👁🗨 Les Israéliens vont-ils se repentir du génocide de Gaza ? La réhumanisation exige du courage...
Depuis la fin du XIXe siècle, les intellectuels juifs ont compris que l'arrogance et le culot des colons sionistes créeraient un piège mortel pour les colonisateurs comme pour les colonisés.
👁🗨 Les Israéliens vont-ils se repentir du génocide de Gaza ? La réhumanisation exige du courage…
Par Yakov Rabkin, le 3 juin 2025
Montréal – Le génocide à Gaza se poursuit sans relâche au moment où j'écris ces lignes. Tardivement, quelques Israéliens se sont mis à dénoncer la famine et les meurtres de masse que leur armée – une armée nationale – perpétue depuis octobre 2023. Ces crimes, soutenus par la majorité des Juifs du pays, surpassent en cruauté et en brutalité les violences que l'armée israélienne a régulièrement infligées aux Palestiniens depuis avant même la déclaration unilatérale d'indépendance de 1948. La spoliation, la déportation et la mort ont été leur tragique destin.
La différence cette fois-ci ne tient pas seulement au degré de violence. Les dirigeants israéliens ne se cachent plus derrière des discours diplomatiques et les euphémismes. Leur plan est clair : faire du Grand Israël une *goyim-rein*, purifiée de tous les non-juifs. Les habitants de Gaza et de Cisjordanie sont contraints de quitter leurs terres et de s'installer ailleurs. Ce plan est depuis longtemps envisagé officieusement par les gouvernements israéliens successifs, mais la crainte de sanctions internationales les a empêchés de le mettre à exécution. Aujourd'hui, 82 % des Israéliens soutiennent l'expulsion définitive des Palestiniens. Cependant, les pressions américaines et israéliennes pour acheter l'accord de pays prêts à accueillir les Palestiniens exilés n'ont pas encore abouti.
On ne peut s'empêcher de penser à la conférence internationale d'Évian de 1938, organisée pour trouver une solution au problème des Juifs européens expulsés par les nazis. Les délégués occidentaux ont fait part de leur sympathie pour les Juifs, mais seule la République dominicaine a accepté d'accueillir 100 000 personnes (en pratique, seules quelques centaines ont pu atteindre cette île lointaine des Caraïbes). Aucun pays n'étant disposé à accueillir les Juifs, les autorités nazies ont élaboré la “solution finale du problème juif”. Des millions de Juifs européens, ainsi que d'autres peuples “inférieurs”, ont été systématiquement assassinés entre 1941 et 1945.
Les fervents partisans du judaïsme national (dati-leumi en hébreu) et leurs alliés dans d'autres strates de la population israélienne croient pouvoir imposer leur volonté aux Palestiniens. Ce groupe relativement restreint de la population israélienne, dont le noyau est constitué de colons de Cisjordanie, est devenu l'acteur le plus dynamique et le plus opiniâtre dans l'élaboration de la politique palestinienne d'Israël. Bon nombre de ces “porteurs de kippas tricotées” occupent des postes clés au sein de l'État israélien. C'est l'arrière-garde qui montre la voie.
La plupart des Israéliens continuent de profiter de la vie, d'aller à leur salle de sport, d'assister à des réunions Weight Watchers et de prendre soin d'eux-mêmes. Ils se moquent de la famine et du massacre de dizaines de milliers de civils, pour la plupart des femmes et des enfants, à Gaza, et de centaines de personnes en Cisjordanie, tous tués par leurs époux, leurs pères et leurs frères, et ce en leur nom. Israël a déshumanisé et diabolisé les Palestiniens pendant des décennies, et cette déshumanisation a atteint son paroxysme après l'attaque du Hamas en octobre 2023.
Max Blumenthal a récemment qualifié la société israélienne de “satanique”. Mais les Israéliens pourraient un jour se réveiller de leur torpeur morale et réaliser que les Palestiniens sont des êtres humains. La destruction totale de Gaza par Israël rendant impossible le retour des deux millions de survivants dans leurs anciennes maisons réduites à un “champ de ruines”, les Israéliens – dans un acte de repentance collective – devraient les accueillir. Ils devraient leur offrir une vie digne et les aider à guérir les terribles traumatismes causés par l'armée israélienne. Ils devraient indemniser les Palestiniens pour les pertes subies, en leur permettant de vivre de manière autonome plutôt que dépendre uniquement de l'aide humanitaire. Cet acte de repentance, qui aurait dû avoir lieu depuis longtemps, permettrait de créer une société où tous, du fleuve à la mer, jouiraient des mêmes droits.
Cette réhumanisation est un défi, mais c'est le seul scénario possible de libération à la fois des opprimés et des oppresseurs du fardeau d'une violence incessante. Beaucoup qualifieront cette repentance de suicidaire. Dans son dernier livre, ‘Being Jewish after the Destruction of Gaza’, Peter Beinart cite d'autres exemples historiques – l'Irlande, le Sud des États-Unis et, bien sûr, l'Afrique du Sud – et reconnaît que les dirigeants perçoivent souvent l'égalité comme une menace existentielle : “Les Sud-Africains blancs avaient aussi peur d'être jetés à la mer que les Juifs israéliens aujourd'hui”. Pourtant, selon lui, de nombreuses études montrent que l'oppression alimente la violence, tandis que l'égalité des droits et la possibilité d'un changement politique l'atténuent.
