đâđš Les mesures administratives spĂ©ciales, l'une des principales raisons dâĂ©viter d'extrader Assange
Le traitement que les Ătats-Unis rĂ©servent aux dĂ©tenus est notoirement sĂ©vĂšre, surtout lorsquâon est considĂ©rĂ© comme un ennemi de l'Ătat, constituant parfois clairement un Ă©tat de torture.
đâđš Les mesures administratives spĂ©ciales, l'une des principales raisons dâĂ©viter d'extrader Assange
Par Paul Gregoire, le 16 mars 2024
Le traitement que les Ătats-Unis rĂ©servent aux dĂ©tenus est notoirement sĂ©vĂšre, surtout lorsquâon est considĂ©rĂ© comme un ennemi de l'Ătat, et constitue parfois clairement un Ă©tat de torture.
Les sĂ©vices extrĂȘmes infligĂ©s sur le site noir d'Abou Ghraib en Irak et dans le centre de dĂ©tention offshore de GuantĂĄnamo Bay Ă Cuba montrent Ă quel point les autoritĂ©s amĂ©ricaines sont prĂȘtes Ă violer les normes internationales en matiĂšre de droits de l'homme. Les Ătats-Unis sont Ă©galement rompus Ă l'application de mesures sĂ©vĂšres Ă l'encontre des dĂ©tenus nationaux.
La perspective quâAssange soit soumis au rĂ©gime pĂ©nitentiaire amĂ©ricain drastique connu sous le nom de SAMs [Special Administrative Measures] aux Ătats-Unis, ainsi que la santĂ© mentale du journaliste australien, ont incitĂ© le juge Vanessa Baraitser du tribunal de district britannique Ă dĂ©cider de ne pas l'extrader le 4 janvier 2021.
La High Court britannique a toutefois annulĂ© cette dĂ©cision en dĂ©cembre suivant, en se fondant sur les garanties apportĂ©es par les Ătats-Unis, notamment la non-application du systĂšme des SAMs Ă Julian. Mais il y a une rĂ©serve Ă cela. Depuis son appel en fĂ©vrier, il semble que la peine de mort est Ă©galement envisageable.
Ă l'heure actuelle, deux juges de la High Court du Royaume-Uni examinent les arguments que l'Ă©quipe de dĂ©fense du fondateur de WikiLeaks leur a prĂ©sentĂ©s en fĂ©vrier, au cours d'audiences qui pourraient constituer le dernier appel de Julian en Grande-Bretagne. Ils dĂ©cideront s'il peut refaire appel, ou s'il sera extradĂ©, conformĂ©ment Ă la dĂ©cision du Royaume-Uni d'accorder lâextradition en juin 2022.
Les contributions, trĂšs superficielles, du Premier ministre australien Anthony Albanese en vue de libĂ©rer le citoyen australien montrent que son rĂŽle de shĂ©rif adjoint amĂ©ricain dans l'Indo-Pacifique exige une soumission totale, et les rĂ©vĂ©lations d'AUKUS [accord de coopĂ©ration militaire tripartite formĂ© par l'Australie, les Ătats-Unis et le Royaume-Uni rendu public le 15 septembre 2021, contre l'expansionnisme chinois dans l'Indo-Pacifique] de cette semaine ne font que renforcer ce point de vue.
Une mise en garde ambiguë
Les Ătats-Unis ont offert des garanties dans une note diplomatique datĂ©e du 5 fĂ©vrier 2021, assurant ne pas dĂ©tenir Assange dans les centres SAMs ou dans la prison supermax ADX Florence du Colorado, de permettre Ă Julian de purger sa peine en Australie aprĂšs sa condamnation et lui garantir les soins appropriĂ©s sous la garde des Ătats-Unis.
La promesse de ne pas placer Julian Ă SAMS ou ADX Florence,
âque ce soit avant le procĂšs ou aprĂšs une condamnationâ est maintenue, sauf s'âil commet Ă l'avenir un acte qui le rende passible de telles conditions de dĂ©tentionâ.
Lorsque la décision d'annuler le jugement de Baraitser a été prise, Doctors for Assange a averti que l'on ne pouvait pas faire confiance à la Maison Blanche dans le cas d'Assange, car, à ce stade, il était entendu que l'acte d'accusation américain était mensonger, et que l'administration Trump avait comploté pour assassiner ou kidnapper l'Australien.
Par ailleurs, le deuxiÚme acte d'accusation américain de juin 2020 à l'encontre d'Assange concerne des actes journalistiques commis entre 2009 et 2012, alors que les principales publications classifiées de WikiLeaks pour lesquelles il est poursuivi, qui ont été expurgées, ont eu lieu en 2010 et 2011.
Toutefois, au cours de l'appel du mois dernier, la dĂ©cision prise par l'administration Trump en 2017 de poursuivre Assange, alors qu'Obama s'y Ă©tait initialement opposĂ©, a pris tout son sens une fois que WikiLeaks a divulguĂ© âVault 7â, qui a rĂ©vĂ©lĂ© l'Ă©tendue des capacitĂ©s de piratage informatique de la CIA.
Le nouveau directeur de la CIA, Mike Pompeo, a alors condamnĂ© WikiLeaks en tant que âservice de renseignement hostile non Ă©tatiqueâ, avant de se charger de poursuivre l'Australien sur le sol amĂ©ricain.
La publication de la fuite âVault 7â en 2017 n'a manifestement pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme un âĂ©vĂ©nement postĂ©rieurâ aux garanties fournies par les Ătats-Unis aux tribunaux britanniques en 2021 quant au traitement d'Assange en dĂ©tention aux Ătats-Unis.
