👁🗨 Les États-Unis mis en cause alors que l'impunité israélienne tire à sa fin
Des fonctionnaires américains déclarent à Blinken que les assurances d'Israël selon lesquelles il utilise les armes américaines dans le respect du droit international ne sont ni “crédibles ni fiables”
👁🗨 Les États-Unis mis en cause alors que l'impunité israélienne tire à sa fin
Par Maureen Clare Murphy, le 30 avril 2024
Les décennies d'impunité d'Israël sont révolues, du moins c'est ce que craignent ses dirigeants, qui transmettent aux médias des informations selon lesquelles des mandats d'arrêt pour crimes de guerre sont imminents, afin d'inciter leurs alliés à les contrecarrer.
Les rumeurs persistantes selon lesquelles des membres du Cabinet de guerre israélien - le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef militaire Herzi Halevi - seraient bientôt inculpés pourraient bien être fondées.
Reuters a rapporté lundi que le personnel des hôpitaux de Gaza - qui, au cours des derniers mois, ont été privés de leur capacité à fournir des soins et transformés en charniers - a été interrogé par les enquêteurs de la Cour pénale internationale.
Il est possible que des mandats d'arrêt à l'encontre de hauts fonctionnaires israéliens aient déjà été délivrés dans la confidentialité.
Une “source diplomatique israélienne” anonyme a protesté auprès du Jerusalem Post contre le silence apparent de l'administration Biden au sujet de la CPI.
La colère de ce fonctionnaire anonyme vis-à-vis de Joe Biden n'a pas lieu d'être.
Les incantations de Washington déclarant son soutien indéfectible à Israël et le prétendu droit d'Israël à l'autodéfense doivent être compris comme une déclaration de préservation de l'impunité israélienne coûte que coûte.
La panique d'Israël concernant la CPI vient de son incapacité à maintenir son régime de colonisation, d'apartheid et d'occupation de la Palestine sans le soutien de l'unique superpuissance mondiale.
Or, ce soutien s'érode en raison de l‘indignation généralisée contre la campagne génocidaire d'Israël à Gaza.
Des décennies de soutien bipartite à Israël sont considérées par beaucoup comme un handicap stratégique dont les États-Unis ne tirent que peu d'avantages, et ce d'autant qu'un Netanyahou aux abois tente d'entraîner Washington dans une guerre régionale catastrophique.
Le rôle direct de l'administration Biden dans le génocide israélien à Gaza constitue également un handicap juridique. Les mandats d'arrêt de la CPI pour les crimes de guerre israéliens pourraient - et devraient - impliquer des responsables américains.
Obstacles à la justice
Il existe un certain nombre d'obstacles entre les hauts fonctionnaires de Joe Biden et la justice de la CPI.
Karim Khan, le procureur général de la CPI, accusé de partialité à l'égard des États puissants, a abandonné les enquêtes sur les crimes de guerre qui auraient été perpétrés par le personnel américain en Afghanistan. Le dossier palestinien de la Cour est géré par une personnalité de l'establishment britannique, et un ancien procureur militaire américain, et la loi américaine autorise le président à ordonner une action militaire pour protéger ses ressortissants contre les poursuites et les soustraire à l'arrestation de la Cour.
Comme Israël, les États-Unis ne sont pas signataires du traité fondateur de la CPI. Mais la Palestine a adhéré au Statut de Rome, et la Cour a une compétence territoriale sur les crimes présumés perpétrés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
M. Khan a déclaré que la Cour est également compétente pour juger les crimes présumés perpétrés par des acteurs basés dans ces territoires, et il délivrera probablement des mandats d'arrêt à l'encontre de dirigeants du Hamas en lien avec l'attaque du 7 octobre.
Bien que les États-Unis nourrissent un certain mépris à l'égard de la CPI, comme en témoigne la loi Hague Invasion Act adoptée par George W. Bush, ils se sont rapprochés du tribunal ces dernières années en soutenant son enquête sur les crimes de guerre présumés commis par la Russie en Ukraine.
