đâđš Les Ăźles Chagos nâont jamais Ă©tĂ© un territoire britannique
Nigel Farage et les conservateurs sont en pleine crise Ă propos de la ârenonciation Ă la souverainetĂ©â de la Grande-Bretagne sur des terres illĂ©galement occupĂ©es.

đâđš Les Ăźles Chagos nâont jamais Ă©tĂ© un territoire britannique
Par Mark Curtis, le 10 février 2025
Le ministre britannique des Affaires étrangÚres, David Lammy, rencontrera cette semaine son nouvel homologue américain, Marco Rubio, pour relancer le projet du Parti travailliste concernant la base militaire anglo-américaine sur les ßles Chagos.
L'administration Trump semble remettre en cause l'accord du gouvernement britannique visant à permettre à l'ßle Maurice à exercer sa souveraineté sur les ßles de l'océan Indien.
En octobre dernier, le gouvernement de Keir Starmer a annoncé un accord avec l'ßle Maurice selon lequel le Royaume-Uni continuera à exploiter la base militaire de la plus grande ßle du groupe des Chagos, Diego Garcia, mais que la souveraineté reviendra à l'ßle Maurice.
Depuis, un certain nombre de députés conservateurs et réformistes éminents en Grande-Bretagne ont été profondément irrités par la décision du gouvernement. Au cours des quatre derniers mois, ils ont posé plus de 100 questions écrites au Parlement au sujet de ce projet.
La ministre des Affaires Ă©trangĂšres du cabinet fantĂŽme, Priti Patel, dĂ©plore que le Royaume-Uni âcĂšde un atout stratĂ©gique clĂ© dans l'ocĂ©an Indien, mettant ainsi fin Ă plus de 200 ans de souverainetĂ© britanniqueâ.
Deux anciens ministres de la DĂ©fense ont vivement critiquĂ© l'accord, Andrew Murrison et James Cartlidge le qualifiant tous deux de âcapitulationâ des Chagos.
Cartlidge a Ă©galement fait l'extraordinaire commentaire que, compte tenu de l'importance de la base pour les Ătats-Unis, âtout ce qui nuit Ă sa posture de dĂ©fense [...] sape Ă©galement notre sĂ©curitĂ© nationaleâ.
Le droit au retour
Pourtant, l'aspect le plus scandaleux de l'accord proposĂ© est que la Grande-Bretagne et les Ătats-Unis continueront Ă exploiter la base militaire et priveront les Chagossiens de la possibilitĂ© de rentrer Ă Diego Garcia.

La Grande-Bretagne a forcé la population à quitter les ßles dans les années 1960 et 1970 pour y installer la base.
L'accord du Royaume-Uni avec Maurice permettrait Ă la Grande-Bretagne de louer la base pour 99 ans, puis de renouveler le bail par la suite.
Les Chagossiens auront la possibilitĂ© de se rĂ©installer uniquement sur les petites Ăźles pĂ©riphĂ©riques et de âse rendreâ Ă Diego Garcia, probablement sous un contrĂŽle strict Ă©tant donnĂ© que la prĂ©sence militaire britannique et amĂ©ricaine occupe la majeure partie de ce minuscule territoire.
Quatre-vingt-dix-neuf ans et plus ne suffisent pas Ă certains conservateurs. Lord Bellingham, ancien ministre des Affaires Ă©trangĂšres, affirme que le simple bail de 99 ans âencouragerait les Chinoisâ et que le Royaume-Uni doit donc âopter pour une souverainetĂ© sur lâĂźle Ă perpĂ©tuitĂ©â.
Droit international
Ces députés se montrent aussi peu attachés au droit international que pour Gaza.
En 2017, les Ătats membres des Nations unies ont votĂ© pour solliciter un avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) sur le statut des Ăźles. En fĂ©vrier 2019, la Cour a conclu que la Grande-Bretagne a violĂ© le droit international en crĂ©ant le âTerritoire britannique de l'ocĂ©an Indienâ (BIOT) en 1965.
La CIJ a déclaré
qu'âen raison de l'annexion illĂ©gale de l'archipel des Chagos et de son incorporation dans une nouvelle colonie, connue sous le nom de BIOT, le processus de dĂ©colonisation de l'Ăźle Maurice n'a pas Ă©tĂ© lĂ©galement achevĂ© lorsque l'Ăźle Maurice a accĂ©dĂ© Ă l'indĂ©pendance en 1968â.
La CIJ a ajoutĂ© que l'administration de l'archipel des Chagos par le Royaume-Uni âconstitue un acte illĂ©gal engageant la responsabilitĂ© internationale de cet Ătatâ. Elle a dĂ©clarĂ© que le Royaume-Uni doit mettre fin Ă son contrĂŽle du territoire âaussi rapidement que possibleâ.
Deux ans plus tard, en 2021, le tribunal du droit maritime de l'ONU a également statué que la Grande-Bretagne ne jouit d'aucune souveraineté sur les ßles.
Nigel Farage a récemment déclaré au Parlement que ses alliés de la nouvelle administration Trump
âne comprennent pas pourquoi nous renoncerions Ă la souverainetĂ© des Ăźles sur un avis consultatif d'un tribunal plutĂŽt opaqueâ.
En fait, l'unique fondement de la revendication de la Grande-Bretagne sur les ßles tient au fait qu'elle les a acquises aprÚs les guerres napoléoniennes en 1814, et jamais restituées malgré des décennies d'opposition de la plupart de pays du monde.
Frappe préventive
L'accord passé par le gouvernement avec l'ßle Maurice est on ne peut plus clair : Whitehall craint que les instances juridiques internationales ne rendent à l'avenir des jugements encore plus sévÚres sur le contrÎle illégal des ßles par la Grande-Bretagne.
La ministre des Affaires Ă©trangĂšres, la baronne Jenny Chapman, a dĂ©clarĂ© au Parlement le mois dernier qu'elle craint des âdĂ©cisions de justice futuresâ contre le Royaume-Uni et a dĂ©clarĂ© :
âNous pensons que nous sommes en meilleure position aujourdâhui pour nĂ©gocier quâen attendant une dĂ©cision contraignanteâ.
Son collÚgue du ministÚre des Affaires étrangÚres, Stephen Doughty, a été tout aussi direct. Il a déclaré que l'exploitation de la base par le Royaume-Uni est menacée parce que « les tribunaux rendent des jugements » et qu'« une décision juridiquement contraignante contre le Royaume-Uni semble inévitable ».
Voilà pourquoi le gouvernement affirme maintenant que « pour la premiÚre fois en 50 ans, la base jouira d'une sécurité juridique incontestée ».
En d'autres termes, Whitehall sait depuis des dĂ©cennies opĂ©rer illĂ©galement. Le mois dernier, Mme Chapman a dĂ©clarĂ© sans dĂ©tour aux dĂ©putĂ©s que la dĂ©cision de âcrĂ©ation de la colonieâ dans les annĂ©es 1960 ân'est pas autorisĂ©e par le droit internationalâ.
âVoilĂ oĂč nous en sommesâ, a-t-elle ajoutĂ©.
Les habitants des ßles Chagos seront à nouveau les grands perdants de tout accord éventuel entre le Parti travailliste et Donald Trump.
* Mark Curtis est le directeur de Declassified UK et l'auteur de cinq livres et de nombreux articles sur la politique étrangÚre britannique.
https://www.declassifieduk.org/the-chagos-islands-were-never-britains-to-give-away/