Depuis la fin du XIXe siècle, les intellectuels juifs ont compris que l'arrogance et le culot des colons sionistes créeraient un piège mortel pour les colonisateurs comme pour les colonisés. Ahad Ha-Am était une icône du sionisme culturel, par opposition à sa variante politique qui a remplacé toutes les autres. Il a publié l'avertissement suivant en 1891 :
“Je suis récemment arrivé en Terre d'Israël et j'ai pu constater de mes propres yeux que nous n'avons pas trouvé ici une terre inhabitée, mais une nation pleine de vie, qui y vit et aime la Terre d'Israël tout autant que nous.
“... Nous sommes habitués à penser que l'Arabe est un Ismaélite sauvage... et nous ne remarquons pas que l'Arabe est aussi un être humain, avec des sentiments, et qu'il a parfaitement conscience que sa terre lui est enlevée par la force”.
Des voix critiques, tant en à Israël qu'à l'extérieur, décrivent l'expérience sioniste comme une grave erreur. Plus tôt elle prendra fin, mieux ce sera pour l'humanité tout entière. Dans la pratique, cela signifierait garantir l'égalité pour tous les habitants et transformer le régime discriminatoire actuel en un État ouvert à tous ses citoyens. Mais la société israélienne est conditionnée à voir de tels projets comme une menace existentielle et un rejet du “droit à l'existence” d'Israël. Le sacrifice de dizaines de milliers de vies civiles pour garantir ce droit n'a pas ébranlé ce mantra idéologique. Beinart observe que
“dans la plupart des communautés juives aujourd'hui, rejeter l'État juif est une hérésie plus grave que rejeter le judaïsme lui-même. [...] Nous avons érigé un autel et jeté toute une société [palestinienne] dans les flammes”.
Certes, Beinart à New York et l'auteur de ces lignes à Montréal peuvent se permettre de rêver d'égalité. Ce n'est pas nous qui en subirons les conséquences. Mais de plus en plus de citoyens israéliens sont conscients de l'impasse morale et pratique que représente la poursuite de l'oppression et de la spoliation.
La tradition juive enseigne qu'il n'est jamais trop tard pour changer de cap, se repentir et réparer ses torts. Bien sûr, un tel revirement exige du courage. Une sagesse juive bien connue est très claire à ce sujet : “Qui est le plus grand des héros ? Celui qui transforme un ennemi en ami”. La plupart des Israéliens rejettent avec véhémence cet adage traditionnel qui place la paix au rang de valeur suprême, le qualifiant d'“expression de l'exil”. Ils n'y voient que “le réconfort des faibles”. Mais en réalité, c'est là que réside la véritable force.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Yakov M. Rabkin est professeur émérite d'histoire à l'Université de Montréal. Il a publié plus de 300 articles et plusieurs ouvrages, dont ‘Science between Superpowers’, ‘A Threat from Within: a Century of Jewish Opposition to Zionism’, ‘What is Modern Israel?, Demodernization: A Future in the Past’ et ‘Judaïsme, islam & modernity’. Son dernier ouvrage sur Israël et la Palestine a été publié en français, en japonais et en espagnol, et paraîtra en anglais à l'automne 2025. Il a été consultant pour l'OCDE, l'OTAN, l'UNESCO et la Banque mondiale, entre autres. Courriel : yakov.rabkin@umontreal.ca. Site web : www.yakovrabkin.ca
https://www.juancole.com/2025/06/genocide-humanization-courage.html
Totalement irréaliste !!!! Comment peut-on pardonner avec autant d’aveuglement à ses co-religionnaires assoiffés de sang une telle attitude ? Cet auteur prépare l’après-génocide par une croyance en la repentance juive ? Cela n’existe pas !!!! Cela n’existera jamais !!!
Le sionisme a brisé tous les tabous depuis 1948 en inversant tous les concepts pour son profit.
L’avenir est simple. Ni oubli, ni pardon.
Comment un peuple qui a souffert de l’occupant et qui sera bientôt expulsé pourra revenir la tête baissée pour servir d’immigré afin de satisfaire les besoins économiques d’Israël (pour vider ses poubelles par ex.), acceptera t-il d’être humilié sous les sarcasmes et la haine récurrente de ses anciens tortionnaires ? 82% de sa population juive a choisit la Solution Finale pour les Palestiniens ! Et l'auteur pense que ce n’est pas un problème !?
C’est comme les imbéciles qui parlent encore de solutions à 2 états..
Affligeante, cette obsession de l’optimisme et du pardon. On est tous frères, ça s’arrangera...mais oui bien sûr ! Quand on relis le Talmud, on est consterné de voir tant d’horreurs dans ce catéchisme de la haine. L'auteur le sait pertinemment mais occulte ce côté du judaïsme qui est pourtant prégnant dans le sionisme. Israël doit disparaître et la Palestine d’avant 1948 doit renaître. Le sionisme et son livre du mal doit s’auto-détruire avec la participation de la communauté internationale. Point barre.