đâđš Les Ătats-Unis sont aussi responsables quâIsraĂ«l du gĂ©nocide Ă Gaza. Et ils nây mettront pas fin
Si je devais concevoir un nouvel effort de paix aujourd'hui, je ferais tout pour briser le monopole américain. Son implication a toujours été bien plus néfaste que bénéfique.
đâđš Les Ătats-Unis sont aussi responsables quâIsraĂ«l du gĂ©nocide Ă Gaza. Et ils nây mettront pas fin
Par Mitchell Plitnick, le 6 septembre 2024
Le dĂ©sir d'un cessez-le-feu aux Ătats-Unis, parmi les Ă©lecteurs dĂ©mocrates du moins, est trĂšs clair. Mais alors que le massacre de Gaza entre dans son douziĂšme mois, pourquoi les Ătats-Unis continuent-ils d'agir comme ils le font ?
AprÚs de longs mois et tant de bains de sang palestinien à Gaza, le monde occidental comprend enfin que la proposition de cessez-le-feu à Gaza ne se concrétise pas parce que le gouvernement israélien y fait obstacle.
Le dĂ©sir d'un cessez-le-feu aux Ătats-Unis, en tout cas parmi les Ă©lecteurs DĂ©mocrates, est trĂšs clair. Si l'on en croit le prĂ©sident Joe Biden, la vice-prĂ©sidente Kamala Harris et, Ă son discrĂ©dit, mĂȘme la dirigeante progressiste Alexandria Ocasio-Cortez, l'administration travaille â24 heures sur 24â pour en obtenir un. Pourtant, alors que le massacre Ă Gaza entre dans son douziĂšme mois, la seule superpuissance du monde semble impuissante face Ă l'intransigeance israĂ©lienne.
Si cela peut paraĂźtre absurde, c'est que ça l'est. VoilĂ pourquoi les Ătats-Unis n'arrĂȘtent pas IsraĂ«l, comme ils pourraient aisĂ©ment le faire en interrompant les flux constants d'armes.
Selon une interview accordĂ©e au magazine +972, l'ancien nĂ©gociateur israĂ©lien Daniel Levy explique que les Ătats-Unis ne veulent pas arrĂȘter la guerre parce que âc'est aussi leur guerreâ.
Il a raison. Daniel Levy Ă©voque Ă la fois le lobby israĂ©lien et les forces gĂ©opolitiques qui poussent Washington Ă se comporter comme il le fait. L'entretien mĂ©rite d'ĂȘtre approfondi si l'on veut comprendre pourquoi les Ătats-Unis ont agi comme ils l'ont fait depuis qu'IsraĂ«l a dĂ©butĂ© son massacre Ă Gaza.
Les forces politiques intérieures
Si les Républicains - qui sont également la cible de la propagande pro-israélienne - sont prédisposés à favoriser Israël parce que leurs opinions religieuses, de droite et souvent ouvertement racistes s'alignent sur l'agenda d'Israël, il est difficile en principe de convaincre les électeurs démocrates.
En recourant à de fausses accusations d'antisémitisme et à l'influence de donateurs démocrates et républicains conservateurs, les partisans d'Israël tentent de contrer la sympathie croissante des électeurs démocrates à l'égard des Palestiniens.
Comme le dit Levy,
âIsraĂ«l a perdu du point de vue du narratif, mais il ne faut pas sous-estimer le degrĂ© de contrĂŽle qui peut encore ĂȘtre exercĂ© par le pouvoir de l'argent et des forces pro-israĂ©liennes... La Ligue anti-diffamation joue un rĂŽle trĂšs important dans l'armement et l'instrumentalisation de l'antisĂ©mitisme et dans la criminalisation de la libertĂ© d'expression des Palestiniensâ.
IsraĂ«l, qui aspirait autrefois Ă ĂȘtre perçu comme Ă©galitaire, a reconnu il y a des annĂ©es que cet effort Ă©tait incompatible avec sa rĂ©alitĂ© d'Ătat ethnique, construit sur le dĂ©placement et la persĂ©cution des habitants de ce territoire, et rĂ©gi par un ensemble complexe de lois qui s'apparentent Ă de l'apartheid.
