đâđš Les gaz toxiques des grottes algĂ©riennes ont effacĂ© la mĂ©moire française
Exception faite de lâexplosion de honte dâun Jean-Michel Apathie trop las du sinistre mensonge, le curseur est aujourdâhui calĂ© au point Retailleau, cĂ©lĂšbre penseur de la philosophie ventre Ă choux.
đâđš Les gaz toxiques des grottes algĂ©riennes ont effacĂ© la mĂ©moire française
Par la rédaction de Mondafrique & Jacques Marie Bourget, le 16 mars 2025
En dĂ©programmant un documentaire âAlgĂ©rie, sections armes spĂ©cialesâ sur les crimes de guerre de la guerre dâAlgĂ©rie quelques jours Ă peine avant sa diffusion, prĂ©vue dimanche 16 mars dans lâĂ©mission La Case du siĂšcle (France 5), France TĂ©lĂ©visions nâimaginait pas que sa dĂ©cision provoquerait autant de remous de lâautre cĂŽtĂ© de la MĂ©diterranĂ©e. âCâest un dĂ©faut de vigilance de notre part sur un sujet sensibleâ, admet la direction du groupe, contactĂ©e par Le Monde.
Face au tollĂ©, le service public de lâaudiovisuel sâest engagĂ© Ă le reprogrammer Ă lâantenne mais sans prĂ©ciser de date. En attendant, il reste disponible sur sa plateforme en accĂšs gratuit. Ceux qui sâindignent en apprenant quâen AlgĂ©rie, de Bugeaud Ă Mollet, Ă Mitterrand et De Gaulle, on a gazĂ© dans des grottes en Kabylie ou dans les AurĂšs⊠câest quâils nâont rien compris.
Soixante-dix ans aprĂšs les crimes, si la mĂ©moire française reste sereine, câest que lâacte aura Ă©tĂ© justifiĂ©. Ces ĂȘtres lĂ , asphyxiĂ©s, brĂ»lĂ©s, nâont jamais Ă©tĂ© admis au rang des humains. Alors pourquoi un remord ou un pardon ? (1) En rĂ©alitĂ© dans les grottes et cavitĂ©s algĂ©riennes on ne tuait pas de vrais hommes. Pour conforter cette philosophie du crime nous avons aujourdâhui lâexemple de Gaza, oĂč plus de 50 000 non humains ont aussi Ă©tĂ© Ă©crasĂ©s dans lâindiffĂ©rence.
Comme tout homme qui se rĂ©volte contre son envahisseur, son colon, Jean Moulin fut en son temps un âterroristeâ. Les rĂ©volutionnaires du FLN nâont pas Ă©chappĂ© Ă la mĂȘme estampille:
âCes gazĂ©s, tuĂ©s comme des mouches, nâĂ©taient que des âterroristesâ. Des nuisibles Ă©liminĂ©s au âFly-Toxâ. Des assassins ayant le goĂ»t de la mĂ©taphore ont mĂȘme qualifiĂ© ces abattoirs humains dâAlgĂ©rie de âcontraception tardiveâ. Les victimes du 17 octobre 1961 Ă Paris Ă©tant, elles, noyĂ©es dans lâeau purificatrice de la Seineâ.
âAlgĂ©rie, sections armes spĂ©cialesâ
Lâhistoire continue dâĂȘtre muette. Et ce sont maintenant les indignĂ©s des morts âchimiquesâ de Halabja â en Irak en 1988- qui interdisent la diffusion du documentaire âAlgĂ©rie, sections armes spĂ©cialesâ. Film parfait, pĂ©dagogique, au contenu calme et Ă©quilibrĂ©, pourtant programmĂ© sur France 5. Et censurĂ©. Depuis le film quâAlain Resnais a consacrĂ© en 1959 Ă lâapocalypse atomique, nous savons tous que âlâon nâa rien vu Ă Hiroshimaâ.
Dans les grottes dâAlgĂ©rie aussi, la fumĂ©e et les gaz ont aveuglĂ© la mĂ©moire française. Nous nâavons rien vu. Il ne sâest rien passĂ©. Pourtant la France est experte Ă dĂ©noncer les crimes : ceux des autres, commis par des bourreaux dâailleurs. Jamais les siens. Quand un citoyen bleu blanc rouge sâest risquĂ© Ă lancer lâalerte, au temps oĂč lâAlgĂ©rie Ă©tait la France, et je ne cite que Maurice Audin et Fernand Iveton (mais tous leurs amis furent Ă©gaux en hĂ©roĂŻsme), ils furent assassinĂ©s. Cinquante ans plus tard, le criminel Aussaresses pouvait, en grand pĂšre peinard, dĂ©guster des fruits de mer Ă La Coupole.
Pourquoi la France, sans doute la bouche trop pleine dâĂ©touffants âDroits de lâHommeâ, ne peut parler de ses propres crimes ? Il est faux de croire que ce silence nâest que le produit dâune omerta imposĂ©e par le lobby militaire. Qui, du PĂ©tain de 1917 assassinant les poilus âmutinsâ, aux gazages, tortures et assassinats dâAlgĂ©rie interdirait lâexamen des atrocitĂ©s. Si lâArmĂ©e pousse Ă lâoubli, câest le monde politique, presque dans son ensemble, quâil faut accuser de cette complicitĂ© de crimes. Quel parti peut vivre sans se hausser sur une histoire hĂ©roĂŻque, sans accrocs Ă la banniĂšre. Nous ne fĂ»mes jamais bourreaux, jamais collabos.