Ce faisant, M. Biden a bel et bien reconnu la compétence territoriale de la CPI en Ukraine - ni la Russie ni l'Ukraine ne sont parties au Statut de Rome - et un soutien bipartite s'est manifesté en faveur de l'enquête de la Cour sur les responsables russes à la suite de l'invasion de ce pays en février 2022.
Le Pentagone s'est opposé à l'ordre donné par M. Biden au gouvernement américain de fournir des renseignements à la Cour dans le cadre de son enquête sur l'Ukraine, maintenant la position antérieure des États-Unis selon laquelle la CPI ne devrait pas exercer sa compétence sur les ressortissants de pays qui ne sont pas signataires du Statut de Rome.
Tout en acceptant l'autorité de la Cour pour enquêter sur les responsables russes, l'administration Biden rejette sa compétence dans le cas de la Palestine, comme l'a déclaré lundi l’attachée de presse de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre.
Les États-Unis continueront certainement à tenter de saper l'enquête de la CPI sur la Palestine de diverses manières. Mais compte tenu de leurs relations avec la Cour, il pourrait s'avérer difficile d'imposer des sanctions économiques au procureur général et à d'autres hauts responsables en cas d’émission de mandats d'arrêt contre des fonctionnaires israéliens, comme l'a fait l'administration Trump à l'égard du prédécesseur de M. Khan.
Quoi qu'il en soit, la position américaine deux poids deux mesures qui en résultera sera certainement si énorme qu'elle sera visible depuis l'espace, alors que l'administration Biden continue de couvrir les atrocités commises par Israël à Gaza.
Israël bafoue le droit américain
Des fonctionnaires de quatre administrations américaines ont déclaré à Antony Blinken, le secrétaire d'État, que les assurances d'Israël selon lesquelles il utilise les armes américaines dans le respect du droit international ne sont ni “crédibles ni fiables”, selon une note interne du département d'État examinée par l'agence Reuters.
Un mémorandum sur la Sécurité Nationale émis par Biden en février demande à Blinken de faire un rapport au Congrès avant le 8 mai sur la crédibilité des assurances d'Israël.
La loi américaine interdit toute assistance militaire à un État qui entrave l'acheminement de l'aide humanitaire fournie par Washington.
Des fonctionnaires de l'USAID, l'agence de développement du département d'État, ont déclaré dans un document confidentiel qu'Israël a enfreint cette loi américaine.
Une note interne envoyée à M. Biden par des experts du département d'État indique que “les difficultés administratives imposées par Israël bloquent l'acheminement” de l'aide humanitaire à Gaza. L'objet de cette note est le suivant : “La famine est inévitable, et des changements pourraient réduire, mais pas enrayer une mortalité civile généralisée”, selon la publication Devex.
En outre, une étude réalisée par un groupe de travail indépendant sur l'application du mémorandum sur la Sécurité nationale a révélé “un cas clair de violations du droit international” de la part d'Israël à Gaza.
Ce groupe d'experts non partidaires, dont d'anciens fonctionnaires du département d'État et de l'armée, souligne le non-respect systématique des principes fondamentaux du droit de la guerre, comme les attaques lancées
“en dépit de préjudices prévisibles et disproportionnés causés aux civils et aux biens à caractère civil”.
Ils décrivent également
“des attaques de grande envergure sans avertissement préalable dans certains des quartiers résidentiels les plus densément peuplés du monde”
et des attaques directes contre des civils et des biens civils,
“y compris ceux indispensables à la survie de la population civile”.
DAWN, un organisme de surveillance des droits de l'homme basé à Washington, a déclaré que ces rapports récents
“confirment de manière concluante que le comportement d'Israël qui entrave et bloque l'aide humanitaire a déclenché l'obligation légale d'interrompre l'aide militaire”,
indépendamment du prochain rapport de Blinken au Congrès.
Blinken, qui vient de revenir sur la mise à l'index d'une unité militaire israélienne dont l'administration Biden a établi qu'elle avait commis des “violations flagrantes des droits de l'homme” contre des civils palestiniens, ignorera sans doute également les recommandations de DAWN.
Mais toute nouvelle action de la CPI et de la Cour internationale de justice de l'ONU, également basée à La Haye, déclenchera des sanctions mondiales contre Israël, dont l'impunité est désormais compromise.