Entre changer en profondeur cet Ătat, assumer vĂ©ritablement son histoire et rĂ©parer les torts causĂ©s Ă ceux qui ont luttĂ© pour l'Ă©tablir et le prĂ©server, et continuer Ă recourir Ă la force massive pour maintenir un rĂ©gime raciste, IsraĂ«l a choisi la seconde option. Ses manĆuvres de sĂ©duction Ă l'Ă©gard des libĂ©raux occidentaux ont Ă©tĂ© vouĂ©es Ă l'Ă©chec. Au fil des ans, IsraĂ«l s'est donc dĂ©tournĂ© de ces efforts et a appliquĂ© son schĂ©ma de force brute avec beaucoup plus d'intensitĂ© sur les campus universitaires, dans les tribunaux et dans les organes lĂ©gislatifs.
Ces actions bùillonnent le débat légitime, créent une atmosphÚre de peur, isolent et exposent aux attaques les orateurs les plus radicaux qui refusent de laisser ces méthodes museler leur indignation face au génocide à Gaza et à l'escalade de la violence en Cisjordanie.
Toutefois, en dĂ©pit de tous ces effets, l'argent et l'instrumentalisation de l'antisĂ©mitisme ne suffisent pas Ă dĂ©terminer la politique amĂ©ricaine. Ces paramĂštres sont les plus puissants au CongrĂšs, mais ils ont moins d'impact (mĂȘme s'ils ne sont pas dĂ©nuĂ©s de sens) au sein de l'exĂ©cutif.
IntĂ©rĂȘts gĂ©ostratĂ©giques amĂ©ricains
Comme l'a dit M. Levy, Gaza est la guerre des Ătats-Unis, main dans la main avec IsraĂ«l. Les Ătats-Unis ne poursuivent pas ce gĂ©nocide contre leur grĂ©, et ne sont pas poussĂ©s dans cette voie par IsraĂ«l ou ses lobbyistes.
Rappelons qu'Ă chaque fois qu'IsraĂ«l a poussĂ© la rĂ©gion au bord du gouffre, alors qu'il aurait suffi d'une nouvelle frappe Ă TĂ©hĂ©ran ou Ă Beyrouth sur la bonne cible pour dĂ©clencher une guerre rĂ©gionale, IsraĂ«l n'a pas profitĂ© de l'occasion, mĂȘme s'il en Ă©tait Ă l'origine.
Notons Ă©galement que les Etats-Unis n'ont pas besoin de lobbyistes pour s'engager dans des guerres meurtriĂšres oĂč les civils sont les premiĂšres cibles. Les milliers de drones lancĂ©s par les administrations de Barack Obama et de Donald Trump, les invasions de l'Irak et de l'Afghanistan, les bombardements massifs et la famine provoquĂ©e par l'homme au YĂ©men, ainsi que la destruction de la Libye ne sont que quelques-uns des exemples les plus rĂ©cents. Les interventions massives en Asie du Sud-Est et en AmĂ©rique latine des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, dont les effets sont encore profondĂ©ment perceptibles, attestent que cette approche domine depuis longtemps la politique Ă©trangĂšre amĂ©ricaine.
Toute tentative de changement de la politique amĂ©ricaine au Moyen-Orient se heurte Ă un mode de pensĂ©e bien enracinĂ©. On ne saurait la dissocier complĂštement de la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts d'IsraĂ«l. En fait, les deux sont complĂštement imbriquĂ©s. Mais si l'on s'en tient Ă ce que l'on appelle le âlobbyâ, on passe Ă cĂŽtĂ© d'Ă©lĂ©ments importants.
Levy l'a évoqué dans son interview :
âL'Ă©cole de pensĂ©e rĂ©aliste de la SĂ©curitĂ© nationale amĂ©ricaine considĂšre [le soutien aveugle des Ătats-Unis Ă IsraĂ«l] comme un dĂ©sastre pour les intĂ©rĂȘts amĂ©ricains et comme une atteinte profonde Ă la rĂ©putation de l'AmĂ©rique... Cela a engendrĂ© une nouvelle vague internationale de colĂšre contre l'AmĂ©rique, parce que c'est aussi la guerre de l'AmĂ©rique.â
Les réalistes s'opposent notamment aux idéologues pro-israéliens, ainsi qu'aux penseurs rigides de la politique étrangÚre qui voient le monde à travers une lentille binaire, artefact de la guerre froide. Ces penseurs ont tendance à favoriser Israël non pas par zÚle ardent, mais parce qu'ils estiment nécessaire de soutenir des alliés contre des mouvements nationalistes ou indépendants.
C'est lĂ que se situe la Palestine depuis l'aprĂšs-Seconde Guerre mondiale, que les forces en prĂ©sence soient des communistes, des nationalistes arabes, des âislamistesâ ou mĂȘme des mouvements plus larges tels que le Mouvement des non-alignĂ©s ou les BRICS.