Lâignominieuse clique de la SFIO
Piocher dans les blessures bĂ©antes de la guerre dâAlgĂ©rie, câest dire que François Mitterrand a laissĂ© couper 45 tĂȘtes sans lever le pouce pour sauver ces vies de la guillotine. Câest dire encore que Mollet, le mĂȘme Mitterrand et leur Robert Lacoste, lâignominieuse clique SFIO, ont conduit cette guerre pendant quatre ans, avec des coups de pouce des partis âchrĂ©tiensâ ? Comment accuser un complice de crimes de guerre, devenu PrĂ©sident abolitioniste, sans dĂ©sespĂ©rer ces militants de gauche convaincus dâĂȘtre les enfants naturels de JaurĂšs ?
Le Parti Communiste Ă©tant, aux heures de guerre, le seul Ă protester, souvent mollement, contre âlâopĂ©ration de maintien de lâordreâ algĂ©rienne. Le PCF laissant ses militants tenir individuellement lâhonneur, puisque le Parti Communiste AlgĂ©rien soi-disant autonome, avait la charge de la lutte sur son propre terrain.
La droite aussi se sait honteuse des crimes dâ AlgĂ©rie, et prĂ©fĂšre laisser lâhistoire au creux de sa tombe et les boĂźtes dâarchives sous scellĂ©es. Parlons du rĂŽle de la âdĂ©mocratie chrĂ©tienneâ et de sa peste MRP. Parlons de Giscard et de ses bons amis de lâOAS, Des alternances de la IV e RĂ©publique qui les ont mouillĂ©s dans un mĂȘme fleuve de sang. Et les gaullistes donc ? Ils ne sont pas absents sur les lignes de lâacte dâaccusation. Nâoublions pas, en mai et juin 45, les 45 000 morts des massacres de SĂ©tif, Guelma et Kherrata, le GĂ©nĂ©ral Ă©tant au pouvoir. Puis le retrouvant en 58 alors que les grottes dâAlgĂ©rie fumaient toujours. Comment, aprĂšs tout cela, imaginer que le monde politique va dresser le crĂȘpe noir du deuil sur son passĂ© ?
Pour donner une deuxiĂšme mort aux victimes algĂ©riennes une rafale dâamnisties, murailles contre la vĂ©ritĂ©, vont ponctuer notre droit. Dâabord en 62 lors des âAccords dâEvianâ puis les rĂ©cidives en 64, 66 et 68. Pour voir Mitterrand planter le dernier clou en 82 lĂ oĂč il donne le pardon aux putschistes dâAlger, aux hĂ©ros de lâOAS. Ătonnons-nous alors quâun simple documentaire soit interdit de diffusion par la tĂ©lĂ©vision dâĂ©tat⊠Mais aussi dans une salle de cinĂ©ma du Quartier Latin. Une fois pour toutes nous devons en rester âaux bienfaits de la colonisationâ, concept promu par Raffarin et tamponnĂ© Chirac, par un article de loi du 23 fĂ©vrier 2005. Ignoble baliverne qui fait encore le miel des âexpertsâ qui exercent leur magistĂšre sur les chaines âdâinformationâ. Lors de âdĂ©batsâ dĂ©shonorants oĂč la place de celui qui pourrait dire la vĂ©ritĂ© est celle du mort. Alors on daube sur cette AlgĂ©rie âingrateâ . Alors que la colonisation lâa fait passer du stade âcloaqueâ (version Zemmour) Ă âlâusage des routes et chemins de ferâ (uniquement construits pour le bĂ©nĂ©fice du commerce colon). Si lâon excepte lâexplosion de honte exprimĂ©e par un Jean-Michel Apathie trop las du sinistre mensonge, le curseur est aujourdâhui calĂ© au point Retailleau, cĂ©lĂšbre penseur de la philosophie ventre Ă choux.
Comme celle de Troie, la guerre dâAlgĂ©rie nâa donc pas eu lieu. Et lâon observe aucune retenue, pour raisons de mĂ©moire, chez les propagandistes de la foi dĂ©mocratique brandie comme un fouet qui fustige le ârĂ©gimeâ dâAlger. Des hommes et des femmes, assignĂ©s Ă oublier un passĂ© de souffrance, et qui mĂ©ritent que se poursuive la leçon coloniale. Mieux , entre 1991 et 2000, alors que des fous dâAllah, nĂ©s des entrailles de Ben Laden et poussĂ©s par lâOccident, attaquaient la RĂ©publique, des moralistes français ont fait avaler Ă la croyance hexagonale lâhorrible farce du âQui tue quiâ. Quâen rĂ©alitĂ© les AlgĂ©riens sâexterminaient entre eux sans raison, comme dâautres aiment Ă tuer le temps. Aujourdâhui des Ă©crivains nĂ©o-colonisĂ©s, donc plumes françaises, continuent dâalimenter le brasier franco-algĂ©rien. Oubliant celui des grottes et le pardon attendu de la France. Semblable Ă celui exprimĂ© par le Royaume-Uni aprĂšs la rĂ©pression des Mau-Mau du Kenya et ses 100 000 morts dans les annĂ©es 50. Mais le pardon français reste figĂ©, statue de sel puisque de 1830 Ă 1962, nous nâavons rien vu en AlgĂ©rie.
A propos de âpardonâ il ne faut pas oublier la lutte admirable de lâUniversitaire et chercheuse française Armelle Mabon qui, contre lâhostilitĂ© fĂ©roce de lâĂ©tat, se bat âquoiquâil en coĂ»teâ pour la reconnaissance des crimes commis par la France contre les Tirailleurs SĂ©nĂ©galais, Ă la fin de la Seconde Guerre mondiale.