đâđš Les prĂ©sidents amĂ©ricains prĂȘts Ă jouer la carte de l'Armageddon nuclĂ©aire
Le discours sur la guerre nucléaire est actuellement omniprésent. Nous avons désespérément besoin de dirigeants capables de guider la nation, et le monde, vers un avenir plus sûr.
đâđš Les prĂ©sidents amĂ©ricains prĂȘts Ă jouer la carte de l'Armageddon nuclĂ©aire
Par Jeffrey D. Sachs, le 30 mai 2024
La tùche premiÚre de tout président américain est d'assurer la sécurité de la nation. à l'Úre nucléaire, cela signifie avant tout éviter l'Armageddon nucléaire.
La politique étrangÚre irresponsable et incompétente de Joe Biden nous pousse vers l'anéantissement. Il complÚte une longue liste de présidents ayant parié sur l'Armageddon, y compris son prédécesseur et rival immédiat, Donald Trump.
Le discours sur la guerre nuclĂ©aire est actuellement omniprĂ©sent. Les dirigeants des pays de l'OTAN appellent Ă la dĂ©faite et mĂȘme au dĂ©mantĂšlement de la Russie, tout en nous disant de ne pas nous inquiĂ©ter des 6 000 ogives nuclĂ©aires dont dispose la Russie.
L'Ukraine utilise des missiles fournis par l'OTAN pour mettre hors d'état de nuire des sites abritant le systÚme russe d'alerte avancée en cas d'attaque nucléaire sur le territoire russe. La Russie, pour sa part, se livre à des manoeuvres nucléaires prÚs de sa frontiÚre avec l'Ukraine.
Le secrĂ©taire d'Ătat amĂ©ricain Antony Blinken et le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l'OTAN Jens Stoltenberg ont donnĂ© le feu vert Ă l'Ukraine pour recourir aux armes de l'OTAN afin de frapper le territoire russe si le rĂ©gime ukrainien, de plus en plus dĂ©muni et radical, le juge nĂ©cessaire. [La Russie a mis en garde contre les âgraves consĂ©quencesâ qu'entraĂźnerait l'utilisation de tels missiles Ă longue portĂ©e].
Ces dirigeants nĂ©gligent, Ă nos risques et pĂ©rils, la plus fondamentale des leçons de la confrontation nuclĂ©aire entre Ătats-Unis et Union soviĂ©tique lors de la crise des missiles de Cuba, telle que l'a relatĂ©e le prĂ©sident John F. Kennedy, l'un des rares prĂ©sidents amĂ©ricains de l'Ăšre nuclĂ©aire Ă avoir pris notre survie au sĂ©rieux. Au lendemain de la crise, Kennedy nous a dit, ainsi qu'Ă ses successeurs :
âAvant tout, et tout en dĂ©fendant leurs propres intĂ©rĂȘts vitaux, les puissances nuclĂ©aires doivent Ă©viter les confrontations qui contraignent l'adversaire Ă opter soit pour une dĂ©faite humiliante, soit pour une guerre nuclĂ©aire. Une telle attitude Ă l'Ăšre du nuclĂ©aire ne serait qu'une preuve de la faillite de notre politique ou d'un dĂ©sir collectif mortifĂšre pour notre planĂšteâ.
Pourtant, c'est exactement la politique irresponsable que M. Biden poursuit aujourd'hui.
Une guerre nuclĂ©aire peut parfaitement ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e par l'escalade d'une guerre âconventionnelleâ, juste parce qu'une tĂȘte brĂ»lĂ©e dotĂ©e du nuclĂ©aire dĂ©cide d'une premiĂšre frappe surprise, ou par une grossiĂšre erreur d'apprĂ©ciation.
Un sous-marin soviĂ©tique immobilisĂ© a Ă©tĂ© Ă deux doigts de lancer une torpille Ă tĂȘte nuclĂ©aire, alors que Kennedy et son homologue soviĂ©tique Nikita Khrouchtchev avaient nĂ©gociĂ© la fin de la crise des missiles de Cuba.