Ce type de raisonnement, qui divise le monde en deux blocs rivaux, se retrouve dans l'approche de Joe Biden vis-à -vis de la politique étrangÚre en général. C'est ce qui explique le revirement de sa rhétorique de campagne en 2020 sur l'Arabie saoudite, par exemple.
Joe Biden peut faire preuve de ferveur religieuse Ă l'Ă©gard d'IsraĂ«l, mais il a aussi le sentiment que, toute rhĂ©torique fleurie mise Ă part, les mouvements en faveur de la justice et des droits de l'homme ne sont acceptables que s'ils sont en phase avec les objectifs de ânotre campâ.
Le refus de s'adapter Ă un monde en mutation
Alors que l'influence unipolaire des Ătats-Unis continue de s'affaiblir, les dĂ©cideurs politiques et ceux qui les influencent doivent soit s'adapter Ă un monde en mutation, c'est-Ă -dire s'accrocher dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă des stratĂ©gies dĂ©passĂ©es qui deviennent de plus en plus inefficaces, voire prĂ©judiciables.
L'adaptation aux nouvelles rĂ©alitĂ©s prend du temps, surtout dans un pays dotĂ© d'une Ă©norme bureaucratie politique comme les Ătats-Unis. Les changements de politique gĂ©nĂ©rale ne sont pas universels, mais surviennent au cas par cas. Barack Obama, par exemple, a compris qu'il fallait changer d'approche pour dĂ©fendre au mieux les intĂ©rĂȘts des Ătats-Unis.
La tentative initiale et naĂŻve de M. Obama de faire pression pour un accord final mettant fin Ă l'occupation israĂ©lienne par le biais d'un gel de la colonisation a Ă©tĂ© rapidement repoussĂ©e par le soutien solidement ancrĂ© Ă IsraĂ«l au sein de son propre parti. Il s'est ensuite concentrĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de rĂ©duire les tensions avec l'Iran, avec l'objectif Ă long terme d'amener l'Iran Ă Ă©tablir des relations diplomatiques stables avec les alliĂ©s des Ătats-Unis dans la rĂ©gion. En dĂ©pit de l'opposition massive des Saoudiens et des IsraĂ©liens - dont Obama s'est occupĂ© de maniĂšre criminelle, en partie en permettant aux deux pays de commettre des violences massives contre les YĂ©mĂ©nites et les Palestiniens respectivement - le plan semblait fonctionner jusqu'Ă ce que Donald Trump le mette au rebut.
Joe Biden a poursuivi les politiques de Trump au lieu d'essayer de revenir Ă l'approche plus efficace d'Obama, bien que trĂšs Ă©loignĂ©e des droits de l'homme ou de la justice. Le rĂ©sultat a Ă©tĂ© le gĂ©nocide Ă Gaza, le danger croissant d'une guerre avec l'Iran, l'escalade de l'agression israĂ©lienne en Cisjordanie et les menaces pesant sur la navigation en mer Rouge. Il n'est pas nĂ©cessaire d'ĂȘtre un dĂ©fenseur de la Palestine pour comprendre que cette situation est prĂ©judiciable au monde, y compris aux intĂ©rĂȘts impĂ©riaux amĂ©ricains.
Mais tout le monde n'est pas d'accord. L'extrĂȘme droite israĂ©lienne a toujours pensĂ© que la solution Ă tous ses problĂšmes Ă©tait la force militaire. Elle s'est toujours farouchement opposĂ©e Ă d'autres tactiques, comme un processus de paix sans fin. Mais aujourd'hui, ils ont la possibilitĂ© de mettre en Ćuvre leur stratĂ©gie de prĂ©dilection et ils la poursuivent.
Les Ătats-Unis disposent d'un groupe similaire de bellicistes en matiĂšre de politique Ă©trangĂšre, bien que, contrairement Ă IsraĂ«l, il se compose de faucons libĂ©raux et d'autres secteurs militaristes, ainsi que de la droite radicale. Comme en IsraĂ«l, il y a un dĂ©bat sur les tactiques, mais pas sur l'objectif ultime : affronter l'Iran et saper tout mouvement palestinien qui cherche Ă Ă©tablir une entitĂ© nationale vĂ©ritablement indĂ©pendante et autodĂ©terminĂ©e.