Reste Ă savoir si un avocat amĂ©ricain pourrait faire valoir qu'il s'agit d'un âacte postĂ©rieurâ aux prĂ©tendus actes criminels commis une demi-dĂ©cennie plus tĂŽt, et si un juge amĂ©ricain l'accepte, entraĂźnant ainsi l'application de la clause de rĂ©serve et lâĂ©ventualitĂ© pour Assange d'ĂȘtre incarcĂ©rĂ© Ă la prison d'ADX Florence et dâĂȘtre soumis au rĂ©gime des SAMs.
Une mort civique
La loi rĂ©gissant les SAMs est Ă©noncĂ©e au titre 28, chapitre V, sous-chapitre A, partie 501.3 du Code des rĂ©glementations fĂ©dĂ©rales des Ătats-Unis, sous lâintitulĂ© âPrĂ©vention des actes de violence et de terrorismeâ. Elle stipule que le procureur gĂ©nĂ©ral des Ătats-Unis et le directeur du Bureau des prisons peuvent demander Ă un directeur de prison d'appliquer ce rĂ©gime.
Le rĂ©gime des SAMs doit ĂȘtre appliquĂ©
lorsqu'âil existe un risque substantiel que les communications ou les contacts d'un dĂ©tenu avec dâautres personnes puissent entraĂźner la mort ou des blessures corporelles graves, ou des dommages substantiels Ă des biens entraĂźnant un risque de mort ou de blessures corporelles graves Ă des personnesâ.
Le rĂ©gime peut inclure âle placement du dĂ©tenu en dĂ©tention administrative et/ou la limitation de certains privilĂšges, y compris... la correspondance, les visites, les entretiens... et l'utilisation du tĂ©lĂ©phone, dans la mesure oĂč cela est raisonnablement nĂ©cessaire pour protĂ©ger les personnes contre le risque d'actes de violence ou de terrorismeâ.
Le Bureau fédéral des prisons a créé les SAMs en 1996, pour faire face aux détenus présentant des risques inhabituels pour le public depuis l'intérieur de la prison. Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York, les restrictions prévues par le régime ont été renforcées.
En effet, depuis le dĂ©but de ce siĂšcle, les SAMs permettent de surveiller les communications entre avocat et client, et peuvent ĂȘtre appliquĂ©es Ă un dĂ©tenu pendant un an, au lieu de 120 jours, ce qui simplifie la mise en Ćuvre des SAMs pour un prisonnier et permet dĂ©sormais de les appliquer aux dĂ©tenus en dĂ©tention provisoire.
Josh Schulte, ancien employĂ© de la CIA, a divulguĂ© âVault 7â Ă WikiLeaks. Avant d'ĂȘtre condamnĂ© Ă 40 ans de prison pour ces faits le mois dernier, il a Ă©tĂ© placĂ© sous SAMs au Metropolitan Correctional Centre de New York, rĂ©putĂ© pour appliquer ce type de mesures aux dĂ©tenus.
Schulte devait se prĂ©senter au tribunal menottĂ© et entravĂ©, et enchaĂźnĂ© Ă un boulon dans le sol pour rencontrer ses avocats et, lors de ces rĂ©unions, il ne pouvait pas utiliser les toilettes mais se servir dâun sac plastique, a expliquĂ© le lanceur d'alerte de la CIA, John Kiriakou, dans un article paru le mois dernier.
Pendant sa détention provisoire, M. Schulte a été maintenu
âĂ l'isolement dans une cage situĂ©e dans un petit cube de bĂ©ton de la taille d'une place de parking standard, 24 heures sur 24â.
Il n'avait droit qu'à deux douches par semaine et ne pouvait utiliser ni téléphone, ni envoyer de courrier électronique, ni regarder la télévision ou écouter la radio. Ses seuls visiteurs étaient ses avocats.
Voilà le sort réservé à M. Assange aprÚs son extradition. AprÚs les cinq années passées en isolement prolongé à la prison londonienne de Belmarsh, il est évident qu'il ne survivrait pas à une telle épreuve.
DĂ©truire le messager
AprĂšs que l'Ă©quipe d'avocats d'Assange a prĂ©sentĂ© ses arguments Ă la Haute Cour le 20 fĂ©vrier, l'avocate australienne Jennifer Robinson a dĂ©clarĂ© Ă WikiLeaks que la peine de mort pourrait ĂȘtre une option de condamnation aux Ătats-Unis.
Elle a ajouté que cette éventualité se concrétiserait si des accusations supplémentaires concernant d'autres actes étaient retenues et justifiaient la peine de mort, ou si les actes mentionnés dans l'acte d'accusation, passibles d'une peine maximale de 175 ans d'emprisonnement, étaient utilisés pour porter de nouvelles accusations susceptibles d'entraßner l'exécution.
Stella Assange, l'Ă©pouse de Julian, a demandĂ© au Premier ministre Albanese de faire publiquement pression sur les Ătats-Unis pour qu'ils libĂšrent son mari cette semaine.
âVoilĂ trois ans qu'il dit que âTrop, c'est tropâ. Il faut faire monter la pression d'un cran, car Julian dispose Ă©videmment du soutien du peuple et de l'opinion australiens pour dire clairement aujourd'hui quâil doit ĂȘtre libĂ©rĂ©â, a affirmĂ© Mme Assange. âIl doit ĂȘtre libĂ©rĂ© immĂ©diatementâ.
Stella a également déclaré aux personnes réunies devant la High Court britannique le 20 février que les juges ont été informés des complots visant à Îter la vie à son mari, ainsi que de ceux destinés à le kidnapper, et qu'ils ont également été mis au courant de l'obsession de Mike Pompeo à vouloir tuer Julian.