La plupart des présidents, et la plupart des Américains, ne savent pas à quel point nous sommes proches du gouffre. Le Bulletin of Atomic Scientists, fondé en 1947 en partie pour éviter au monde l'anéantissement nucléaire, a créé la Doomsday Clock [l'horloge du Jugement dernier] pour aider le public à comprendre la gravité des risques auxquels nous sommes confrontés.
Les experts en sĂ»retĂ© nationale ajustent l'horloge en fonction du temps qui nous sĂ©pare de âminuitâ, c'est-Ă -dire de l'extinction. Aujourd'hui, ils estiment qu'il ne reste plus que 90 secondes avant minuit, ce qui n'a jamais Ă©tĂ© le cas depuis l'avĂšnement de l'Ăšre nuclĂ©aire.
L'horloge est un indicateur utile pour dĂ©terminer quels prĂ©sidents ont âcomprisâ, et lesquels ont failli Ă leur mission. La triste rĂ©alitĂ© veut que la plupart des prĂ©sidents ont risquĂ© notre survie au nom des intĂ©rĂȘts nationaux, par vanitĂ© personnelle, par crainte dâattaques politiques ou par pure incompĂ©tence.
Selon un décompte clair et rigoureux, cinq présidents ont réussi à retarder l'échéance de minuit, tandis que neuf autres, dont les cinq plus récents, nous ont rapprochés de l'Armageddon.
Harry Truman était président lorsque l'horloge du Jugement dernier a été dévoilée en 1947, à minuit moins sept. Truman a attisé la course à l'armement nucléaire et a quitté le pouvoir alors que l'horloge n'affichait plus que minuit moins trois. Eisenhower a poursuivi la course à l'armement nucléaire, mais a également initié les premiÚres négociations avec l'Union soviétique en vue d'un désarmement nucléaire. Lorsqu'il a quitté ses fonctions, l'horloge marquait de nouveau minuit moins sept.
Kennedy a sauvé le monde grùce à son sang-froid lors de la crise des missiles de Cuba, au lieu de suivre les conseils de ses conseillers qui appelaient à la guerre (pour un compte-rendu détaillé, voir l'ouvrage magistral de Martin Sherwin, Gambling with Armageddon [Jouer avec l'Armageddon], 2020).
Il a ensuite négocié le traité d'interdiction partielle des essais nucléaires avec Khrouchtchev en 1963. à sa mort, qui pourrait bien avoir été provoquée par un attentat perpétré du gouvernement suite à l'initiative de paix de Kennedy, JFK a ramené l'horloge à minuit moins douze, ce qui constitue un exploit historique remarquable.
Mais la situation a empirĂ©. Lyndon Johnson a rapidement intensifiĂ© la guerre au ViĂȘt Nam, ramenant l'horloge Ă minuit moins sept. Richard Nixon a apaisĂ© les tensions avec l'Union soviĂ©tique et la Chine, et a conclu le traitĂ© de limitation des armes stratĂ©giques (SALT I), repoussant Ă nouveau l'horloge Ă minuit moins douze.
Pourtant, Gerald Ford et Jimmy Carter n'ont pas réussi à conclure le traité SALT II, et Carter a donné le feu vert à la C.I.A. en 1979 pour déstabiliser l'Afghanistan, ce qui s'est avéré fatal et vraiment peu judicieux. Lorsque Ronald Reagan est entré en fonction, il était minuit moins quatre.
Les douze années suivantes ont marqué la fin de la guerre froide. Le mérite en revient en grande partie à Mikhaïl Gorbatchev, qui a cherché à réformer l'Union soviétique sur les plans politique et économique et à mettre fin à la confrontation avec l'Occident.
Mais le mérite en revient également à Reagan et à son successeur George Bush, pÚre, qui ont travaillé avec succÚs avec Gorbatchev pour mettre fin à la guerre froide, suivie de la disparition de l'Union soviétique en décembre 1991.
