đâđš Les Palestiniens sâeffondrent dans les rues de Gaza, victimes de la famine infligĂ©e par IsraĂ«l
âMaudit soit ce silence. Maudite soit cette famineâ, a dĂ©clarĂ© Eyad Amawi, reprĂ©sentant du ComitĂ© de secours de Gaza et coordinateur des ONG locales. âMaudit soit cet enfer, l'humanitĂ© a sombrĂ©â.

đâđš Les Palestiniens sâeffondrent dans les rues de Gaza, victimes de la famine infligĂ©e par IsraĂ«l
Par Abdel Qader Sabbah & Sharif Abdel Kouddous, le 21 juillet 2025
Un reportage en premiĂšre ligne sur un peuple contraint de mourir de faim ou d'ĂȘtre abattu dans une quĂȘte pĂ©rilleuse pour obtenir de maigres rations
GAZA CITY â La guerre d'extermination qu'IsraĂ«l mĂšne Ă Gaza n'en finit pas de sombrer dans l'horreur. AffamĂ©s, les Palestiniens s'effondrent dans les rues et meurent de faim Ă cause du blocus. Ceux qui tentent de se procurer des vivres sont abattus lors de massacres toujours plus meurtriers. L'armĂ©e israĂ©lienne Ă©met frĂ©quemment des ordres d'expulsion massive et Ă©tend ses opĂ©rations terrestres, morcelant l'enclave et dĂ©plaçant de force les Palestiniens vers des zones toujours plus rĂ©duites. Et les attaques aĂ©riennes et terrestres incessantes se poursuivent.
Au cours des cinq derniers jours seulement, plus de 550 Palestiniens ont Ă©tĂ© tuĂ©s Ă Gaza, selon le ministĂšre de la SantĂ©. Le nombre de morts confirmĂ©s depuis le dĂ©but de l'offensive a dĂ©passĂ© les 59 000 lundi, un chiffre largement sous-estimĂ© selon les observateurs. Au cours des deux derniers mois, plus de 1 000 Palestiniens ont Ă©tĂ© tuĂ©s alors qu'ils tentaient de trouver de l'aide dans des zones militarisĂ©es, sous la supervision de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), un groupe douteux soutenu par les Ătats-Unis et IsraĂ«l.
Dimanche a Ă©tĂ© l'une des journĂ©es les plus meurtriĂšres pour les personnes en quĂȘte d'assistance, avec plus de 70 morts, dont au moins 67 dans le nord de Gaza, oĂč les troupes israĂ©liennes ont ouvert le feu sur des civils qui tentaient d'obtenir de la nourriture auprĂšs d'un convoi du Programme alimentaire mondial entrant par le passage de Zikim.
âLes chars sont arrivĂ©s, nous ont pris en tenaille et ont commencĂ© Ă tirer alors que nous levions les mainsâ, a racontĂ© Ibrahim Hamada, blessĂ© Ă la jambe, Ă Drop Site, alors qu'il gisait sur un brancard d'hĂŽpital, grimaçant de douleur. âIl y a eu tellement de morts qu'ils n'ont pas pu tous ĂȘtre Ă©vacuĂ©s. J'ai rampĂ© sur le ventre pour atteindre une voiture qui m'a emmenĂ© Ă l'hĂŽpitalâ, a-t-il dĂ©clarĂ©. âJ'Ă©tais allĂ© lĂ -bas pour manger, il n'y a plus rien chez moiâ.

Plus de 150 personnes ont Ă©tĂ© blessĂ©es lors de l'attaque. L'hĂŽpital Al-Shifa de la ville de Gaza a Ă©tĂ© totalement dĂ©bordĂ© par les morts et les blessĂ©s, pour la plupart de jeunes hommes et des garçons. Des visages Ă©maciĂ©s dĂ©passaient des linceuls blancs recouvrant leurs corps gisant au sol. Ă la clinique Sheikh Radwan, toute proche, plus d'une douzaine de cadavres dans des sacs mortuaires blancs Ă©taient alignĂ©s dans la cour. Des familles Ă la recherche de leurs proches sont venues soulever dĂ©licatement une partie des sacs mortuaires pour tenter de reconnaĂźtre un ĂȘtre cher.
âLa situation est trĂšs difficile. Nous avons Ă©vacuĂ© les morts, comme vous pouvez voir, et transportĂ© les blessĂ©s d'un endroit proche de la zone prise pour cible par des bombes lancĂ©es depuis des drones, des tirs ou par la nouvelle grue militarisĂ©e situĂ©e sur le site de distribution de l'aideâ, a dĂ©clarĂ© Mohammed al-Hout, un secouriste du Croissant-Rouge. âLes gens ont Ă©tĂ© touchĂ©s Ă la tĂȘte ou aux pieds... Certains ont eu le crĂąne fracassĂ©â.