Les tenants de l'Ă©cole rĂ©aliste des relations internationales, ainsi que d'autres personnes conscientes des problĂšmes posĂ©s par le statu quo, affirment que notre soutien myope Ă IsraĂ«l nuit aux intĂ©rĂȘts amĂ©ricains. Mais l'argument ne tient pas car, comme l'a notĂ© M. Levy,
âl'AmĂ©rique dit : oui, les gens nous disent cela depuis des lustres, et rien ne se passe. L'AmĂ©rique continue de penser qu'elle peut assumer le coĂ»t que cela reprĂ©senteâ.
La perte de crédibilité américaine liée à son soutien à Israël a atteint de nouveaux sommets avec la poursuite du génocide à Gaza, mais, comme pour Israël, les répercussions matérielles que nous avons ressenties ont été bien en deçà de ce qu'il faudrait pour faire changer d'avis ceux qui pensent que s'opposer aux mouvements nationaux indépendants et soutenir inconditionnellement nos alliés est fondamental pour la puissance mondiale américaine.
D'autres pays, y compris des alliĂ©s des Ătats-Unis, ne sont pas aussi bornĂ©s. L'Arabie saoudite s'efforce de maximiser lesavantages qu'elle tire des Ătats-Unis tout en Ă©largissant ses relations avec la Chine et en cherchant Ă trouver un compromisavec l'Iran.
Si le rétablissement des relations diplomatiques entre les Saoudiens et l'Iran a fait l'objet d'une attention considérable, ils ne sont pas les seuls. Le Bahreïn s'efforce également d' améliorer ses relations avec l'Iran. L'Irak devient de plus en plus hostile à la présence américaine à l'intérieur de ses frontiÚres, et a joué un rÎle clé en surmontant les divergences entre le monde arabe et l'Iran.
L'organisation des BRICS s'est Ă©largie Ă neuf membres, dont l'Iran, l'Ăgypte et les Ămirats arabes unis. L'Arabie saoudite a Ă©galement Ă©tĂ© invitĂ©e Ă s'y joindre. Dix-huit autres pays, dont la Turquie, le KoweĂŻt, le BahreĂŻn et la Palestine, ont posĂ© leur candidature.
L'équilibre du pouvoir mondial est en train de changer et, tragiquement, les effets de la lutte des anciennes puissances pour conserver le pouvoir se traduisent à la fois par un net glissement vers la droite, et par une hausse considérable de la violence à l'encontre des civils.
Alors que les militants aux Ătats-Unis et en Europe ne peuvent que continuer Ă faire pression pour que les politiques de leur propre gouvernement changent, il faut espĂ©rer que les dirigeants palestiniens tirent les leçons des Ă©checs de l'OLP et s'Ă©loignent de l'espoir futile que le changement puisse venir des Ătats-Unis.
Levy a raison lorsqu'il déclare :
âSi je devais concevoir un nouvel effort de paix aujourd'hui, je ferais tout pour briser le monopole amĂ©ricain. Cela signifie que les Palestiniens doivent fondamentalement changer leur façon de penser en s'Ă©loignant de la vision centrĂ©e sur les Ătats-Unis ou l'Occident, et qu'ils doivent utiliser la gĂ©opolitique Ă leur avantageâ.
Cela s'applique non seulement aux Palestiniens, mais aussi au petit cercle d'Israéliens qui souhaitent un changement fondamental, y compris une véritable égalité pour tous. Il s'agit également d'un point de repÚre pour les stratégies de tous ceux d'entre nous qui s'efforcent de modifier la politique américaine et européenne. En fin de compte, la meilleure chose que nous puissions faire est de mettre nos gouvernements à l'écart. Leur implication a toujours été bien plus néfaste que bénéfique.
Tout ceci est fort clair et bien explicitĂ©. Il ne faut pas se cacher du fait que, au fond, IsraĂ«l et ses tuteurs US partagent les mĂȘmes objectifs, et conçoivent, au fond le mĂȘme schĂ©ma de rĂ©solution de la « question » Palestinienne. Ă savoir, le remodelage complet de la rĂ©gion, lâeffacement progressif, dâune maniĂšre ou dâune autre, du mot « Palestine » et de son contenu , des cartes et du vocabulaire. Cela sâaccompagnera sans doute de lâĂ©crasement du Liban, et, idĂ©alement, de lâIran, et ne sera vraisemblablement accompli quâau prix dâune guerre rĂ©gionale, voire mondiale, dont personne ne sortira vainqueur.
Les USA sont irrĂ©mĂ©diablement engluĂ©s dans le piĂšge Ă facettes multiples patiemment Ă©laborĂ© par lâentitĂ© sioniste au fil des dĂ©cennies, et ils nâont aucune solution pour en sortir, si tant est quâils en aient jamais eu lâintentionâŠ