Lorsque Bush a quitté ses fonctions, l'horloge du Jugement dernier indiquait minuit moins 17, soit le niveau de sécurité le plus élevé depuis le début de l'Úre nucléaire.
Malheureusement, l'establishment amĂ©ricain de la sĂ©curitĂ© Ă©tait incapable d'accepter un âouiâ en guise de rĂ©ponse lorsque la Russie a exprimĂ© un âouiâ catĂ©gorique aux relations pacifiques et Ă la coopĂ©ration. Il fallait que les Ătats-Unis âgagnentâ la guerre froide, pas seulement y mettre un terme.
Il leur fallait montrer qu'ils sont l'unique superpuissance du monde, celle qui dĂ©finira unilatĂ©ralement les principes d'un nouvel âordre fondĂ© sur des rĂšglesâ, pilotĂ© par les Ătats-Unis.
Les Ătats-Unis post-1992 ont donc initiĂ© des guerres et Ă©tendu leur vaste rĂ©seau de bases militaires comme bon leur semble, ignorant rĂ©solument et ostensiblement les lignes rouges tracĂ©es par d'autres nations, dans le but de contraindre leurs adversaires dotĂ©s du nuclĂ©aire Ă d'humiliantes capitulations.
Depuis 1992, l'ensemble des prĂ©sidents a plongĂ© les Ătats-Unis et le monde entier dans un Ă©tat plus proche de l'anĂ©antissement nuclĂ©aire que son prĂ©dĂ©cesseur. L'horloge du Jugement dernier indiquait minuit moins 17 lorsque Clinton est arrivĂ© au pouvoir, mais seulement moins neuf lorsqu'il l'a quittĂ©.
Bush a ramené l'horloge à minuit moins cinq, Obama à minuit moins trois et Trump à minuit moins cent. Aujourd'hui, M. Biden a réduit la durée à 90 secondes.
Les Ătats-Unis de Biden se sont engagĂ©s dans trois crises majeures, dont chacune pourrait dĂ©boucher sur l'Armageddon. En persistant Ă vouloir Ă©largir l'OTAN Ă l'Ukraine, au mĂ©pris des lignes rouges fixĂ©es par la Russie, M. Biden a poussĂ© Ă plusieurs reprises la Russie Ă une retraite des plus humiliantes.
En prenant le parti d'un Israël génocidaire, il a relancé une nouvelle course à l'armement au Moyen-Orient et un conflit qui s'étend dangereusement dans la région.
En dĂ©fiant la Chine Ă propos de TaĂŻwan, que les Ătats-Unis reconnaissent ostensiblement comme appartenant Ă une seule Chine, il est en train de provoquer une guerre avec la Chine. Trump a Ă©galement attisĂ© les tensions nuclĂ©aires sur plusieurs fronts, en particulier avec la Chine et l'Iran.
Washington semble n'avoir qu'une seule idĂ©e en tĂȘte ces derniers temps : davantage de fonds pour les guerres en Ukraine et Ă Gaza, davantage d'armements pour TaĂŻwan. Nous nous rapprochons toujours plus de l'Armageddon. Les sondages montrent que le peuple amĂ©ricain dĂ©sapprouve massivement la politique Ă©trangĂšre des Ătats-Unis, mais son opinion ne compte guĂšre.
Nous devons appeler à la paix par tous les moyens. La survie de nos enfants et petits-enfants en dépend.
* Jeffrey D. Sachs est professeur universitaire et directeur du Center for Sustainable Development at Columbia University pour le dĂ©veloppement durable, oĂč il a dirigĂ© The Earth Institute de 2002 Ă 2016. Il est Ă©galement prĂ©sident du RĂ©seau des rĂ©solutions des Nations unies pour le dĂ©veloppement durable, et commissaire auprĂšs de la Commission des Nations unies pour le dĂ©veloppement Ă haut dĂ©bit.
https://consortiumnews.com/2024/05/30/us-presidents-who-gamble-with-nuclear-armageddon/