Le Programme alimentaire mondial des Nations unies a déclaré dans un communiqué que 25 camions transportant des produits alimentaires sont entrés dimanche à Gaza par le passage de Zikim, à destination des communautés affamées du nord de la bande de Gaza.
âPeu aprĂšs avoir passĂ© le dernier checkpoint au-delĂ de Zikim, le convoi est tombĂ© sur une foule de civils qui attendaient anxieusement de pouvoir accĂ©der aux vivres dont ils ont dĂ©sespĂ©rĂ©ment besoinâ, a dĂ©clarĂ© le PAM. âAlors que le convoi approchait, la foule a Ă©tĂ© prise sous le feu de chars israĂ©liens, de snipers et d'autres tireursâ. Le communiquĂ© ajoute : âCes hommes et ces femmes essayaient simplement d'accĂ©der aux vivres pour nourrir leurs familles, en proie Ă la famineâ.
Dimanche Ă©galement, neuf Palestiniens ont Ă©tĂ© tuĂ©s prĂšs d'un centre de distribution d'aide Ă Rafah, gĂ©rĂ© par la GHF. Ces tueries ont eu lieu au mĂȘme endroit oĂč, quelques jours plus tĂŽt, plus de 20 personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es lorsque des gardes du GHF ont gazĂ© des Palestiniens affamĂ©s enfermĂ©s dans le centre, provoquant la mort d'un grand nombre d'entre eux par suffocation et piĂ©tinement.
Ces meurtres quotidiens de Palestiniens désespérés, affamés et menacés de famine, plongent Gaza dans une situation d'urgence sans précédent. Le blocus total imposé par Israël le 2 mars a été officiellement levé le 27 mai, lorsque de rares distributions d'aide ont commencé dans quatre centres militarisés de la GHF, dont trois sont situés au sud de Gaza et un à Wadi Gaza. Les Palestiniens, dont une grande partie est au bord de la famine, doivent choisir entre mourir de faim et risquer leur vie dans ces centres de distribution d'aide.
âLes gens ont faim. Ils ne peuvent que rejoindre ces lieux de mort. Quoi qu'il arrive, ils meurentâ, a dĂ©clarĂ© Abu Maher Al-Masry, tĂ©moin des meurtres commis dimanche prĂšs du passage de Zikim. âJe suis adulte, incapable de marcher tellement j'ai faim. Je n'ai pas avalĂ© une seule bouchĂ©e de quoi que ce soit depuis plus d'un jourâ.
Dimanche, le ministÚre de la Santé a déclaré que 18 personnes sont mortes de faim la veille. Le ministÚre a publié un bulletin urgent précisant que
âun nombre sans prĂ©cĂ©dent de personnes affamĂ©es de tous Ăąges arrive aux urgences dans un Ă©tat d'Ă©puisement et de fatigue extrĂȘmes. Nous alertons sur le danger que courent des centaines de personnes dont le corps est Ă©maciĂ©, car leur organisme n'est plus en mesure de rĂ©sisterâ.
De nombreux rapports font état de Palestiniens fouillant les poubelles, raclant les restes de nourriture par terre et mangeant des ordures dans les rues. Selon l'ONU, prÚs d'une personne sur trois n'aurait pas mangé depuis plusieurs jours.
La journaliste Nahed Hajjaj a publié sur les réseaux sociaux :
âNe soyez pas surpris si nous, journalistes, cessons de couvrir l'actualitĂ© ici. Je jure devant Dieu qu'aujourd'hui, je n'ai pas pu me lever Ă cause de la faim. Il n'y a rien Ă manger. Avec ou sans argent, les marchĂ©s sont videsâ.
Le correspondant d'Al Jazeera, Anas al-Sharif, a fondu en larmes en direct devant l'hÎpital Al-Shifa, alors qu'une femme s'effondrait à proximité, terrassée par la faim.
âLes gens s'effondrent dans les rues, ils tombent morts d'inanitionâ, a-t-il dĂ©clarĂ©.
En réponse, un porte-parole de l'armée israélienne s'est moqué d'Al-Sharif sur les réseaux sociaux, affirmant qu'il verse des
âlarmes de crocodileâ et que ce ne serait quâune âmise en scĂšne de propagande du Hamasâ.
