait la nation israélienne à se débarrasser du mince vernis de civilité et d'humanité qu'elle portait pour tromper le monde, et à contraindre les Israéliens à montrer au monde la vérité sur ce qu'ils sont vraiment - une nation qui pense être supérieure au reste du monde, dont le statut autoproclamé de “peuple élu de Dieu” l'autorise à dominer les “animaux humains” qui ne professent pas sa foi, à violer, assassiner et dépouiller à volonté sans craindre une quelconque sanction.
Il savait qu'Israël mettrait pleinement en œuvre sa cruelle doctrine Dahiya de punition collective, assassinant des dizaines de milliers de Palestiniens en raison de sa rage collective d'avoir été humilié par le Hamas.
Il a compris la psychologie israélienne, prédisant non seulement qu'ils adapteraient l'outil de ciblage basé sur l'intelligence artificielle, connu sous le nom de “Lavender”, qu'ils utiliseraient pour justifier le bombardement de quartiers civils sous prétexte de tuer des responsables subalternes du Hamas et leurs familles, mais aussi que les Israéliens seraient obligés de s'en vanter et d'exposer leurs crimes au monde entier.
Il savait que l'opération “Al Aqsa Flood” - nom de l'attaque du 7 octobre 2023 contre Israël - déclencherait des événements qui non seulement entraîneraient la régression d'Israël, mais aussi l'émergence d'une patrie palestinienne.
Il savait qu'il était promis à la mort et prononçait souvent des discours publics à Gaza, après quoi il annonçait à la presse qu'il rentrait chez lui, mettant ouvertement Israël au défi de le tuer.
Sa mort a été la priorité absolue d'Israël dans les jours, les semaines et les mois qui ont suivi le 7 octobre 2023. Les Israéliens ont essayé de le dénigrer en tant que leader, diffusant des rapports le dépeignant comme un milliardaire enrichi sur la misère du peuple palestinien, et comme un lâche se cachant sous terre, entouré de sa famille et d'otages israéliens utilisés comme boucliers humains.
En fin de compte, il est mort aux mains des Israéliens.
Mais il n'est pas mort dans un tunnel.
Il n'est pas mort entouré de boucliers humains.
Il est mort au combat, à la tête des combattants du Hamas dans les rues de Gaza.
La rencontre a été accidentelle : les forces israéliennes, qui exploraient les ruines de Gaza, se sont trouvées en présence de plusieurs combattants du Hamas.
Au cours de la fusillade qui a suivi, les chars israéliens ont tiré sur le bâtiment où les combattants s'étaient positionnés. Quatre des combattants du Hamas ont été tués. Lorsque les soldats israéliens ont tenté de pénétrer dans le bâtiment, ils ont été repoussés par des grenades lancées par un des seuls survivants, grièvement blessé. L'infanterie israélienne, utilisant des missiles antichars, a tiré sur le bâtiment, tuant le combattant du Hamas survivant. Un drone a pénétré dans le bâtiment, révélant une silhouette défiant l'ennemi, assise sur un fauteuil, fixant la caméra. Il avait perdu un bras et ses jambes étaient gravement mutilées. Avec le bras restant, le combattant a ramassé un morceau de bois et l'a lancé sur le drone.
Les Israéliens, localisant le combattant du Hamas blessé, ont de nouveau tiré sur le bâtiment, entraînant sa mort.
Il s'appelait Yahya Sinwar.
Il est mort en héros.
En menant ses hommes au combat contre l'envahisseur.
Pour que ses enfants, et les enfants d'autres “enfants des camps” comme lui, connaissent un jour la liberté.
Yahya Sinwar est désormais considéré comme un martyr de la cause la plus juste que l'on puisse imaginer : la naissance d'une nation qui tente de libérer son peuple d'une occupation cruelle et injuste.
Au cours des prochains jours, Israël et les États-Unis chercheront à exploiter la mort de Yahya Sinwar à des fins de propagande en appelant le peuple palestinien à rejeter son destin en se soumettant à la tyrannie de la domination et de l'occupation israéliennes.
Ce que les politiciens de Tel Aviv et de Washington ne comprennent pas, c'est que le peuple palestinien a déjà fait sien le destin de Yahya Sinwar, en acceptant le martyre s'il permet à ses enfants de vivre libres en tant que citoyens d'un État palestinien indépendant.
Il était un enfant des camps.
Il est né dans les camps.
Il a été élevé et nourri dans les camps.
Et il est mort en défendant les camps contre l'occupant israélien.
Pour que plus jamais, la prison des camps ne définisse la vie de générations de Palestiniens.