Au total, 86 Palestiniens, dont 76 enfants, sont morts de faim et de malnutrition depuis le dĂ©but de la guerre, a dĂ©clarĂ© dimanche le ministĂšre de la SantĂ©, qualifiant la situation de âmassacre silencieuxâ.
Philippe Lazzarini, directeur de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les rĂ©fugiĂ©s de Palestine (UNRWA), qui supervisait la distribution de l'aide Ă Gaza avant qu'IsraĂ«l n'impose un blocus et n'interdise l'accĂšs aux organisations indĂ©pendantes, a dĂ©clarĂ© sur les rĂ©seaux sociaux que la crise est âexclusivement créée par l'homme et en toute impunitĂ©â.
âDes stocks de nourriture sont disponibles Ă quelques kilomĂštres seulementâ, a-t-il dĂ©clarĂ© dimanche sur X. âĂ elle seule, l'UNRWA dispose de stocks suffisants Ă l'extĂ©rieur de Gaza pour nourrir toute la population pendant les trois prochains mois. Mais nous ne sommes pas autorisĂ©s Ă acheminer les vivres depuis le 2 marsâ.
La famine et la malnutrition s'aggravent alors que l'armĂ©e israĂ©lienne poursuit son offensive terrestre et multiplie les ordres d'Ă©vacuation. Plus de 86 % de la bande de Gaza se trouvent dĂ©sormais en âzone rougeâ, c'est-Ă -dire sous le coup d'un ordre d'Ă©vacuation ou dans une zone de combat.
samedi, pour la premiĂšre fois depuis le dĂ©but du massacre, l'armĂ©e israĂ©lienne a Ă©mis des ordres de dĂ©placement dans un secteur de Deir al-Balah, dans le centre de Gaza, qui s'Ă©tend jusqu'au littoral, le long du âcouloir de Kissufimâ. Deir al-Balah est l'une des rares zones oĂč les troupes terrestres israĂ©liennes n'ont que rarement opĂ©rĂ©, et oĂč sont basĂ©s les siĂšges de plusieurs agences des Nations unies et d'ONG mĂ©dicales. Cette mesure coupe en effet la route entre Deir al-Balah et les villes du sud, Khan Younis et Rafah. L'armĂ©e israĂ©lienne a ordonnĂ© aux habitants de rejoindre al-Mawasi, un camp de tentes situĂ© sur la cĂŽte sud et dĂ©signĂ© âzone humanitaireâ. Cependant, IsraĂ«l bombarde rĂ©guliĂšrement cette zone, tuant rĂ©cemment plus de 20 personnes, dont des enfants, qui s'abritaient dans des tentes lors d'une frappe aĂ©rienne dimanche.
Des ordres d'expulsion ont Ă©galement Ă©tĂ© renouvelĂ©s pour le nord de Gaza ; toute la zone situĂ©e au nord de la rue al-Quds et de la rue Salah Khalaf a Ă©tĂ© dĂ©signĂ©e âzone de combatâ, et interdite d'accĂšs.
La semaine derniĂšre, l'armĂ©e israĂ©lienne a annoncĂ© avoir achevĂ© le tracĂ© d'un couloir de 15 kilomĂštres Ă travers Khan Younis, Ă©tablissant ce qu'elle a appelĂ© le âcouloir Magen Ozâ, qui sĂ©pare l'est de l'ouest de la ville. Ce couloir est le dernier d'une sĂ©rie de zones créées par l'armĂ©e israĂ©lienne Ă coups de destructions Ă grande Ă©chelle afin de diviser la bande de Gaza en zones distinctes : le couloir Morag, qui jouxte Magen Oz et sĂ©pare Rafah de Khan Younis, le couloir Mefalsim, qui sĂ©pare le nord de la ville de Gaza, et le couloir Netzarim, qui longe Wadi Gaza et sĂ©pare le nord du sud.
L'offensive israĂ©lienne ne semble pas prĂȘte Ă ralentir, et la communautĂ© internationale ne prend aucune mesure pour contraindre IsraĂ«l Ă mettre fin Ă ses attaques et pour autoriser l'acheminement d'une aide d'urgence en quantitĂ© suffisante afin d'Ă©viter une famine gĂ©nĂ©ralisĂ©e.
âMaudit soit ce silence. Maudite soit cette famineâ, a dĂ©clarĂ© Eyad Amawi, reprĂ©sentant du ComitĂ© de secours de Gaza et coordinateur des ONG locales. âMaudit soit cet enfer, l'humanitĂ© a sombrĂ©â.
Traduit par Spirit of Free Speech
Jawa Ahmad, chercheur sur le Moyen-Orient pour Drop Site News, a contribué à ce rapport.
Quelle honte...đźâđš